Skip to main content

Décisions | Chambre de surveillance

1 resultats
C/819/2018

DAS/164/2024 du 17.07.2024 sur DTAE/1829/2024 ( PAE ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/819/2018-CS DAS/164/2024

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU MERCREDI 17 JUILLET 2024

 

Recours (C/819/2018-CS) formé en date du 22 avril 2024 par Monsieur A______, domicilié ______ (Genève), représenté par Me B______, avocate.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 18 juillet 2024 à :

- Monsieur A______
c/o Me B______, avocate.
______, ______ [GE].

- Madame C______
Monsieur D______
SERVICE DE PROTECTION DE L'ADULTE
Route des Jeunes 1C, case postale 107, 1211 Genève 8.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

 


EN FAIT

A.           Le 24 mars 2023, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après : le Tribunal de protection) a instauré une curatelle de représentation et de gestion confiée à deux collaborateurs du Service de protection de l'adulte (ci-après : SPAd) en faveur de A______, né le ______ 1939, originaire de Genève, dans le contexte de troubles cognitifs légers et de multiples hospitalisations empêchant la sauvegarde de ses affaires administratives et financières.

Il ressortait d'un rapport médical des HUG que A______ était connu pour des troubles cognitifs légers d'origine mixte avec composante neurodégénérative de type Alzheimer et une composante vasculaire, semblant évoluer défavorablement. Il avait subi de multiples hospitalisations et n'était pas capable de gérer ses affaires administratives et financière de manière durable.

Le 25 août 2023, la Chambre de surveillance de la Cour a déclaré irrecevable le recours déposé contre cette décision par l'intéressé.

B. a. En date des 15 septembre et 11 octobre 2023, A______ s'est opposé, par divers courriers adressés à diverses instances, à la mesure de curatelle instaurée et en a requis la levée.

Le 30 novembre 2023, les curateurs de l'intéressé ont informé le Tribunal de protection que leur protégé s'opposait fermement à la curatelle et maintenait son souhait que celle-ci soit levée. Il refusait tout contact avec le SPAd mais recevait quotidiennement l'Institution genevoise de maintien à domicile (ci-après : IMAD). Ses curateurs doutaient de sa bonne gestion financière et sociale. A titre d'exemple, il avait quatre abonnements téléphoniques et sollicitait régulièrement l'IMAD pour déposer du courrier à la poste.

Il ressort du rapport d'entrée du 15 décembre 2023 des curateurs que le protégé était frappé de deux poursuites pour un montant de 4'700 fr. et d'actes de défaut de biens pour une somme de plus de 30'000 fr. Ses revenus ne sont constitués que d'une rente AVS et de prestations complémentaires. Il n'a pas de fortune.

b. B______ a été désignée le 4 décembre 2023 par le Tribunal de protection en qualité de curatrice d'office de A______. Par observations du 30 janvier 2024, elle a sollicité la tenue d'une audience afin que soient entendus le médecin traitant, l'infirmier de l'IMAD et le service social de E______ (ci-après : E______) où résidait A______. Elle relevait en substance que l'évolution de l'état de santé somatique de l'intéressé était favorable et qu'il n'existait pas de trouble cognitif majeur ou décompensé. Toutefois, sa santé restait fragile et la levée éventuelle de la curatelle devait être conditionnée à la mise en place de mesures permettant le règlement de ses factures.

c. Le Tribunal de protection a tenu une audience le 1er mars 2024, lors de laquelle il a entendu le protégé, le remplaçant de la curatrice d'office, la curatrice auprès du SPAd, une chef de clinique en gériatrie aux HUG et le médecin traitant de A______, une collaboratrice de l'IMAD, et un gérant social de E______.

La Dre F______, médecin traitant, a expliqué qu'il ressortait d'un bilan neuropsychologique complet effectué le 23 juin 2023, que A______ souffrait notamment de troubles neurocognitifs mineurs d'origine mixte (neurodégénérative type Alzheimer et vasculaire), ainsi que d'un probable trouble bipolaire qui avait été traité jusqu'en 2019. Depuis 2019, il y avait eu quelques fluctuations de thymie mais non violente et, récemment, un gros épisode dépressif.

