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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/1430/2023

ACJC/124/2025 du 24.01.2025 sur JTPH/154/2024 ( OS ) , MODIFIE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/1430/2023 ACJC/124/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU VENDREDI 24 JANVIER 2025

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 11 juin 2024 (JTPH/154/2024), représentée par Me Guy ZWAHLEN, avocat, rue Monnier 1, case postale 205, 1211 Genève 12,

et

Monsieur B______, domicilié ______, intimé, représenté par Me Romain JORDAN, avocat, Merkt & Associés, rue du Général-Dufour 15, case postale, 1211 Genève 4.


EN FAIT

A.           Par jugement JTPH/154/2024 du 11 juin 2024, reçu par A______ le 18 juin 2024, le Tribunal des prud'hommes (ci-après : le Tribunal), statuant par voie de procédure simplifiée, a déclaré recevable la demande formée le 7 juin 2023 par A______ contre B______ (chiffre 1 du dispositif), déclaré irrecevable la conclusion de celle-là tendant à ce que celui-ci soit condamné à la déclarer en tant qu'employée auprès de l'Office cantonal des assurances sociales et d'une caisse de compensation LPP (ch. 2), condamné B______ à verser à A______ la somme brute de 5'632 fr., avec intérêts moratoires au taux de 5% l'an dès le 1er juillet 2021 (ch. 3), invité la partie qui en avait la charge à opérer les déductions sociales et légales usuelles (ch. 4), dit qu'il n'était pas perçu de frais ni alloué de dépens (ch. 5) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 6).

B.            a. Par acte expédié le 10 juillet 2024 à la Chambre des prud'hommes de la Cour de justice (ci-après : la Cour), A______ a formé appel de ce jugement, concluant à son annulation et, cela fait, à ce que B______ soit condamné à lui verser la somme de 17'984 fr. 27, avec intérêts à 5% dès le 1er juillet 2021, et à ce que le précité soit "invité à procéder aux déductions légales et obligatoires usuelles, en particulier celles concernant les cotisations employé aux assureurs sociaux, entre autre à la caisse de compensation AVS/AI et à l'institution de prévoyance professionnelle LPP".

b. Dans sa réponse du 12 septembre 2024, B______ a conclu au rejet de l'appel et au déboutement de A______ de toutes ses conclusions, sous suite des éventuels frais de la procédure.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives.

d. La cause a été gardée à juger le 6 décembre 2024, ce dont les parties ont été avisées le jour même.

C.           Les éléments pertinents suivants résultent de la procédure :

a. Le 8 mars 2021, B______ (ci-après également l'employeur) et A______ (ci-après A______ ou l'employée) ont signé un contrat de travail, aux termes duquel le premier a engagé la seconde en qualité d'employée de maison, à un taux d'occupation de 100%, à partir du 18 janvier 2021 pour une durée indéterminée.

Le travail de A______ consistait à accompagner et à apporter une aide en soins aux parents âgés de B______, tous deux atteints de démence, ainsi qu'à effectuer des tâches ménagères au domicile genevois de l'employeur (lessive, repassage, cuisine, nettoyage, courses alimentaires) (art. 1.2 et 2.1 du contrat).

Le salaire mensuel brut était fixé à 4'000 fr., payable douze fois l'an (art. 10 du contrat) pour une durée de travail hebdomadaire de 45 heures (art. 5 du contrat).

L'art. 6.3 du contrat stipulait par ailleurs qu'en cas d'accomplissement d'heures supplémentaires, l'employée avait droit à un congé compensatoire de même durée. Si la compensation s'avérait impossible, les heures de travail accomplies devaient être rétribuées à la fin du contrat, sans majoration.

b. A______ a été engagée après avoir effectué une semaine d'essai au domicile de B______, courant décembre 2020, alors qu'elle bénéficiait encore des prestations de l'assurance-chômage (fait admis par les parties).

En juin 2021, les parties se sont mises d'accord pour mettre un terme aux rapports de travail avec effet au 31 juillet 2021, l'employée étant dispensée de travailler dès le 1er juillet 2021 tout en ayant droit au paiement de son salaire jusqu'à fin juillet 2021. Début août 2021, les parties sont toutefois convenues de reprendre leurs rapports de travail et, ce faisant, de prolonger le contrat signé le 8 mars 2021 pour une durée indéterminée; elles sont en outre convenues que les jours non travaillés par l'employée en juillet 2021 correspondaient à ses jours de vacances.

