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Décisions | Chambre de surveillance

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C/16553/2022

DAS/165/2024 du 17.07.2024 sur DTAE/3018/2024 ( PAE ) , ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/16553/2022-CS DAS/165/2024

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU MERCREDI 17 JUILLET 2024

 

Recours (C/16553/2022-CS) formé en date du 18 mai 2024 par Madame A______, domiciliée ______ [GE] (Genève).

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 18 juillet 2024 à :

- Madame A______
______, ______ [GE].

- Madame B______
Madame C______
SERVICE DE PROTECTION DES MINEURS
Route des Jeunes 1E, case postale 75,1211 Genève 8.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

Décision communiquée par publication dans la Feuille d'avis officielle à :

-       Monsieur D______
sans domicile, ni résidence connus.

 


EN FAIT

A. Le mineur E______, né le ______ 2020, est issu de la relation hors mariage entre A______ et D______, lequel a reconnu sa paternité sur l'enfant.

B. Suite à un signalement du 26 août 2022 du Service de protection des mineurs (ci-après : SPMi), intervenant dans le cadre de l'examen de la situation de la demi-sœur du mineur, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après : le Tribunal de protection) a, en date du 31 août 2022, mandaté ledit Service aux fins d'effectuer une évaluation sociale et de rendre son préavis quant à l'éventuelle nécessité de prononcer des mesures de protection concernant ledit mineur.

Dans son rapport du 10 novembre 2022, le SPMi a préavisé au Tribunal de protection d'instaurer une curatelle d'assistance éducative en faveur du mineur et d'exhorter la mère à se prêter à une mesure d'Action éducative en milieu ouvert (AEMO).

A l'appui de ces recommandations, ledit Service a expliqué que le mineur habitait avec sa mère, son demi-frère et sa demi-sœur. Il n'avait eu que peu de contacts avec son père et aucun rythme de visite n'avait été établi entre eux. Il présentait un retard de développement au niveau psychomoteur et un éventuel trouble du spectre autistique. Depuis 2020, il fréquentait la crèche "F______" à raison de quatre jours par semaine. Il y bénéficiait d'un soutien externe pour enfants à besoins éducatifs particuliers (BEP), ce à raison de douze heures par semaine, et disposait également d'un suivi à domicile avec une intervenante du Service éducatif itinérant (SEI). La directrice de la crèche avait constaté une évolution positive du mineur, tant au niveau du langage que des interactions et des injonctions des adultes, et précisé que la mère collaborait de façon positive.

Par ordonnance du 5 avril 2023, le Tribunal de protection a donné suite (sans autre) au préavis précité et instauré une mesure de curatelle d'assistance éducative à l'égard de la mère, suite à quoi, celle-ci a été rappelée à son obligation de collaborer avec les curateurs désignés par ledit tribunal, lors de son audience du 9 août 2023.

Cette ordonnance a été annulée, sur recours de la mère, par arrêt DAS/248/2023 du 18 octobre 2023 de la Chambre de surveillance, au motif que le Tribunal de protection avait ordonné au fond une mesure de protection de l'enfant sans avoir auditionné les parties au préalable.

C. Par courrier du 30 novembre 2023, le SPMi a préconisé l'instauration d'une "mesure de protection et d'accompagnement judiciaire (PAJ)" (sic) en faveur du mineur.

Le SPMi faisait part d'inquiétudes relatives à la prise en charge au quotidien de l'enfant, lequel serait peu stimulé au domicile et souvent devant les écrans, ce qui était contre-indiqué en cas de trouble du spectre autistique (TSA). Un accompagnement socio-éducatif soutenu à domicile permettrait en outre de poser des limites au mineur, de se confronter à ses moments de crises et de trouver des moyens pour stimuler l'enfant en adéquation avec son trouble.

Lors de l'audience du Tribunal de protection du 10 janvier 2024, la mère de l'enfant a produit diverses attestations, confirmant la mise en place d'un suivi en psychomotricité à raison d'une fois par semaine depuis septembre 2022, d'un suivi en logopédie à raison d'une heure par semaine depuis septembre 2023, ainsi que d'un suivi à la Guidance infantile depuis avril 2022 à raison d'une fois par mois. A teneur de la dernière attestation, l'ensemble des thérapies suivies par l'enfant permettait de soutenir le mineur dans son développement et de le faire progresser. Sur la base de cette évolution positive, elle estimait que l'intervention d'un éducateur AEMO n'était plus nécessaire. Elle a par ailleurs accepté de solliciter, sur demande du Tribunal de protection, un bilan cognitif de la Guidance infantile à faire parvenir audit tribunal dès réception.