L'intéressé était capable de relever son courrier mais avait des difficultés s'agissant du tri et en particulier de la priorisation de ce dernier. Avant la mise en œuvre de la curatelle, il avait été constaté qu'il avait oublié de payer des loyers et qu'il avait ouvert quatre comptes téléphoniques. En phase dépressive, il ne s'occupait plus de ses affaires tandis qu'en phase maniaque, il risquait de faire des achats compulsifs ou non nécessaires. Elle estimait qu'il avait besoin d'aide pour gérer ses affaires administratives, financières et juridiques. S'agissant de l'assistance personnelle, la situation était sous contrôle grâce à l'IMAD. L'intéressé était capable de comprendre les conséquences de ses choix en matière médicale. S'agissant de sa capacité à contrôler les activités d'un mandataire, la médecin s'est dit inquiète en raison du trouble bipolaire dont il souffrait, car ses capacités pouvaient fluctuer.

La représentante de l'IMAD a expliqué que l'intéressé avait été collaborant aux soins ces quatre dernières années mais qu'il refusait tout ce qui n'allait pas dans son sens. Il était capable de demander de l'aide supplémentaire s'il en avait besoin dans le cadre de son assistance personnelle.

L'assistant social de E______ a pour sa part déclaré qu'il ne s'occupait pas de l'administratif de A______ du fait de l'existence de la curatelle. [L'établissement] E______ pouvait soutenir les résidents dans des démarches administratives mais, dans le cas présent, le problème résidait dans le fait que le résident était trop demandeur pour la disponibilité de E______ et qu'il avait trop d'impayés. Une nouvelle prise en charge de son administration n'était pas envisageable.

Quant à la curatrice du SPAd, elle a déclaré que toutes les factures du protégé parviennent au service qui les paye. De plus, l'intéressé reçoit deux fois par mois 450 fr. sur son compte à libre disposition. Elle a conclu au maintien de la curatelle.

A______ a persisté dans son opposition au maintien de la mesure. S'agissant de la gestion de ses affaires administratives, il était prêt à collaborer avec un "autre service". Sur le principe, il a admis qu'il avait un certain besoin d'aide pour gérer ses affaires, mais pouvait en gérer une partie. S'il en avait besoin, il pourrait avoir recours à l'aide de tiers externes. Il a en outre expliqué devoir une somme de plusieurs milliers de francs de frais dentaires, ignorant qu'il pouvait se faire rembourser ces frais par le service des prestations complémentaires.

Le représentant de la curatrice d'office a conclu principalement à ce que le Tribunal de protection prononce la mainlevée de la curatelle de représentation et de gestion et, subsidiairement, à ce qu'il ordonne une curatelle de coopération en matière contractuelle avec un droit de regard sur les comptes bancaires de l'intéressé.

C. Par ordonnance DTAE/1829/2024 du 1er mars 2024, communiquée le 22 mars 2024 pour notification, le Tribunal de protection a rejeté la demande de mainlevée de la mesure de curatelle de représentation et de gestion instaurée le 24 mars 2023 en faveur de A______, né le ______ 1939, originaire de Genève (ch. 1 du dispositif), rejeté la demande de modification de la mesure de curatelle de représentation et de gestion en une curatelle de coopération (ch. 2) et laissé les frais judiciaires à la charge de l’État (ch. 3).

En substance, il a considéré que les troubles dont souffre le protégé, avec des épisodes maniaques et dépressifs profonds, entravent sa capacité de gestion de ses affaires comme le démontre le fait qu'il avait oublié de payer des loyers et que le service social de sa résidence ne souhaite plus s'occuper de la gestion administrative de ses affaires du fait qu'il a trop d'impayé. La situation n'avait pu être rétablie que grâce à la mesure de curatelle instaurée. Par ailleurs seule une curatelle de représentation et gestion est conforme à la mission donnée et aux besoins, une curatelle de coopération n'étant pas suffisante à pallier la gestion "douteuse" du protégé particulièrement durant les épisodes aigus de son trouble bipolaire.

