Skip to main content

Décisions | Chambre de surveillance

1 resultats
C/13461/2013

DAS/212/2023 du 11.09.2023 sur DTAE/4308/2023 ( PAE ) , REJETE

Normes : CC.273; CC.274
En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/13461/2013-CS DAS/212/2023

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU LUNDI 11 SEPTEMBRE 2023

 

 

Recours (C/13461/2013-CS) formé en date du 19 juin 2023 par Monsieur A______, domicilié ______ (Vaud), comparant par Me Elodie GALLAROTTI, avocate, en l'Etude de laquelle il élit domicile.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 15 septembre 2023 à :

- Monsieur A______
c/o Me Elodie GALLAROTTI, avocate
Route de Lavaux 35, case postale 176, 1095 Lutry.

- Madame B______
c/o Me Lucie BEN HAMZA-NOIR, avocate
Rue du Conseil-Général 18, 1205 Genève.

- Madame C______
Monsieur D______
SERVICE DE PROTECTION DES MINEURS
Route des Jeunes 1E, case postale 75,1211 Genève 8.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

 


EN FAIT

A.           a. Les enfants E______, née le ______ 2013, F______, née le ______ 2013 et G______, né le ______ 2018, sont issus de la relation hors mariage entretenue par B______ et A______, lequel a reconnu les mineurs devant l’état civil.

Les deux parents ont toujours vécu séparément, A______ vivant à H______ (Vaud) et B______ ainsi que les enfants dans le canton de Genève.

L’organisation du droit de visite du père sur ses enfants a donné lieu à l’ouverture d’une procédure devant le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (ci-après : le Tribunal de protection).

b. Par ordonnance DTAE/2766/2019 du 2 avril 2019, le Tribunal de protection a institué l’autorité parentale conjointe sur le mineur G______ (l’autorité parentale étant déjà conjointe sur les deux autres mineurs), attribué la garde des trois enfants à leur mère et réservé au père un droit de visite devant s’exercer un mercredi après-midi sur deux, un week-end sur deux du vendredi à la sortie de l’école ou de la crèche jusqu’au dimanche à 17h00, ainsi que durant la moitié des vacances scolaires, dont la répartition a été fixée précisément en fonction des années paires et impaires.

c. En dépit de cette décision, l’exercice du droit de visite est demeuré problématique, étant précisé que les parents ont, périodiquement, repris une vie de couple, puis se sont séparés à nouveau.

d. Par décision du 29 juin 2020, le Tribunal de protection a fixé le droit de visite du père selon les modalités suivantes : un week-end sur deux, les semaines paires, du vendredi à la sortie de l’école ou de la crèche, sous réserve que cela soit compatible avec ses horaires professionnels, au dimanche à 17h00, ainsi que durant la moitié des vacances scolaires, dont la répartition a été fixée précisément en fonction des années paires et impaires. Les parents ont en outre été exhortés à reprendre un travail de coparentalité.

e. La situation entre les parties ne s’est toutefois pas améliorée.

Par nouvelle ordonnance DTAE/2131/2021 du 20 avril 2021, le Tribunal de protection a exhorté B______ et A______ à poursuivre leur travail de coparentalité, leur a rappelé leur devoir d’apaiser leur conflit et d’instaurer entre eux le dialogue et la collaboration indispensables pour éviter à leurs trois enfants un conflit de loyauté propre à avoir des conséquences sur leur développement et rappelé à B______ son devoir de favoriser la relation des enfants avec leur père.

Cette ordonnance n’a pas eu pour effet d’apaiser les esprits.

f. Par requête du 27 mars 2022, A______ a sollicité l’intervention du Tribunal de protection dans le cadre des relations personnelles qu’il entretenait avec ses enfants.

Le 29 avril 2022, B______ a conclu à l’instauration d’une curatelle d’organisation et de surveillance des relations personnelles et au déboutement de A______ de toutes autres conclusions.

