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Décisions | Chambre de surveillance

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C/20052/2013

DAS/82/2023 du 05.04.2023 sur DTAE/8661/2022 ( PAE ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/20052/2013-CS DAS/82/2023

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU MERCREDI 5 AVRIL 2023

 

Recours (C/20052/2013-CS) formé le 26 janvier 2023 par Madame A______, domiciliée ______ (Genève), comparant par Me Jacqueline MOTTARD, avocate, en l'Etude de laquelle elle élit domicile.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 20 avril 2023 à :

- Madame A______
c/o Me Jacqueline MOTTARD, avocate
Rue Pedro-Meylan 1, case postale 6203, 1211 Genève 6.

- Monsieur B______
______, ______.

- Madame C______
Madame D
______
SERVICE DE PROTECTION DES MINEURS
Case postale 75, 1211 Genève 8.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.


EN FAIT

A. a) A______ et B______ sont les parents de E______, née le ______ 2013.

Ils exercent conjointement l'autorité parentale depuis la naissance de l'enfant.

b) Le couple s'est séparé en automne 2017.

Par jugement rendu le 8 février 2021 sur action alimentaire et fixation des droits parentaux, le Tribunal de première instance a, d'accord entre les parties, maintenu l’autorité parentale conjointe, organisé la garde alternée de l’enfant, sauf accord contraire, une semaine sur deux, attribué les allocations familiales à la mère, donné acte au père de ce qu’il s’engageait à payer la totalité des frais de scolarité de l’enfant auprès de l’école [privée] F______ sous forme de contribution d’entretien en mains de la mère et dit que, dès la fin de la scolarité auprès de cette école, les parents se partageraient par moitié lesdits frais décidés d’entente entre eux.

B. a) Le 3 février 2022, B______ a saisi le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (ci-après: le Tribunal de protection) d'une requête tendant au prononcé d'une décision urgente imposant à la mère le retour de leur fille à l’école F______.

Il a expliqué que la mère, manipulatrice et adepte des thèses complotistes inspirées du mouvement QAnon, tel que cela ressortait des vidéos qu’elle publiait sur internet, n’avait pas scolarisé leur fille depuis le début de l'année 2022, alors qu’il n'avait plus consenti à ce que l’enseignement pour l’enfant puisse être dispensé à domicile.

Il a produit un courriel adressé le 7 février 2022 par le Département de l'instruction publique aux parents de la mineure, les informant de ce qu'il n'entrait pas en matière sur la demande d'enseignement à domicile vu que le père s'y était opposé.

b) Dans sa réponse du 25 février 2022, la mère a conclu à ce qu’en urgence, le père soit exhorté à respecter ses engagements et à autoriser en conséquence l'enseignement à domicile en faveur de l'enfant.

Elle a indiqué que la requête du père contenait des propos mensongers ainsi que des accusations diffamatoires et calomnieuses en raison desquelles elle avait déposé une plainte pénale. Elle avait longuement réfléchi avec sa fille, puis était parvenue avec cette dernière à convaincre le père de signer la demande d’enseignement à domicile pour l’enfant. A son retour au domicile de la mère le 28 janvier 2022, la mineure, bouleversée, avait rapporté à celle-ci que son père avait changé d’avis.

c) Dans un rapport du 25 février 2022, le Service de protection des mineurs (ci-après: le SPMi) a indiqué avoir entendu les parents de la mineure, cette dernière en présence de sa mère et la psychologue référente pour l'enseignement à domicile du Département de l'instruction publique. Le père craignait que l'enfant soit sous l'influence des idées et théories complotistes de la mère et instrumentalisée par cette dernière dans le conflit parental. La mère reprochait au père d'être peu présent auprès de sa fille lorsqu'il en avait la garde. L'enseignement à domicile correspondait, selon la mère, à une envie et un besoin de l'enfant. Elle avait enregistré la conversation tenue à ce sujet avec le père le 31 janvier 2022. La mineure avait, en présence de sa mère, lu une liste préalablement écrite énumérant les raisons pour lesquelles elle avait envie de bénéficier de l'enseignement à domicile, et avait évoqué sa colère envers son père, qui avait rompu sa promesse. Le SPMi avait rappelé à la mère qu’à défaut de l’accord du père pour l’enseignement à domicile, la présence de la mineure à l’école était exigée. Le père avait indiqué avoir amené sa fille à l'école sans difficulté le 22 février 2022 que celle-ci avait semblé heureuse de retrouver ses camarades et la directrice de son école. Le SPMi estimait que la mineure n’était exposée à aucun danger imminent et ne recommandait en conséquence aucune mesure urgente de protection.