D. Par acte du 22 avril 2024, A______ a recouru contre ladite ordonnance concluant à son annulation et à ce que la mesure prononcée soit levée, subsidiairement à ce qu'elle soit transformée en une curatelle de coopération en matière contractuelle accompagnée d'un droit de regard, sous suite de frais.

En substance, il soutient que les circonstances se sont modifiées depuis l'instauration de la mesure de curatelle et que la décision prise viole le principe de subsidiarité. Il ne conteste pas souffrir de troubles somatiques (déplacement en chaise roulante ou déambulateur) et de troubles psychiques, les troubles mégalomaniaques s'étant manifestés pour la dernière fois en 2018. Contestant le diagnostic de trouble bipolaire, il ne remet toutefois pas en cause son besoin d'aide dans le domaine administratif. Cela étant, son état mental stable, son état physique amélioré (plus d'hospitalisation depuis 2022), la mise en place de l'aide de l'IMAD et sa fréquentation d'un foyer de jour, de même que sa collaboration avec les services sociaux pour son administration, si besoin, sont à son avis suffisants. Il est capable de désigner un mandataire en cas de besoin.

Subsidiairement, le principe de proportionnalité commande que seule une curatelle de coopération en matière contractuelle, avec un droit de regard soit instaurée, suffisants pour vérifier que le recourant ne prend pas d'engagement excessif et que ses paiements soient effectués.

Le Tribunal de protection n'a pas souhaité revoir sa décision.

Les curateurs du SPAd n'ont pas déféré à la requête de prise de position.

EN DROIT

1. Les décisions du Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant sont susceptibles de faire l'objet d'un recours auprès de la Chambre de surveillance de la Cour de justice dans un délai de trente jours à compter de leur notification (art. 450 al. 1 et 450b al. 1 CC, 53 al. 1 et 2 LaCC, 126 al. 3 LOJ).

Le recours doit être dûment motivé et interjeté par écrit (art. 450 al. 3 CC). Disposent notamment de la qualité pour recourir les personnes parties à la procédure (art. 450 al. 2 ch. 1 CC).

1.2 En l'espèce, interjeté auprès de l'autorité compétente dans le délai utile de trente jours et selon la forme prescrite par la loi, par la personne concernée, le recours est recevable.

1.3 La Chambre de surveillance examine la cause librement, en fait, en droit, et sous l'angle de l'opportunité (art. 450a al. 1 CC).

Les maximes inquisitoire et illimitée d'office sont applicables, de sorte que la Cour n'est pas liée par les conclusions des parties (art. 446 CC).

2. 2.1 Les mesures prises par l'autorité de protection garantissent l'assistance et la protection de la personne qui a besoin d'aide (art. 388 al. 1 CC). Elles préservent et favorisent autant que possible leur [recte : son] autonomie (art. 388 al. 2 CC).

A teneur de l'art. 389 al. 1 ch. 1 CC, l'autorité de protection de l'adulte ordonne une mesure de protection lorsque l'appui fourni à la personne ayant besoin d'aide par les membres de sa famille, par d'autres proches ou par des services privés ou publics ne suffit pas ou semble a priori insuffisant. Cette disposition exprime le principe de la subsidiarité (art. 389 al. 1 ch. 1 CC).

Une mesure de protection de l'adulte n'est ordonnée par l'autorité que si elle est nécessaire et appropriée (art. 389 al. 2 CC).

L’art. 389 al. 1 CC exprime le principe de la subsidiarité. Cela signifie que lorsqu’elle reçoit un avis de mise en danger, l’autorité doit procéder à une instruction complète et différenciée lui permettant de déterminer si une mesure s’impose et, dans l’affirmative, quelle mesure en particulier (HÄFELI, CommFam Protection de l’adulte, ad art. 89 CC, n. 10 et 11).

Selon l’art. 390 CC, l’autorité de protection de l’adulte institue une curatelle, notamment lorsqu’une personne majeure est partiellement ou totalement empêchée d’assurer elle-même la sauvegarde de ses intérêts en raison d’une déficience mentale, de troubles psychiques ou d’un autre état de faiblesse qui affecte sa condition personnelle (ch. 1).

