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Décisions | Chambre de surveillance

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C/5704/2016

DAS/163/2024 du 10.07.2024 sur DTAE/743/2024 ( PAE ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/5704/2016-CS DAS/163/2024

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU MERCREDI 10 JUILLET 2024

 

Recours (C/5704/2016-CS) formé en date du 13 mars 2024 par Madame A______, domiciliée ______ (Genève), représentée par Me Razi ABDERRAHIM, avocat.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 17 juillet 2024 à :

- Madame A______
c/o Me Razi ABDERRAHIM, avocat.
Rue François-Versonnex 7, 1207 Genève.

- Madame B______
Monsieur C______
______, ______ [GE].

- Madame D______
Madame E______
SERVICE DE PROTECTION DES MINEURS
Route des Jeunes 1E, case postale 75,1211 Genève 8.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

 


EN FAIT

A.           a) A______ a donné naissance, hors mariage, le ______ 2019 à Genève au mineur F______, lequel est dépourvu de filiation paternelle. La garde de l'enfant lui a été retirée par clause péril du 25 octobre 2019 pour défaut de soins et comportements inadéquats.

Elle est également la mère d'une fille, G______, née d'une autre relation le ______ 2016, placée en famille d'accueil.

b) Par décisions des 20 novembre 2019, 20 février 2020 et 1er octobre 2020, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après: le Tribunal de protection) a retiré le droit de déterminer le lieu de résidence et la garde du mineur F______ à sa mère et ordonné son placement en famille d'accueil. Diverses mesures de protection ont également été prononcées en sa faveur.

c) Les relations personnelles entre le mineur et sa mère ont toujours été exercées sous surveillance, dans un cadre thérapeutique. Elles ont été suspendues à plusieurs reprises, dont en dernier lieu le 20 octobre 2022, suite à un épisode de violence de la mère en présence de l'enfant.

d) Le 1er décembre 2023, les curatrices de F______ ont sollicité du Tribunal de protection qu'il autorise la famille d'accueil du mineur à partir avec l'enfant en Indonésie du 30 mars au 4 août 2024. Elles ont indiqué que le mineur était pleinement intégré dans sa famille d'accueil, le projet de voyage étant mûrement réfléchi et conforme à l'intérêt de l'enfant.

e) Par courrier du 26 janvier 2024, A______ s'est opposée à ce voyage en raison du jeune âge de l'enfant et de la trop longue durée du séjour projeté.

B.            Par ordonnance DTAE/743/2024 du 1er février 2024, le Tribunal de protection a autorisé B______ et C______ (famille d'accueil) à voyager en Indonésie avec le mineur F______ pendant la période du 30 mars au 4 août 2024 (chiffre 1 du dispositif), autorisé B______ et C______ à représenter seuls, soit sans le concours de sa mère A______, le mineur F______ dans toutes les démarches utiles à la préparation du voyage et pendant le séjour (ch. 2), limité en conséquence l'autorité parentale de A______ sur le mineur (ch. 3), déclaré la décision immédiatement exécutoire, nonobstant recours (ch. 4) et laissé les frais à la charge de l'Etat (ch. 5).

Le Tribunal de protection a retenu, en substance, que l'enfant étant intégré dans sa famille d'accueil, dans laquelle il vivait depuis son plus jeune âge, son intérêt était de pouvoir partir avec celle-ci pour la période souhaitée et commandait que la décision soit déclarée immédiatement exécutoire, en particulier vu l'imminence du voyage.

C.           a) Par acte expédié le 13 mars 2024 à la Chambre de surveillance de la Cour de justice, A______ a recouru contre cette ordonnance, concluant à son annulation et, cela fait, à ce qu'il soit fait interdiction à B______ et C______ de voyager avec le mineur F______ en Indonésie. Elle a également formé une requête de restitution de l'effet suspensif.

Elle estimait que le voyage n'était pas dans l'intérêt du mineur et compromettait sa stabilité.

b) Le 24 mars 2024, B______ et C______ ont conclu au rejet de la requête de restitution de l'effet suspensif.

Le mineur F______ était placé auprès d'eux depuis qu'il avait quatre mois et ils fonctionnaient comme parents au quotidien. Le voyage relevait d'un projet familial pour lequel ils avaient obtenu un congé sans solde de leur employeur respectif. F______ fréquentait la crèche à raison de trois jours par semaine. Etant de la fin de l'année, il n'avait pas pu intégrer l'école à la rentrée 2023-2024. C'était un enfant éveillé, sociable et dynamique qui avait besoin de nouveaux apprentissages. Il était prévu que la famille reste plusieurs semaines au même endroit durant le voyage et que le mineur fréquente l'école H______ durant un mois, ce dont il se réjouissait. L'accueil à la crèche aurait, quoi qu'il en soit, pris fin le 30 juin 2024. Ils avaient préparé tous ensemble un poster avec leur itinéraire, qui était affiché à la crèche et qui faisait l'objet de discussions entre l'enfant et ses camarades. Les visites entre F______ et sa mère étaient interrompues depuis septembre 2022, et rien n'était prévu durant les quatre prochains mois. Ils tiendraient informée la curatrice de F______ régulièrement pendant le voyage. Des rendez-vous médicaux préventifs avaient été pris avec le pédiatre de F______, son dentiste, ainsi qu'avec le Service de médecine tropicale des HUG et tout avait été mis en place pour la rentrée scolaire prochaine de F______, à leur retour. Ils étaient attentifs aux besoins et à la stabilité de F______ depuis son plus jeune âge.

