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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/26882/2018

ACJC/50/2025 du 13.01.2025 sur JTPH/89/2023 ( OO ) , MODIFIE

Recours TF déposé le 24.02.2025, 4A_102/2025
En fait
En droit

republique et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

C/26882/2018 ACJC/50/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU LUNDI 13 JANVIER 2025

 

Entre

A______ - LE CENTRE ______ - GENEVE, sise ______ [GE], partie appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 27 mars 2023 (JTPH/89/2023), représentée par Me Joanna BÜRGISSER, avocate, avenue de Frontenex 5,
1207 Genève,

et

Monsieur B______, domicilié ______ [OW], partie intimée représentée par
Me Philippe PASQUIER, avocat, Merkt & Associés, rue Général-Dufour 15, case postale 5556, 1211 Genève 11.


EN FAIT

A. Par jugement JTPH/89/2023 rendu le 27 mars 2023, communiqué aux parties le lendemain, le Tribunal des prud'hommes a condamné GENEVA CENTRE A______ (ci-après : le A______) à payer à B______ la somme nette de 100'002 fr. 50 plus intérêts moratoires au taux de 5% dès le 1er mai 2018 (ch. 2 du dispositif), débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 3), réparti les frais de la procédure, qu'il a arrêtés à 2'388 fr. 65 et compensés partiellement avec l'avance de frais de 1'100 fr., à hauteur de 90% à la charge de A______ et de 10% à la charge de B______ (ch. 4 à 6), condamné A______ à verser 1'288 fr. 65 aux Services financiers du Pouvoir judiciaire de l’Etat de Genève et 861 fr. 65 à B______ (ch. 7 et 8), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 9) et débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 10).

B. a. Par acte déposé au greffe de la Cour de justice le 11 mai 2023, le A______ appelle de ce jugement, qu'il a reçu le 28 mars 2023. Il conclut à son annulation et, cela fait, au déboutement de B______ de toutes ses conclusions, sous suite de frais des deux instances.

b. Dans sa réponse, B______ conclut à l'irrecevabilité de l'appel, subsidiairement à son rejet, sous suite de frais et dépens des deux instances. Il sollicite, à titre préalable, dans l'hypothèse où la Chambre des prud'hommes devait juger que l'audit social jouissait d'une certaine force probante, la production d'une version non caviardée du rapport d'audit social établi en décembre 2017.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives.

d. Par avis du greffe du 1er décembre 2023, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

C. Les faits suivants résultent de la procédure :

a. GENEVA CENTRE A______ (ci-après : le A______) est une fondation internationale de droit privé dont le but est de promouvoir la coopération internationale, ______, en offrant aux Etats intéressés ainsi qu'aux organisations intergouvernementales et non gouvernementales compétentes son expertise ; son siège est à Genève.

Le A______ est divisé en quatre départements, dont le Département des opérations constitué de six divisions dont celle du "______" (AJ______) répartie en quatre bureaux situés à AK______, AL______, AM______ et AN______. A compter de juillet 2016, l'ambassadeur C______ a été nommé directeur du A______, secondé par un directeur adjoint, D______. Le précédent directeur était l'ambassadeur E______.

b. B______, né en 1957, a été engagé par le A______, en qualité de "Senior Fellow – ______ Sector Reform in the Islamic World", à partir du 1er septembre 2003, par contrat de travail à durée indéterminée signé le 25 mars 2003. A partir de 2012, B______ a été nommé Chef de la division AJ______ qu'il a développée notamment par la création des bureaux à AM______, AL______, AN______ et AK______.

Son dernier salaire mensuel brut s'est élevé à 15'385 fr, perçu treize fois l'an, soit 16'667 fr. 08 sur douze mois.

c. Par courriels du 23 août 2017, F______, directeur adjoint du A______ et supérieur hiérarchique de B______, a évoqué à C______ la situation de G______, employé de la division AJ______, en incapacité de travail en raison d'insomnies et de fatigue depuis le 9 août 2017. F______ s'interrogeait par ailleurs quant au fait qu'un autre employé de la division, H______, était également en arrêt pour des problèmes similaires. Il ignorait si cela pouvait être lié au Bureau ou au climat de travail.

Par courriel du 8 septembre 2017, l'employé H______ a résumé à I______, responsable des ressources humaines, leur entretien du 5 septembre 2017, sur conseil de F______. Il a rappelé souffrir d'insomnies chroniques et être en incapacité de travail en raison d'un harcèlement au travail. En dépit de cette situation traumatisante, il souhaitait poursuivre sa collaboration au sein du A______ à condition de ne plus être en contact avec B______ et sa secrétaire. Il suggérait son transfert dans une autre unité.

d. Le 25 septembre 2017, B______ a eu un entretien d'évaluation concernant la période du 1er janvier au 31 octobre 2017. L'évaluation rédigée par F______ indique que la division AJ______ était correctement gérée : elle était structurée pour atteindre ses objectifs, les tâches et responsabilités de chacun étaient clairement définies, les ressources nécessaires avaient été mobilisées, la politique en matière de risques correctement appliquée. B______ avait progressé concernant ses objectifs personnels ou les avait atteints. Sa performance générale a été évaluée comme "correspondant aux attentes" obtenant la notation de 2, sur une échelle de 4 ("performance exceptionnelle").

L'évaluation indiquait qu'il y avait toutefois de sérieux défis à relever s'agissant du management, compte tenu du haut degré de mécontentement et du tournus important du personnel de la division pouvant impacter son fonctionnement. La gestion de la division restait très centralisée, avec une délégation limitée tant à l'égard des responsables que des autres collaborateurs. Plusieurs processus de l'institution avaient été bloqués en raison du manque d'information et de délégation aux responsables. La gestion devait tendre à plus d'inclusion et de responsabilisation du personnel. B______ avait fait preuve de résistance à adhérer aux processus d'harmonisation de l'institution. La division devait rechercher les possibilités de coopération avec les autres parties du A______.