Une curatelle de représentation est instituée lorsque la personne qui a besoin d'aide ne peut accomplir certains actes et doit de ce fait être représentée (art. 394 al. 1 CC). Ces tâches concernent l'assistance personnelle, la gestion du patrimoine (art. 395 al. 1 CC) et les rapports juridiques avec les tiers (art. 391 al. 2 CC).

Une curatelle de coopération est instituée lorsque, pour sauvegarder les intérêts d'une personne qui a besoin d'aide, il est nécessaire de soumettre certains actes à l'exigence du consentement du curateur (art. 396 al. 1 CC).

Aux termes de l'art. 399 al. 2 CC, l'autorité de protection lève la curatelle si elle n'est plus justifiée, d'office ou à la requête de la personne concernée ou de l'un de ses proches. Pour qu'elle ne soit plus justifiée, il faut que les conditions à son prononcé ne soient plus réalisées. La mesure doit être levée lorsqu'elle n'apparaît plus nécessaire, ce qui peut être dû à une modification des circonstances de fait, mais aussi à une appréciation désormais différente de l'autorité (MEIER, CommFam Protection de l'adulte, ad art. 399 CC, no. 15).

2.2 En l'espèce, le recourant soutient que sa situation personnelle s'est modifiée suffisamment depuis l'instauration de la mesure pour que celle-ci puisse être levée, respectivement transformée en une mesure moins incisive.

La Cour relève d'entrée de cause que le recourant, d'une part, admet cependant qu'il a besoin d'aide en matière administrative et, d'autre part, ne conteste plus le caractère nécessaire de la mesure initialement instaurée au moment où elle l'a été.

Or, avec le Tribunal de protection, l'on constate, comme cela ressort du dossier soumis à la Cour, que si la gestion administrative des affaires du recourant est actuellement en ordre, c'est précisément l'une des conséquences de la mise en œuvre de la curatelle instaurée. Certes, le recourant ne semble plus avoir fait récemment l'objet d'une hospitalisation, mais cela est sans doute dû au hasard, plus qu'à une évolution favorable de ses symptômes. Le dossier enseigne que c'est précisément à l'aggravation soudaine de ces symptômes que la curatelle de gestion prononcée doit pouvoir aussi pallier, de sorte que l'administration des affaires de recourant ne tombe pas en déréliction comme par le passé, en cas de décompensation, de crise maniaque ou d'hospitalisation.

De la sorte, les conditions au prononcé d'une mesure de protection sont toujours réalisées. Le recourant est âgé de 84 ans et sa symptomatologie n'a pas changé. Elle évolue sur le long terme défavorablement, même si les troubles neurodégénératifs semblent stabilisés en l'état. Enfin, il ressort de l'instruction menée par le Tribunal de protection que les services sociaux divers ne sont plus enclin à prendre en charge ladite administration de la gestion des affaires du recourant du fait de l'ampleur de la tâche et de la collaboration aléatoire de celui-ci.

La nécessité d'une mesure de protection doit être confirmée. 

S'agissant du choix du type de curatelle, avec le Tribunal de protection, la Cour considère que c'est bien l'entier de la gestion administrative et financière du recourant qui doit faire partie de la mission des curateurs et non uniquement une coopération en matière contractuelle. Par ailleurs, un droit de regard, tel que proposé, serait insuffisant en cas de nouvelle hospitalisation (plausible au vu du dossier) du recourant. La mesure choisie est donc proportionnée.

En définitive le recours est rejeté, et la décision attaquée confirmée.

3. Au vu des moyens limités du recourant, les frais judiciaires seront laissés à la charge de l’État (art. 52 al. 1 LaCC) et l'avance de frais payée lui sera restituée.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 22 avril 2024 par A______ contre l'ordonnance DTAE/1829/2024 rendue le 1er mars 2024 par le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant dans la cause C/819/2018.

Au fond :

Le rejette.

Sur les frais :

Arrête les frais de recours à 400 fr.

Les laisse à la charge de l'Etat de Genève.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer à A______ l'avance de frais de 400 fr. versée.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE et Stéphanie MUSY, juges; Madame Carmen FRAGA, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.