Les parties ont ensuite décidé de mettre un terme définitif aux rapports de travail avec effet au 12 décembre 2021.

c. Par courriers de son conseil des 6 octobre et 8 novembre 2022, A______ a réclamé à B______ le paiement de la somme globale de 43'863 fr. 40 à titre d'arriérés de salaire, de compensation pour les heures effectuées de nuit et/ou pendant les jours fériés et de remboursement de divers frais (achats à C______).

d. Par demande du 30 janvier 2023, déclarée non conciliée le 3 avril 2023 et introduite devant le Tribunal le 7 juin 2023, A______ a assigné B______ en paiement de la somme totale de 21'875 fr. 92, se composant d'une somme brute de 21'482 fr. 27 avec intérêts à 5% l'an dès le 1er juillet 2021, à titre d'arriérés de salaire et d'heures supplémentaires, et d'une somme nette de 393 fr. 65, à titre de remboursement de frais. Elle a par ailleurs conclu à ce que B______ soit "invité à procéder aux déductions légales et obligatoires usuelles, en particulier celles concernant les cotisations employé aux assureurs sociaux, entre autre à la caisse de compensation AVS/AI et à l'institution de prévoyance professionnelle LPP", et à ce qu'il soit "condamné à déclarer [A______] à l'Office cantonal des assurances sociales, à une caisse de compensation LPP et à tout autre assureur social en tant qu'employée et ce pour toute la période des relations de travail entre les parties".

Elle a allégué avoir commencé à travailler pour B______ la dernière semaine de décembre 2020 (allégué 8). Les parties avaient ensuite formalisé leurs relations de travail en signant un contrat écrit le 8 mars 2021 (all. 10). Le salaire convenu se composait d'un montant brut de 4'000 fr. par mois, que l'employeur s'était engagé à lui verser sur son compte D______ (all. 11 à 13), et d'un montant supplémentaire de 500 fr. par mois, que l'employeur s'était engagé à lui payer en espèces de la main à la main (all. 14).

A______ a fait valoir que B______ ne lui avait pas diligemment versé l'entier de la rémunération qui lui était due à titre de salaire et d'heures supplémentaires (all. 23 et 24). Pour la période courant de la dernière semaine de décembre 2020 à la deuxième semaine de décembre 2021, elle aurait dû percevoir un salaire brut global de 51'480 fr., correspondant à un salaire mensuel brut de 4'680 fr., soit le salaire minimum impératif prévu par le contrat-type de travail de l'économie domestique (CTT-Edom); l'employeur aurait en outre dû lui verser 1'650 fr. pour les heures supplémentaires effectuées pendant les weekends, les nuits et les jours fériés, et lui rembourser les achats qu'elle avait effectués auprès de C______ à hauteur de 393 fr. 65; c'était ainsi un montant total de 53'523 fr. 65 qu'elle aurait dû recevoir pour toute la durée des rapports de travail; dans la mesure où l'employeur ne lui avait versé qu'un montant total de 31'647 fr. 73 sur son compte D______ durant cette période, ce dernier restait lui devoir un solde de prestations salariales de 21'875 fr. 92 (all. 22 à 27).

Elle a produit les relevés détaillés de son compte D______ pour les mois de janvier à décembre 2021, dont il ressort qu'elle a perçu un montant total de 31'647 fr. 73 de la part de B______ pendant cette période (4'000 fr. payés le 10 mars à titre de "salaire janvier 2021" + 4'000 fr. payés le 6 avril à titre de "salaire mars 2021" + 4'000 fr. payés le 1er juin à titre de "salaire mars 2021 [sic]" + 6'322 fr. 37 payés le 28 juin à titre de "solde salaire au 30 juin 2021" + 6'662 fr. 68 payés le
14 septembre à titre de "salaire juillet [et] août 2021" + 6'662 fr. 68 payés le
1er novembre à titre de "salaire septembre[et] octobre 2021").

e. Dans sa réponse du 7 novembre 2023, B______ a conclu au déboutement de A______. Il a admis les allégués 10 à 13 de la demande et contesté les allégués 8, 14 et 22 à 27 de la demande.

En substance, il a allégué avoir engagé A______ du 18 janvier 2021 jusqu'à la deuxième semaine de décembre 2021 (all. 46). Le temps de travail de l'employée "était irrégulier, mais correspondait, peu ou prou, à l'avantage de [celle-ci], au contenu du contrat signé en mars 2021" (all. 48). Il avait payé l'intégralité du salaire dû à l'employée pour la période susmentionnée, de même que les charges sociales et les prestations de prévoyance professionnelle y afférentes (all. 49 à 51).