Le 15 août 2022, A______ a soumis de nouvelles conclusions au Tribunal de protection, concluant au retrait de l’autorité parentale et de la garde des mineurs à la mère, à la prononciation d’une amende à son encontre et à ce qu’un transfert de la garde des enfants soit prononcé en sa faveur, ou que ceux-ci soient placés dans une institution ou une famille d’accueil.

g. Le 25 octobre 2022, le Service d’évaluation et d’accompagnement de la séparation parentale (ci-après : le SEASP), qui avait été chargé par le Tribunal de protection d’établir un rapport, a informé ce dernier de ce que, lors de l’échange des enfants intervenu le 23 octobre 2022 à I______ (Vaud), B______ et son compagnon avaient été agressés par A______ devant les trois enfants. B______ avait été conduite à l’hôpital, où elle avait passé la nuit. La police a confirmé être intervenue suite à une rixe entre les parties et leurs compagnon/compagne respectifs. Les trois enfants devaient bénéficier d’une consultation au sein de l’Office médico-pédagogique. Le temps de comprendre la situation, le SEASP préconisait la suspension des visites entre le père et les enfants.

h. Le Tribunal de protection a donné suite à cette requête par ordonnance DTAE/7439/2022 rendue sur mesures superprovisionnelles le 31 octobre 2022.

A______ n’a pas revu ses trois enfants depuis lors.

i. Selon un rapport médical établi par le CHUV le 24 octobre 2022, B______ a souffert, à la suite de l’épisode du 23 octobre 2023, d’un traumatisme crânio-cérébral mineur, d’une entorse métacarpo-phalangienne des doigts 4 et 5 de la main gauche et de l’interphalangienne proximale du doigt 4, d’une contusion « MSD », d’une contusion dorsale, d’une contusion de la mâchoire, d’une contusion basithoracique à droite, d’une dermabrasion au niveau des lèvres et d’une contusion abdominale.

A______ affirme de son côté avoir été agressé, de même que son épouse J______, présente au moment des faits, par B______ et son compagnon.

Il a versé à la procédure un rapport du Service des urgences de l’hôpital de K______ (Vaud) du 24 octobre 2022 concernant son épouse, faisant état de la présence d’un hématome à l’œil droit, de lésions d’environ 2 mm avec saignement à la bouche, de plusieurs dermabrasions sur le décolleté, d’un hématome et d’une tuméfaction importante à l’avant-bras droit.

Selon un rapport du même Service des urgences, A______ avait pour sa part souffert de douleurs à la palpation du dos au niveau des lombaires et du flanc gauche, sans plaies ni hématomes.

Les protagonistes ont, chacun, déposé plainte pénale.

j. Le SEASP a rendu un rapport le 9 novembre 2022. Il en ressort que le conflit parental est massif. A______ avait tendance à présenter une image défaillante de B______, ce qui allait à l’encontre de l’ensemble des éléments recueillis par le SEASP. S’agissant de l’organisation des visites, A______ s’était montré peu clair sur leur déroulement, ainsi que sur ses obligations professionnelles, qui fluctuaient selon les entretiens. En 2022, il n’avait pas pu assumer régulièrement la prise en charge des enfants le vendredi soir. Il ressortait en outre de l’audition des enfants qu’il usait de punitions inadaptées et il lui avait été rappelé que les gifles sur F______ n’étaient pas acceptables. Selon les dires de E______ et de F______, entendus seuls, A______ les avait volontairement, le 23 octobre 2022, exposés à des actes de violence, les récits des deux enfants étant sensiblement similaires sur le déroulement des faits. Les deux enfants avaient déclaré ne pas souhaiter revoir leur père en l’état.

Le SEASP préconisait dès lors le maintien de la garde à la mère et l’exécution d’une expertise portant sur le fonctionnement familial et, durant le temps de l’expertise, la limitation de l’autorité parentale du père s’agissant des aspects administratifs, médicaux et scolaires, le maintien de la suspension des relations personnelles entre le père et les enfants et l’instauration d’une mesure de droit de regard et d’information.

k. A______ a contesté les termes de ce rapport et a sollicité du Tribunal de protection qu’il ordonne la reprise des relations personnelles avec ses enfants.

l. Le Tribunal de protection a tenu une audience le 5 avril 2023.

