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Décisions | Chambre de surveillance

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C/4504/2011

DAS/153/2024 du 01.07.2024 sur DTAE/8132/2023 ( PAE ) , PARTIELMNT ADMIS

Normes : CC.390.al1.ch1; CC.400.al1; CC.401
En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/4504/2011-CS DAS/153/2024

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU LUNDI 1ER JUILLET 2024

 

Recours (C/4504/2011-CS) formés en date du 12 avril 2023 par Monsieur A______, domicilié c/o B______, ______ (Genève), d'une part, et le 20 novembre 2023 par Monsieur A______, domicilié c/o B______, ______ (Genève), et par Monsieur C______, domicilié ______, (Etats-Unis), d'autre part.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 3 juillet 2024 à :

- Monsieur A______
c/o B______
______, ______ [GE].

- Monsieur C______
______, ______ [Etats-Unis].

- Madame D______
______, ______ [GE].

- Maître E______
______, ______ [GE].

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

 


EN FAIT

A.       a. D______, née le ______ 1946, de nationalité belge, a fait l’objet d’une mesure de curatelle prononcée le 8 octobre 2012 par le Tribunal tutélaire (désormais le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant, ci-après: le Tribunal de protection), portant sur la gestion et l’administration de ses biens, l’encaissement de ses revenus et rentes, leur gestion et la représentation de l’intéressée à l’égard de ses créanciers.

Il ressort de cette décision que D______ n’était pas opposée à l’instauration de la mesure de protection, qu’elle possédait des biens et était bénéficiaire de rentes; son état de santé l’empêchait toutefois de les encaisser et de les gérer.

b. Par ordonnance du 23 avril 2013, le Tribunal de protection a dit que la mesure de curatelle instaurée le 8 octobre 2012 en faveur de D______ était transformée en une mesure de curatelle de représentation et de gestion du patrimoine, confirmé une intervenante en protection de l’adulte aux fonctions de curatrice, désigné une autre intervenante en qualité de co-curatrice, les chargeant de représenter l’intéressée dans ses rapports avec les tiers, en particulier en matière de logement, santé, affaires sociales, administration et affaires juridiques, ainsi que de veiller à la gestion de ses revenus et de sa fortune, d’administrer ses biens avec diligence et d’accomplir les actes juridiques liés à la gestion; le Tribunal de protection a également retiré à D______ l’exercice des droits civils.

c. Par courrier du 24 avril 2017, A______ et C______, les deux fils de D______, ont manifesté le souhait d’être désignés curateurs de leur mère (et de leur père, lequel faisait également l’objet d’une mesure de protection). C______, titulaire d’une maturité fédérale et d’un diplôme de commerce, enseignait le yoga et A______ exerçait la profession de médecin.

d. Par ordonnance du 26 juin 2017, le Tribunal de protection a désigné A______ et C______ aux fonctions de curateurs de leur mère, les tâches à accomplir étant identiques à celles confiées aux précédents curateurs.

e. Le 30 août 2022, la situation de D______ a fait l’objet d’un rapport de renseignements établi par deux agents du poste de police de F______, adressé au Tribunal de protection.

Il ressort de ce rapport que le 28 juin 2022, plusieurs voisins de D______ avaient adressé un courrier à l’îlotier dudit poste de police, afin de se plaindre du comportement de cette dernière. Selon leurs dires, D______ déambulait régulièrement durant la nuit dans les couloirs de l’immeuble, provoquant des nuisances sonores et perturbant le voisinage. La police s’était par conséquent rendue à son domicile et avait constaté que la tenue vestimentaire de l’intéressée était négligée et que des odeurs d’urine émanaient de sa personne ainsi que de son logement, lequel semblait insalubre. D______ tenait, par moments, des propos incohérents. Elle avait toutefois précisé bénéficier de l’aide quotidienne de l’IMAD pour le ménage et les soins, ce que cette institution avait confirmé, tout en précisant avoir fait des constatations similaires à celles de la police.

