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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/18691/2022

ACJC/87/2025 du 20.01.2025 sur JTPH/39/2024 ( OS ) , MODIFIE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/18691/2022 ACJC/87/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU LUNDI 20 JANVIER 2025

 

Entre

Monsieur A______, p. a. A______/ARCHITECTURE, ______, appelant d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 27 février 2024 (JTPH/39/2024), représenté par Me Drilon GASHI, avocat, Walder Wyss SA, rue du Rhône 14, case postale,
1211 Genève 3,

Et

Monsieur B______, domicilié ______, intimé, représenté par le Syndicat D______.


EN FAIT

A.           Par jugement JTPH/39/2024 du 27 février 2024, reçu le lendemain par A______, le Tribunal des prud'hommes (ci-après le Tribunal), statuant par voie de procédure simplifiée, a déclaré recevable la demande formée le 25 janvier 2023 par B______ contre A______ (ch. 1 du dispositif), déclaré irrecevable la demande reconventionnelle formée le 29 mai 2023 par celui-ci contre celui-là (ch. 2), condamné A______ à verser à B______ la somme brute de 25'000 fr. avec intérêts moratoires au taux de 5% l'an dès le 1er septembre 2022 (ch. 3), invité la partie qui en avait la charge à opérer les déductions sociales et légales usuelles (ch. 4), condamné A______ à remettre à B______ ses fiches de salaire pour la période du 15 mars au 30 juin 2021 et ses fiches de salaire corrigées pour la période du 1er juillet 2021 au 31 octobre 2022 (ch. 5), dit qu'il ne serait pas perçu de frais, ni alloué de dépens (ch. 6) et débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 7).

B.            a. Par acte expédié le 15 avril 2024 au greffe de la Chambre des prud'hommes de la Cour de justice (ci-après : la Cour), A______ a formé appel de ce jugement, concluant à l'annulation des chiffres 2 à 7 de son dispositif et, cela fait, à ce que l'amplification des conclusions jugées licites par le Tribunal soit déclarée irrecevable, subsidiairement rejetée, et à ce que B______ soit débouté de toutes ses conclusions, sous suite de frais et dépens.

Il a allégué des faits nouveaux et produit des pièces nouvelles (pièces 11 à 13).

b. Par réponse du 17 mai 2024, B______ a conclu au rejet de l'appel.

c. Les parties se sont encore déterminées les 21 juin et 14 août 2024, persistant dans leurs conclusions respectives.

d. Elles ont été informées de ce que la cause était gardée à juger par avis du greffe de la Cour du 30 août 2024.

C.           Les faits pertinents suivants résultent de la procédure.

a. A______ (ci-après : A______ ou l'employeur) exploite l'entreprise individuelle A______/ARCHITECTURE sise à Genève, qui a pour but l'architecture, l'urbanisme, les expertises et toutes activités liées.

b. B______ (ci-après : B______ ou l'employé) est titulaire d'un Bachelor of Arts HES-SO en architecture ______ délivré en 2019 par la Haute école d'art et de design (ci-après : HEAD) à Genève.

c. Le 23 février 2017, l'Association [patronale] C______ (ci-après : la C______) et les syndicats D______ et E______ ont conclu une Convention collective de travail pour les bureaux d'architectes (ci-après : CCT-Architectes). Entrée en vigueur le 1er juin 2017, elle était valable jusqu'au 31 mai 2021 (art. 23 CCT-Architectes).
La CCT a ensuite été modifiée par plusieurs avenants – le dernier datant du 1er janvier 2024 – essentiellement en ce qui concerne les clauses relatives aux salaires. Son champ d'application n'a pas été étendu par le Conseil d'Etat genevois.

Le 1er juin 2024, une nouvelle convention collective pour les bureaux d'architectes a été conclue – pour quatre ans – entre la C______ et le syndicat F______.

d. Devant la Cour, A______ a allégué ne pas être affilié à la C______ et ne pas avoir signé la CCT-Architectes (all. 17 de l'appel). Il a par ailleurs allégué que lors de la conclusion des contrats de travail des 15 mars et 2 août 2021 (cf. infra), B______ n'était affilié à aucun syndicat (all. 18 de l'appel).

Ces allégués n'ont pas été contestés par l'employé.

e. Par "contrat de stage" du 15 mars 2021, B______ a été engagé à 100% (42 heures de travail par semaine) par A______ en qualité de "stagiaire en architecture" pour la période du 15 mars au 30 juin 2021. Le lieu de travail habituel de l'employé était fixé à Genève, auprès de A______/ARCHITECTURE.

Il était stipulé à l'art. 5 du contrat que B______ ne percevrait aucune rémunération pendant son stage; une prime, soumise aux déductions sociales, pourrait toutefois être envisagée à la fin du stage.

L'art. 13 du contrat était libellé comme suit : "Les dispositions légales du droit suisse sur le contrat du travail et la CCT genevoise des bureaux d'architectes de Genève seront applicables pour tout ce qui n'est pas expressément prévu par le présent contrat".

f. Par contrat de travail de durée indéterminée du 2 août 2021, B______ a été engagé à 100% (42 heures de travail par semaine) par A______ en qualité "d'architecte-dessinateur-stagiaire" dès le 1er juillet 2021. Le lieu de travail habituel de l'employé était fixé à Genève, auprès de A______/ARCHITECTURE.

Il était stipulé à l'art. 5 du contrat que B______ travaillerait à plein temps pour un salaire mensuel brut de 3'000 fr. payable 12 fois l'an, sous déduction des retenues légales et conventionnelles.