La représentante du SEASP a confirmé les termes de son rapport et a déclaré que les enfants avaient été traumatisés par l’épisode violent auquel ils avaient assisté entre leurs parents. E______ était en colère et F______ effrayé; ce dernier s’interdisait d’être en colère au motif qu’il était « interdit d’être en colère contre son parent ».

Selon B______, les enfants étaient retournés à l’école et avaient bénéficié d’un accompagnement par un psychologue de l’Office médico-pédadogique. Ils ne se sentaient pas encore prêts à revoir leur père.

Ce dernier a indiqué être conscient du fait qu’il y aurait un travail thérapeutique à faire pour renouer le lien avec ses enfants. Selon lui, F______ souhaitait toutefois le revoir, selon les dires de son psychologue, ce qui a été confirmé par le contenu d’un rapport du 22 mars 2023 de l’Office médico-pédadogique concernant le mineur. Ce dernier avait en effet déclaré ne pas se sentir en danger avec son père et souhaiter le revoir.

Au terme de l’audience, la cause a été gardée à délibérer.

m. le 25 avril 2023, B______ a saisi le Tribunal de première instance d’une requête en fixation de contributions d’entretien et droit aux relations personnelles, ce dont le Tribunal de protection a été informé le 17 mai 2023.

B.            Par ordonnance DTAE/4308/2023 du 24 mai 2023, le Tribunal de protection, statuant sur mesures provisionnelles, a réservé à A______ un droit aux relations personnelles avec les mineurs F______, E______ et G______ devant s’exercer dans un lieu médiatisé, de manière progressive (chiffre 1 du dispositif), autorisé B______ à représenter les mineurs pour toutes les démarches administratives, médicales et scolaires nécessaires et limité l’autorité parentale de A______ en conséquence (ch. 2), instauré une curatelle d’organisation et de surveillance des relations personnelles (ch. 3), désigné deux intervenants en protection de l’enfant aux fonctions de curateurs (ch. 4), réservé la suite de la procédure (ch. 5), rappelé la gratuité de la procédure (ch. 6) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 7).

Le Tribunal de protection a tout d’abord considéré qu’il demeurait compétent pour maintenir ou modifier les mesures prises à titre superprovisionnel, nécessaires à la protection des mineurs. Sur le fond, le Tribunal de protection a considéré que A______, lorsqu’il était avec ses enfants, « ne favorisait pas une bonne image de la mère auprès d’eux », alors même que cette dernière avait de bonnes capacités parentales. Le père n’était par ailleurs pas parvenu à protéger les enfants d’une situation de violence intrafamiliale et il lui arrivait de les punir de manière inadaptée. Il s’était en outre montré peu clair dans l’organisation des visites et n’était pas parvenu à assumer régulièrement la prise en charge de ses enfants le vendredi soir durant les mois précédents. Il était toutefois important que les enfants ne perdent pas le lien avec leur père et retrouvent avec lui une relation apaisée. Il convenait dès lors de leur offrir un espace de parole et de rencontre sécurisant dans lequel ils puissent surmonter les difficultés qu’ils avaient éprouvées en lien avec l’épisode de violence du 23 octobre 2023.

C.           a. Le 19 juin 2023, A______ a formé recours contre cette ordonnance, concluant à l’annulation des chiffres 1 et 2 du dispositif et à la fixation d’un droit de visite devant s’exercer à raison d’un week-end sur deux, les semaines paires, du vendredi à la sortie de l’école ou de la crèche, sous réserve que cela soit compatible avec ses horaires professionnels, au dimanche à 17h00, ainsi que durant la moitié des vacances scolaires, à savoir, les années paires, durant les vacances de février, la deuxième moitié des vacances de Pâques, le mois d’août et la première moitié des vacances de Noël et les années impaires, durant la première moitié des vacances de Pâques, le mois de juillet, les vacances d’octobre et la deuxième partie des vacances de Noël.

A______ a par ailleurs sollicité la restitution de l’effet suspensif et, à titre superprovisionnel, le rétablissement de son droit de visite.