Entendue à la même audience, la représentante du SPMi a persisté à solliciter l'instauration d'une curatelle d'assistance éducative dans la mesure, notamment où le bilan de l'éducatrice AEMO préconisait une poursuite de son intervention jusqu'à l'entrée de l'enfant à l'école en septembre 2024. Elle a toutefois indiqué ne pas être au courant du soutien externe mis en place par la crèche à raison de douze heures par semaine.

La mère a donné son consentement quant à la désignation d'un coordinateur des divers intervenants, mais s'est toutefois opposée à une nouvelle intervention à son domicile.

D. Par ordonnance datée du 10 janvier 2024 mais communiquée aux parties pour notification le 7 mai 2024, le Tribunal de protection, statuant sur mesures provisionnelles, a instauré un droit de regard et d'information en faveur du mineur E______, né le ______ 2020 (ch. 1 du dispositif), désigné deux intervenantes en protection de l'enfant au sein du SPMi aux fonctions de surveillantes du mineur (ch. 2), invité le Service de protection des mineurs à effectuer ultérieurement un point de situation, puis à adresser au Tribunal de protection, d'ici au 30 septembre 2024, un rapport complémentaire décrivant l'évolution de la situation et formulant son préavis sur les éventuelles mesures additionnelles à envisager au fond, au regard des besoins de l'enfant et de l'évolution des circonstances (ch. 3), notamment.

E. Par acte expédié le 18 mai 2024 à l'adresse de la Cour, la mère de l'enfant a recouru contre cette ordonnance concluant à son annulation. Elle expose avoir mis en place tous les suivis nécessaires à son enfant de sorte qu'une mesure de protection n'est pas nécessaire. Elle estime l'intervention du SPMi improductive dans la mesure où elle la vit comme une intrusion. Elle produit une attestation du psychologue qui suit le mineur depuis deux ans, datée du 15 mai 2024, de laquelle il ressort que le suivi de l'enfant mis en place et régulier permet de le soutenir et de le faire progresser. Le suivi en question consiste en une guidance parentale à raison d'une fois par mois, ainsi que de thérapies hebdomadaires en logopédie et psychomotricité. De plus une procédure d'évaluation standardisée a été effectuée en novembre 2023 en vue d'une orientation de l'enfant dans l'enseignement spécialisé pour août 2024.

Le 24 mai 2024, le Tribunal de protection a informé la Cour de ce qu'il ne souhaitait pas revoir sa décision.

Le 31 mai 2024, le SPMi, se référant à une disposition qui ne s'applique pas à lui, a exposé persister dans les termes de son préavis antérieur.

Requis, le père ne s'est pas manifesté.

Suite à quoi les parties ont été informées que la cause était gardée à juger le 9 juillet 2024.

EN DROIT

1. 1.1 Les dispositions de la procédure devant l’autorité de protection de l’adulte sont applicables par analogie pour les mesures de protection de l’enfant (art. 314 al. 1 CC).

Les décisions de l’autorité de protection peuvent faire l’objet d’un recours devant la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 450 al. 1 CC; art. 53 al. 1 LaCC). Ont qualité pour recourir, les personnes parties à la procédure, les proches de la personne concernée, ainsi que les personnes ayant un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée (art. 450 al. 2 ch. 1 à 3 CC). Le recours, interjeté par écrit, doit être dûment motivé (art. 450 al. 3 CC). Le délai de recours est de trente jours à compter de la notification de la décision (art. 450b al. 1 CC).

1.2 En l’espèce, déposé par la mère de l'enfant, dans les forme et délai prévus par la loi, par-devant l’autorité compétente, le recours est recevable.

1.3 La Chambre de surveillance dispose d’un plein pouvoir de cognition. Elle n’est pas liée par les conclusions des parties et applique le droit d’office (art. 446 al. 3 et 4 CC).

2. 2.1 Les mesures de protection de l’enfant sont soumises aux principes de proportionnalité, de subsidiarité et de complémentarité. D’une part, la mesure ordonnée doit être apte à atteindre le but de protection visé et nécessaire à cette fin; elle doit d'autre part être la plus légère possible pour atteindre le but de protection et n’intervenir que lorsque le but de protection poursuivi ne peut être atteint par un autre biais (MEIER, CR-CC I ad art. 307 à 315b, n. 33 et ss).