A l'appui de ses allégués 49 à 51, il a produit deux factures relatives au paiement de cotisations auprès d'une institution de prévoyance professionnelle non spécifiée, ainsi qu'un décompte final pour l'année 2021 relatif au paiement de cotisations paritaires auprès de la caisse de compensation E______.

f. Lors de l'audience du Tribunal du 30 janvier 2024, A______ a contesté partiellement les allégués 46 et 48 de la réponse : l'allégué 46 en ce sens que les rapports de travail avaient débuté le 1er janvier 2021 et l'allégué 48 en ce sens que le contrat n'avait pas été exécuté "à son avantage", mais conformément à l'accord des parties; elle a précisé que son horaire de travail était de 45 heures par semaine, parfois davantage. Elle a en outre contesté les allégués 49 à 51 de la réponse.

A l'issue de l'audience, les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions, après quoi la cause a été gardée à juger.

D.           Dans le jugement entrepris, le Tribunal a retenu que A______ avait été engagée par B______ en tant qu'employée de maison, pour accompagner et apporter une aide en soins aux parents âgés de B______ et pour effectuer diverses tâches ménagères au domicile genevois de ce dernier. Le CTT-Edom s'appliquait dès lors aux rapports de travail conclus entre les parties, dans sa version entrée en vigueur le 1er janvier 2021. En l'absence de tout autre élément probant, la date de début des rapports contractuels devait être fixée au 18 janvier 2021, comme stipulé dans le contrat du 8 mars 2021. La relation de travail nouée par les parties avait donc duré onze mois, du 18 janvier au 12 décembre 2021.

A______ – dont on ignorait le degré de formation et le nombre d'années d'expérience – pouvait prétendre au paiement du salaire minimum prévu par le CTT-Edom pour les employés non qualifiés en 2021, soit 4'512 fr. bruts par mois. Partant, B______ devait être condamné à verser à l'employée la différence entre ce salaire minimum et le salaire de 4'000 fr. bruts prévu par le contrat du 8 mars 2021, soit un total de 5'632 fr. ([4'512 fr. – 4'000 fr.] x 11 mois) pour la période courant de mi-janvier à mi-décembre 2021. Le salaire étant dû à la fin de chaque mois, le dies a quo des intérêts moratoires devait être fixé à la date moyenne du 1er juillet 2021, conformément aux conclusions de A______. Dans la mesure où celle-ci n'avait pas démontré avoir accompli des heures supplémentaires durant les weekends, les nuits et/ou les jours fériés, l'employée devait être déboutée des fins de sa demande sur ce point. Il en allait de même de ses prétentions en remboursement de divers frais, les quittances de supermarché versées au dossier étant dénuées de force probante. Au surplus, le Tribunal n'était pas compétent ratione materiae pour se prononcer sur l'application des normes de droit public en matière de sécurité sociale ou fiscale. En conséquence, la conclusion de l'employée tendant à ce qu'il soit ordonné à l'employeur de l'annoncer auprès de l'OCAS et d'une caisse de compensation LPP était irrecevable.

EN DROIT

1.             1.1 L'appel est recevable pour avoir été interjeté auprès de l'autorité compétente (art. 124 let. a LOJ), dans le délai utile de trente jours et suivant la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 142 ss et 311 CPC), à l'encontre d'une décision finale de première instance rendue dans une affaire de nature pécuniaire dont la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC).

1.2 La valeur litigieuse étant inférieure à 30'000 fr. (art. 91 CPC), la procédure simplifiée est applicable au présent litige (art. 243 al. 1 CPC), de même que la maxime inquisitoire sociale (art. 247 al. 2 let. b ch. 2 CPC) et le principe de disposition (art. 58 al. 1 CPC).

1.3 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit
(art. 310 CPC), dans la limite des griefs suffisamment motivés qui sont formulés (art. 311 al. 1 CPC; ATF
142 III 413 consid. 2.2.4). En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le tribunal de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4; 138 III 374 consid. 4.3.1).

Les parties doivent formuler leurs griefs de façon complète dans le délai d'appel ou de réponse à l'appel; un éventuel second échange d'écritures ou l'exercice d'un droit de réplique ne peut servir à compléter une critique insuffisante ou à formuler de nouveaux griefs (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4 in fine et les arrêts cités).