Sur le fond, le recourant a mis en cause les compétences maternelles de B______. Selon lui, elle aurait à plusieurs reprises frappé les enfants et mettrait tout en œuvre pour contrecarrer son droit de visite, alors que lui-même l’avait toujours respecté. Il a par ailleurs contesté la compétence du Tribunal de protection à rendre l’ordonnance attaquée, compte tenu de la saisine, en avril 2023, du Tribunal de première instance. A______ a également souligné le fait que le Tribunal de protection avait laissé s’écouler près de sept mois entre le prononcé des mesures superprovisionnelles et provisionnelles, ce qui n’était pas conforme au droit. A______ a en outre fait grief au Tribunal de protection d’avoir repris les termes du rapport du SEASP du 9 novembre 2022, alors que le contenu dudit rapport était contesté. Contrairement à ce qu’avait retenu le Tribunal de protection, il ne cherchait pas à donner une image négative de B______, dont les déclarations étaient sujettes à caution, puisqu’elle avait été condamnée par le Ministère public du Nord vaudois à une peine pécuniaire de 10 jours-amende à 30 fr. chacun avec sursis pendant deux ans et à une amende de 300 fr. pour violation du secret ou du domaine privé au moyen d’un appareil de prise de vues, pour avoir chargé la mineure E______ de filmer son père et son épouse à leur insu, ce qu’elle avait fait lors de l’exercice du droit de visite (cette condamnation figure au dossier). A______ a contesté avoir usé de châtiments corporels à l’égard de ses enfants. Il a également allégué que l’altercation du 23 octobre 2022 avait été provoquée par B______, l’enquête pénale étant toujours en cours. A______ a enfin soutenu ne représenter aucun danger pour les mineurs, de sorte que rien ne justifiait que le droit de visite s’exerce dans un lieu médiatisé. Le droit de visite en vigueur avant le prononcé de l’ordonnance de mesures superprovisionnelles devait par conséquent être rétabli.

b. Par décision DAS/147/2023 du 21 juin 2023, la Chambre de surveillance de la Cour de justice (ci-après : la Chambre de surveillance), statuant à titre superprovisionnel et sur effet suspensif, a rejeté la requête de A______.

c. Le Tribunal de protection a persisté dans les termes de l’ordonnance attaquée.

d. B______ a conclu au rejet du recours.

e. A______ a répliqué, persistant dans ses conclusions.

f. B______ a dupliqué.

g. La cause a été mise en délibération à l’issue de ces échanges.

EN DROIT

1. 1.1 Les dispositions de la procédure devant l’autorité de protection de l’adulte sont applicables par analogie aux mesures de protection de l’enfant (art. 314 al. 1 CC).

Les décisions de l’autorité de protection rendues sur mesures provisionnelles peuvent faire l’objet d’un recours (art. 450 al. 1 C) dans un délai de dix jours à compter de la notification de la décision (art. 445 al. 3 CC), auprès de la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 52 al. 1 LaCC).

En l’espèce, le recours a été formé dans le délai utile et selon les formes prescrites, de sorte qu’il est recevable.

1.2 Compte tenu de la matière, soumise aux maximes inquisitoire et d’office illimitée, la cognition de la Chambre de surveillance est complète. La Cour n’est pas liée par les conclusions des parties (art. 446 CC ; art. 314 al. 1 et 440 al. 3 CC).

2. Le recourant a soulevé l’incompétence ratione materiae du Tribunal de protection à rendre la décision entreprise, en raison de la saisine, le 17 avril 2023, du Tribunal de première instance.

2.1.1 Depuis le 1er janvier 2017, lorsque l’entretien d’un enfant de parents non mariés est litigieux, le juge compétent pour statuer sur la demande d’aliments se prononce également (par attraction de compétence) sur l’autorité parentale et les autres points concernant le sort des enfants (art. 298b al. 3 2ème phr. et art. 298d al. 3 CC). Dans un tel cas, il paraît opportun, dans le silence de la loi (le législateur n’a pas envisagé cette problématique) d’appliquer les art. 315a et 315b CC par analogie (Meier/Stettler, Droit de la filiation, 6ème éd., n. 1780).