L'art. 13 du contrat avait la même teneur que celle de l'art. 13 du contrat de stage.

g. Il ressort des fiches de salaire de B______ que ce dernier a perçu un salaire mensuel brut de 3'000 fr. de juillet 2021 à octobre 2022.

h. Devant le Tribunal, B______ a déclaré qu'il n'avait reçu aucune prime ou rémunération pendant la durée du stage. Il était à la recherche d'un travail et souhaitait acquérir de l'expérience, raison pour laquelle il avait "accepté cette situation". Son but était "d'obtenir un poste chez A______/ARCHITECTURE si A______ était satisfait de [s]on travail". Après trois mois, l'employeur avait été satisfait de lui et l'avait engagé pour une durée indéterminée. Il ne cherchait pas à obtenir un diplôme supplémentaire, mais seulement de l'expérience, étant précisé qu'il s'agissait de son premier emploi. Il lui avait été indiqué que son salaire pourrait être revu. Son poste "n'était pas très clair pour [lui]". Pour effectuer son travail, il devait utiliser les compétences acquises lors de son Bachelor.

De son côté, A______ a déclaré que B______ faisait partie de la communauté G______ de laquelle il était proche. Il l'avait engagé pour évaluer "son engagement et ce qu'il voulait vraiment faire dans la vie". Il était sensible à la formation des jeunes gens et recevait souvent des adolescents pendant une semaine ou deux afin qu'ils découvrent le métier d'architecte.

i. Par courrier recommandé du 27 août 2022, B______ a sommé A______ de lui verser ses salaires impayés pour les mois de juillet et août 2022. Il a ajouté qu'il ne se présenterait plus à son poste si l'arriéré n'était pas réglé d'ici le 31 août 2022.

j. Par courrier du 29 août 2022, A______ a résilié le contrat de travail de B______ avec effet au 31 octobre 2022, exposant que cette résiliation était due à la période économique difficile que traversait l'entreprise. Il a libéré l'employé de son obligation de travailler et s'est engagé à lui verser les salaires en souffrance dans les meilleurs délais et à lui remettre un certificat de travail.

k. Par pli du 19 septembre 2022, A______ a remis à B______ une attestation de l'employeur destinée à l'assurance-chômage datée du 28 septembre 2022, ainsi qu'un certificat de travail daté du 30 septembre 2022. Il en ressort notamment que l'employé avait effectué un "stage d'architecture" du 15 mars au 30 juin 2021; il avait ensuite été engagé en qualité de "dessinateur" du 1er juillet 2021 au 31 octobre 2022. L'employé avait accompli son travail de manière satisfaisante et avait collaboré à la transformation d'une villa à H______ [GE] et à la construction d'un ensemble ______ pour l'Ecole I______. Dans ce cadre, il avait effectué des relevés et mises en place de plans de l'existant, des plans d'exécution et des plans de détail.

Dans l'attestation de l'employeur du 28 septembre 2022, A______ a coché la case "emploi à plein temps" et précisé que B______ avait été engagé en qualité d'"architecte dessinateur" à hauteur de 42 heures par semaine.

l. Le 20 septembre 2022, A______ a versé à B______ les arriérés de salaire pour les mois de juillet et août 2022.

m. Par requête de conciliation du 28 septembre 2022, B______, représenté par le syndicat D______, a conclu à ce que le Tribunal condamne A______ à lui verser 17'500 fr. bruts à titre de différence de salaire afférent aux mois de mars 2021 à août 2022 et 8'000 fr. bruts à titre de salaire afférent au délai de congé, soit la période du 1er septembre au 31 octobre 2022, ainsi qu'à établir un certificat de travail (pour une valeur litigieuse estimée à 1 fr. net) et des fiches de salaire pour les mois de mars à juin 2021 (pour une valeur litigieuse estimée à 1 fr. net par fiche).

n. Par convention signée le 18 octobre 2022, B______ et A______ sont parvenus à un accord s'agissant du salaire dû à l'employé pendant le délai de congé. Le premier s'est ainsi engagé à payer au second la somme de 5'425 fr. 45 nets "au titre du délai de congé de deux mois" d'ici au 19 octobre 2022. Il était précisé qu'à réception de ce montant, l'employé n'aurait plus aucune prétention à faire valoir contre l'employeur pour cet aspect du litige.

o. Par demande introduite devant le Tribunal le 25 janvier 2023, suite à l'échec de la tentative de conciliation du 27 octobre 2022, B______, représenté par le syndicat D______, a conclu à ce que A______ soit condamné à lui délivrer les fiches de salaire pour les mois de mars 2021 à octobre 2022, ainsi qu'à lui payer les sommes suivantes : (i) 17'500 fr. bruts à titre de différence de salaire pour les mois de mars 2021 à août 2022, avec intérêts à 5% l'an dès le 1er septembre 2022, et (ii) 327 fr. nets à titre de remboursement des déductions LPP pour les mois de mai à octobre 2022, avec intérêts à 5% l'an dès le 1er novembre 2022.

L'employé a allégué n'avoir perçu qu'un salaire mensuel brut de 3'000 fr. pendant toute la durée des rapports contractuels, alors qu'il effectuait un travail de dessinateur et était titulaire d'un Bachelor en architecture ______. Selon la CCT-Architectes, dont les conditions de l'art. 1 n'avaient pas été respectées, il aurait dû percevoir un salaire de dessinateur en 1ère année, soit 4'000 fr. bruts par mois. L'employeur devait donc lui verser la différence salariale en découlant pour la période de mi-mars 2021 à août 2022, soit 17'500 fr. bruts (1'000 fr. x 17.5 mois). Il n'avait jamais reçu ses fiches de salaire pour les mois de mars à juin 2021, tandis que ses fiches de salaire pour les mois de juillet 2021 à octobre 2022 faisaient mention d'un salaire mensuel de 3'000 fr. bruts, ce qui devait être corrigé. L'employeur devait donc établir des fiches de salaire correctement libellées pour l'entier de la période travaillée.

p. Dans sa réponse du 29 mai 2023, A______, agissant en personne, a conclu au déboutement de B______ de toutes ses conclusions. Il a fait valoir que la Commission paritaire des bureaux d'architectes à Genève (CPAG) n'émettait aucune recommandation en matière de rémunération des architectes et dessinateurs, de sorte que les rapports de travail étaient soumis à la liberté contractuelle sur ce point. Aussi, l'employé ne pouvait pas prétendre à un salaire supérieur à celui convenu par les parties dans les contrats de travail qu'elles avaient signés.

q. Le Tribunal a tenu une audience de débats le 29 novembre 2023, à laquelle A______ a comparu seul. Au début de l'audience, B______, assisté du syndicat D______, a retiré sa conclusion en paiement de 327 fr. nets, exposant que les déductions LPP avaient effectivement été versées. Il a persisté dans ses conclusions pour le surplus. A______ a également persisté dans ses conclusions.