f. Par décision du 29 septembre 2022, le Tribunal de protection a désigné E______, avocate, en qualité de curatrice d'office de D______, son mandat étant limité à sa représentation dans la procédure pendante devant l’autorité de protection.

g. Lors de l’audience du 9 décembre 2022, E______ a indiqué que l’époux de D______ avait intégré un EMS depuis quelques semaines. Il était indispensable que l’appartement soit nettoyé et la moquette changée, l’époux de D______, incapable de discernement, ayant uriné sur le sol. C______, l’un des fils de l’intéressée, vivait aux Etats-Unis. Lui-même et son frère A______ considéraient qu’il fallait obtenir l’adhésion de leurs parents avant d’agir et ils avaient mis beaucoup de temps avant de prendre des mesures. L’infirmier référent de l’IMAD avait expliqué que les interventions au domicile de D______ étaient très compliquées, car elle était peu coopérante; elle ne laissait notamment pas faire la femme de ménage.

D______ a contesté déambuler durant la nuit, mais a indiqué prendre l’ascenseur à 7h00 du matin afin d’aller chercher son courrier.

A______ a indiqué se sentir impuissant face à la situation. Il a pris note de ce que lui-même et son frère allaient être relevés de leurs fonctions de curateurs, en raison des manquements graves constatés par le Tribunal de protection.

Selon A______, sa mère ne tenait pas des propos incohérents. Les problèmes de déambulation n’avaient pas pu être traités; ils étaient probablement dus à une forme de somnambulisme.

B.            a. Par ordonnance DTAE/9206/2022 du 9 décembre 2022, le Tribunal de protection a libéré A______ et C______ de leurs fonctions de curateurs de représentation et de gestion de leur mère (chiffre 1 du dispositif), réservé l’approbation de leurs comptes et rapport finaux (ch. 2), désigné E______, avocate, aux fonctions de curatrice (ch. 3), rappelé que la curatrice exerçait les tâches suivantes: représenter la personne concernée dans ses rapports avec les tiers, en particulier en matière d’affaires administratives et juridiques; gérer ses revenus et biens et administrer ses affaires courantes, veiller à son bien-être social, notamment son suivi médical et le choix du lieu de vie (ch. 4), rappelé que la personne concernée était privée de l’exercice des droits civils dans ses rapports juridiques avec les tiers (ch. 5) et autorisé la curatrice à prendre connaissance de la correspondance de la personne concernée, dans les limites du mandat et, si nécessaire, à pénétrer dans son logement (ch. 6).

Dans le cadre de cette ordonnance, le Tribunal de protection a retenu que A______ et C______ avaient laissé vivre leurs deux parents et plus particulièrement leur mère, dans un appartement insalubre. D______ se mettait elle-même et mettait les autres locataires de l’immeuble en danger, en laissant traîner des mégots de cigarettes; ses déambulations nocturnes étaient également problématiques. Il ressortait du dossier que les fils de D______ étaient pris dans un conflit de loyauté et étaient incapables de s’opposer à la volonté de celle-ci. A______ minimisait par ailleurs les troubles cognitifs de sa mère. Quant à C______, il se trouvait à l’étranger et semblait avoir totalement délégué ses tâches de curateur à son frère A______. Il convenait par conséquent de désigner un tiers aux fonctions de curateur, apte à prendre les décisions nécessaires à la préservation des intérêts de la personne protégée, la mesure devant non seulement couvrir les domaines financiers et administratifs, mais être également étendue à l’assistance personnelle.

b. Le 22 mars 2023, A______ a formé recours contre cette ordonnance, contestant sa propre libération et celle de son frère de leur mandat de curatelle en faveur de leur mère.

c. Le Tribunal de protection a informé la Chambre de surveillance de son intention de reconsidérer son ordonnance du 9 décembre 2022.