C. a) Le 28 février 2022, la mère a déposé une demande de modification du jugement rendu par le Tribunal de première instance le 8 février 2021, concluant à ce que l'autorité parentale et la garde sur la mineure lui soient exclusivement attribuées et à ce qu'un droit de visite soit réservé au père.

Elle a en outre sollicité des mesures provisionnelles tendant à l'attribution en sa faveur de la garde exclusive de l'enfant et à l'octroi d'un droit de visite au père.

Elle a allégué que la communication des parents avait toujours été difficile malgré ses efforts soutenus pour attirer l’attention du père sur les besoins de la mineure et qu’elle avait constamment été confrontée au désintérêt et à la contestation du père sur tous les aspects de la vie de leur fille. Il était arrivé au père de refuser des soins corporels ou médicaux pour l’enfant, par exemple en 2019, et de ne pas collaborer au suivi pédopsychiatrique de leur fille mis en place au début de 2020. L'enfant réclamait la prèsence de son père depuis qu’elle avait l’âge de s’exprimer. Depuis des années, le père ne voyait quasiment pas sa fille pendant ses périodes de garde. La mère a produit des courriels qu'elle a adressés au père les 16 décembre 2019 et 10 janvier 2020, dans lesquels elle se plaignait de ce que leur fille souffrait du fait qu'il était très peu à la maison. La situation s’était péjorée depuis que la belle-mère de la mineure la mettait en compétition avec le nouvel enfant arrivé dans la cellule familiale du père en janvier 2020. La mère estimait que ces nouvelles circonstances faisaient souffrir la mineure, qui était ignorée par le père. Le projet d’enseignement à domicile, auquel le père avait dans un premier temps consenti avant de faire volte-face, ce qui était ressenti comme une trahison par l’enfant, était le changement significatif qui motivait essentiellement la requête de la mère, dès lors qu’il illustrait les divergences parentales sur des choix touchant directement le développement de l’enfant, lesquelles rendaient le maintien de l’autorité parentale conjointe impossible. Elle considérait par ailleurs que la garde alternée n’avait jamais répondu à ses espoirs, car le père n’avait jamais compris ce que signifiait prendre en charge l’enfant de manière alternée, déléguant constamment sa présence et ses obligations à sa compagne, ses parents ou à la nourrice de son deuxième enfant, ce dont se plaignait la mineure.

b) Le 17 mars 2022, le Tribunal de protection a rejeté les conclusions superprovisionnelles et provisionnelles des deux parents, au motif qu’aucune urgence ne requérait la prise de mesure de protection. Il les a exhortés à entreprendre une médiation en relevant qu'il était dans l'intérêt de l'enfant qu'ils apaisent leur conflit.

c) Le 26 avril 2022, le père a indiqué au Tribunal de protection ne jamais avoir été informé, ni n’avoir consenti à l’enregistrement évoqué par la mère dans le rapport du SPMi du 25 février 2022. Il avait toutefois renoncé à porter plainte pénale.

d) Le Service de l'évaluation et de l'aide à la séparation parentale (ci-après: le SEASP) a établi son rapport d'évaluation sociale le 18 juillet 2022. Il a recommandé de maintenir l’autorité parentale conjointe et l’alternance hebdomadaire de la garde, avec une répartition des vacances scolaires par moitié.

