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Décisions | Chambre de surveillance

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C/5322/2023

DAS/133/2024 du 11.06.2024 sur DTAE/1940/2024 ( PAE ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/5322/2023-CS DAS/133/2024

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU MARDI 11 JUIN 2024

 

Recours (C/5322/2023-CS) formé en date du 15 avril 2024 par Madame A______, domiciliée ______ (Bulgarie), représentée par Me François HAY, avocat.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 11 juin 2024 à :

- Madame A______
c/o Me François HAY, avocat
Rue Jacques-Grosselin 8, 1227 Carouge.

- Madame B______
p.a. EMS C______
______, ______ [GE].

- Maître D______
______, ______ [GE].

- Maître E______
______, ______ [GE].

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

 


EN FAIT

A. B______, née le ______ 1937, originaire de Genève, est au bénéfice d'une curatelle de représentation et de gestion étendue à tous les domaines, avec limitation de l'exercice de ses droits civils en matière contractuelle et privation d'accès à ses comptes bancaires, confiée à D______, avocate.

Elle a été placée à des fins d'assistance au sein de la Clinique F______, par décision médicale du 20 juillet 2023.

Par ordonnance DTAE/6169/2023 du 10 août 2023, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après: le Tribunal de protection) a rejeté son recours contre la décision précitée, au motif que, certes, son état clinique était stabilisé, mais son adhésion aux soins était insuffisante et un retour à domicile, compte tenu de son inaptitude à résider seule, provoquerait la résurgence des symptômes ayant conduit à son placement. En outre, un désaccord profond entre ses filles avait un effet délétère sur elle.

Par ordonnance DTAE/6498/2023 du 24 août 2023, le Tribunal de protection a prolongé, pour une durée indéterminée, le placement à des fins d'assistance et a prescrit son exécution au sein de l'Etablissement médico-social (ci-après: EMS) C______, à G______ [GE].

Il ressortait de la décision susvisée que la personne concernée, totalement anosognosique de ses troubles, souffrait d'une démence de type Alzheimer avec la présence notable d'un syndrome crépusculaire, n'était pas stabilisée, de sorte qu'une sortie provoquerait la résurgence des symptômes ayant conduit à son placement ainsi que de la mise en danger liée. L'EMS C______ était donc une institution appropriée compte tenu des circonstances.

B. Par requête du 4 septembre 2023, A______, fille de B______, a sollicité la levée du placement à des fins d'assistance de la précitée, au motif que les soins nécessaires en faveur de cette dernière pouvaient lui être fournis à domicile par l'intermédiaire d'une auxiliaire de soins présente à temps plein, qu'elle avait trouvée, laquelle était diplômée et expérimentée.

Par certificats médicaux des 23 novembre et 15 décembre 2023, le Dr H______, médecin traitant de la personne concernée, a confirmé que cette dernière souffrait d'une maladie dégénérative du système nerveux central la rendant incapable de discernement de façon durable. Si son état de santé était stable, un retour à domicile était inenvisageable, compte tenu de son comportement et des expériences passées.

Par déterminations du 27 novembre 2023, E______, avocat désigné aux fonctions de curateur d'office, a exposé que sa protégée, qui se sentait bien au sein de l'EMS C______, ne réclamait pas la levée du placement à des fins d'assistance et que la situation qui avait motivé l'absence de possibilité de retour à domicile, à savoir le désaccord profond entre ses filles, n'avait pas évolué, de sorte que la levée du placement était compromise.

Dans un rapport du 4 décembre 2023, I______, directrice de l'EMS C______, a indiqué que B______ s'était bien intégrée, était rassurée d'être entourée en permanence et avait besoin d'être continuellement orientée, un retour à domicile, même avec un encadrement journalier, prétériterait son équilibre physique et psychique.

Par ordonnance DTAE/1940/2024 du 24 février 2024, communiquée aux parties pour notification le 2 avril 2024, le Tribunal de protection a rejeté la demande de mainlevée du placement à des fins d'assistance institué le 20 juillet 2023 et prolongé par le Tribunal le 24 août 2023 en faveur de B______ (ch. 1 du dispositif), ordonné, par conséquent, son maintien en l'EMS C______ (ch. 2), débouté les parties de toutes autres ou contraires conclusions (ch. 3), rappelé que la procédure (recte: l'ordonnance) était immédiatement exécutoire nonobstant recours et que la procédure était gratuite (ch. 4 et 5).