Le Tribunal a ensuite procédé à l'audition des parties, dont les déclarations ont été reprises ci-dessus dans la mesure utile.

A l'issue de cette audition, le conseil de B______ a indiqué ce qui suit : "Je me rends compte que les calculs des prétentions [salariales de l'employé] sont faux. En effet, il n'a pas été tenu compte des 3.5 mois de stage non rémunérés". Sur ce, B______ a déclaré qu'il amplifiait ses conclusions en paiement à 28'000 fr. bruts [(4'000 fr. x 3.5 mois) + (1'000 fr. x 14 mois)].

Suite à une brève suspension d'audience, les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions respectives, après quoi la cause a été gardée à juger.

D.           Dans le jugement entrepris, le Tribunal a retenu que la CCT-Architectes était applicable à la relation contractuelle des parties. Les rapports de travail du 15 mars au 30 juin 2021 ne répondaient pas aux critères d'un stage selon la CCT-Architectes, de sorte que cette période devait être considérée comme un premier emploi. Selon la CCT-Architectes, B______ pouvait prétendre, vu son niveau de formation, à un salaire mensuel brut de 4'000 fr. Dès lors qu'il n'avait reçu aucun salaire du 15 mars au 30 juin 2021, l'employeur devait lui verser la somme brute de 10'000 fr. correspondant à 2.5 mois de salaire [sic]. Entre le 1er juillet 2021 et le 31 octobre 2022 [sic], B______ n'avait perçu que 3'000 fr. bruts par mois alors qu'il travaillait comme dessinateur. L'employé avait ainsi droit à la différence entre le salaire reçu et celui auquel il avait droit selon la CCT-Architectes, soit 1'000 fr. bruts par mois pour un total de 15'000 fr. bruts (1'000 fr. x 15 mois). Enfin, B______ avait reçu – pour la période de juillet 2021 à octobre 2022 – des fiches de salaire sur lesquelles le salaire n'était pas conforme à celui qu'il aurait dû recevoir, de sorte que ses fiches devaient être modifiées pour y voir figurer un montant brut de 4'000 fr. Pour la période de mi-mars à juin 2021, B______ n'avait pas reçu de fiches de salaire bien qu'il ait travaillé et mérité un salaire; l'employeur devait ainsi lui en remettre en tenant compte d'un salaire mensuel brut de 4'000 fr.

EN DROIT

1.             1.1 L'appel est recevable pour avoir été interjeté auprès de l'autorité compétente (art. 124 let. a LOJ), dans le délai utile de trente jours et suivant la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 142 al. 1, 145 al. 1 let. a et 311 CPC), à l'encontre d'une décision finale de première instance rendue dans une affaire de nature pécuniaire dont la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC).

1.2 La valeur litigieuse étant inférieure à 30'000 fr. (art. 91 CPC), la procédure simplifiée est applicable (art. 243 al. 1 CPC), de même que la maxime inquisitoire sociale (art. 247 al. 2 let. b ch. 2 CPC) et le principe de disposition (art. 58 al. 1 CPC).

Lorsque le procès est, comme en l'espèce, soumis à la maxime inquisitoire sociale, le juge établit les faits d'office (art. 247 al. 2 let. a CPC en lien avec l'art. 243 al. 2 let. f CPC). Cette maxime, qui tend notamment à protéger la partie faible au contrat et à garantir l'égalité entre les parties au procès, répartit dans une certaine mesure la responsabilité pour l'établissement de l'état de fait entre les parties et le juge, celui-ci ayant un devoir de collaboration renforcé. Le tribunal n'est pas tenu d'instruire d'office le litige lorsqu'un plaideur renonce à expliquer sa position; il doit en revanche interroger les parties et les informer de leur devoir de collaborer à l'instruction et de fournir des preuves. Si des motifs objectifs le conduisent à soupçonner que les allégations et offres de preuves d'une partie sont lacunaires, le juge doit inviter cette partie à compléter ses moyens. Son rôle ne va toutefois pas au-delà. La maxime inquisitoire sociale se rapporte ainsi à l'établissement des faits. Il suit de là que la maxime inquisitoire sociale ne s'oppose pas à ce qu'un recours soit déclaré irrecevable en raison de conclusions mal formulées (par ex. le recourant n'a pas chiffré ses conclusions dans une affaire patrimoniale) (arrêt du Tribunal fédéral 4A_618/2017 du 11 janvier 2018 consid. 4.3.1, 4.3.2 et 4.4 et les références citées).

1.3 L'instance d'appel revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC), dans la limite des griefs suffisamment motivés qui sont formulés (art. 311 al. 1 CPC; ATF 142 III 413 consid. 2.2.4).

1.4 L'appelant a allégué des faits nouveaux et produit des pièces nouvelles devant la Cour.

1.4.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b).

