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Décisions | Chambre de surveillance

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C/11882/2023

DAS/42/2024 du 26.02.2024 sur DAS/281/2023 ( CLAH )

Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/11882/2023 DAS/42/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU LUNDI 26 FEVRIER 2024

Requête (C/11882/2023) en reconsidération de la décision DAS/281/2023 du 14 novembre 2023 concernant le retour de l'enfant A______, née le ______ 2013, formée en date du 23 février 2024 par Madame B______, domiciliée ______ (Genève), représentée par Me Lisa LOCCA, avocate.

* * * * *

Arrêt communiqué anticipé par courriel et par plis recommandés du greffier du 26 février 2024 à :

- Madame B______

c/o Me Lisa LOCCA, avocate

Promenade du Pin 1, case postale, 1211 Genève 3.

- Monsieur C______
c/o Me Chloé AUDIGIER, avocate
Rue des Pavillons 17, case postale 90, 1211 Genève 4.

- Maître D______
______, ______.

- SERVICE DE PROTECTION DES MINEURS
Route des Jeunes 1E, case postale 75, 1211 Genève 8.

- AUTORITÉ CENTRALE FÉDÉRALE
Office fédéral de la justice
Bundesrain 20, 3003 Berne.


Attendu, EN FAIT, que B______ et C______ sont les parents non mariés de A______, née le ______ 2013 à Genève ;

Que B______ et C______ se sont séparés et réconciliés à plusieurs reprises ;

Que plusieurs procédures judiciaires les ont opposés ;

Que suite à une séparation des parents, la Cour d'appel de E______ [France] a réglé les droits parentaux sur A______ par arrêt du 23 mai 2016, fixant notamment la résidence habituelle de l'enfant chez sa mère et réservant un droit de visite et d'hébergement au père ;

Qu'à cette occasion, B______ s'était installée avec A______ dans un appartement sis à F______ (Genève/Suisse) dont elle était propriétaire depuis 2009 ;

Que la famille s'est réunie en 2019 dans une maison acquise en commun et sise à G______ (France) ;

Que nonobstant ce domicile français, A______ a été scolarisée à Genève, où ses deux parents déploient également leur activité professionnelle. Que l'enfant suit également des traitements médicaux à Genève ;

Que B______ et C______ se sont à nouveau séparés à une date et dans des circonstances non précisées ;

Que par requête déposée le 14 février 2023 auprès du Tribunal judiciaire de H______ [France], C______ a sollicité la mise en place d'une résidence alternée hebdomadaire de A______ ;

Que depuis mars 2023, A______ vit avec sa mère dans l'appartement de F______ ;

Que B______ a de son côté saisi le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant de Genève (ci-après : le Tribunal de protection) le 16 mai 2023 d'une requête en suspension des relations personnelles entre A______ et son père, au motif que l'enfant ne souhaitait plus se rendre chez son père dont elle subissait les violences psychologiques ;

Que B______ a invoqué, dans la procédure française d'instauration de la résidence alternée, l'incompétence des autorités judiciaires françaises, A______ ayant sa résidence à Genève, raison pour laquelle elle avait saisi le Tribunal de protection en vue de régler les relations personnelles entre l'enfant et son père ;

Que C______ a soutenu, dans la procédure française en instauration de la résidence alternée, que le déplacement de A______ à Genève par sa mère était illicite, car il n'y avait pas acquiescé, de sorte que les autorités judiciaires françaises étaient compétentes pour statuer sur les droits parentaux ;

Que le Tribunal judiciaire de H______, par jugement du 19 décembre 2023, s'est déclaré compétent pour statuer sur le sort des droits parentaux de A______, retenant notamment que le transfert de l'enfant en Suisse était illicite ;

Qu'il a déterminé, à titre provisoire, dans l'attente d'un rapport d'évaluation sociale, la résidence de A______ chez sa mère et fixé des relations personnelles avec le père en milieu protégé (Point Rencontre) ;