En l'espèce, seuls les griefs motivés formulés par l'intimé dans sa réponse à l'appel seront examinés par la Cour, à l'exclusion de ceux qu'il a soulevés tardivement au stade de la duplique.

2.             L'appelante fait grief au Tribunal d'avoir mal calculé l'arriéré de salaire que l'intimé reste lui devoir pour la période du 18 janvier au 12 décembre 2021. Elle reproche en particulier aux premiers juges d'avoir retenu – en violation de l'art. 8 CC – que l'intimé lui aurait payé un salaire mensuel brut de 4'000 fr. pendant toute la durée des rapports contractuels.

2.1 L'employeur paie au travailleur le salaire convenu, usuel ou fixé par un contrat-type de travail ou par une convention collective (art. 322 al. 1 CO). Le salaire est payé au travailleur à la fin de chaque mois, à moins qu'un terme différent ne soit usuel ou convenu entre les parties (art. 323 al. 1 CO).

L'art. 360a al. 1 CO prévoit que si, au sein d'une branche économique ou d'une profession, les salaires usuels dans la localité, la branche ou la profession font l'objet d'une sous-enchère abusive et répétée et qu'il n'existe pas de convention collective de travail contenant des dispositions relatives aux salaires minimaux pouvant être étendue, l'autorité compétente peut édicter, sur proposition de la commission tripartite visée à l'art. 360b CO, un contrat-type de travail d'une durée limitée prévoyant des salaires minimaux différenciés selon les régions et, le cas échéant, selon les localités, dans le but de combattre ou de prévenir les abus.

L'art. 360d al. 2 CO prévoit qu'il ne peut pas être dérogé à un contrat-type de travail au sens de l'art. 360a CO en défaveur du travailleur.

Se fondant sur l'art. 360a al. 1 CO, le canton de Genève a déclaré impératifs les salaires minimaux figurant dans le contrat-type de travail de l'économie domestique du 13 décembre 2011 (CTT-EDom, RS/GE J 1 50.03), entré en vigueur le 1er janvier 2012. En 2021, les salaires minimaux prévus par le CTT-Edom revêtaient un caractère impératif au sens de l'art. 360a al. 1 CO (art. 10 al. 7 et 8 CTT-Edom, état au 1er janvier 2021).

Sont considérés comme travailleurs de l'économie domestique, au sens du CCT-Edom, les travailleuses et travailleurs occupés dans un ménage privé (art. 1 al. 1 let. a CCT-Edom, état au 1er janvier 2021). Ce contrat-type s'applique à tout le personnel affecté aux activités domestiques traditionnelles ou nouvelles, notamment aux maîtres d'hôtel, gouvernantes, cuisiniers, cuisinières, valets de chambre, femmes de chambre, chauffeurs, jardiniers, jardinières, ainsi qu'aux autres employés de maison affectés notamment au nettoyage, à l'entretien du linge, aux commissions, à la prise en charge d'enfants, de personnes âgées, de personnes handicapées et de malades, à l'assistance aux personnes âgées, aux personnes handicapées et aux malades dans la vie quotidienne (art. 1 al. 2 CCT-Edom).

Selon l'art. 5 al. 1 CTT-Edom, la durée de la semaine de travail des travailleurs de l'économie domestique à temps complet est de 45 heures.

En 2021, le salaire minimum pour les employés non qualifiés de l'économie domestique était de 4'512 fr. bruts par mois (art. 10 al. 1 let. f CTT-Edom, état au 1er janvier 2021) pour une durée de travail hebdomadaire de 45 heures (art. 10 al. 7 CTT-Edom, état au 1er janvier 2021).

L'art. 10bis al. 3 CTT-Edom prévoit par ailleurs que l'employeur tient un registre des heures de travail et des jours de repos effectifs.

2.2 Par salaire brut, on entend le montant dû sans déduction de la part due par l'employé aux assurances sociales légales (AVS, AI, APG, AC, LAA, LPP, éventuelles cotisations sociales cantonales) et conventionnelles (par ex. assurance perte de gain maladie, assurance-accidents complémentaires, prévoyance professionnelle surobligatoire) (ATF 149 III 258 consid. 6.3.1.1 et les références).