C______ a signé cette évaluation le 8 janvier 2018.

e. Le 21 septembre 2017, I______ a annoncé à l'ensemble des employés de la division AJ______ que la direction avait mandaté un service externe pour effectuer un audit de la division. Cette décision découlait de la préoccupation du directeur, suite à de récents congés maladie et autres signaux qui suggéraient que le personnel de la division avait été soumis à un stress considérable ces derniers mois. Les auditeurs avaient reçu pour instruction de ne faire aucune référence à des noms d'employés dans leur rapport, l'anonymat du personnel devant être préservé.

f. Le Service social AO______ suisse a conduit l'audit social, sous la responsabilité de J______. Les auditeurs ont auditionné, entre le 28 septembre et le 31 octobre 2017, tous les employés de la division AJ______ de Genève, la plupart des collaborateurs basés à AK______ et à AM______ ainsi que plusieurs employés ayant quitté récemment la division.

g. Le 4 décembre 2017, J______ a présenté oralement à B______ les résultats de l'audit social.

h. Le 10 décembre 2017, les auditeurs ont rendu le rapport final.

h.a A teneur de ce rapport, le mandat d'audit social a été défini par C______ et I______ de la manière suivante : la direction avait remarqué une augmentation du nombre d'arrêts-maladie liés à un haut niveau de stress et à des tensions psychologiques au sein de la division AJ______. Pour y remédier, le directeur requérait une analyse et une description appropriées de la situation du personnel, ainsi que les forces, faiblesses et ou déficiences dans la division AJ______ à Genève, AM______ et AK______. Un questionnaire de base avait été établi et approuvé par les mandataires.

Sous la rubrique "style de conduite et manière de gérer le personnel", le rapport indique que B______ était décrit comme un bon diplomate disposant de relations essentielles pour la réussite de certains projets du A______. Quelques rares personnes auditionnées qualifiaient leur relation avec celui-ci de correcte, voire bonne et empreinte de respect. La grande majorité des collaborateurs de la division le décrivait comme une personne directive, autoritaire et très exigeante qui utilisait excessivement le contrôle. Ils regrettaient que toute décision doive être approuvée par lui, ce qui occasionnait une perte de temps. Tous affirmaient de manière concordante que la gestion était trop centralisée et hiérarchisée et constituait du "micro-management". Le tiers des personnes entendues estimait B______ intimidant et rabaissant. Il ne serait jamais satisfait des prestations fournies, manquerait de considération pour ses collaborateurs et aurait tendance à imposer de manière excessive et parfois véhémente son point de vue. Il traiterait de manière inégale ses collaborateurs et se focaliserait sur une personne "bouc-émissaire". Un nombre significatif d'employés exprimaient sa peur de lui et le fait que la pression et le stress engendrés par cette situation leur était parfois insupportable.

Sous la rubrique "organisation et climat de travail", il était indiqué que les collaborateurs se sentaient surveillés, devant rendre des comptes et des rapports sur tout. Dans le bureau de Genève, les meetings du lundi cristalliseraient les peurs des collaborateurs lors desquels B______ ferait des commentaires désagréables et dénigrants, ciblant généralement une personne. Ces séances semblaient générer des répercussions directes sur le bien-être et la santé de certains collaborateurs (insomnies, maux de ventre, voire vomissements pour certains) et à plusieurs reprises des collaborateurs auraient "craqué" lors de ce moment. B______ demanderait souvent en urgence des travaux et rapports dans des délais parfois impossibles à tenir. Les auditeurs ont indiqué que ces éléments influençaient le climat de travail. Un témoin externe décrivait l'atmosphère au sein de la division AJ______ Genève comme "particulièrement lourde et pesante".

Comme "problèmes spécifiques", le rapport indique qu'un nombre significatif d'employés estimaient que B______ pensait que les femmes ne pouvaient pas assumer les mêmes positions que les hommes, surtout si elles avaient des enfants ou étaient en âge d'en avoir. Lors des entretiens d'embauche, des questions à ce sujet étaient posées. Selon plusieurs employés, une collaboratrice aurait été déclassée professionnellement à son retour de congé maternité. Certains collaborateurs le décrivaient comme sexiste.

Plus du tiers des collaborateurs auditionnés considérait que B______ émettait des critiques injustifiées visant notamment les personnes venant de pays arabes. Des remarques sur le ramadan et le jeûne seraient également faites. Cette différenciation se répercuterait jusqu'aux bureaux locaux où une discrimination entre les internationaux et le personnel local était dénoncée.

Une partie importante des personnes travaillant en étroite collaboration avec B______ se "sentait concernée par la thématique du mobbing, du harcèlement sexuel et de l'abus de pouvoir". La plupart de ces personnes s'estimaient directement victimes de mobbing/d'abus de pouvoir ou citaient des collègues qui seraient concernés. Des employés masculins s'étaient plaints de harcèlement sexuel ou disaient avoir observé des comportements ambigus. Une personne en avait déjà fait part aux ressources humaines et à la direction. D'autres affirmaient avoir reçu des cadeaux, des messages et des invitations de la part de B______. Plusieurs démissions seraient dues à des situations relevant d'abus de pouvoir, voire à du harcèlement ou encore consécutives au stress et aux dommages sur la santé provoqués par cette situation.

Le rapport indiquait également sous la rubrique "problèmes de santé, absences, maladie, burnout", qu'une dizaine de collaborateurs auditionnés faisaient un lien direct entre le travail et des problèmes de santé qu'ils avaient subi ou subissaient encore. Ces personnes faisaient le lien entre des symptômes de burnout ou d'autres maladies avec la situation vécue au travail. La majorité des personnes entendues se plaignaient d'une fatigue importante, d'un grand stress et d'une grande pression, sans pour autant être sûres que ces symptômes soient directement liés aux conditions de travail et à sa mauvaise organisation.

Sous la rubrique "attentes exprimées par les personnes interrogées", le rapport mentionnait que les personnes auditionnées étaient d'avis que B______ devait être licencié ou, en tous les cas, devait quitter sa fonction de responsable de la division AJ______. La majorité de ces collaborateurs réfléchissait à donner sa démission si B______ restait à sa place et sans changements en profondeur.