C. a. Par courrier du 9 février 2023, la curatrice a informé le Tribunal de protection de ce que l’IMAD lui avait communiqué, le jour-même, qu’un placard de l’appartement de D______ était jonché de mégots encore chauds et qu’il y avait de la fumée. Bien que l’infirmière de l’IMAD lui ait expliqué les risques d’un tel comportement, l’intéressée ne semblait pas comprendre le danger qu’il pouvait représenter. Selon A______, la seule mesure à prendre consistait à priver sa mère de cigarettes. Il était totalement opposé à son placement dans un EMS, puisqu’elle le refusait.

La curatrice sollicitait du Tribunal de protection qu’il ordonne une expertise, en vue d’un éventuel placement non volontaire.

b. Par ordonnance du 10 mars 2023, le Tribunal de protection a ordonné l’expertise psychiatrique de D______ et a commis à cette fin le Dr G______, médecin adjoint agrégé, ______ [fonction] de l’Unité H______ auprès du Centre universitaire romand de médecine légale (CURML).

Le 22 mars 2023, A______ a formé recours auprès de la Chambre de surveillance de la Cour de justice (ci-après: la Chambre de surveillance) contre cette ordonnance, concluant à son annulation.

Par décision DAS/112/2023 du 16 mai 2023, la Chambre de surveillance a rejeté le recours formé par A______.

c. Le Tribunal de protection a tenu une audience le 16 juin 2023, lors de laquelle D______ a indiqué être d’accord de participer à l’expertise ordonnée et être favorable à ce que E______ continue d’être sa curatrice et la représente dans les affaires administratives et financières.

Selon E______, également entendue, A______ pouvait être maintenu dans ses fonctions de curateur pour la représentation de sa mère en matière administrative et financière, elle-même pouvant s’occuper de l’aspect relatif à l’assistance personnelle.

Au terme de l’audience, le Tribunal de protection a gardé la cause à délibérer.

d. Dans un courrier adressé au Tribunal de protection le 20 juillet 2023, A______ a indiqué que lui-même et son frère demandaient à reprendre la curatelle de leur mère « dans toute sa portée » et ne pas être intéressés par la reprise des seuls aspects administratifs et financiers. Selon lui, D______ ne se sentait ni soutenue ni correctement représentée par E______, celle-ci ne tenant pas compte de ses choix de vie, avis que A______ partageait.

e. Le CURML a rendu son rapport d’expertise le 7 août 2023.

Il en ressort en substance que D______ souffre de troubles cognitifs attribués à une démence d’origine très probablement éthylotoxique. Lesdits troubles permettaient encore un maintien à domicile dans de bonnes conditions sous réserve d’une bonne collaboration aux soins, à savoir: visites régulières à domicile du Dr I______ (médecin traitant); visites quotidiennes de l’IMAD avec préparation des traitements et distribution des repas; poursuite des interventions de ménage; installation de plaques de cuisson avec arrêt automatique; réalisation d’un bilan neuropsychologique; réalisation d’un bilan du sommeil; activités en hôpital de jour gériatrique au moins une fois par semaine. Les experts ont relevé l’importance de l’adhérence thérapeutique de l’intéressée.

f. Dans un courrier du 12 septembre 2023 adressé au Tribunal de protection, E______ indiquait que D______ semblait d’accord de se rendre dans un centre de jour, à la suite d’une discussion qu’elle avait eue avec son fils A______. Ce dernier était très présent pour sa mère et participait à l’organisation de l’aide à domicile. Il se montrait très « proactif » et les interventions de E______ étaient de l’ordre de la surveillance de l’avancement des démarches.