Il a constaté que, depuis plus de deux ans, la mineure était au cœur d’une réorganisation familiale chez chacun de ses parents, suite aux naissances d’un demi-frère chez son père puis d’une demi-sœur chez sa mère. Elle devait retrouver un équilibre et s’assurer du maintien de sa place auprès de chacun d’eux. De plus, les parents avaient des fonctionnements de vie très différents, auxquels elle devait s’adapter. D’un côté, la mère et son compagnon travaillaient ensemble à domicile comme indépendants. De l’autre, le père et sa compagne travaillaient chacun à l’extérieur. Leurs conceptions éducatives étaient différentes au sujet des règles et limites à mettre à leur fille. La mineure disposait chez chacun de ses parents d’une prise en charge et de conditions de vie conformes à ses besoins. Ses deux parents étaient tous deux très présents et investis dans son éducation, sa prise en charge et ses différents suivis médicaux, scolaires ainsi qu’au plan financier. L’enfant se développait bien tant au plan de sa santé que de ses apprentissages. Elle entretenait des contacts étroits avec ses deux familles élargies. Bien qu’elle ait pu émettre des insatisfactions quant à sa prise en charge chez son père, elle entretenait néanmoins une très bonne relation avec chacun de ses parents et exprimait le souhait de passer davantage de temps avec chacun d’eux. Le SEASP a ainsi considéré que la poursuite de la garde alternée permettrait à la mineure de continuer à profiter de l’apport bénéfique de chacun de ses parents. Les importantes divergences parentales intervenues les mois précédents, dont l’enfant n’avait pas été préservée, notamment au sujet de l’enseignement à domicile, avaient conduit à une forte dégradation des relations entre les père et mère et à la rupture de communication entre eux, plaçant la mineure au centre du conflit parental et impactant davantage son équilibre. L’intérêt de celle-ci commandait désormais à ses parents de tout mettre en œuvre pour qu’elle retrouve une place sereine entre eux, de restaurer une communication ainsi que des relations de confiance, préalables à une collaboration parentale opérante. S’ils n’y parvenaient pas seuls, il leur incombait de se faire aider. Le SEASP avait proposé de les accompagner dans ce sens. Les parents n’avaient pas encore entrepris la médiation à laquelle le Tribunal de protection les avait exhortés. La Fondation G______ était prête à entrer en matière dès fin août 2022 pour un travail de coparentalité entre eux.

Le SEASP estimait par ailleurs que, malgré le désaccord parental au sujet de la scolarisation de l'enfant, aucun élément ne justifiait de retirer l’enfant de l’école F______, de sorte qu'il recommandait en conséquence de maintenir l’enfant scolarisée dans cet établissement. En décembre 2021, dans le contexte de l’épidémie de Covid-19 et de l’obligation du port du masque à l’école pour les enfants dès l’âge de huit ans, la mère avait retiré sa fille de l’école F______, où celle-ci était scolarisée depuis l’âge de trois ans, et l’avait scolarisée à domicile par ses soins. Sur ordre du DIP, la mineure avait réintégré son école en février 2022. Le SEASP n’a pas pu se prononcer sur les questions des compétences pédagogiques de la mère et de ses motivations concernant l’enseignement à domicile. Néanmoins, la directrice de l’école avait constaté qu’après deux mois de déscolarisation, la mineure avait déjà perdu des repères inhérents à la vie en collectivité, réduit sa capacité de travail et pris du retard en anglais, avec des difficultés à reprendre un rythme. Cependant, après environ cinq mois depuis son retour à l’école, elle avait bien récupéré en anglais et retrouvé un bon rythme scolaire ainsi que son réseau social, lequel était sur le point de prendre davantage d’importance au vu de son âge, pour l’aider à se construire.