Le juge chargé de régler les relations des père et mère avec l’enfant selon les dispositions régissant le divorce ou la protection de l’union conjugale prend également les mesures nécessaires à la protection de ce dernier et charge l’autorité de protection de l’enfant de leur exécution (art. 315a al. 1 CC). L’autorité de protection de l’enfant demeure toutefois compétente pour poursuivre une procédure de protection de l’enfant introduite avant la procédure judiciaire ; prendre les mesures immédiatement nécessaires à la protection de l’enfant lorsqu’il est probable que le juge ne pourra pas les prendre à temps (art. 315a al. 3 ch. 1 et 2 CC).

Pour des raisons d’économie de procédure, il y a lieu de déroger à la règle d’attraction lorsque le dossier est en état d’être jugé par l’autorité de protection (Colombini, note, JdT 2017 III p. 23).

2.1.2 Selon l’art. 445 al. 1 CC (applicable aux mineurs par le biais de l’art. 314 al. 1 CC), l’autorité de protection de l’adulte prend, d’office ou à la demande d’une personne partie à la procédure, toutes les mesures provisionnelles nécessaires pendant la durée de la procédure. Elle peut notamment ordonner une mesure de protection de l’adulte à titre provisoire (art. 445 al. 1 CC). En cas d’urgence particulière, elle peut prendre des mesures provisionnelles sans entendre les personnes parties à la procédure. En même temps, elle leur donne la possibilité de prendre position; elle prend ensuite une nouvelle décision (art. 445 al. 2 CC).

2.2 En l’espèce, le Tribunal de protection connaît de la situation des trois mineurs depuis de nombreuses années, la procédure ayant été formellement ouverte en 2013, à la suite de la naissance de E______ et de F______.

Le Tribunal de protection a été amené à suspendre, sur mesures superprovisionnelles prononcées le 31 octobre 2022, le droit de visite du recourant sur ses enfants.

A la suite de l’audience qui s’est tenue devant le Tribunal de protection le 5 avril 2023, la cause a été gardée à délibérer.

Quelques jours plus tard, B______ a saisi le Tribunal de première instance d’une requête en fixation de contributions d’entretien et droit aux relations personnelles, ce dont le Tribunal de protection n’a été informé que le 17 mai 2023. Conformément aux dispositions légales et à la doctrine citées sous considérant 2.1.1 ci-dessus, le Tribunal de protection aurait en principe dû se dessaisir de sa procédure au profit du Tribunal de première instance, désormais compétent pour statuer sur l’ensemble des questions litigieuses, y compris le droit de visite et les éventuelles mesures de protection. A ce moment-là, la cause était toutefois en état d’être jugée sur mesures provisionnelles par le Tribunal de protection. Pour des raisons d’économie de procédure et de célérité, il se justifiait par conséquent que cette autorité statue sans tarder, ce qu’elle a fait le 24 mai 2023 en rendant l’ordonnance litigieuse.

Au vu de ce qui précède et contrairement à ce qu’a soutenu le recourant, il ne saurait être reproché au Tribunal de protection d’avoir statué sur mesures provisionnelles au lieu de transmettre la cause au Tribunal de première instance, ce qui n’aurait fait que retarder son dénouement.

Pour le surplus, il est certes regrettable que le Tribunal de protection, après avoir rendu son ordonnance sur mesures superprovisionnelles, n’ait pas respecté la procédure imposée par l’art. 445 al. 2 CC en attendant plus de cinq mois pour convoquer les parties à une audience et près de sept mois pour rendre une seconde décision. Cette informalité ne saurait toutefois conduire, comme semble le souhaiter le recourant, à la restauration de son droit de visite tel que prévu avant le prononcé de l’ordonnance du 31 octobre 2022.

3. 3.1.1 Le père ou la mère qui ne détient pas l'autorité parentale ou la garde ainsi que l'enfant mineur ont réciproquement le droit d'entretenir les relations personnelles indiquées par les circonstances (art. 273 al. 1 CC).