Qu'il a considéré que, réelle, exagérée ou fantasmée, l'hypothèse de violences paternelles revenait de façon récurrente dans le discours de l'enfant et que son effet était dévastateur sur l'état des relations père-fille, ainsi que sur la mineure, extrêmement fragile, dont tous s'accordaient à reconnaître la souffrance; qu'il convenait d'éviter un délitement irrémédiable du lien père/enfant tout en sécurisant cette dernière ;

Que cette décision est exécutoire par provision ;

Que parallèlement, C______ a déposé, le 8 juin 2023, devant la Cour de justice de Genève (ci-après : la Cour), une requête en retour de l'enfant fondée sur la convention de la Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants (ci-après : CLaH80) et la loi fédérale sur l'enlèvement international d'enfants et les conventions de La Haye sur la protection des enfants et des adultes (ci-après : LF-EEA) ;

Que par décision DAS/281/2023 du 14 novembre 2023, la Cour a constaté le déplacement illicite de A______ au sens de l'art. 3 CLaH80 et ordonné son retour en France au sens des art. 8 et ss CLaH80, auprès de son père, même si A______ avait manifesté un souhait contraire, de telles circonstances ne justifiant pas une exception au retour au sens de l'art. 13 al. 1 let. b CLaH80 ;

Que le Tribunal fédéral a confirmé cette décision par arrêt 5A_903/2023 du 31 janvier 2024, ordonnant à B______ d'assurer le retour de l'enfant en France d'ici au dimanche 25 février 2024 au plus tard. Qu'à défaut, le Service de protection des mineurs (ci-après : SPMi) serait chargé d'organiser le retour, au besoin en recourant à l'aide de la police genevoise. Que le Tribunal a notamment écarté de sa procédure la production de la décision du Tribunal judiciaire de H______ du 19 décembre 2023 et d'en tenir compte, s'agissant d'un élément nouveau irrecevable, devant être invoqué par le biais d'une demande en reconsidération de l'arrêt de la Cour DAS/281/2023 du 14 novembre 2023 ;

Que par acte déposé le 23 février 2024 auprès de la Cour, B______ a formé une telle demande, concluant en substance à ce que la Cour annule son arrêt DAS/281/2023 et annule l'ordre de retour de l'enfant A______ en France ;

Qu'elle concluait à ce que l'effet suspensif soit octroyé à sa demande de reconsidération, à titre superprovisionnel et provisionnel ;

Que l'objet du présent arrêt est de statuer sur la requête d'effet suspensif à titre superprovisionnel ;

Considérant, EN DROIT, qu'en application de l'art. 13 al. 1 LF-EEA, la Cour peut, sur requête, modifier la décision ordonnant le retour de l'enfant lorsque des circonstances qui s'y opposent ont changé de manière déterminante ;

Que cette reconsidération ne doit toutefois pas sortir des limites posées par la convention; en effet, les motifs qui pourraient s'opposer à un retour sont identiques à ceux qui valent dans toute autre procédure conduite en cas d'enlèvement international d'enfants; que la nouvelle procédure se déroule ainsi conformément aux dispositions ad hoc de la CLaH80 et de la LF-EEA (arrêts du Tribunal fédéral 5A_355/2023 du 13 juillet 2023 consid. 3.1; 5A_847/2012 du 17 décembre 2012 consid. 2; FF 2007 2433 n° 6.12) ;

Que la procédure concernant le retour de l'enfant et celle relative au fond portent sur deux objets distincts, de sorte qu'une décision du juge du fond, qu'elle soit provisoire ou finale, attribuant la garde au parent qui a illicitement déplacé l'enfant, ne saurait rendre ce déplacement licite et provoquer de ce seul fait l'annulation de la décision de retour (cf. art. 16 et 19 CLaH80; ATF 133 III 146 consid. 2.4; 131 III 334 consid. 5.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_355/2023 du 13 juillet 2023 consid. 3.4) ;