Sous le point "conclusions et recommandations", les auditeurs ont conclu que, compte tenu des éléments ressortis des auditions, la manière d'interagir, la communication, le style de management et la gestion du personnel par B______ présentait de graves lacunes.

Le rapport, produit de manière caviardée dans la procédure, ne mentionne pas les recommandations émises par les auditeurs, ni les commentaires des audités concernant d'autres acteurs du A______.

h.b Lors de son audition devant le Tribunal, J______ a déclaré que le rapport d'audit social était rédigé au conditionnel, car il ne s'agissait pas d'une enquête. Les auditeurs récoltaient des informations, mais ne les vérifiaient pas et n'établissaient pas de procès-verbaux des déclarations des collaborateurs. Si le commanditaire voulait vérifier les faits, c'était à lui de procéder à une enquête interne. Le rapport faisait état des dires des personnes questionnées, de leur perception et de leur ressenti. Quand un collaborateur disait qu'il avait été mobbé, il s'agissait de sa perception, cela ne voulait pas encore dire qu'il y avait mobbing au sens de la loi, cela devait encore être prouvé. Il n'y avait donc pas de faits pénaux que les auditeurs auraient pu dénoncer. Le rapport était une photographie de l'état d'esprit des collaborateurs auditionnés et permettait à l'employeur de mesurer la perception par une équipe d'une situation de travail. Sur cette base, en tant que spécialistes, les auditeurs en tiraient leur propre appréciation et perception indiquées dans le rapport, outil à la disposition du commanditaire.

i. Lors d'un entretien du 12 décembre 2017, C______ a informé B______, sans lui communiquer le rapport, que l'audit avait mis en évidence des dysfonctionnements managériaux. Certains collaborateurs avaient indiqué avoir subi de la part de B______ des discriminations fondées sur le genre, du harcèlement, voire du mobbing. Aucun nom d'employé n'a été communiqué à ce dernier.

j. Par courriel du lendemain, C______ a rappelé à B______ leurs échanges sur les conclusions qui s'imposaient au vu des résultats de l'audit. Il souhaitait rapidement trouver des options consensuelles concernant les implications de l'audit pour B______. Ce dernier ayant souhaité avoir plus d'information sur la nature des résultats, il lui proposait une rencontre avec J______.

k. Par courriel du 14 décembre 2017, B______ a accepté la rencontre. Il a sollicité la remise du rapport d'audit, rappelant que C______ et J______ ne lui avaient communiqué que deux brefs résumés des résultats qui, de plus, divergeaient sur certains points. Sa compréhension superficielle des résultats ne lui permettait pas le développement de solutions constructives. Le directeur a refusé de lui remettre le rapport en raison de son caractère confidentiel.

l. B______, C______ et J______ se sont réunis le 15 décembre 2017.

m. Le 18 décembre 2017, le directeur a confirmé à B______ sa décision de confier la direction de la division AJ______ à une autre personne début 2018. B______ était invité à émettre des propositions relatives aux changements en découlant pour lui et la division, lors d'une réunion proposée au 15 janvier 2018.

n. Le 22 décembre 2017, B______, sous la plume de son conseil, a requis de l'employeur la remise du rapport, compte tenu de son devoir de protéger sa personnalité et du droit d'accès de l'employé aux données le concernant. Des allégations ou à tout le moins des perceptions de harcèlement, de mobbing et de discrimination lui avaient été imputées. Ces allégations pouvaient porter atteinte à son honneur et à sa carrière professionnels. Pour exercer son droit d'être entendu, il devait avoir accès à ces éléments pour faire valoir sa version des faits et apporter les contre-preuves indispensables.

Le A______ n'a pas donné suite à ce courrier.

o. Le 12 janvier 2018, B______ et C______ ont eu un entretien, lors duquel B______ a été licencié pour le 30 avril 2018.

Dans un courriel du même jour, le directeur lui a proposé de garder confidentielle la résiliation de son contrat jusqu'à la fin du mois. Il souhaitait une transition constructive pour laquelle il tiendrait compte des conseils de B______. Il s'est engagé à maintenir la confidentialité du rapport d'audit à l'égard de tiers.

p. Par courriel du 22 janvier 2018, C______ a soumis une proposition de texte informatif relatif à l'annonce de son départ au personnel pour approbation à B______. Il avait tenu compte de la demande de ce dernier de reporter un peu plus la date de transfert officiel de ses responsabilités.

q. Le 24 janvier 2018, B______, par l'intermédiaire de son conseil, a indiqué au A______ que son licenciement intervenait suite à sa demande de remise du rapport d'audit et en violation de son droit d'être entendu et de son droit d'accès au dossier. Il a requis l'annulation du licenciement et la communication sans délai du rapport. Relevant en particulier que la décision de licenciement était entachée d'arbitraire et par conséquent nulle et de nul effet, il a invité le A______ à la retirer par retour de courrier à son intention.

r. Le 15 février 2018, l'employeur a confirmé le licenciement. Il a annoncé accepter de lui communiquer l'extrait du rapport le concernant, mais pas la partie du rapport relative à l'ensemble de l'institution, confidentielle selon l'employeur. Il le lui a communiqué le 2 mars 2018.

s. Le 14 mars 2018, B______ a requis la communication par écrit des motifs de son licenciement.