En substance, il a retenu que la personne concernée est affectée de démence qui la rend incapable de discernement et de s'assumer seule. Son médecin avait confirmé qu'un retour à domicile était inenvisageable. Si son état s'était stabilisé, cela était précisément dû à l'encadrement dont elle bénéficiait au sein de l'EMS dans lequel elle séjournait, qui était approprié.

C. Par acte adressé à la Chambre de surveillance de la Cour de justice le 15 avril 2024, A______ a recouru contre cette ordonnance. Elle fait grief au Tribunal de protection d'avoir rendu une décision violant le principe de proportionnalité, le maintien de la protégée en EMS sur mesure de placement à des fins d'assistance étant contraire à son intérêt, puisqu'elle serait capable de rentrer à domicile.

En date du 27 avril 2024, le médecin psychiatre répondant de l'EMS a adressé à la Chambre de céans, à sa demande, un constat médical de la personne concernée et une description du lieu de placement et de son caractère adéquat. Il relevait les symptômes connus dont est affectée la patiente, exposant que sa capacité de raisonnement est fortement diminuée, de même que sa capacité à identifier et résister à une suggestion contraire à ses intérêts. B______ est privée de sa capacité à gérer ses affaires ainsi qu'à assumer les activités quotidiennes. L'établissement où elle se trouve dispose de toute l'infrastructure sociale et médicale nécessaire de sorte qu'il est parfaitement adéquat.

Le 6 mai 2024, la curatrice de B______ s'est déterminée, relevant que sa protégée se sent bien au sein de l'EMS C______ et s'en trouve apaisée. Auparavant, elle était influencée par le conflit entre ses filles. Sa prise en charge à domicile est impossible pour sa sécurité. Le dossier démontre la nécessité du maintien du placement. L'ordonnance doit être confirmée.

Par déterminations du même jour, le curateur d'office dans la procédure a pris les mêmes conclusions. Selon lui, A______ est l'élément perturbant dans la prise en charge de la protégée.

En date du 21 mai 2024, A______ a répliqué persistant dans ses conclusions initiales, s'en prenant à tour de rôle aux déterminations des intervenants sus-mentionnés.

Suite à quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1 Les décisions de l'autorité de protection de l'adulte peuvent faire l'objet d'un recours devant le juge compétent (art. 450 al. 1 CC). Dans le domaine du placement à des fins d'assistance, le délai de recours est de dix jours à compter de la notification de la décision entreprise (art. 450b al. 2 CC). Le recours formé contre une décision prise dans le domaine du placement à des fins d'assistance ne doit pas être motivé (art. 450e al. 1 CC). Les proches ont qualité pour recourir (art. 450 al. 2 ch. 2 CC).

1.2 En l'espèce, le recours a été formé dans le délai utile de dix jours, devant l'autorité compétente (art. 72 al. 1 LaCC), par la fille de la personne directement concernée par la mesure. Il est donc recevable à la forme.

1.3 La Chambre de surveillance examine la cause librement, en fait, en droit et sous l'angle de l'opportunité (art. 450a CC). Elle établit les faits d'office et n'est pas liée par les conclusions des parties (art. 446 al. 1 et 3 CC).

2. 2.1 Aux termes de l'art. 426 al. 1 CC, une personne peut être placée dans une institution appropriée lorsque, en raison de troubles psychiques, d'une déficience mentale ou d'un grave état d'abandon, l'assistance ou le traitement nécessaire ne peuvent lui être fournis d'une autre manière. Les cantons peuvent désigner des médecins qui, outre l'autorité de protection de l'adulte, sont habilités à ordonner un placement dont la durée est fixée par le droit cantonal (art. 429 al. 1 CC; art. 60 al. 1 LaCC). La personne concernée est libérée dès que les conditions du placement ne sont plus remplies (art. 426 al. 3 CC).