D.           Par ordonnance DTAE/8132/2023 du 29 septembre 2023, le Tribunal de protection, statuant sur reconsidération, a annulé sa décision DTAE/9206/2022 du 9 décembre 2022 (chiffre 1 du dispositif); cela fait, statuant à nouveau, a rappelé que D______ bénéficie d’une curatelle de représentation et de gestion (ch. 2), étendu ladite curatelle à l’assistance personnelle (ch. 3), désigné A______ et C______ aux fonctions de curateurs pour les tâches suivantes: représenter la personne concernée dans ses rapports avec les tiers, en particulier en matière d’affaires administratives et juridiques; gérer les revenus et biens de la personne concernée et administrer ses affaires courantes, les curateurs pouvant se substituer l’un à l’autre dans l’exercice de leur mandat, chacun avec les pleins pouvoirs de représentation (ch. 4), confirmé E______ aux fonctions de curatrice du volet de l’assistance personnelle de la concernée, laquelle couvre le fait de veiller à son bien-être social, notamment son suivi médical et le choix du lieu de vie (ch. 5), rappelé que la personne concernée est privée de l’exercice des droits civils dans ses rapports juridiques avec les tiers (ch. 6), autorisé les curateurs à prendre connaissance de la correspondance de la personne concernée, dans les limites de leur mandat respectif et, si nécessaire, à pénétrer dans son logement (ch. 7); les frais judiciaires ont été arrêtés à 6'975 fr. 80, comprenant les frais d’expertise d’un montant de 6'575 fr. 80 et mis à la charge de la personne concernée (ch. 8).

E.            a. Le 20 novembre 2023, A______ et C______ ont formé recours contre cette ordonnance, reçue le 2 novembre 2023, concluant à l’annulation du chiffre 5 de son dispositif, les recourants souhaitant exercer eux-mêmes toutes les tâches relevant de la curatelle instaurée en faveur de leur mère. Subsidiairement, ils ont conclu à la désignation de A______ en qualité de co-curateur, aux côtés de E______, pour le volet « assistance personnelle ».

Les recourants ont fait grief au Tribunal de protection, en substance, d’avoir la volonté, avec la curatrice E______, de placer D______ dans un EMS, contre la volonté de l’intéressée. Pour le surplus, ils ont allégué que E______, à part l’organisation d’un grand nettoyage de l’appartement, n’avait pris aucune mesure supplémentaire depuis son entrée en fonction. L’amélioration de la situation de D______ s’était faite naturellement, à la suite du placement de son époux en EMS en octobre 2022. Les recourants ont contesté l’existence d’un conflit de loyauté avec leur mère qui les empêcherait de prendre les décisions nécessaires et ont soutenu que l’intéressée n’avait pas noué une relation de qualité avec E______.

b. Le Tribunal de protection a persisté dans les termes de la décision attaquée.

c. E______ pour sa part a conclu à être relevée de son mandat et à la désignation d’un nouveau curateur en faveur de D______.

Elle a allégué que la prise en charge de cette dernière à domicile était compliquée, les soins étant difficilement acceptés. L’hygiène de D______ était déplorable; elle portait des habits sales et tachés, qu’elle refusait de changer. L’appartement, dont émanait une odeur désagréable, aurait eu besoin, une fois de plus, d’un grand nettoyage; l’intéressée surveillait les faits et gestes de la personne chargée de faire le ménage et s’opposait à ce que certaines parties du logement soient nettoyées. D______ ne sortait jamais de chez elle; elle refusait de se rendre dans un centre de jour. Les déambulations nocturnes persistaient, malgré un changement de médicaments, ce que l’intéressée contestait. Ayant appris, à la suite du recours formé par A______ et C______, que D______ n’avait pas confiance en elle, la curatrice a indiqué ne pas s’opposer à être relevée de son mandat.

EN DROIT

1. Le Tribunal de protection ayant reconsidéré son ordonnance DTAE/9206/2022 du 9 décembre 2022, laquelle a été annulée, le recours formé contre celle-ci par A______ est devenu sans objet, ce qui sera constaté d’entrée de cause.

2. 2.1 Les décisions de l'autorité de protection peuvent faire l'objet d'un recours (art. 450 al. 1 CC) dans les trente jours à compter de leur notification (art. 450b al. 1 CC), auprès de la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 53 al. 1 LaCC).

Le recours doit être dûment motivé et interjeté par écrit auprès du juge (art. 450 al. 3 CC).