Autrefois considéré comme un droit naturel des parents, le droit aux relations personnelles est désormais conçu à la fois comme un droit et un devoir de ceux-ci (art. 273 al. 2 CC), mais aussi comme un droit de la personnalité de l'enfant; il doit servir en premier lieu l'intérêt de celui-ci (ATF 127 III 295 consid. 4a; 123 III 445 consid. 3b). C'est pourquoi le critère déterminant pour l'octroi, le refus et la fixation des modalités du droit de visite est le bien de l'enfant, et non une éventuelle faute commise par le titulaire du droit (vez, Le droit de visite – Problèmes récurrents, in Enfant et divorce, 2006, p. 101 ss, 105). Le rapport de l'enfant avec ses deux parents est essentiel et peut jouer un rôle décisif dans le processus de sa recherche d'identité (ATF 127 III 295 consid. 4a; 123 III 445 consid. 3c; 122 III 404 consid. 3a et les références citées).

3.1.2 A teneur de l'art. 274 al. 2 CC, si les relations personnelles compromettent le développement de l’enfant, si les père et mère qui les entretiennent violent leurs obligations, s’ils ne se sont pas souciés sérieusement de l’enfant ou s’il existe d’autres justes motifs, le droit d’entretenir ces relations peut leur être refusé ou retiré. Le droit de visite peut aussi être restreint.

D'après la jurisprudence, il existe un danger pour le bien de l'enfant si son développement physique, moral ou psychique est menacé par la présence, même limitée, du parent qui n'a pas l'autorité parentale. La jurisprudence cite la maltraitance psychique ou physique (arrêt 5P.131/2006 du 25 août 2006 consid. 3 s., publié in FamPra.ch 2007 p. 167). Quel que soit le motif du refus ou du retrait du droit de visite, la mesure ne doit être envisagée que si elle constitue l'ultime moyen d'éviter que le bien de l'enfant ne soit mis en péril. Un refus des relations personnelles doit ainsi respecter les principes de subsidiarité et de proportionnalité, et ne saurait être imposé que si une autre mesure d'encadrement ne suffit pas à écarter efficacement et durablement le danger. En revanche, si le risque engendré pour l'enfant par les relations personnelles peut être limité grâce à d'autres mesures moins incisives telles que la présence d'un tiers ou l'exercice du droit dans un milieu protégé, le principe de la proportionnalité et le sens des relations personnelles interdisent la suppression complète de ce droit (ATF 122 III 404, consid. 3b, JdT 1998 I 46; arrêts du Tribunal fédéral 5C.244.2001, 5C.58/2004; Kantonsgericht SG in RDT 2000 p. 204;Vez, Le droit de visite, problèmes récurrents, in Enfant et divorce, 2006 p. 122 et réf. citées; MEIER/STETTLER, Droit de la filiation, 6ème éd. n. 1014 ss).

Le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation dans la fixation du droit de visite (ATF 122 III 404 consid. 3d = JdT 1998 I 46).

3.1.3 Le curateur n'a pas le pouvoir de décider lui-même de la réglementation du droit de visite, mais le juge peut lui confier le soin d'organiser les modalités pratiques de ce droit dans le cadre qu'il aura préalablement déterminé (arrêts du Tribunal fédéral 5A_670/2013 du 8 janvier 2014 consid. 4.1 et les références citées; 5A_586/2012 du 12 décembre 2012 consid. 4.2; 5A_101/2011 du 7 juin 2011 consid. 3.1.4). Ce dernier aide ainsi les parents à organiser les modalités pratiques de l'exercice du droit de visite (arrêt du Tribunal fédéral 5A_101/2011 du 7 juin 2011 consid. 3.1.4).

3.2 En raison de la relation hautement conflictuelle qu’entretiennent les parties, l’organisation du droit de visite est demeurée problématique au fil du temps, jusqu’à aboutir à l’épisode de violence du mois d’octobre 2023, en présence des trois mineurs. La procédure pénale est certes encore en cours et il ne saurait être totalement exclu, à ce stade, que d’autres que le recourant aient également une responsabilité dans le déclenchement de cet épisode. Il n’en demeure pas moins que B______ a été blessée et a dû être conduite à l’hôpital, le tout sous le regard de ses enfants, le recourant pour sa part n’ayant souffert d’aucune blessure visible.