Le 20 mars 2018, le A______ a répondu qu'il avait été licencié en raison de son style de management et de sa gestion du personnel gravement lacunaire. Il n'avait pas respecté les valeurs du A______ comme la transparence, la non-discrimination et une communication respectueuse. Il avait, de ce fait, provoqué des souffrances chez les collaborateurs dont certains avaient été atteints dans leur santé. Le A______ a indiqué n'avoir pas mentionné ces motifs dans la lettre de licenciement et être resté très discret vis-à-vis de l'extérieur, soulignant même ses compétences diplomatiques, afin de tenir compte de ses longues années de service, de lui permettre un départ en douceur et d'éviter des ruptures brusques des relations professionnelles.

t. Par courrier du 27 avril 2018, B______ a formé opposition à son licenciement qualifié d'abusif.

u. A la fin des rapports de travail, K______, chef-adjoint de l'OP-AJ______, a repris le poste de B______ ad interim.

v. B______ a contesté son licenciement auprès du Département fédéral L______ le 12 février 2018, puis auprès du Tribunal administratif fédéral, qui a déclaré son recours irrecevable par arrêt du ______ mars 2018.

w. Dans le courriel adressé à C______ le 15 mars 2018, D______, directeur adjoint du A______, a relaté l'entrevue informelle qu'il avait eue la veille avec B______, qui s'était alors plaint du licenciement dont il avait fait l'objet, avait indiqué que la décision de C______ avait violé ses droits constitutionnels et porté atteinte à sa réputation et que cette démarche le forçait à prendre des mesures dont les conséquences pourraient, à terme, également porter préjudice au A______, ce qu'il regretterait profondément.

x. A une date indéterminée, antérieure à juin 2019, B______ a adressé des courriers au Conseiller fédéral M______ et à N______, Présidente du A______.

Le A______ reproche à B______ d'avoir alors critiqué C______ pour le discréditer, et de n'avoir ainsi jamais envisagé les propositions qui lui avaient été soumises, comme notamment le projet de mission en tant que consultant.

B______ expose à cet égard que ses courriers à M______ et à N______ sont postérieurs à la cessation des rapports de travail intervenue le 30 avril 2018.

D. a. Par demande déposée le 15 mars 2019 après l'échec d'une tentative de conciliation requise le 29 octobre 2018, B______ a assigné le A______ en paiement de la somme de 110'002 fr. 50, avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 12 janvier 2018, à titre d'indemnités pour licenciement abusif et en réparation de son tort moral, sous suite de frais et dépens.

Il conteste les lacunes dans son style de management et sa gestion du personnel que son employeur a invoquées comme motifs de licenciement.

Il se plaint de la manière dont il a été licencié, arguant de ce que son employeur avait, dans un premier temps, mis en avant sa volonté de trouver une solution favorable à tous sans mentionner de licenciement, puis lui avait, dans un second temps, signifié son licenciement après que son avocat soit intervenu pour réclamer que le rapport d'audit lui soit transmis. Il reproche à son employeur de n'avoir porté aucune considération à son âge ou à son ancienneté au sein de l'organisation alors qu'un devoir de protection incombait à son employeur et de n'avoir pas examiné concrètement la possibilité de mettre en place une solution alternative au licenciement en vue de maintenir les rapports de travail, d'avoir ainsi donné l'impression qu'il était coupable des actes qui lui étaient reprochés dans le rapport d'audit et d'avoir de la sorte manqué à son devoir de protéger la personnalité de son employé. Il lui reproche en outre de l'avoir licencié pour l'empêcher de faire valoir des prétentions découlant des atteintes subies à sa personnalité, après qu'il se soit défendu en constituant un avocat.

b. Dans sa réponse, le A______ a conclu au déboutement de B______ de toutes ses conclusions.

Il conteste avoir manqué à son obligation de protéger son employé d'atteintes à la personnalité, en relevant que B______ n'indiquait pas quelles seraient les atteintes à la personnalité qu'il aurait subies ni quelles prétentions il aurait fait valoir en constituant un avocat.

Le A______ indique avoir dénoncé les rapports de travail en raison du comportement de B______ à l'égard de plusieurs collaborateurs et de ses graves lacunes dans sa gestion du personnel.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives.

d. Le Tribunal a tenu des débats d'instruction le 30 janvier 2020, puis rendu une ordonnance de preuve le 10 mars 2020, ordonnant au A______ de produire divers documents, dont notamment une version non caviardée du rapport d'audit établi en décembre 2017. Par arrêt du 26 janvier 2021, la Chambre des prud'hommes a annulé cette ordonnance en retenant que la production de l'intégralité de cet audit ne se justifiait pas.

e. Le Tribunal a procédé à l'interrogatoire de B______ et de C______ et F______ comme représentants du A______, ainsi qu'à l'audition des témoins K______, J______, I______, D______, O______, P______, Q______, R______, S______, T______, U______ et V______ lors des audiences tenues les 11, 12 et 19 mai 2022, 22 et 28 juin 2022, 12 septembre et 9 novembre 2022.

e.a B______ a déclaré avoir été le premier auditionné par J______ dans le cadre de l'audit dont il contestait fermement la méthodologie. J______ ne l'avait pas réentendu pour qu'il puisse se déterminer sur les reproches formulés ultérieurement et dont il n'avait pas connaissance. Il n'avait disposé d'aucune autonomie budgétaire concernant la division AJ______. Pour chaque dépense, il était nécessaire d'obtenir plusieurs signatures. Le micro-management ne venait pas de lui. Rien ne pouvait lui être reproché concernant G______ qui avait des problèmes de sommeil et nécessitait un régime strict de repos à respecter. Son médecin avait indiqué dans son certificat qu'il ne pouvait travailler que quatre heures par jour, ce qui rendait toute mission à l'étranger impossible. Il n'avait pas remonté la problématique de santé de cet employé à F______. Il avait transmis le certificat médical aux ressources humaines qui l'avaient remis à ce dernier.