Interjeté en temps utile et selon la forme prescrite, par les fils de la personne bénéficiant de la mesure de curatelle, par ailleurs directement concernés en leur qualité de curateurs par la décision entreprise, le recours formé contre l’ordonnance DTAE/8132/2023 rendue le 29 septembre 2023 par le Tribunal de protection est recevable.

2.2 Le recours peut être formé pour violation du droit, constatation fausse ou incomplète des faits pertinents et inopportunité de la décision (art. 450a al. 1 CC).

3. 3.1.1 L'autorité de protection de l'adulte institue une curatelle notamment lorsqu'une personne majeure est partiellement ou totalement empêchée d'assurer elle-même la sauvegarde de ses intérêts en raison d'une déficience mentale, de troubles psychiques ou d'un autre état de faiblesse qui affecte sa condition personnelle (art. 390 al. 1 ch. 1 CC).

3.1.2 A teneur de l'art. 400 al. 1 CC, l'autorité de protection nomme curateur une personne physique qui possède les connaissances et les aptitudes nécessaires à l'accomplissement des tâches qui lui sont confiées, qui dispose du temps nécessaire et qui les exécute en personne. Plusieurs personnes peuvent être désignées, si les circonstances le justifient. Celles-ci peuvent accomplir cette tâche à titre privé, être membre d'un service social privé ou public, ou exercer la fonction de curateur à titre professionnel. La loi, à dessein, n'établit pas de hiérarchie entre les personnes pouvant être désignées, le critère déterminant étant celui de leur aptitude à accomplir les tâches confiées. La complexité de certaines tâches limite d'ailleurs le recours à des non-professionnels, même si ceux-ci sont bien conseillés et accompagnés dans l'exercice de leur fonction (Message du Conseil fédéral, FF 2006, p. 6682/6683).

3.1.3 Lorsque la personne concernée propose une personne comme curateur, l'autorité de protection de l'adulte accède à son souhait pour autant que la personne proposée remplisse les conditions requises et accepte la curatelle (art. 401 al. 1 CC). L'autorité de protection de l'adulte prend autant que possible en considération les souhaits des membres de la famille ou d'autres proches (art. 401 al. 2 CC). Elle tient compte autant que possible des objections que la personne concernée soulève à la nomination d'une personne déterminée (art. 401 al. 3 CC).

Les vœux de la famille sont pris en considération lorsque la personne sous curatelle ne veut ou ne peut pas se prononcer elle-même ou lorsque la personne qu'elle propose ne possède pas les aptitudes nécessaires et que l'entourage est en mesure de trouver un curateur compétent. L'autorité de protection acceptera autant que possible la proposition de ces personnes, mais elle n'est pas tenue de le faire (Message du Conseil fédéral, FF 2006, p. 6684).

3.2 En tant que telle, la mesure de curatelle dont bénéficie D______, étendue à l’assistance personnelle et aux soins, n’est pas contestée; il ne sera par conséquent pas revenu sur ce point.

Seule est litigieuse la désignation de E______ aux fonctions de curatrice du volet concernant l’assistance personnelle.

Les recourants ne contestent pas, en tant que telles et à raison, les compétences de la curatrice désignée. Ils estiment toutefois être à même d’exercer ce mandat, dans l’intérêt de leur mère et dans le respect de ses souhaits, alléguant que sa situation se serait grandement améliorée depuis le placement de son époux dans un EMS.

Le tableau de la situation de D______, tel que dépeint par les recourants, dont il sera rappelé que l’un d’eux vit aux Etats-Unis et est par conséquent peu présent auprès de sa mère, est en grande partie contredit par les constatations objectives de E______. Selon cette dernière, la prise en charge au quotidien de l’intéressée demeure compliquée, en raison de sa difficulté à accepter les soins pourtant nécessaires. Son hygiène demeure défectueuse et l’état de l’appartement insatisfaisant. Contrairement à ce qu’elle avait indiqué en septembre 2023, D______ refuse de se rendre dans un centre de jour et ne sort pas de chez elle; ses déambulations nocturnes, qu’elle ne reconnaît pas, perdurent.