Qu'en revanche, lorsque la juridiction de l'État de provenance de l'enfant, saisie du litige opposant les parties au fond, dont la compétence pour statuer sur les prérogatives parentales n'est pas contestée, attribue la garde de l'enfant au parent ravisseur, à l'étranger, elle renonce explicitement à la nécessité de la présence de l'enfant sur son territoire dans l'attente de la décision à rendre au fond, objectif auquel tend en définitive la CLaH80. Qu'ordonner le retour ne se justifie donc plus (arrêt du Tribunal fédéral 5A_355/2023 du 13 juillet 2023 consid. 3.4) ;

Que la procédure judiciaire visant à ordonner le retour de l'enfant est soumise à "une procédure sommaire" (art. 8 al. 2 LF-EEA). Que l'art. 13 LF-EEA ne précise pas les modalités de la procédure de reconsidération. Qu'ainsi, la question de l'effet suspensif de la demande de reconsidération sur la décision entreprise n'est pas expressément traitée dans la LF-EEA. Que le message du Conseil fédéral à l'appui du projet de la LF-EEA, dans le commentaire relatif à l'art. 13 LF-EEA, précise toutefois que "devant de telles situations, il importe tout d’abord que le tribunal suspende l’exécution de la décision de retour initialement prononcée" (FF 2007 2433 n° 6.12), de sorte qu'il y a lieu de retenir que le législateur entendait autoriser l'autorité judiciaire chargée de statuer sur la reconsidération d'une décision de retour à assortir la demande de reconsidération de l'effet suspensif, à l'instar de ce qui prévaut en matière de révision (art. 331 CPC), d'appel (art. 315 CPC) ou de recours (art. 325 CPC), y compris à titre superprovisionnel, avant l'audition des parties adverses (cf. art. 265 al. 1 CPC; ATF 137 III 475 consid. 2) ;

Qu'en l'espèce, il ne sera pas possible d'entendre toutes les parties et de statuer sur la requête d'effet suspensif avant l'échéance du délai fixée au dimanche 25 février 2024 par le Tribunal fédéral pour l'exécution spontanée du retour de l'enfant par la mère, puis son exécution par le SPMi dès le lundi 26 février 2024, alors que la requête d'effet suspensif a été déposée le vendredi 23 du même mois ;

Que par ailleurs, l'effet suspensif se justifie afin d'éviter l'exécution d'une décision dont la reconsidération n'est pas manifestement vouée à l'échec au vu des éléments réunis à ce stade très précoce de la procédure et des principes rappelés ci-dessus ;

Qu'il y a par conséquent lieu d'ordonner à titre superprovisionnel l'effet suspensif requis afin que la requérante ne soit provisoirement plus soumise à l'obligation d'assurer spontanément le retour de l'enfant en France et que ce retour ne soit pas exécuté par le SPMi dès le 26 février 2024, comme l'a fixé en dernier lieu le Tribunal fédéral ;

Que le présent arrêt sera notifié, outre aux parties, à l'Autorité centrale fédérale, conformément à l'art. 8 al. 3 LF-EEA, à charge pour elle d'en informer les autorités compétentes, et au SPMi, auquel l'exécution du retour a été confiée.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

Statuant sur requête d'effet suspensif à titre superprovisionnel :

Suspend le caractère exécutoire de l'arrêt DAS/281/2023 du 14 novembre 2023 dans la cause C/11882/2023 ainsi que les modalités d'exécution ordonnées par le Tribunal fédéral dans l'arrêt 5A_903/2023 du 31 janvier 2024, jusqu'à droit jugé sur effet suspensif, après audition des parties.

Siégeant :

Monsieur Jean REYMOND, président ad interim; Madame Jessica QUINODOZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

S'agissant de mesures superprovisionnelles, il n'y a pas de voie de recours au Tribunal fédéral (ATF 139 III 86 consid. 1.1.1; 137 III 417 consid. 1.3).