Dans son compte-rendu de l’audition faite de la mineure le 17 mai 2022, le SEASP a noté qu’elle s’était montrée très souriante et enjouée avant et après l’entretien, mais aussi sérieuse, très concentrée et pugnace au sujet de l’enseignement à domicile. Elle réfléchissait un moment aux questions avant d’y répondre et peinait à expliquer certains termes qu’elle répétait, tels que ses « besoins », puis s’agaçait lorsque des précisions lui étaient demandées. Selon ce service, son discours apparaissait "plaqué". Lors de son audition, la mineure a comparé l’école et l’enseignement à domicile sur plusieurs points et dit en substance à chaque fois que cela n’était pas bien à l’école, mais beaucoup mieux à la maison, y compris parce que ses camarades d’école la contrariaient au sujet de l’enseignement à domicile, alors que sa mère lui avait dit que son ami, dont elle était amoureuse, ferait l’école à la maison avec elle. La mineure a indiqué que lorsqu’elle était chez son père, c’était « un peu plus énervant » car il n’écoutait pas ses « besoins ». Invitée à préciser ce qu’étaient ses besoins, elle a répondu avoir « besoin de faire l’école à la maison », puis qu’elle en avait envie, puis encore qu’à l’école, elle n’apprenait pas beaucoup et qu’elle n’aimait pas. Elle a ajouté devoir se lever tôt pour l’école, mais plus tard pour l’enseignement à domicile. Ensuite, elle a expliqué adorer aller voir sa grand-mère maternelle avec sa mère, mais ne pas aimer voir sa grand-mère paternelle, où elle était obligée d’aller lorsqu’elle était chez son père, car ses cousines de douze et quatorze ans qu’elle y retrouvait ne jouaient pas avec elle. De même, elle considérait son demi-frère du côté de son père comme « difficile », contrairement à sa demi-sœur du côté de sa mère, qui était « adorable ». Elle faisait des jeux et des promenades avec chacun de ses parents, mais lors de celles avec son père, ce dernier parlait tout le temps avec sa belle-mère sans s’occuper d’elle. Elle déplorait que, le soir, son père ne revenait qu'au moment où elle devait se coucher, à 20 heures, soit plus tôt que chez sa mère, de sorte qu’elle tentait de trouver beaucoup de prétextes pour sortir du lit afin de rester en compagnie de son père et de sa belle-mère. Elle a dit avoir besoin que quelqu’un s’occupe d’elle et que sa mère écoutait ses besoins. La mineure a dit qu’elle voulait faire l’école à la maison, passer plus de temps avec sa mère et aussi passer plus de temps avec son père, tout en déplorant qu’il ne soit pas là. Elle a ajouté que lorsqu’elle posait des questions à son père, c’était toujours sa belle-mère qui répondait en disant que son père n’était « pas qu’à elle ».

e) Dans ses déterminations du 29 août 2022, la mère a persisté dans sa demande. Elle a relevé que le SEASP n’avait manifestement pas entendu le message que la mineure avait tenté de faire passer lors de son audition, alors qu'elle avait pourtant confirmé en tous points les problèmes allégués dans la requête du 28 février 2022. Les déclarations de sa fille montraient que celle-ci était reléguée au second plan dans la famille paternelle, où on lui demandait de ne pas interférer dans la vie des adultes, de sorte qu’il était faux d’affirmer que le père était présent et investi. Les besoins et la sensibilité particulière de la mineure devaient être pris en compte. Le weekend semblait être le seul moment durant lequel le père était véritablement libre pour s’occuper de sa fille. Les horaires de travail du père ne justifiaient pas qu’il ne partage pas ses repas avec sa fille et lui interdise de sortir de sa chambre une fois qu’elle avait mangé. De telles consignes s’approchaient plus de la maltraitance que d’un mode d’éducation. Une garde alternée n’était pas adéquate. Au sujet de l’enseignement à domicile, la mère a indiqué que les parents étaient, en leur qualité de détenteurs de l’autorité parentale, les plus légitimes pour décider de l’éducation à donner à leurs enfants, sans que l’Etat ne s’en mêle sauf au cas où le développement de l’enfant serait mis en péril, ce qui n’était manifestement pas le cas. La mère était d'avis qu'il ne convenait pas de maintenir l'autorité parentale conjointe vu l'impossibilité de tenir une position commune face aux choix de vie et d’éducation liés à l’enfant. Elle avait par ailleurs appris, suite aux auditions des parties par le SEASP, que des changements notables dans la situation familiale du père avaient atteint la stabilité émotionnelle et affective de la mineure. Cette dernière lui avait longuement expliqué que les disputes entre le père et sa compagne s’étaient intensifiées tant dans leur fréquence que dans leur virulence. A son retour de vacances avec la mère, la mineure avait exprimé de l'inquiétude à se retrouver confrontée à ce climat de tension chez son père et avait demandé à pouvoir rester une nuit de plus chez sa mère. Sa fille pleurait souvent lorsqu’elle était chez son père, où la tristesse et la détresse de l’enfant étaient minimisées et un chantage affectif était exercé sur la mineure lorsqu'elle exprimait vouloir habiter chez sa mère. Lorsque la mineure avait exprimé le désir d’habiter chez elle, le père lui avait répondu : « si tu vas chez maman, tu ne remets plus les pieds ici », ou encore « si tu vas chez maman, tu feras moins partie de la famille », ayant même demandé une fois à sa compagne de monter un sac poubelle pour y jeter les jouets de la mineure « puisqu’elle veut partir chez sa mère ». Ce chantage avait plongé la mineure dans un profond désarroi, qui avait provoqué chez celle-ci de l’eczéma derrière les genoux, qui avait totalement disparu après un mois de vacances avec la mère. Pour motiver ses dires, la mère a produit trois photos montrant l’arrière des jambes de l'enfant.