L'autorité de protection de l'enfant prend les mesures nécessaires pour protéger l'enfant si son développement est menacé et que les père et mère n'y remédient pas d'eux-mêmes ou sont hors d'état de le faire (art. 307 al. 1 CC). Elle peut en particulier rappeler les père et mère, les parents nourriciers ou l'enfant à leurs devoirs, donner des indications ou instructions relatives aux soins, à l'éducation et à la formation de l'enfant, et désigner une personne ou un office qualifié qui aura un droit de regard et d'information (art. 307 al. 3 CC).

L'autorité peut ainsi confier à une personne (un travailleur social ou un psychologue) ou à un office le droit de regard et d'information. La personne ou le service ne se voit pas investi de pouvoir propre. Son rôle consiste à surveiller le développement de l'enfant d'une manière générale ou – comme cela sera le plus souvent le cas – par rapport à des éléments spécifiques sur lesquels l'autorité aura attiré son attention, soit par exemple des problèmes de santé ou de suivi scolaire. Le droit de regard et d'information permet à l'intéressé de se renseigner auprès des père et mère de l'enfant, mais aussi auprès des tiers dans la mesure nécessaire à l'accomplissement de sa mission. Dans cette mesure, le secret de fonction ou le secret professionnel ne lui sont pas opposables (MEIER, op.cit., no 18 ad art. 307 CC).

Bien que figurant au bas de l'échelle des mesures de protection, le droit de regard et d'information peut aisément être assimilé par les intéressés à une immixtion de l'autorité publique dans la sphère privée familiale (MEIER op. cit. no 21 ad art. 307 CC).

Il n'y a pas de place pour l'intervention de l'autorité lorsque les père et mère remédient eux-mêmes à la mise en danger de l'enfant, la responsabilité individuelle et la liberté dans l'organisation de la vie privée et familiale étant les fondements de la prise en charge des enfants par les père et mère, et que l'intervention étatique pourra devenir superflue si ceux-ci font appel à une aide extérieure volontaire, telles les institutions publiques ou privées de protection de la jeunesse (CR- MEIER, op. cit. ad art. 307 à 315b, n° 37-38).

2.2 Dans le cas d’espèce, la décision prise se fonde essentiellement sur une demande formulée par le SPMi en août 2022, ledit service suivant également la demi-sœur du mineur.

Or, depuis lors, les craintes, par ailleurs limitées, liées au développement de l'enfant, qui souffre d'un trouble autistique, et à sa stimulation, ont été prises en charge par la mère, tout d'abord avec l'aide des intervenants au dossier. Il ressort des dernières pièces produites, et notamment du rapport de suivi du psychologue de l'enfant produit par devant la Cour par la recourante, que l'enfant bénéficie de toute la structure adaptée qui pouvait être mise en place pour lui, et ce avec l'accord et la collaboration de la recourante. Ce suivi consiste, comme rappelé dans la partie en fait du présent arrêt, en des séances mensuelles avec un psychologue et des séances hebdomadaires de logopédie et de psychomotricité, ces suivis devant notamment permettre l'entrée de l'enfant en classe spécialisée dès août 2024. Le Tribunal de protection en est convenu, considérant que la situation de l'enfant s'était améliorée et renonçant à prononcer une mesure de curatelle d'assistance éducative, requise par le SPMi.

Dans la mesure où aucun danger d'un autre type pour l'enfant ne ressort de manière concluante de la procédure, en particulier en ce qui concerne les capacités de la recourante à s'en occuper et à en prendre soin, il doit être admis qu'il n'y a pas place pour une intervention étatique à l'heure actuelle relative à cet enfant. Il doit être rappelé à ce stade que l'intervention étatique est subsidiaire et que la responsabilité primaire d'éducation incombe naturellement en premier lieu aux parents.

Par conséquent, même si le droit de regard instauré est la mesure de protection la plus faible légalement prévue, les conditions pour l'instauration d'une mesure légale de protection ne sont pas remplies, de sorte que la décision attaquée sera annulée et la mesure instaurée levée.

Quoiqu'il en soit, en cas de besoin subséquent, n'importe quel intervenant pourra en tout temps s'adresser, le cas échéant, au Tribunal de protection pour réexamen de la situation.

3.  La procédure est gratuite (art. 81 al. 1 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 18 mai 2024 par A______ contre l'ordonnance DTAE/3018/2024 rendue le 10 janvier 2024 par le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant dans la cause C/16553/2022.

Au fond :

Annule la décision attaquée.

Sur les frais :

Dit que la procédure est gratuite.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE et Stéphanie MUSY, juges; Madame Jessica QUINODOZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.