L'art. 317 CPC prévaut sans restriction lorsque le procès est soumis à la maxime inquisitoire sociale : les allégués de fait et les offres de preuves nouveaux sont irrecevables, sous réserve de l'exception prévue par l'art. 317 al. 1 CPC (ATF 138 III 625 consid. 2.1 et 2.2). Il s'ensuit que la cour cantonale peut refuser de prendre en considération un fait ou un moyen de preuve nouveau si le juge de première instance a pu l'ignorer sans méconnaître la maxime inquisitoire sociale (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2; JEANDIN, CR CPC, 2ème éd. 2019, n. 9a ad art. 317 CPC).

1.4.2 En l'espèce, les faits nouveaux dont l'appelant se prévaut devant la Cour (all. 17 et 18, cf. supra EN FAIT, let. C.d) sont des faits pertinents pour déterminer si la CCT-Architectes est applicable aux relations de travail nouées par les parties. Il s'agit par conséquent de faits qu'il appartenait au Tribunal d'établir dans la mesure utile, en invitant les parties à compléter leurs allégués sur cette question – étant relevé que l'appelant n'était pas assisté d'un avocat ou d'un mandataire professionnellement qualifié pendant la procédure de première instance. Dans ces circonstances, la Cour retiendra que ces faits nouveaux sont recevables, dans la mesure où le Tribunal, en les ignorant, a méconnu la maxime inquisitoire sociale.

La question de la recevabilité des pièces nouvelles produites par l'appelant peut demeurer ouverte, celles-ci n'étant pas déterminantes pour l'issue du litige. Il en va de même des faits auxquels ces pièces se rapportent.

2.             Dans un premier grief, l'appelant reproche au Tribunal d'avoir admis l'amplification des conclusions de l'intimé à l'audience du 29 novembre 2023 – sans l'avoir invité à se prononcer à ce sujet, alors qu'il n'avait pas consenti à une telle amplification – et d'avoir par conséquent statué ultra petita.

2.1
2.1.1 En procédure ordinaire, la modification de la demande est régie par les art. 227 et 230 CPC, qui s'appliquent par analogie à la procédure simplifiée (art. 219 CPC) (arrêt du Tribunal fédéral 4A_395/2017 du 11 octobre 2018 consid. 4.4.1).

Tout changement de conclusions (objet de la demande au sens étroit) constitue de facto une modification de la demande, qu'il s'agisse d'une amplification, d'un chiffrage nouveau, d'un changement de nature, d'une réduction ou d'un abandon (SCHWEIZER, CR CPC, 2ème éd., 2019, n. 14 ad art. 227 CPC).

Avant l'ouverture des débats principaux, l'art. 227 al. 1 CPC prévoit que la demande peut être modifiée devant le tribunal si la prétention nouvelle ou modifiée relève de la même procédure et que l'une des conditions suivantes est remplie : la prétention nouvelle ou modifiée présente un lien de connexité avec la dernière prétention (let. a); la partie adverse consent à la modification de la demande (let. b). Dans la phase des débats principaux, la modification de la demande est soumise à une condition supplémentaire : elle doit reposer sur des faits ou des moyens de preuve nouveaux (art. 230 al. 1 let. b CPC).

Les faits et moyens de preuve nouveaux font l'objet de l'art. 229 CPC. Le principe est posé à l'alinéa 1 de cette disposition : pour être admis aux débats principaux, les faits et moyens de preuve nouveaux doivent être invoqués sans retard et, en plus, remplir les conditions de nova proprement dits (let. a) ou improprement dits (let. b). Par exception, les faits et moyens de preuve nouveaux sont admis sans restriction dans deux cas : à l'ouverture des débats principaux, s'il n'y a pas eu de second échange d'écritures ni de débats d'instruction (art. 229 al. 2 CPC) et jusqu'aux délibérations, lorsque le tribunal doit établir les faits d'office (art. 229 al. 3 CPC) (arrêt du Tribunal fédéral 4A_395/2017 précité loc. cit.).

Les faits et moyens de preuve nouveaux mentionnés à l'art. 230 al. 1 let. b CPC sont ceux qui peuvent être admis à la procédure selon l'art. 229 CPC. Ils ne recouvrent pas seulement les nova au sens de l'art. 229 al. 1 CPC, soumis à condition. En effet, l'art. 230 al. 1 let. b CPC lie de manière générale l'admissibilité d'une modification de la demande avec des faits ou moyens de preuve nouveaux. Lorsque le juge établit les faits d'office, des nova sont admis sans restriction jusqu'aux délibérations (art. 229 al. 3 CPC); une modification des conclusions pourra alors se fonder sur un tel fait ou un tel moyen de preuve. La maxime inquisitoire ne prive pas de sens la condition posée par l'art. 230 al. 1 let. b CPC. Quand bien même la modification de la demande n'a pas à reposer sur des nova au sens de l'art. 229 al. 1 CPC, l'exigence de la nouveauté demeure. C'est dire que le demandeur ne saurait introduire une nouvelle conclusion en se fondant sur les seuls faits allégués précédemment (arrêt du Tribunal fédéral 4A_395/2017 précité consid. 4.4.2).

2.1.2 L'admissibilité d'une modification des conclusions est une condition de recevabilité au sens de l'art. 59 CPC, qui est examinée d'office (art. 60 CPC) (arrêt du Tribunal fédéral 4A_395/2017 du 11 octobre 2018 consid. 4.3).

Si les conditions d'une modification de la demande ne sont pas réunies, le tribunal n'entre pas en matière sur la partie modifiée des conclusions et statue sur la demande initiale (OGer/BE ZK 15 129 du 1er juillet 2015 consid. 6.4).

2.1.3 Le tribunal ne peut accorder à une partie ni plus ni autre chose que ce qui est demandé, ni moins que ce qui est reconnu par la partie adverse (art. 58 al. 1 CPC).