f) Lors de l'audience tenue le 3 novembre 2022, le Tribunal de protection a entendu les parents de la mineure et la collaboratrice du SEASP ayant rédigé le rapport d'évaluation sociale.

La mère a expliqué faire des efforts depuis la séparation parentale en 2017 pour maintenir une garde alternée et se battre pour que le père soit plus présent auprès de la mineure. Le jugement rendu le 8 février 2021 avait pris en compte que la mineure n’avait pas de problème majeur. La plainte pénale qu’elle avait déposée au début de l’année 2022 contre le père avait été classée. La mère constatait que la situation ne s’améliorait pas. Lorsque sa fille était chez son père, elle l'appelait en suppliant de venir la chercher. La mère a indiqué attendre un bébé pour le mois de mars 2023.

Le père a adhéré au préavis du SEASP du 18 juillet 2022. Il a nié les allégations de mésententes avec sa compagne et annoncé qu’ils planifiaient même un mariage l’année prochaine. Les vacances d’été passées avec la mineure en Sardaigne s’étaient très bien passées. A la rentrée scolaire, la mineure s’était bien réinsérée à l’école F______ et les enseignants avaient récemment confirmé que cela se passait bien pour elle. Il arrivait au père d’amener sa fille au théâtre le lundi et à la danse le mercredi. S’il ne le pouvait pas, sa compagne, la nourrice ou le parent d’une amie de l’enfant s’en chargeaient. Il était gérant de fortune, rentrait du travail à 18 heures lorsque la mineure était sous sa garde et partageait les repas à quatre, avec sa compagne et le demi-frère de la mineure. Malgré son opposition à tout changement de garde ou d’autorité parentale, il avait accepté que la mineure passe temporairement plus de temps chez sa mère, conformément à sa demande du moment.

La collaboratrice du SEASP a exposé que la mère lui avait fait part des faits nouveaux mentionnés dans ses écritures du 29 août 2022, mais que ces éléments ne modifiaient pas les conclusions de son rapport. Il lui paraissait important que la mineure dispose d’un espace neutre de discussion. Au vu des inquiétudes parentales au sujet de la prise en compte de la parole de l’enfant, elle s’est interrogée sur la nécessité d’une expertise familiale.

Les parents ont déclaré ne pas s’opposer à l’éventualité de cette expertise.

A l’issue de cette audience, le Tribunal a gardé la cause à délibérer.

D. Par ordonnance DTAE/8661/2022 rendue le 3 novembre 2022, le Tribunal de protection a notamment maintenu l'autorité parentale conjointe sur la mineure E______, née le ______ 2013 et rejeté la requête de A______ sur ce point (ch. 2), maintenu la garde alternée et rejeté la requête de A______ du 28 février 2022 sur ce point (ch. 3), instauré une curatelle d’assistance éducative (ch. 4), désigné deux collaboratrices du Service de protection des mineurs aux fonctions de curatrices de la mineure en leur confiant les missions d’assister les parents dans l’organisation de leur garde alternée et dans l’exercice de leur autorité parentale conjointe, dans la réalisation d'un bilan de la mineure auprès de l'Office médico-pédagogique (OMP) et dans la mise en œuvre d'une thérapie auprès d'un lieu tel que la Consultation psychothérapeutique pour familles et couples des HUG (ch. 5), donné instruction aux parents d’entreprendre une thérapie auprès d'un lieu tel que la Consultation psychothérapeutique pour familles et couples des HUG (ch. 6) et de réaliser un bilan de la mineure auprès de l'Office médico-pédagogique (ch. 7) et déclaré la décision immédiatement exécutoire, nonobstant recours (ch. 8).