e.b C______ a déclaré qu'en septembre 2017, H______ était venu lui parler de la situation qu'il vivait. Il n'avait lui-même pas vu les sms et emails entre cet employé et B______. C'était cette discussion qui l'avait décidé à déclencher l'audit, mais auparavant, il y avait des indices et signaux qu'il avait constatés. En juillet et août 2017, il s'était rendu à plusieurs reprises auprès de la machine à café de l'étage et avait perçu des tensions et de l'inquiétude. En août 2017, W______ l'avait appelé pour lui faire part de la souffrance qu'endurait son collègue au sein de la division. Il s'estimait victime indirecte en voyant le harcèlement que subissait son collègue, sans lui préciser qu'il s'agissait en réalité de H______. Le directeur avait compris qu'un suivi s'imposait. Après lecture du rapport d'audit, la relation de travail avec B______ ne pouvait, pour lui, plus se poursuivre. Il confirmait que déjà en décembre 2017, à la reddition du rapport, il avait décidé que les rapports de travail devaient rapidement être résiliés. Il admettait que l'audit était une photographie de la situation telle que perçue par les employés. Il avait, dès décembre, discuté avec B______ des modalités de séparation. Tout était alors envisageable : licenciement, démission ou accord de départ. En l'absence de proposition de séparation de la part de l'employé, le licenciement avait été prononcé le 12 janvier 2018. C______ avait évoqué à l'employé des possibilités de travailler sous mandat dans certaines zones. Cela n'avait plus été envisageable après que celui-ci l'ait critiqué auprès du Conseil fédéral. Il confirmait avoir signé, en janvier 2018, l'évaluation de B______ qui mentionnait l'appréciation globale correspondant à la note 2, tous les objectifs individuels de B______ n'ayant toutefois pas été atteints. Il confirmait qu'après le licenciement, B______ et K______ avaient voyagé ensemble pour présenter la phase de transition aux partenaires et permettre au demandeur de prendre congé d'eux, voire de discuter de futurs mandats avec ces derniers. C______ avait accepté cette solution permettant une transition solide et un départ dans la dignité de B______.

e.c F______ a déclaré que fin 2016, il y avait eu une restructuration des divisions qui fonctionnaient précédemment de manière indépendante. B______ n'était pas favorable à ces changements, souhaitant continuer à gérer de manière indépendante sa division. C'était un défi constant d'arriver à plus d'intégration. Il y avait une centralisation vers B______, un manque de délégation à l'égard des collaborateurs et un manque de partage d'informations à l'égard de ceux-ci et de la direction. Des collaborateurs s'étaient plaints auprès de F______ du fait que le climat de travail n'était "pas sain". H______ était venu se plaindre de harcèlement, ce qui avait déclenché l'audit. F______ n'avait pas vu les emails et sms qu'aurait reçu celui-ci de la part de B______. Suite à cette plainte, il n'avait pas entendu B______. Il en avait parlé directement à C______ qui avait pris la décision de mener un audit. Une fois celui-ci lancé, F______ n'avait plus participé à des discussions concernant l'audit. Il n'avait pas eu connaissance de plaintes de G______ à l'encontre de B______. Lors de l'évaluation de septembre 2017, il avait parlé avec B______ des problématiques concernant l'environnement de travail au sein de la division. Il avait estimé que la performance de B______ répondait aux attentes, lui attribuant la note de 2 sur 4, qui correspondait à la moyenne. En page 3, il était indiqué que la division était correctement gérée. Il s'agissait de la dernière évaluation de l'année 2017, ce qui signifiait que les objectifs fixés au 31 octobre 2017 avaient été réalisés. Dans cette évaluation, il n'y avait pas eu d'objectifs fixés au demandeur concernant la gestion du personnel en particulier. L'évaluation indiquait toutefois clairement qu'il fallait opérer des changements. La signature datée de janvier 2018 était celle de C______. Le témoin n'avait pas pris connaissance des résultats de l'audit. Le A______ disposait de mesures pouvant aller de la fixation d'objectifs à du coaching. Il avait compris que dans le cas de B______, ce genre de mesures n'était pas possible. C'était C______ qui avait pris la décision de le licencier. La volonté du A______ était d'assurer une transition harmonieuse, raison pour laquelle B______ et K______ avaient voyagé ensemble. B______ avait pu présenter celui-ci comme son successeur et prendre congé des partenaires et collaborateurs de façon digne et respectueuse de sa personne. Le directeur avait eu une approche très professionnelle dans le cadre de la fin des rapports de travail; il avait négocié avec B______ une communication commune.

e.d Entendu en qualité de témoin, K______, employé depuis février 2017 et directeur adjoint de la division AJ______ jusqu'au départ de B______, a déclaré qu'il existait entre ce dernier et ses supérieurs hiérarchiques des différences sérieuses dans la vision du management. Il n'avait pas eu l'impression que la division AJ______ se démarquait plus que les autres en matière d'arrêts maladie, étant précisé qu'il s'agissait, au niveau opérationnel, de la division avec le plus de collaborateurs, soit entre 50 et 55, dans les bureaux à l'étranger, sauf erreur. L'atmosphère au sein de la division était correcte. Il existait des moments de tension et des moments plus apaisés, les programmes étaient exigeants, il y avait parfois des réunions professionnelles difficiles, mais également des moments de détente sympathiques. Il n'avait vu aucun fait qui relèverait du harcèlement à l'encontre de H______ de la part de B______. Il existait par contre des tensions professionnelles entre eux. B______ était un homme très exigeant, rarement content du travail fourni par ses collaborateurs, le témoin y compris. Certains collaborateurs appréciaient B______, d'autres pas, le témoin ne pouvant dire s'il y en avait plus d'un côté que de l'autre. Il avait vu des moments d'anxiété chez des collaborateurs avant des réunions professionnelles. Il pouvait lui-même être anxieux avant de restituer un projet auprès de sa hiérarchie. Le témoin voyait également des collaborateurs heureux d'apprendre dans le cadre de leurs fonctions au sein de la division. Il n'avait jamais vu de cas de discrimination de la part de B______ fondés sur le sexe, la culture, ou la religion, ni abus de pouvoir. Certains collaborateurs se plaignaient de problèmes dans la gestion des programmes et des équipes. Le témoin ne se souvenait pas d'un audit rendu fin 2017, ni s'il avait été auditionné par un dénommé J______. B______ avait travaillé durant la phase de transition et avait pu lui présenter les équipes, y compris celles à l'étranger et lui transmettre les dossiers. Il n'avait pas vu B______ être "poussé à la sortie", ou devoir quitter son poste avant la fin du délai de congé. Il confirmait que B______ était affecté pendant cette phase de transition, car il aimait beaucoup son travail. Le témoin avait compris que ce n'était pas B______ qui avait démissionné et que cela n'était pas facile pour lui.