Le recourant, bien qu’il minimise les faits, ne saurait sérieusement nier que les trois mineurs ont pu être choqués de voir leur mère blessée et hospitalisée en raison des coups reçus. Le recourant a d’ailleurs admis, lors de l’audience du 5 avril 2023 devant le Tribunal de protection, qu’un travail thérapeutique devrait être effectué afin de renouer les liens avec ses enfants. Il ne saurait dès lors soutenir que le droit de visite devrait reprendre sans autre, comme si l’épisode du 23 octobre 2022 n’avait pas eu lieu. Par ailleurs, le droit de visite est suspendu depuis plus de dix mois, de sorte qu’il se justifie qu’il soit réinstauré de manière progressive, comme l’a ordonné le Tribunal de protection, afin de tenir compte de la sensibilité des mineurs, mise à mal par le conflit permanent entre leurs parents et plus encore par l’épisode navrant d’octobre 2023.

Dans la décision attaquée, le Tribunal de protection s’est contenté d’indiquer que le droit aux relations personnelles devait s’exercer de façon progressive dans un lieu médiatisé. Ce faisant, il n’a pas fixé suffisamment précisément le droit de visite du recourant, une telle tâche ne pouvant être déléguée au curateur.

Au vu de ce qui précède, le droit de visite sera fixé de la manière suivante :

-          un week-end sur deux, le samedi ou le dimanche, pendant deux heures, au sein d’un Point rencontre et ce à raison de six visites, ce qui permettra au père et aux mineurs de renouer contact, à ces derniers de reprendre confiance et aux intervenants du Point rencontre et au curateur de vérifier l’évolution de la situation;

-          puis, sauf avis contraire du curateur, à raison d’un week-end sur deux, du samedi matin à 10h00 au dimanche soir à 17h00, le passage des enfants devant se faire par le biais du Point rencontre, afin d’éviter que ne surviennent entre les parents de nouveaux épisodes traumatisants pour les mineurs; il conviendra par ailleurs de prévoir un temps de battement de 15 minutes entre l’arrivée et le départ de chaque parent, afin d’éviter qu’ils ne se croisent.

Au stade des mesures provisionnelles, il sera renoncé à faire débuter le droit de visite le vendredi soir, le recourant lui-même admettant ne pas être certain que ses horaires de travail lui permettront d’être disponible à ce moment-là.

Le chiffre 1 de l’ordonnance attaquée sera annulé et il sera statué conformément à ce qui précède.

3.3 Pour le surplus, le Tribunal de protection sera invité à transmettre sans délai la procédure au Tribunal de première instance, pour raison de compétence, celui-ci devant se charger de statuer au fond.

4. La procédure en appel ne portant que sur la fixation des relations personnelles entre le père et ses enfants, elle n’est pas gratuite (art. 54 RTFMC). L’émolument de décision sera arrêté à 600 fr., mis pour moitié à la charge du recourant, qui succombe en grande partie et pour moitié à la charge de l’Etat.

La part, en 300 fr., incombant au recourant, sera toutefois provisoirement supportée par l’Etat de Genève, compte tenu du bénéfice de l’assistance judiciaire.

* * * * *

 


 

PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé par A______ contre l’ordonnance DTAE/4308/2023 rendue le 24 mai 2023 par le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant dans la cause C/13461/2013.

Au fond :

Annule le chiffre 1 du dispositif de l’ordonnance attaquée et statuant à nouveau sur ce point :

Réserve à A______ un droit de visite sur ses enfants E______, F______ et G______, lequel devra s’exercer selon les modalités suivantes :

-          un week-end sur deux, le samedi ou le dimanche, pendant deux heures, au sein d’un Point rencontre et ce à raison de six visites;

-          puis, sauf avis contraire du curateur, à raison d’un week-end sur deux, du samedi matin à 10h00 au dimanche soir à 17h00, le passage des enfants devant se faire par le biais du Point rencontre, avec un temps de battement de 15 minutes entre l’arrivée et le départ de chaque parent.

Confirme pour le surplus l’ordonnance attaquée.

Sur les frais :

Arrête l’émolument de décision relatif à la procédure de recours à 600 fr.

Le met pour moitié à la charge de A______ et pour moitié à celle de l’Etat de Genève.

Dit que la part incombant à A______ sera provisoirement supportée par l’Etat de Genève.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Carmen FRAGA, greffière.

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.