La loi exige la réalisation de trois conditions cumulatives, à savoir une cause de placement (troubles psychiques, déficience mentale ou grave état d'abandon), un besoin d'assistance ou de traitement ne pouvant lui être fourni autrement et l'existence d'une institution appropriée permettant de satisfaire les besoins d'assistance de la personne placée ou de lui apporter le traitement nécessaire (MEIER/LUKIC, Introduction au nouveau droit de la protection de l'adulte, p. 302, n. 666).

En cas de troubles psychiques, la décision de placement à des fins d'assistance doit être prise sur la base d'un rapport d'expertise (art. 450e al. 3 CC). Dans son rapport, l'expert doit se prononcer sur l'état de santé de l'intéressé. Il doit également indiquer en quoi les éventuels troubles psychiques risquent de mettre en danger la vie de la personne concernée ou son intégrité personnelle, respectivement celles d'autrui, et si cela entraîne chez lui la nécessité d'être assisté ou de prendre un traitement (ATF 137 III 289 c. 4.5.; arrêt 5A_469/2013 c. 2.4). Dans l'affirmative, il incombe à l'expert de préciser quels seraient les risques concrets pour la vie ou la santé de cette personne, respectivement pour les tiers, si la prise en charge préconisée n'était pas mise en œuvre (à propos de la notion de danger concret: arrêts 5A_288/2011 c. 5.3; 5A_312/2007 c. 2.3). Il doit encore indiquer si, en vertu du besoin de protection de l'intéressé, un internement ou une rétention dans un établissement est indispensable, ou si l'assistance ou le traitement nécessaire pourrait lui être fourni de manière ambulatoire. Le rapport d'expertise doit préciser également si la personne concernée paraît, de manière crédible, prendre conscience de sa maladie et de la nécessité d'un traitement.

2.2 En l’espèce et tout d'abord, du fait de son incapacité de discernement et du fait qu'elle s'oppose par le biais de son curateur de représentation en procédure à l'admission du recours initié par sa fille, c’est-à-dire à la mainlevée du placement, la Cour n'a pas procédé à l'audition personnelle de la protégée, celle-ci étant vaine.

Par ailleurs, c'est à juste titre que le Tribunal de protection a considéré que les conditions pour le placement prononcé étaient encore réalisées.

D'une part, la protégée n'a plus la capacité psychique pour s'assumer même dans les tâches quotidiennes du fait de sa maladie psychique évolutive. D'autre part, les soins ne peuvent lui être valablement prodigués autrement que dans une résidence comme celle où elle est placée, contrairement à ce que prétend la recourante. Par ailleurs, la volonté de la protégée exprimée par ses curateurs est de continuer à résider ou elle se trouve. Enfin, le lieu est adéquat et a permis la stabilisation de sa maladie.

Ceci dit, se pose la question, qu'il n'est pas nécessaire de résoudre à ce stade de savoir si l'institution du placement à des fins d'assistance est l'institution idoine pour la situation de B______.

En effet, au vu de son accord avec le placement à l'EMS C______ par le biais de son curateur et au vu de son état psychique évolutif et incurable, l'institution d'une mesure de curatelle de portée générale permettant au curateur de déterminer le lieu de vie définitif de la protégée devrait être envisagée par le Tribunal de protection. Cela devrait, d'une part, permettre au Tribunal de protection d'envisager de lever le placement, sans devoir être constamment confronté à la nécessité de réexaminer l'existence des conditions de placement et, d'autre part, de se conformer au but de l'institution du placement à des fins d'assistance (anciennement privation de liberté à des fins d'assistance), qui implique une contrainte du fait d'une opposition de la personne concernée, ce que l'on ne retrouve pas dans le cas présent.

Infondé, le recours sera rejeté.

3.             La procédure est gratuite (art. 22 al. 4 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 15 avril 2024 par A______ contre l'ordonnance DTAE/1940/2024 rendue le 26 février 2024 par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant dans la cause C/5322/2023.

Au fond :

Le rejette.

Dit que la procédure est gratuite.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Carmen FRAGA, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.