Le Tribunal de protection a considéré qu'aucun fait nouveau important ne justifiait de modifier le jugement du Tribunal de première instance du 8 février 2021. Les conflits parentaux et reproches formulés par la mère quant à un manque de disponibilité du père, à son désintérêt pour l'enfant ou à un manque de soins entrepris dataient de 2019 et 2020 et ne constituaient pas des faits nouveaux. L'intensification des conflits entre le père et sa compagne n'était pas démontrée. Le désaccord opposant les parents sur l'enseignement à domicile ne justifiait pas de revoir l'attribution de l'autorité parentale dans la mesure où la scolarisation de la mineure à l'école Montessori ne mettait pas l'enfant en danger. Le Tribunal de protection a ordonné une curatelle d'assistance éducative, fait instruction aux parents d'entreprendre une thérapie et de réaliser un bilan de la mineure auprès de l'Office médico-pédagogique afin d'éviter que les conflits parentaux n'affectent durablement la mineure.

E. a) Par acte expédié le 26 janvier 2023, A______ a recouru contre cette ordonnance, qu'elle a reçue le 27 décembre 2022. Elle conclut à l'annulation des chiffres 2 à 8 de son dispositif et, cela fait, à l'attribution en sa faveur de l'autorité parentale et de la garde exclusives sur la mineure E______, à la réserve en faveur du père d'un droit de visite à raison d'un week-end sur deux, du vendredi soir au lundi matin et de la moitié des vacances scolaires et à la compensation des dépens.

b) Le Tribunal de protection n'a pas souhaité reconsidérer sa décision.

c) Les curatrices ont recommandé de maintenir les mesures adoptées par le Tribunal de protection.

d) Le 3 mars 2023, B______ conclu au rejet du recours.

e) Par avis du greffe du 7 mars 2023, les parties ont été informées de ce que la cause serait gardée à juger à l'issue d'un délai de dix jours.

EN DROIT

1. 1.1 Les décisions de l'autorité de protection peuvent faire l'objet d'un recours auprès de la Chambre de surveillance de la Cour de justice (450 al. 1 CC; art.  53 al. 1 LaCC; art. 126 al. 1 let. b LOJ). Ont qualité pour recourir les personnes parties à la procédure (art. 450 al. 2 ch. 1 CC). Le délai de recours est de trente jours à compter de la notification de la décision (art. 450b al. 1 CC; art. 53 al. 2 LaCC applicable par renvoi de l'art. 314 al. 1 CC).

En l'espèce, le recours a été formé par une partie à la procédure, dans le délai utile de trente jours et devant l'autorité compétente, il est donc recevable.

1.2 La Chambre de surveillance examine la cause librement, en fait, en droit et sous l'angle de l'opportunité (art. 450a CC). Elle établit les faits d'office et n'est pas liée par les conclusions des parties (art. 446 al. 1 et 3 CC).

2. La recourante reproche tout d'abord au Tribunal de protection d'avoir violé la maxime inquisitoire en omettant d'instruire les faits qu'elle avait soulevés en lien avec l'intensification des disputes entre le père de la mineure et sa nouvelle compagne ou avec le chantage affectif exercé par le père sur l'enfant.

2.1 L'autorité de protection établit librement les faits; elle procède à la recherche et à l'administration des preuves nécessaires; elle peut charger une tierce personne ou un service d'effectuer une enquête (art. 446 al. 1 à 3CC, applicable par renvoi de l'art. 314 al. 1 CC).