Selon le principe de disposition consacré par l'art. 58 al. 1 CPC, les parties sont libres de déterminer ce qu'elles vont réclamer en justice; à titre de conséquence, le tribunal ne peut aller au-delà des conclusions des parties (ne ultra petita). Il ne peut donc allouer davantage que demandé ni moins que ce que la partie adverse a reconnu devoir (arrêt du Tribunal fédéral 4A_397/2016 du 30 novembre 2016 consid. 2.1).

Le juge applique le droit d'office, sans se limiter aux motifs avancés par les parties. Il est en revanche lié par l'objet et le montant des conclusions qui lui sont soumises, en particulier lorsque l'intéressé qualifie ou limite ses prétentions dans les conclusions elles-mêmes (arrêts du Tribunal fédéral 4A_50/2017 du 11 juillet 2017 consid. 3.1; 4A_678/2016 du 22 mars 2016 consid. 3.2.1; 4A_440/2010 du 7 janvier 2011 consid. 3.1, n. p. aux ATF 137 III 85).

2.2 En l'espèce, l'intimé a amplifié ses conclusions en paiement à l'audience du 29 novembre 2023 pendant la phase des débats principaux. La modification de la demande est en effet intervenue après les premières plaidoiries – lors desquelles l'intimé a persisté dans ses conclusions initiales, sous réserve de sa conclusion liée aux déductions LPP qu'il a retirée – et après l'audition des parties par le Tribunal, mais avant les plaidoiries finales. Pour être recevable, cette conclusion modifiée devait donc remplir les conditions de l'art. 230 al. 1 let. a et b CPC.

Or tel n'était pas le cas en l'occurrence, puisque la modification de la demande – à savoir la conclusion de l'intimé tendant au paiement d'un salaire mensuel brut de 4'000 fr. pour la période du 15 mars au 30 juin 2021 – ne reposait pas sur des faits ou des moyens de preuve nouveaux (i.e. des nova survenus entre le dépôt de la demande du 25 janvier 2023 et l'ouverture des débats principaux à l'audience du 29 novembre 2023). En effet, lors de l'introduction de sa demande, l'intimé – qui était déjà assisté d'un mandataire professionnellement qualifié lors du dépôt de sa requête en conciliation le 28 septembre 2022 – n'ignorait pas qu'aucun salaire ne lui avait été versé pendant son stage. Il a d'ailleurs produit l'offre de preuve correspondante, à savoir le contrat de stage signé par les parties le 15 mars 2021, lequel stipule à son art. 5 que l'employé ne percevrait aucune rémunération pour la durée du contrat, sous réserve d'une éventuelle prime en fin de stage.

Le Tribunal aurait donc dû déclarer irrecevable la conclusion modifiée prise par l'intimé lors de l'audience du 29 novembre 2023. Il ne pouvait, par conséquent, pas allouer à l'intimé plus que les 17'500 fr. bruts initialement réclamés par celui-ci dans sa demande du 25 janvier 2023.

Il suit de là que le premier grief de l'appelant est fondé.

3.             L'appelant reproche ensuite au Tribunal d'avoir retenu que les clauses de la CCT-Architectes sur les salaires étaient applicables aux contrats de travail conclus par les parties et, sur cette base, d'avoir admis que l'intimé avait droit à un salaire mensuel brut de 4'000 fr. pendant toute la période travaillée.

De son côté, l'intimé soutient qu'il pouvait quoi qu'il en soit prétendre au paiement du salaire minimum en vigueur dans le canton de Genève en 2021 et 2022 et, partant, réclamer le paiement d'un salaire supérieur à 4'000 fr. bruts par mois.

3.1 Devant les tribunaux de première instance, chaque partie doit exposer l'état de fait de manière soigneuse et complète et amener tous les éléments propres à établir les faits jugés importants. La procédure d'appel n'a pas pour but de compléter le procès de première instance en permettant aux parties de réparer leurs propres carences, mais de contrôler et corriger le jugement de première instance à la lumière des griefs formulés à son encontre (ATF 142 413 consid, 2.2.2; arrêts du Tribunal fédéral 4A_334/2012 du 16 octobre 2012 consid. 3.1; 4A_303 du 17 octobre 2018 consid. 3.2).

Une nouvelle motivation juridique doit être distinguée des faits et moyens de preuve nouveaux. Elle n'est pas visée par l'art. 317 al. 1 CPC et peut dès lors être présentée tant en appel que devant le Tribunal fédéral, dans le cadre de l'objet du litige (ATF 136 V 362 consid. 4.1; 130 III 28 consid. 4.4; arrêt du Tribunal fédéral 4A_519/2011 du 28 novembre 2011 consid. 2.1). Ceci résulte en particulier du principe de l'application du droit d'office (art. 57 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 5A_351/2015 du 1er décembre 2015 consid. 4.3).

L'intimé peut – sans introduire d'appel joint – présenter des griefs dans sa réponse à l'appel, si ceux-ci visent à exposer que, même en s'écartant des constats et du raisonnement juridique du jugement de première instance, celui-ci est correct dans son résultat. L'intimé peut ainsi critiquer dans sa réponse les considérants et les constats du jugement attaqué qui pourraient lui être défavorables au cas où l'instance d'appel jugerait la cause différemment (arrêt du Tribunal fédéral 4A_258/2015 du 21 octobre 2015 consid. 2.4.2; ACJC/1600/2019 du 1er novembre 2019 consid. 1.4; ACJC/1140/2017 du 5 septembre 2017 consid. 3.4).

3.2
3.2.1 Le contrat individuel de travail est un contrat par lequel le travailleur s'engage, pour une durée déterminée ou indéterminée, à travailler au service de l'employeur, moyennant une rémunération (art. 319 CO).

Selon l'art. 322 al. 1 CO, l'employeur paie au travailleur le salaire convenu, usuel ou fixé par un contrat-type de travail ou par une convention collective.