e.e Entendu comme témoin, J______ a expliqué que, dans un audit social, les auditeurs posaient systématiquement des questions en lien avec le harcèlement moral, sexuel ou des problématiques de discrimination. Les auditeurs n'avaient pas vu les arrêts maladie, mais la responsable RH leur avait indiqué qu'ils étaient nombreux et qu'elle disposait d'arrêts liés aux conditions de travail. Concernant le mandat décrit en page 1 du rapport, c'était l'employeur qui avait fait le lien entre le haut niveau de stress et les arrêts maladie. Les auditeurs avaient interrogé trente-cinq personnes au total, dont une personne externe et des anciens collaborateurs de la division. Le témoin ne pouvait expliquer la différence entre le nombre de collaborateurs de la division, soit plus de cinquante, et le nombre des personnes auditionnées. Lors de l'entretien du 15 décembre 2017, C______ et lui avaient communiqué les conclusions de l'audit à B______ et lui avaient fait part des raisons les ayant conduits à ces résultats. Selon l'appréciation du témoin de la situation, celle-ci était très délicate. Sauf erreur, il avait lu les pages 9 et suivantes du rapport au demandeur. B______ avait été étonné de l'appréciation du résultat auquel le témoin était arrivé. Selon eux, la situation n'était pas tenable vu le décalage qui existait. La grande majorité des collaborateurs interrogés ne lui faisaient pas confiance. Il y avait beaucoup de remarques négatives à son encontre et ils lui avaient proposé de renoncer à la responsabilité de la division et qu'une solution externe à celle-ci soit trouvée.

e.f I______, entendue en qualité de témoin, a déclaré qu'en 2016, toutes les divisions avaient été réunies à la Maison X______. Cela avait fait apparaître des modes de fonctionnement différents, la division AJ______ étant auparavant dans un autre bâtiment et fonctionnant de manière indépendante. Suite à cette réunification, les interactions avec la division AJ______ avaient augmenté. Il était devenu plus clair pour la division qu'elle pouvait bénéficier de leur aide au niveau des ressources humaines. La collaboration avec les RH s'était améliorée avec la personne qui avait remplacé B______. Avant l'audit, H______ était venu parler à la témoin et lui avait indiqué avoir reçu, de la part de B______, des sms inappropriés sur le plan personnel. Il s'agissait de harcèlement qu'elle ne pouvait toutefois pas qualifier, n'ayant pas lu les sms, ni lu les emails. Elle avait constaté que H______ était mal à l'aise et recevait des sollicitations qu'il ne souhaitait pas, en particulier vu sa situation de couple. Elle avait fait part de cet entretien au directeur, ce qui avait déclenché l'audit. A cela s'ajoutaient des rumeurs et des incapacités de travail récurrentes. Elle n'avait pas entendu B______ après sa discussion avec H______ et ignorait s'il avait été entendu par la direction. Elle n'avait jamais eu de plaintes formelles à traiter concernant les rapports entre B______ et le personnel de la division AJ______; des rumeurs remontaient néanmoins. Le rapport d'audit avait confirmé le climat anxiogène qui leur avait été rapporté par des collègues et supérieurs d'autres divisions. C'était C______ qui avait rédigé le mandat de l'audit. La témoin ne disposait pas d'indication lui permettant de faire les liens entre les certificats d'incapacité et un "haut niveau de stress et de tensions psychologiques". Elle se souvenait, en revanche, d'un certificat faisant le lien entre l'incapacité et les conditions de travail. Elle ignorait qui avait décidé des personnes à entendre parmi celles ayant quitté la division. C______ avait pris tous les égards pour que la réputation de B______ soit préservée. Elle n'avait pas constaté d'humiliation, ni de mise à l'écart de celui-ci suite à son licenciement, ni le souvenir que la transition ait été abrupte.

e.g D______, entendu en qualité de témoin, employé du A______ jusqu'à janvier 2021, a déclaré ne pas avoir été impliqué dans la prise de décision de l'audit, ni dans la décision de licenciement de B______. Le témoin, qui travaillait dans un autre département, n'avais jamais été informé directement de problématiques concernant la division AJ______, mais des rumeurs circulaient. Tous les efforts avaient été entrepris pour que le départ de B______ se passe de manière digne. Lors des réunions de direction, il n'avait jamais été question de licenciement, mais du départ de B______ qui était demeuré actif jusqu'à la fin de son contrat.

e.h Le témoin O______, employé du A______ de 2002 à 2018, a déclaré que dans le cadre de ses fonctions, il avait pu bénéficier du personnel de B______ à l'étranger avec lequel il avait des conversations. Il en ressortait que B______ était dur mais juste, qu'il était toujours possible de lui présenter un problème, qu'il était à l'écoute et qu'il y avait, comme dans toute organisation, des désaccords concernant certaines décisions prises. Le témoin n'avait jamais constaté de carence de la part de B______ dans la gestion de son personnel qui était travailleur et consciencieux. Il avait vu B______ travailler avec son équipe à des occasions limitées, lorsque celui-ci était à Genève. Le témoin n'avait entendu parler d'allégations de nature non spécifiées concernant B______ qu'en fin janvier-février 2018. Un membre de sa division s'était senti harcelé jusqu'à son domicile pour signer une pétition visant à exprimer une grande insatisfaction envers B______. Le texte de la pétition était général et visait à achever un processus en lien avec l'audit qui avait récemment eu lieu. Il avait existé, à un moment donné, une rumeur concernant un assistant et B______; il n'y avait jamais eu de clarification. C'était la seule rumeur malicieuse dont le témoin avait entendu parler concernant B______. Il n'avait jamais entendu parler de difficultés qu'aurait rencontrées H______ au sein de l'OP-AJ______. Il savait qu'il avait changé de département, mais en ignorait la raison.

e.i La témoin P______ a déclaré qu'interrogée dans le cadre de l'audit, elle avait expliqué admirer B______ qui faisait bien son travail, mais qui parfois hurlait sur elle lorsqu'elle faisait une erreur. Il pouvait s'agir d'erreurs mineures ou plus importantes. Cela l'affectait, mais elle ne s'en était jamais plainte aux RH par peur de perdre son emploi. Elle avait peur de B______ qui l'intimidait. Ce n'était pas fréquent qu'il lui hurle dessus, car il était souvent à l'étranger. Elle se souvenait d'un cas en 2012. En ce qui la concernait, sa situation s'était améliorée suite au départ de B______.