Or, si les experts mandatés par le Tribunal de protection ont conclu que le maintien à domicile de D______ est encore possible, il est toutefois subordonné à plusieurs conditions, soit notamment: la bonne collaboration aux soins, des visites régulières du médecin traitant, la poursuite des interventions pour le ménage, l’installation de plaques de cuisson avec arrêt automatique et des activités en hôpital de jour gériatrique au moins une fois par semaine. Les experts ont également préconisé la réalisation d’un bilan neuropsychologique et d’un bilan du sommeil.

Contrairement à ce que soutiennent les recourants, le but poursuivi par le Tribunal de protection et de la curatrice désignée n’est pas le placement non nécessaire de D______ dans un EMS. Il convient toutefois de s’assurer que le maintien à domicile s’effectue dans de bonnes conditions, ce qui implique notamment que son hygiène et l’état de l’appartement ne se dégradent pas de manière contraire à la dignité humaine.

A______, selon les propres allégations de E______, est très présent auprès de sa mère. Compte tenu toutefois de l’opposition de cette dernière à son placement en EMS, position également soutenue par ses fils, il est à craindre que ceux-ci n’idéalisent la situation, refusant de la considérer de manière objective, afin d’éviter un tel placement. Il paraît par conséquent nécessaire de maintenir dans ses fonctions la curatrice désignée par le Tribunal de protection, afin qu’elle puisse évaluer l’état et les besoins de D______ de manière neutre et objective. Les recourants ont certes soutenu que leur mère n’avait pas confiance en sa curatrice. Ces allégations ne correspondent toutefois pas aux déclarations de D______ lors de l’audience du 16 juin 2023 devant le Tribunal de protection, puisque l’intéressée avait alors indiqué être favorable à ce que E______ continue d’être sa curatrice, ce dont il sera tenu compte.

Au vu toutefois de la forte implication de A______ dans le suivi de sa mère, il sera désigné comme co-curateur aux côtés de E______. Cette dernière n’interviendra que si elle devait constater que les conditions posées par les experts au maintien de D______ à domicile ne devaient pas être respectées et en cas de dégradation de la situation. C______, compte tenu de son domicile aux Etats-Unis, ne sera pas désigné curateur du volet concernant l’assistance personnelle de sa mère, ledit volet nécessitant une présence accrue sur place.

Le chiffre 5 du dispositif de l’ordonnance attaquée sera par conséquent annulé et il sera statué conformément à ce qui précède.

4. Les frais judiciaires de la procédure de recours seront arrêtés à 400 fr. (art. 67 A et 67 B RTFMC) et laissés à la charge de l’Etat, compte tenu de l’issue de la procédure. Les avances de frais versées - 400 fr. le 26 avril 2023 et 400 fr. le 7 février 2024, toutes deux par A______ - seront restituées à ce dernier.

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare sans objet le recours formé par A______ contre l’ordonnance DTAE/9206/2022 rendue le 9 décembre 2022 par le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant dans la cause C/4504/2011.

Déclare recevable le recours formé par A______ et C______ contre l’ordonnance DTAE/8132/2023 rendue le 29 septembre 2023 par le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant dans la même cause.

Au fond :

Annule le chiffre 5 du dispositif de cette ordonnance et cela fait, statuant à nouveau sur ce point :

Désigne E______ et A______ aux fonctions de co-curateurs du volet de l’assistance personnelle en faveur de D______, ladite assistance couvrant le bien-être social, le suivi médical et le choix du lieu de vie.

Confirme l’ordonnance attaquée pour le surplus.

Déboute les recourants de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Laisse les frais de la procédure, arrêtés à 400 fr., à la charge de l’Etat.

Invite en conséquence les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer à A______ ses avances de frais en 800 fr.

Siégeant :

Madame Paola CAMPOMAGNANI, présidente; Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE et Stéphanie MUSY, juges; Madame Carmen FRAGA, greffière.

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.