La rémunération du travailleur obéit au principe de la liberté contractuelle : le salaire fait foi (Wyler/Heinzer/WITZIG, Droit du travail, 5ème éd., 2024, p. 179). Il n'en va toutefois pas ainsi quand les parties sont soumises, de quelque manière que ce soit, à une convention collective de travail prévoyant un salaire supérieur à celui qu'elles ont arrêté; dans ce cas, le salaire supérieur remplace le salaire convenu (art. 322 al.1 et 357 al. 2 CO) (ATF 129 III 618 consid. 5.1; 122 III 110 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral 4C_369/2006 du 16 janvier 2007 consid. 3.2).

3.2.2 Selon l'art. 357 al. 1 CO, les clauses normatives de la convention collective de travail (CCT) – dont notamment celles relatives au salaire – n'ont en principe d'effet direct et impératif qu'envers les employeurs et travailleurs qu'elles lient. De telles clauses s'appliquent automatiquement, sans incorporation dans le contrat de travail, et les parties ne peuvent y déroger contractuellement au détriment du salarié. Comme l'indique expressément l'art. 357 al. 1 CO, ces effets supposent que les deux parties sont liées. Tel est le cas pour les employeurs qui sont personnellement parties à la convention, les employeurs et les travailleurs qui sont membres d'une association contractante (art. 356 al. 1 CO), ou encore les employeurs et les travailleurs qui ont déclaré se soumettre individuellement à la convention (art. 356b al. 1 CO) et ont obtenu le consentement des parties (cf. ATF 123 III 129 consid. 3a). En outre, le champ d'application de la convention peut être étendu par décision d'une autorité cantonale ou fédérale (art. 1 de la loi fédérale du 28 septembre 1956 permettant d'étendre le champ d'application de la convention collective de travail [LECCT; RS 221.215.311]); en ce cas, les clauses conventionnelles s'appliquent également aux employeurs et travailleurs auxquels elle est étendue (ATF 139 III 60 consid. 5.1; 141 III 418 consid. 2.1).

Par ailleurs, un employeur, lié ou non, peut convenir avec un travailleur non lié d'incorporer dans le contrat individuel de travail les dispositions d'une CCT; celle-ci ne produit alors pas directement un effet normatif, mais les parties peuvent exiger le respect de la CCT en réclamant l'exécution des clauses du contrat qui reprennent les dispositions conventionnelles (effets dits indirects de la CCT; ATF 123 III 129 consid. 3c). La CCT est alors intégrée de manière conventionnelle au contrat; elle ne s'applique qu'en vertu de la volonté commune des parties. Corollairement, l'employeur conserve, en principe, la faculté de résilier le contrat de travail et d'en proposer un nouveau dérogeant aux clauses normatives de la CCT en défaveur du travailleur. Les parties peuvent convenir de n'intégrer à leur contrat individuel que certaines clauses de la CCT ou s'accorder sur un ordre de subsidiarité selon lequel les dispositions de la CCT ne s'appliqueront qu'à défaut de dispositions particulières dans le contrat individuel (ATF 141 III 418 consid. 2.1; 139 III 60 consid. 5.1; Wyler/Heinzer/WITZIG, op. cit., p. 1144).

Dans un arrêt du 12 octobre 2004, le Tribunal fédéral a été amené à statuer sur les effets d'une clause d'un contrat de travail, laquelle renvoyait, pour tous les points que ledit contrat ne traitait pas, au Code des obligations et à la CCT de la branche de travail concernée. Le Tribunal fédéral a retenu que, dans la mesure où l'employeur n'était pas membre de l'association signataire de la CCT en cause, ni personnellement partie à la CCT, et dans la mesure où la CCT n'avait pas fait l'objet d'une déclaration de soumission volontaire admise par les parties à la convention (art. 356b CO), ni été étendue, le renvoi à la CCT figurant dans le contrat de travail ne pouvait que déployer des effets indirects, de sorte que les parties restaient libres de déroger au salaire prévu conventionnellement (arrêt du Tribunal fédéral 4C_276/2004 du 12 octobre 2004 consid. 7.2).

Par ailleurs, dans un arrêt du 14 février 2003, le Tribunal fédéral a retenu qu'en mentionnant la CCT dans leur contrat de travail, les parties voulaient seulement s'y référer dans la mesure où elles n'y avaient pas dérogé, de sorte que l'on ne saurait voir dans cette mention une intégration conventionnelle de la CCT dans le contrat (arrêt du Tribunal fédéral 4C_310/2002 du 14 février 2003 consid. 4.1).

Lorsqu'une personne salariée ou une entreprise adhère à l'une des associations signataires de la CCT, elle acquiert immédiatement, mais sans effet rétroactif, la qualité de personne liée par la CCT (Meier, CR CO I, 3ème éd., 2021, n. 3 ad art. 356 CO).

3.2.3 Depuis le 1er novembre 2020, la loi cantonale sur l'inspection des relations de travail (LIRT – RS/GE J 1 05) a introduit un salaire minimum aux relations de travail des travailleurs accomplissant habituellement leur travail dans le canton de Genève (art. 39I LIRT), soit ceux dont l'activité est accomplie dans le canton de manière exclusive, prépondérante ou régulière (art. 56D du règlement d'application genevois de la LIRT [RIRT – RS/GE J 1 05.01]).

Le salaire minimum, initialement fixé à 23 fr. l'heure (art. 39K al. 1 LIRT), est indexé chaque année sur la base de l'indice des prix à la consommation (art. 39K al. 4 LIRT). Il a ainsi été augmenté à 23 fr. 14 au 1er janvier 2021 et à 23 fr. 27 au 1er janvier 2022, par divers arrêtés du Conseil d'Etat (art. 56F al. 4 RIRT). Il s'élève à 24 fr. 32 bruts par heure depuis le 1er janvier 2024.