e.j La témoin Q______, employée au sein de la division AJ______ de 2014 à 2018, sous la supervision directe de B______, a déclaré ne pas se souvenir d'un audit de fin d'année en 2017, ni d'avoir été auditionnée. Elle avait entendu des plaintes relatives au micro-management de B______. Elle ne se souvenait pas de plaintes concernant des problématiques de discrimination ou une communication de B______ qui aurait été peu respectueuse. Elle précisait toutefois qu'elle n'était présente sur le lieu de travail qu'une fois par semaine et ne pouvait pas avoir une bonne connaissance de ce qui se passait dans la Maison X______. Durant ses quatre ans au A______, elle avait constaté que B______ était apprécié et respecté par ses collaborateurs, mais tous n'étaient pas satisfaits de sa gestion de la division. G______ avait beaucoup de travail, voire trop de travail. Elle avait indirectement appris que H______ rencontrait des problèmes avec B______, mais elle ignorait de quel ordre. Elle n'avait personnellement jamais rencontré de problème avec B______.

e.k Le témoin R______, employé comme chef du Bureau de AK______ de 2016 à 2019, a déclaré être très rarement à Genève. B______ venait quatre à cinq fois par an au Bureau de AK______ où il restait entre deux et quatre jours au maximum. Concernant ses collaborateurs de AK______, B______ était apprécié et respecté. Sur le plan personnel, le témoin, qui était celui qui avait dû plus le connaître, respectait et appréciait B______. Il n'avait pas observé de la part de celui-ci des attitudes de discriminations basées sur le sexe, l'ethnie ou la culture au sein du Bureau de AK______. Il n'avait jamais été témoin, de la part de B______, d'actes de mobbing, d'harcèlement sexuel, d'abus de pouvoir à l'égard de collaborateurs ou de lui-même. Il n'avait pas vu ou entendu B______ discriminer le personnel local, par rapport au personnel international. Il n'avait jamais entendu parler de problèmes de communication irrespectueuse de la part de B______. Il n'avait pas constaté personnellement qu'une collaboratrice aurait vu son cahier des charges modifié à son congé maternité. Il s'agissait d'une rumeur, il n'avait pas été témoin direct de ce fait. A l'annonce du départ de B______, le personnel de AK______ avait été attristé et choqué. Le témoin avait compris que le problème du micro-management ne venait pas de B______, mais de la structure même du A______ trop centralisée sur la direction basée à Genève. Avec l'arrivée de C______, le témoin avait espéré qu'il y ait plus de décentralisation pour donner plus de responsabilités aux personnes en charge des projets, mais cela n'avait pas été le cas. Il avait été auditionné dans le cadre de l'audit. Il ne se souvenait pas de questions concernant B______. S'agissant de celui-ci, il n'aurait pas eu de réponse négative à fournir sur des questions d'ordre personnel. Il y avait des éléments à améliorer concernant l'organisation du Bureau et par rapport auxquels il s'était entretenu avec B______. Il ne connaissait pas les conclusions du rapport ; il avait compris de ses collègues qu'ils rencontraient les mêmes problématiques concernant la gestion des programmes, soit des problèmes de bureaucratie et de lenteur dans la prise de décisions, ce qui générait des frustrations au sein du personnel. Il n'avait pas travaillé directement avec G______ qu'il savait avoir des problèmes de santé, mais ignorait de quel ordre. Il avait appris de F______ qu'il y avait un problème entre B______ et H______ ayant justifié le transfert de division de ce dernier, mais il n'en connaissait pas la nature.

e.l Le témoin T______, assistante de direction de 2000 jusqu'à avril 2018, a déclaré avoir été en incapacité de travail de mai 2017 jusqu'à la fin de son emploi. Elle n'avait pas vu ou entendu qu'il y ait eu des problèmes de mobbing ou de harcèlement de la part de B______. En revanche, il existait un grand niveau de stress au sein du A______ depuis l'arrivée de C______. Toute l'organisation en souffrait, l'ambiance était toxique. Le directeur était extrêmement tyrannique, aucune discussion n'était possible avec lui. Tout le monde était terrifié. De toute sa carrière faite au sein de directions, le témoin n'avait jamais vécu une telle expérience.

e.m La témoin U______, employée du A______ de 2003 à 2019, a déclaré que son fils, Y______, avait débuté un stage au sein de la division AJ______ en janvier 2012. Le deuxième jour du stage, B______ avait, suite à un café avec son fils, glissé dans la poche de ce dernier une carte magnétique indiquant qu'il s'agissait de la clé d'une chambre d'hôtel à AM______. Son fils avait très mal vécu cet épisode et décidé de mettre fin à son stage. Le témoin avait dénoncé cette situation à E______ qui s'était excusé deux semaines après l'incident. B______ avait demandé à son fils de reprendre son stage et l'avait menacé d'une plainte pénale pour propagation d'accusations infondées. L'ambassadeur avait proposé à son fils de signer une lettre où il admettait avoir eu une interprétation trop hâtive des faits, ce qu'il avait refusé de faire. Le témoin n'avait pas été auditionné dans le cadre de l'audit.