Concernant sa demi-sœur G______, le voyage n'aurait aucun impact sur leurs relations, puisque les mineurs - très attachés l'un à l'autre - se voyaient tous les quatre mois environ. Une rencontre devait se dérouler le 31 mars 2024, la rencontre suivante devant avoir lieu en août 2024, à leur retour. Des appels en visio avaient été prévus durant le voyage afin que les enfants échangent sur celui-ci. Les liens entre les enfants n'étaient donc pas prétérités par le voyage en Indonésie.

c) Les curateurs du mineur ont conclu au rejet de la requête de restitution de l'effet suspensif sollicité par la recourante, le projet ayant été organisé en accord avec les différents professionnels. La famille d'accueil avait préparé F______ à vivre cette aventure familiale avec eux et choisi la période la plus propice pour préserver l'équilibre du mineur. F______ se réjouissait de ce départ et des découvertes qu'il allait faire. Le refus de la mère, qui compromettait ce projet cautionné par tous les professionnels, la veille du départ, ne tenait pas compte de l'intérêt du mineur.

d) Par arrêt du 27 mars 2024 (DAS/74/2024), le Chambre de surveillance a rejeté la requête de restitution de l'effet suspensif formée par A______.

e) Dans leur réponse au recours du 25 avril 2024, B______ et C______ se sont reportés à leurs explications du 24 mars 2024. Ils étaient partis avec le mineur le 4 avril 2024 comme prévu et leur voyage en Indonésie se déroulait comme prévu. F______ allait bien et faisait preuve d'une bonne capacité d'adaptation. Ils restaient plusieurs semaines au même endroit afin que F______ trouve ses marques, ce qu'il faisait rapidement. Ils se trouvaient actuellement à I______ [Indonésie]. F______ était curieux de tout, gagnait en autonomie et en confiance. Il prononçait quelques mots en anglais et en indonésien et osait davantage goûter à des saveurs nouvelles. Il rencontrait régulièrement d'autres enfants et partageaient des jeux avec eux. Il allait pouvoir fréquenter à mi-temps l'école H______ sur l'île de J______ [Indonésie] pendant tout le mois de juin 2024. Il faisait preuve d'enthousiasme au quotidien, communiquait beaucoup et n'était ni désorienté, ni déstabilisé par leur projet, au contraire. Il développait de nouvelles capacités et compétences qui lui seraient utiles pour commencer l'école à la rentrée prochaine. Ils étaient en contact avec le SPMi et le SEASP, qu'ils tenaient informés du déroulement de leur voyage, avec photographies à l'appui, confirmaient leur retour pour le 4 août 2024 et espéraient avoir l'autorisation de poursuivre leur voyage jusqu'à cette date avec F______.

f) Les participants à la procédure ont été avisés de ce que la cause était gardée à juger par avis du 31 mai 2024.

EN DROIT

1.             1.1 Les dispositions de la procédure devant l'autorité de protection de l'adulte sont applicables par analogie pour les mesures de protection de l'enfant (art. 314 al. 1 CC).

Les décisions de l'autorité de protection peuvent faire l'objet d'un recours auprès de la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 450 al. 1 CC et 53 al. 1 LaCC).

Interjeté par la mère du mineur, ayant qualité pour recourir, dans le délai utile de trente jours et suivant la forme prescrite, le recours sera déclaré recevable (art. 450 al. 2 et 3 et 450b CC).

1.2 Compte tenu de la matière, soumise aux maximes inquisitoire et d'office illimitée, la cognition de la Chambre de surveillance est complète. Elle n'est pas liée par les conclusions des parties (art. 446 CC).

1.3 Les pièces nouvellement déposées devant la Chambre de céans par les parties sont recevables, dans la mesure où l'art. 53 LaCC, qui régit de manière exhaustive les actes accomplis par les parties en seconde instance, à l'exclusion du CPC, ne prévoit aucune restriction en cette matière.

1.4 Bien que le rejet de la requête de restitution de l'effet suspensif sollicité par la recourante rende en partie sans objet le recours formé, puisque l'enfant est parti avec sa famille d'accueil. Cela étant, le voyage étant toujours en cours et le recours n'ayant pas été retiré, les griefs formés à l'encontre de la décision par la recourante seront examinés ci-après.