Pour 42 heures de travail par semaine, le salaire minimum mensuel brut était de 4'211 fr. 48 en 2021 et de 4'235 fr. 14 en 2022. Le calcul est le suivant : (nombre d'heures de travail par semaine) x (52/12) x salaire horaire minimum (cf. site de la Confédération suisse, www.eda.admin.ch, Manuel : Droit suisse du travail, Salaire minimum dans le canton de Genève).

Par salaire, il faut entendre le salaire déterminant au sens de la législation en matière d'assurance-vieillesse et survivants, à l'exclusion d'éventuelles indemnités payées pour jours de vacances et pour jours fériés (art. 39K al. 4 LIRT).

Conformément à l'art. 39L LIRT, si le salaire prévu par un contrat individuel, une CCT ou un contrat-type est inférieur à celui fixé à l'art. 39K, c'est ce dernier qui s'applique.

Selon l'art. 39J LIRT, les dispositions sur le salaire minimum ne sont pas applicables aux contrats d'apprentissage au sens des art. 344 ss CO (let. a), aux contrats de stage s'inscrivant dans une formation scolaire ou professionnelle prévue par la législation cantonale ou fédérale (let. b; par ex. maturité professionnelle, école supérieure, HES, université; cf. https://www.ge.ch/engager-personne-stage/stages-formation-insertion-reconnus) et aux contrats de travail conclus avec des jeunes gens de moins de 18 ans révolus (let. c).

3.2.4 L'obligation de payer un salaire est un élément essentiel du contrat de travail, en ce sens que si une personne promet ou accepte de fournir une activité non rémunérée, elle ne conclut pas un contrat de travail. Selon l'art. 320 al. 2 CO, un pareil contrat est certes présumé lorsque l'employeur accepte pour un temps donné l'exécution d'un travail qui, d'après les circonstances, ne doit être fourni que contre un salaire; néanmoins, les parties peuvent valablement convenir, de manière expresse ou tacite (art. 1 al. 2 CO), que l'activité est ou sera fournie gratuitement, avec cette conséquence que leur relation n'est pas soumise aux règles du contrat de travail. Lorsque les parties se sont liées par un contrat de travail mais n'ont pas arrêté le montant du salaire, l'employeur doit payer le salaire usuel ou fixé par un contrat-type ou une convention collective de travail (art. 322 al. 1 CO) (arrêt du Tribunal fédéral 4A_641/2012 du 6 mars 2013 consid. 2).

La délimitation entre la qualification de contrat de stage non rémunéré et celle de contrat de stage soumis aux règles du contrat de travail et réalisé en contrepartie d'un salaire (art. 320 al. 2 CO) dépend de l'ensemble des circonstances du cas concret. La liberté des parties de convenir de la gratuité de la prestation du stagiaire est restreinte par l'art. 320 al. 2 CO. Un stage échappe au droit du travail lorsqu'il est effectué dans l'intérêt prépondérant du stagiaire, en vue de l'acquisition d'une expérience pratique. En revanche, lorsque le maître de stage a un intérêt objectif à la prestation fournie par le stagiaire, l'art. 320 al. 2 CO s'applique : le stage relève alors du contrat de travail et donne droit à un salaire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_150/2023 du 30 novembre 2023 consid. 5.1 et les références citées).

3.3 En l'espèce, les contrats conclus par les parties (i.e. le contrat de stage du 15 mars 2021 et le contrat de travail du 2 août 2021) stipulent, à leur art. 13, que les "dispositions légales du droit suisse sur le contrat du travail " et la CCT-Architectes (i.e. la CCT conclue entre la C______ et les syndicats D______ et E______ en février 2017) sont applicables "pour tout ce qui n'est pas expressément prévu par le présent contrat".

Ainsi qu'on l'a vu supra (cf. consid. 1.4.2), l'appelant a valablement allégué devant la Cour qu'il n'était pas membre de la C______ ni personnellement partie à la CCT-Architectes, d'une part, et que l'intimé n'était affilié à aucun syndicat lors de la conclusion des contrats litigieux, d'autre part. Ces allégués n'ont pas été contestés par l'intimé, lequel ne soutient pas que les parties auraient fait une déclaration de soumission volontaire à la CCT-Architectes au sens de l'art. 356b CO. Il est par ailleurs constant que le champ d'application de la CCT-Architectes n'a pas été étendu à tous les employeurs et travailleurs de la branche économique concernée.

Partant, l'appelant soutient à bon droit que le renvoi à la CCT-Architectes prévu à l'art. 13 des contrats susvisés ne pouvait que déployer des effets indirects, de sorte que les parties restaient libres de déroger aux salaires prévus conventionnellement, comme elles l'ont fait à l'art. 5 de ces contrats.

Aussi, contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal, les clauses de la CCT-Architectes n'avaient pas vocation à s'appliquer aux relations contractuelles des parties pour ce qui concerne la rémunération de l'intimé.

3.4 Il reste à examiner si le salaire minimum genevois était applicable aux relations de travail des parties – ainsi que le plaide l'intimé devant le Cour– et si celui-ci avait droit à un salaire supérieur à celui prévu contractuellement.

Cette nouvelle motivation juridique de l'intimé, qui s'inscrit dans le cadre de l'objet du litige, est en effet recevable, la Cour appliquant le droit d'office.

3.4.1 Il ressort des explications des parties et des pièces produites, en particulier des contrats des 15 mars et 2 août 2021, que l'intimé accomplissait habituellement son activité au service de l'appelant dans le canton de Genève, à un taux d'occupation de 100%, soit à raison de 42 heures par semaine. Les prestations de travail fournies par l'intimé étaient donc soumises aux dispositions de la LIRT sur le salaire minimum, sous réserve des exceptions prévues à l'art. 39J LIRT.