En matière de cotisations (primes) dues aux assurances sociales légales précitées, l'employeur est le débiteur de la totalité des charges sociales à l'égard de l'institution en cause, soit, lorsque le système est paritaire, de sa propre part et de celle du salarié. Ce n'est en général qu'à lui que l'institution peut s'adresser en vue du paiement. La loi consacre en conséquence une autorisation de l'employeur de déduire la part de cotisations à charge de l'employé du salaire de celui-ci (art. 14 al. 1 LAVS en lien avec l'art. 3 al. 2 LAI; art. 27 LAPG et art. 6 LACI; art. 91 al. 3 LAA; art. 66 al. 3 LPP). L'employeur ne peut pas objecter n'avoir pas reçu les cotisations du salarié. Il déduit la part de cotisation du salarié et verse celle-ci à l'institution. Par sa nature, l'obligation de l'employeur de percevoir les cotisations est une tâche de droit public prescrite par la loi (ATF 149 III 258 consid. 6.3.1.2 et les arrêts cités).

Le salaire alloué judiciairement au travailleur est en principe un salaire brut. Deux solutions s'offrent alors au juge : soit il alloue un montant brut et opère le calcul des cotisations d'assurances sociales à déduire; soit il alloue un montant brut et, sans en opérer le calcul, mentionne expressément que ce montant sera réduit des cotisations d'assurances sociales du travailleur (ATF 149 III 258 consid. 6.2.1 et l'arrêt cité).

Le tribunal des prud'hommes n'est pas autorisé à condamner l'employeur à verser, parallèlement au salaire qui serait déterminé selon la valeur nette, les charges sociales et fiscales aux institutions concernées puisque celles-ci ne sont pas parties à la procédure prudhommale (ATF 149 III 258 consid. 6.2.3 et les références citées).

2.3 Chaque partie doit prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit (art. 8 CC).

En matière de droit au salaire tiré d'un rapport de travail, cette répartition du fardeau de la preuve signifie que le travailleur doit apporter la preuve des circonstances de fait nécessaires à démontrer la conclusion d'un contrat de travail, de même que le montant du salaire convenu (art. 322 al. 1 CO; arrêt du Tribunal fédéral 4A_743/2011 du 14 mai 2012 consid. 3.4; ATF 125 III 78 consid. 3b). Il appartient en revanche à l'employeur d'apporter la preuve du versement du salaire. Cette preuve peut être apportée par exemple par la production d'une quittance ou d'un décompte de salaire contresigné par le travailleur, voire par des témoins ayant assisté au paiement. Faute de preuves, l'employeur s'expose à devoir payer à nouveau (ATF 125 III 78 consid. 3b; arrêt du Tribunal fédéral 4C.429/2005 du
21 mars 2006 consid. 4.2; DANTHE, in Commentaire du contrat de travail, 2ème éd. 2022, n. 6 ad art. 323b CO).

2.4 En l'espèce, il est constant que l'intimé a engagé l'appelante comme employée de maison pour accompagner et assister ses parents âgés, atteints de démence, et pour effectuer diverses tâches domestiques (lessive, repassage, cuisine, nettoyage, courses alimentaires) à son domicile situé à Genève. Vu la nature et le lieu d'exécution des prestations de travail fournies par l'appelante, le Tribunal a retenu avec raison que celle-ci pouvait prétendre au paiement du salaire minimum prévu par le CTT-Edom en 2021 – de nature impérative conformément aux art. 360a et 360d al. 2 CO – pour une employée sans qualification, soit 4'512 fr. bruts par mois pour une activité à temps plein (45 heures par semaine).

Il n'est plus contesté devant la Cour que les rapports de travail ont duré onze mois, du 18 janvier au 12 décembre 2021. Il ressort par ailleurs du contrat signé par les parties le 8 mars 2021 que l'appelante a été engagée à temps plein, soit à raison d'une activité hebdomadaire de 45 heures. Contrairement à ce que semble soutenir l'intimé, aucun élément probant ne permet de retenir que l'appelante aurait travaillé à un taux d'activité inférieur. A l'inverse, l'intimé, qui n'a pas tenu de registre des heures de travail et des jours de repos effectifs, en violation de l'art. 10bis al. 3 CTT-Edom, a lui-même admis que l'appelante, engagée à un taux d'occupation de 100%, avait "peu ou prou" respecté l'horaire de travail prévu par le contrat du 8 mars 2021. Il ne lui a d'ailleurs jamais reproché de ne pas avoir effectué l'entier de ses heures, que ce soit en juillet 2021, lorsque l'employée a pris ses vacances (l'intimé s'étant du reste engagé à lui verser l'entier de son salaire pour le mois de juillet 2021), ou dans les mois qui ont suivis. Il suit de là que l'appelante pouvait prétendre, à titre de salaire pour la durée des rapports contractuels, au paiement d'un montant total brut de 49'632 fr. (4'512 fr. x 11).