2.             La recourante fait grief au Tribunal de protection d'avoir fait une interprétation erronée des faits et d'avoir ainsi rendu une décision contraire à l'intérêt de l'enfant.

2.1 Lorsqu'un enfant est confié aux soins de tiers, ceux-ci, sous réserve d'autres mesures, représentent les père et mère dans l'exercice de l'autorité parentale, en tant que cela est indiqué pour leur permettre d'accomplir correctement leur tâche (art. 300 al. 1 CC).

Si les père et mère sont empêchés d'agir ou si, dans une affaire, leurs intérêts entrent en conflit avec ceux de l'enfant, l'autorité de protection de l'enfant nomme un curateur ou prend elle-même les mesures nécessaires (art. 306 al. 2 CC).

L'autorité de protection de l'enfant prend les mesures nécessaires pour protéger l'enfant si son développement est menacé et que les père et mère n'y remédient pas d'eux-mêmes ou sont hors d'état de le faire (art. 307 al. 1 CC). Elle y est également tenue dans les mêmes circonstances à l'égard des enfants placés chez des parents nourriciers ou vivant, dans d'autres cas, hors de la communauté familiale de leur père et mère (art. 307 al. 2 CC). Elle peut, en particulier, rappeler les père et mère, les parents nourriciers ou l'enfant à leurs devoirs, donner des indications ou instructions relatives au soin, à l'éducation et à la formation de l'enfant, et désigner une personne ou un office qualifié qui aura un droit de regard et d'information (art. 307 al. 3 CC).

2.2 La recourante ne peut être suivie lorsqu'elle considère que la décision rendue serait contraire à l'intérêt de l'enfant.

En effet, toutes les précautions ont été prises, tant par les professionnels entourant le mineur que par la famille d'accueil, afin que le voyage se déroule au mieux de l'intérêt de l'enfant (période choisie, préparation de l'enfant au voyage, visites médicales préventives, inscription de l'enfant dans une école pendant une durée d'un mois à l'étranger, présence suffisante au même endroit pour assurer sa stabilité).

Le fait que l'enfant soit bien intégré dans sa crèche, créatif, éveillé et populaire parmi ses pairs, ne représentait pas un frein au projet, contrairement à ce que soutient la recourante, puisque le mineur arrivait, quoi qu'il en soit, à fin juin 2024 au terme de sa prise en charge en crèche. Quitter cette structure deux mois avant l'échéance est par conséquent sans incidence sur son bon développement, ce d'autant que sa famille d'accueil avait d'ores et déjà prévu qu'il soit scolarisé dans une école H______ en Indonésie durant tout le mois de juin 2024, ce qui est de nature à participer à son éveil et à lui permettre d'acquérir de nouvelles compétences, et non à le déstabiliser, comme le prétend la recourante.

Concernant sa sœur G______, il ressort du dossier qu'aucune visite n'était prévue entre le mineur et cette dernière avant le mois d'août 2024, de sorte que le voyage n'impacte pas leurs relations. Par ailleurs, la famille d'accueil a pris soin d'organiser la rencontre entre les mineurs F______ et G______ le 31 mars 2024, soit quelques jours avant leur départ, et de prévoir des appels en visio tout au long du voyage pour échanger autour de celui-ci, ce qui est de nature à renforcer les liens entre les enfants. Ainsi, contrairement à ce qu'affirme la recourante, le voyage n'a aucun impact négatif sur la relation entre les mineurs, au contraire.

Finalement, le jeune âge du mineur n'est pas un facteur d'empêchement au voyage qui a été mûrement préparé par sa famille d'accueil et a reçu l'approbation des curateurs de l'enfant, toutes les garanties ayant été prises pour que ce voyage participe à l'éveil et au bon développement du mineur. Le retour du mineur à Genève étant prévu le 4 août 2024, il aura encore une longue période pour se préparer à sa première rentrée scolaire, et ne sera donc pas perturbé par le voyage entrepris, contrairement à ce que soutient la recourante, mais en sera enrichi.

Le Tribunal de protection a donc rendu une décision parfaitement conforme à l'intérêt du mineur. Les nouvelles données depuis lors aux curateurs par la famille d'accueil sur le bon déroulement du voyage et l'adéquation de celui-ci aux besoins de l'enfant, en témoignent.

Les griefs seront donc entièrement rejetés.

3.             Le recours, qui porte sur une mesure de protection d'un mineur, est gratuit (art. 81 al. 1 LaCC).

Il n'est pas alloué de dépens.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 13 mars 2024 par A______ contre l'ordonnance DTAE/743/2024 rendue le 1er février 2024 par le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant dans la cause C/5704/2016.

Au fond :

Le rejette.

Dit que la procédure est gratuite et qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE et Stéphanie MUSY, juges; Madame Jessica QUINODOZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.