S'agissant du contrat de stage du 15 mars 2021, les parties conviennent que lors de son engagement, l'intimé était déjà titulaire d'un Bachelor en architecture ______ délivré par la HEAD. L'art. 5 de ce contrat stipulait certes que l'intimé ne percevrait aucune rémunération pendant son stage, sous réserve d'une éventuelle prime en fin de stage. Toutefois, vu son niveau de formation et le nombre d'heures de travail accomplies, les circonstances de l'espèce ne permettent pas de retenir que le stage aurait été effectué dans l'intérêt prépondérant de l'intimé. Il apparaît au contraire que l'appelant tirait un avantage objectif des services rendus par l'intimé, raison pour laquelle il l'a ensuite rapidement engagé comme travailleur salarié. Ce stage relevait dès lors du contrat de travail et donnait droit à un salaire. Par ailleurs, il ne ressort pas du dossier que l'intimé aurait été inscrit à un cours de Master (ou à un autre cours de Bachelor) auprès de la HEAD ou d'un autre institut de formation ou d'études pendant l'année 2021. De même, aucun élément concret ne permet de retenir que l'intimé aurait effectué son stage auprès de l'appelant dans le cadre d'une formation scolaire ou professionnelle prévue par la législation cantonale ou fédérale, ou que ce stage aurait été nécessaire à l'obtention d'un diplôme, ou encore qu'il aurait été validé par l'attribution de crédits d'études. Devant le Tribunal, l'intimé a du reste déclaré – sans être contredit par l'appelant – qu'il n'avait pas signé ce contrat en vue d'obtenir un diplôme complémentaire. Or, dès lors que le stage ne s'inscrivait pas dans une formation au sens de l'art. 39L LIRT, l'intimé soutient avec raison que les prestations de travail qu'il a fournies de mi-mars à juin 2021 devaient être rémunérées selon le salaire minimum alors en vigueur à Genève.

Le même constat s'impose s'agissant du contrat de travail du 2 août 2021 qui a été conclu pour une durée indéterminée. Le certificat de travail du 30 septembre 2022, précise d'ailleurs qu'à l'issue de son "stage d'architecture", l'intimé avait été engagé comme "dessinateur" du 1er juillet 2021 au 31 octobre 2022, tandis que l'appelant a précisé, à l'attention de l'assurance-chômage, que l'intimé avait occupé un "emploi à plein temps" comme "architecte dessinateur", sans évoquer un quelconque stage. Le salaire minimum genevois était ainsi également applicable aux prestations de travail fournies par l'intimé de juillet 2021 à août 2022.

3.4.2 Il en découle que pour la période de mi-mars à juin 2021, l'intimé pouvait prétendre à un salaire mensuel brut de 4'211 fr. 48 pour 42 heures de travail hebdomadaire. L'appelant aurait ainsi dû lui verser un salaire totalisant 14'740 fr. 18 (4'211 fr. 48 x 3.5 mois) pour cette période.

De juillet à décembre 2021, l'intimé aurait dû percevoir un salaire mensuel brut de 4'211 fr. 48 pour 42 heures de travail hebdomadaire, en lieu et place du salaire mensuel de 3'000 fr. qui lui a été payé, soit une différence de 1'211 fr. 48 par mois. L'appelant était ainsi tenu de verser à l'intimé un montant supplémentaire de 7'268 fr. 88 (1'211 fr. 48 x 6 mois) pour cette période.

De janvier à août 2022, le salaire mensuel brut minimum était de 4'235 fr. 14 pour 42 heures de travail par semaine, soit une différence mensuelle de 1'235 fr. 14 par rapport au salaire que l'intimé a perçu. L'appelant aurait dû lui verser un montant additionnel de 9'881 fr. 12 (1'235 fr. 14 x 8 mois) pour cette période.

En application du salaire minimum, l'intimé pouvait donc prétendre au paiement d'un montant brut supplémentaire de 31'890 fr. 18 (14'740 fr. 18 + 7'268 fr. 88 + 9'881 fr. 12) à titre de salaire pour la période du 15 mars 2021 au 31 août 2022.

3.5 Cela étant, vu la maxime de disposition applicable à la présente cause, la Cour ne saurait allouer à l'intimé davantage que la somme brute de 17'500 fr. réclamée dans sa demande du 25 janvier 2023 (cf. supra consid. 2.2).

En conséquence, le chiffre 3 du dispositif du jugement querellé sera annulé et il sera statué à nouveau, en ce sens que l'appelant sera condamné à payer cette somme à l'intimé, intérêts moratoires en sus.

4.             L'appelant a également conclu à l'annulation des chiffres 2 et 4 à 7 du dispositif du jugement querellé, concernant la délivrance des fiches de salaire.

Il n'a toutefois formulé aucune critique motivée contre la décision attaquée sur cette question. Il n'y a donc pas lieu d'entrer en matière sur ce grief, qui est irrecevable puisque dépourvu de toute motivation.

5.             La valeur litigieuse étant inférieure à 50'000 fr., il ne sera pas perçu de frais judiciaires (art. 71 RTFMC).

Il n'est pas alloué de dépens ni d'indemnité pour la représentation en justice dans les causes soumises à la juridiction des prud'hommes (art. 22 al. 2 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes :


A la forme
:

Déclare recevable l'appel formé le 15 avril 2024 par A______ contre le jugement JTPH/39/2024 rendu le 27 février 2024 par le Tribunal des prud'hommes dans la cause C/18691/2022.

Au fond :

Annule le chiffre 3 du dispositif du jugement attaqué et, cela fait, statuant à nouveau sur ce point :

Condamne A______ à verser à B______ la somme brute de 17'500 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 1er septembre 2022.

Invite la partie qui en a la charge à opérer les déductions sociales et légales usuelles.

Confirme le jugement attaqué pour le surplus.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires ni alloué de dépens d'appel.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie RAPP, présidente; Madame Nadia FAVRE, Monsieur
Valery BRAGAR, juges assesseurs; Madame Fabia CURTI, greffière.

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.