L'autorité est ainsi soumise à la maxime inquisitoire illimitée. Elle est tenue d'entreprendre toutes les démarches nécessaires et appropriées pour établir les faits juridiquement relevants. Comme pour l'art. 168 al. 2 CPC, le principe est celui de la libre appréciation des preuves, en vertu duquel l'autorité n'est liée à aucun moyen de preuve en particulier; à côté de ceux qui sont classiques (comme le témoignage, les titres, l'inspection, l'expertise, les renseignements écrites, l'interrogatoire et la déposition des parties), toutes les méthodes d'investigation nécessaires et appropriées sont admissibles (steck, in Commentaire du droit de la famille, Protection de l'adulte, 2013, n. 8 et ss ad art. 446).

2.2 En l'espèce, le Tribunal de protection a requis le Service de protection des mineurs et le SEASP d'effectuer des enquêtes, de lui en rendre compte et d'émettre des recommandations. Il a ensuite tenu une audience pour procéder à l'audition des parents de la mineure ainsi que de la collaboratrice du SEASP ayant mené l'évaluation sociale. Il a ainsi entrepris les démarches appropriées pour établir les faits pertinents pour qu'il puisse statuer sur la demande en modification du jugement maintenant l'autorité parentale conjointe et instituant la garde alternée. Lors de son audition par le Tribunal de protection, la collaboratrice du SEASP a indiqué avoir pris connaissance des plaintes formulées par la mère dans ses écritures du 29 août 2022 en précisant que ces éléments ne modifiaient pas les conclusions de son rapport. Aucun manquement ne peut ainsi être reproché au Tribunal de protection, qui a agi en conformité de la maxime inquisitoire illimitée en entreprenant toutes les démarches nécessaires à l'établissement des faits pertinents.

Ce grief n'est pas fondé.

3. La recourante reproche au Tribunal de protection d'avoir refusé de lui attribuer l'autorité parentale et la garde exclusives.

3.1 L'autorité de protection modifie l'attribution de l'autorité parentale, à la requête de l'un des parents, de l'enfant, ou encore d'office, lorsque des faits nouveaux importants le commandent pour le bien de l'enfant; elle peut aussi se limiter à statuer sur la garde de l'enfant, les relations personnelles ou la participation de chaque parent à sa prise en charge (art. 298d al. 1 et 2 CC)

Toute modification dans l'attribution de l'autorité parentale ou de la garde suppose que la nouvelle réglementation soit requise dans l'intérêt de l'enfant en raison de la survenance de faits nouveaux essentiels. En d'autres termes, une nouvelle réglementation ne dépend pas seulement de l'existence de circonstances nouvelles importantes. Elle doit aussi être commandée par le bien de l'enfant. La modification ne peut ainsi être envisagée que si le maintien de la réglementation actuelle risque de porter atteinte au bien de l'enfant et le menace sérieusement. La nouvelle réglementation doit s'imposer impérativement, en ce sens que le mode de vie actuel nuit plus au bien de l'enfant que le changement de réglementation et la perte de continuité dans l'éducation et les conditions de vie qui en est consécutive (arrêt du Tribunal fédéral 5A_800/2021 du 25 janvier 2022 consid. 5.1). Savoir si une modification essentielle est survenue par rapport à la situation existant au moment où la décision initiale a été prise doit s'apprécier en fonction de toutes les circonstances du cas d'espèce et relève du pouvoir d'appréciation du juge (art. 4 CC; arrêts du Tribunal fédéral 5A_963/201 du 1er septembre 2022 consid. 3.2.2, 5A_800/2021 du 25 janvier 2022 consid. 5.1).

Un conflit important et durable entre les parents ou une incapacité durable pour ceux-ci de communiquer entre eux à propos de l'enfant peuvent justifier une modification de l’autorité parentale pour autant que ces éléments exercent une influence négative sur celui-ci et que l'autorité parentale exclusive permette d'espérer une amélioration de la situation. En revanche, de simples différends, tels qu'ils existent au sein de la plupart des familles, d'autant plus en cas de séparation ou de divorce, ne constituent pas un motif d'attribution de l'autorité parentale exclusive (arrêt du Tribunal fédéral 5A_840/2016 du 30 janvier 2017 consid. 3.3.1).

3.2 En l'espèce, l'autorité parentale conjointe et la garde alternée ont été instaurées par jugement du Tribunal de première instance du 8 février 2021.