Les parties conviennent par ailleurs que l'intimé s'était engagé à payer le salaire stipulé dans le contrat du 8 mars 2021 (i.e. 4'000 fr. bruts par mois) sur le compte D______ de l'appelante. Or il ressort des titres produits par cette dernière, à savoir les relevés détaillés dudit compte D______ pour les mois de janvier à décembre 2021, que l'intimé s'est acquitté, durant cette période, d'un montant net total de 31'647 fr. 73, et non d'un montant brut total de 44'000 fr. (4'000 fr. x 11) comme retenu à tort par le Tribunal. L'intimé n'a, quant à lui, offert aucun moyen de preuve (quittance, ordre de virement bancaire, décompte de salaire signé par l'employée, etc.) propre à établir qu'il se serait acquitté d'un montant supérieur en mains de l'appelante.

Le fait que l'intimé ait payé une partie des cotisations sociales afférentes au salaire de l'employée ne change rien à ce qui précède. D'une part, le paiement (partiel) de ces cotisations ne démontre nullement que l'intimé se serait effectivement acquitté de l'entier du salaire dû à l'appelante de janvier à décembre 2021. D'autre part, les titres produits par l'intimé à cet égard ne sont pas suffisamment détaillés et précis pour permettre de calculer la quotité exacte des cotisations sociales à déduire du salaire brut de l'appelante (s'agissant des cotisations LPP, seules deux factures ont été produites, à l'exclusion d'un décompte final détaillé; s'agissant des cotisations versées à la caisse de compensation E______, celles-ci ont été calculées sur la base d'un salaire de 38'000 fr. et le décompte produit ne spécifie pas l'identité de l'employé/e concerné/e). Cela étant, conformément aux principes jurisprudentiels rappelés ci-avant (cf. consid. 2.2), les cotisations sociales et légales usuelles – incluant celles dont l'intimé se serait déjà acquitté – devront être retranchées du salaire brut alloué à l'appelante au terme du présent arrêt.

Eu égard aux considérations qui précèdent, c'est à bon droit que l'appelante reproche au Tribunal d'avoir violé l'art. 8 CC en retenant que l'intimé s'était acquitté d'un salaire mensuel brut de 4'000 fr. pendant la durée des rapports de travail. En effet, le paiement d'un tel salaire n'a pas été démontré par l'intimé, qui supportait le fardeau de la preuve sur ce point.

L'appelante peut dès lors prétendre au paiement d'une somme brute de 49'632 fr. à titre de salaire pour la période du 18 janvier au 12 décembre 2021, sous déduction de la somme nette de 31'647 fr. 73 déjà versée.

En conséquence, les chiffres 3 et 4 du dispositif du jugement querellé seront annulés et il sera statué à nouveau, en ce sens que l'intimé sera condamné à payer la somme brute susvisée, avec intérêts à 5% l'an dès le 1er juillet 2021 (le dies a quo fixé par le Tribunal n'étant pas remis en cause par les parties), sous déduction de la somme nette déjà versée, et qu'il sera par ailleurs invité à opérer les déductions sociales et légales usuelles.

Le jugement attaqué sera confirmé pour le surplus, l'appelante n'ayant formulé aucun grief motivé en lien avec les chiffres 1, 2 et 5 du dispositif.

3.             La valeur litigieuse étant inférieure à 50'000 fr., il ne sera pas perçu de frais judiciaires d'appel (art. 71 RTFMC).

Il n'est pas alloué de dépens ni d'indemnité pour la représentation en justice dans les causes soumises à la juridiction des prud'hommes (art. 22 al. 2 LaCC).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes :

A la forme :

Déclare recevable l'appel formé le 10 juillet 2024 par A______ contre le jugement JTPH/154/2024 rendu le 11 juin 2024 par le Tribunal des prud'hommes dans la cause C/1430/2023.

Au fond :

Annule les chiffres 3 et 4 du dispositif du jugement attaqué et, statuant à nouveau sur ces points :

Condamne B______ à verser à A______ la somme brute de 49'632 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 1er juillet 2021, sous déduction de la somme nette de 31'647 fr. 73 déjà versée.

Invite B______ à opérer les déductions sociales et légales usuelles.

Confirme le jugement attaqué pour le surplus.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires ni alloué de dépens d'appel.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie RAPP, présidente; Monsieur Michael RUDERMANN, Madame Monique FLÜCKIGER, juges; Madame Fabia CURTI, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.