La recourante se prévaut essentiellement du désaccord opposant les parents au sujet de la scolarisation de l'enfant pour prétendre à l'attribution en sa seule faveur de l'autorité parentale et de la garde sur la mineure. Il ressort en effet des pièces produites qu'en début d'année 2022, les parents ne se sont pas entendus sur la scolarisation de leur fille, la recourante ayant souhaité dispenser l'enseignement à domicile, projet auquel le père n'a pas consenti. Ces circonstances sont postérieures à la réglementation mise en place en février 2021 et importantes en ce qu'elles portent sur la scolarisation de l'enfant. Elles ne justifient en revanche pas de modifier l'attribution de l'autorité parentale actuellement exercée en commun, aucun élément au dossier ne permettant de retenir que le refus du père d'adhérer au projet d'enseignement à domicile porterait atteinte au bien de l'enfant. Il ressort au contraire du rapport établi par le SEASP le 18 juillet 2022 que durant les quelques mois où la mineure n'avait pas fréquenté l'école en début d'année 2022, elle avait pris du retard dans ses apprentissages, réduit sa capacité de travail et perdu des repères inhérents à la vie en collectivité, de sorte que la scolarisation de l'enfant au sein d'un établissement scolaire apparaît conforme à son bon développement. C'est en conséquence à raison que le Tribunal de protection a maintenu l'autorité parentale conjointe en considérant que le désaccord parental quant au projet d'enseignement à domicile ne constituait pas une menace pour le développement de l'enfant.

La recourante ne saurait par ailleurs être suivie lorsqu'elle reproche au Tribunal de protection d'avoir considéré que l'existence de disputes opposant le père à sa nouvelle compagne auxquelles la mineure était exposée n'avait pas été démontrée : hormis les allégations de la recourante, aucun élément au dossier ne laisse supposer qu'un climat particulièrement conflictuel règne au sein du ménage du père. Le rapport du SEASP fait au contraire ressortir que la mineure évoluait certes dans deux lieux de vie dont les fonctionnements et les concepts éducatifs étaient très différents, mais qu'elle entretenait de bonnes relations avec chaque parent et que le maintien de la garde alternée lui était bénéfique. L'on ne saurait, dans ces circonstances, reprocher aux premiers juges d'avoir abusé de leur pouvoir d'appréciation en retenant que l'existence d'un climat conflictuel néfaste pour l'enfant au domicile de son père n'avait pas été démontré. Ces éléments ne justifient donc pas non plus de modifier les modalités de garde adoptées en février 2021.

Pour le surplus, les autres plaintes et reproches formulés par la recourante à l'encontre du père, à savoir qu'il ne lui consacrerait pas suffisamment de temps ni d'attention, qu'il déléguerait la prise en charge de l'enfant à sa nouvelle compagne ou à la nourrice ou qu'il manquerait à lui fournir les soins corporels ou médicaux ou ne collaborerait pas au suivi pédopsychiatrique de l'enfant mis en place ne sont, de ses propres dires, pas postérieurs au jugement rendu le 8 février 2021. Il ne s'agit donc pas de faits nouveaux justifiant de revoir la réglementation des droits parentaux instaurés dans ce jugement.

C'est, partant, à raison que le Tribunal de protection a rejeté la demande de la recourante tendant à la modification du jugement du 8 février 2021 et à l'attribution en sa faveur de l'autorité parentale et de la garde exclusives sur la mineure.

Le recours sera en conséquence rejeté.

4. Les frais judiciaires de recours seront arrêtés à 400 fr. et mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC; art. 77 LaCC). La recourante sera condamnée à verser la somme de 400 fr., à l’Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire.

Il n'y a pas lieu à l'allocation de dépens.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 26 janvier 2023 par A______ contre l'ordonnance DTAE/8661/2022 rendue le 3 novembre 2022 par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant dans la cause C/20052/2013.

Au fond :

Le rejette.

Arrête les frais judiciaires de recours à 400 fr. et les met à la charge de A______, qui succombe.

Condamne A______ à verser la somme de 400 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire.

Dit qu'il n'y a pas lieu à l'allocation de dépens.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Carmen FRAGA, greffière.

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.