e.n Le témoin V______, employé depuis octobre 2015 comme chef du Bureau d'Afrique du Nord de la division AJ______, subordonné direct de B______, a déclaré que son Bureau n'avait pas de dysfonctionnements. Il ne lui avait jamais été communiqué que des collaborateurs de son unité auraient exprimé un mécontentement concernant B______. G______ et H______ étaient sous la supervision directe du témoin. G______ avait, entre 2016 et 2017, rencontré des problèmes de santé psychologiques et liés au stress entraînant de longues absences. Le témoin ne se souvenait pas que celui-ci se soit plaint directement auprès de lui de B______. Il savait qu'il y avait eu des désaccords entre ceux-ci avant l'arrivée du témoin, mais ignorait de quel ordre. S'agissant de H______, entre août et septembre 2017, la direction les avait informés qu'il serait absent pour une certaine période, puis muté temporairement dans une autre division. Après le départ de B______, cet employé lui avait fait part de problèmes relationnels avec B______, sans donner de détails. La communication faite par le A______ avait été que B______ avait décidé de quitter l'institution. Ni B______, ni une autre personne du A______ n'avait partagé avec lui les raisons du licenciement de B______. Il n'avait pas été témoin de moments où B______ aurait été humilié ou mis à l'écart durant la période de la fin de ses rapports de travail.

f. Lors de l'audience du 28 juin 2022, le Tribunal a informé les parties que H______, cité comme témoin par B______, lui avait indiqué ne pas être en mesure de venir témoigner, étant basé à AM______ et au bénéfice d'un certificat médical attestant que son audition n'était pas compatible avec son état de santé.

Dans son courriel du 22 juin 2022 sollicitant à être dispensé de témoigner, H______ a indiqué au Tribunal qu'il avait, sous la supervision de B______, vécu des événements l'ayant gravement atteint dans sa santé, et que le fait de revisiter ces événements pourrait provoquer une aggravation de son état de santé. Il a sollicité une audition par visioconférence en raison de son éloignement géographique et pour lui éviter d'être confronté à B______ et a produit un certificat médical établi le 22 juin 2022 par le Dr Z______, médecin psychiatre à Genève, faisant état d'une péjoration de la santé, de la situation de stress de type anxio-dépressif, du traitement pharmacologique et d'un arrêt de travail selon les examens médicaux effectués en 2017, en précisant que cette symptomatologie était compatible, sur le plan causal, avec la situation de harcèlement grave au travail rapportée par son patient, et qu'une réexposition aux éléments déclencheurs pouvait être un facteur de risque de rechute.

Ce courriel et le certificat médical y annexé ont été communiqués aux parties le 6 juillet 2022.

g. A l'issue de l'administration des preuves, les parties ont plaidé, puis la cause a été gardée à juger le 9 novembre 2022.

E. Dans le jugement querellé, le Tribunal des prud'hommes a retenu que le licenciement de B______ était abusif au regard des diverses atteintes à la personnalité commises dans la manière dont il a été prononcé.

Le A______ avait fondé sa décision de le licencier sur des accusations graves sans vérifier le fondement de celles-ci, en le privant de se défendre équitablement et de présenter sa version des faits face à des accusations portant atteinte à son honneur personnel et professionnel. Les accusations formulées dans la lettre de licenciement et dans le rapport d'audit étaient lourdes. Le directeur de l'appelant avait indiqué avoir pris la décision de licencier l'employé après avoir lu le rapport d'audit. Ce rapport n'avait aucune force probante quant aux éléments et situations rapportés. L'appelant n'avait procédé à aucune vérification ni fait aucune enquête sur les faits évoqués, violant ainsi gravement la personnalité de l'employé en le privant de toute possibilité de se défendre équitablement et de présenter sa version des faits face à des accusations portant atteinte à son honneur personnel et professionnel. Il incombait à l'employeur, avant de prononcer le licenciement contesté, face au mécontentement exprimé par une partie des collaborateurs durant l'audit, de mener une enquête sérieuse et respectueuse des droits de la personnalité de l'employé, pour objectiver les faits reprochés. Le A______ avait par ailleurs violé la personnalité de son employé en lui refusant tout accès au rapport d'audit contenant manifestement des données le concernant. Compte tenu de l'âge de l'employé, à quatre ans de la retraite, de son ancienneté au sein du A______ de 15 ans, il incombait à ce dernier d'envisager d'éventuelles alternatives à la résiliation des rapports de travail, ce qu'il n'avait pas fait. Le licenciement est ainsi abusif s'agissant de la manière dont il a été prononcé. Aucune atteinte à la personnalité ne résulte en revanche de la manière dont l'employeur a géré la période de transition postérieure au prononcé de son licenciement, dans la mesure où l'employé a pu préparer cette période avec son successeur, a pu rencontrer les différents partenaires pour prendre congé d'eux, a pu formuler la communication de son départ au personnel, qui n'a pas été présenté comme un licenciement par la direction.

Le Tribunal a alloué à l'employé une indemnité de six mois de salaire au regard de son ancienneté dans l'organisation, de son âge, de la gravité des atteintes à la personnalité commises par l'employeur et subies par l'employé et de l'absence de chances de réinsertion professionnelle et de la réduction de sa rente découlant de l'anticipation de sa retraite. Il a en revanche renoncé à lui allouer une indemnité pour tort moral.

Le Tribunal a renoncé à l'audition des témoins G______, AA______, AB______, AC______, AD______, AE______, AF______, AG______, AH______, Y______, W______ et AI______, au motif qu'il disposait, sur la base des enquêtes menées et des pièces produites, d'éléments suffisants pour forger sa conviction quant au caractère abusif des circonstances dans lesquelles le licenciement a été prononcé.

EN DROIT

1.             1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et incidentes de première instance lorsque, dans les affaires patrimoniales, la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC).

En l'espèce, la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr., de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

1.2 L'intimé conclut à l'irrecevabilité de l'appel, au motif qu'il ne remplirait pas les conditions de motivation et de critique du jugement.

1.2.1 Conformément à l'art. 311 al. 1 CPC, l'appel doit être motivé. Pour satisfaire à cette obligation de motivation, l'appelant doit démontrer le caractère erroné de la motivation de la décision attaquée et son argumentation doit être suffisamment explicite pour que l'instance d'appel puisse la comprendre, ce qui suppose une désignation précise des passages de la décision qu'il attaque et des pièces du dossier sur lesquelles repose sa critique. L'appelant doit tenter de démontrer que sa thèse l'emporte sur celle de la décision attaquée. Il ne saurait se borner simplement à reprendre des allégués de fait ou des arguments de droit présentés en première instance, mais il doit s'efforcer d'établir que, sur les faits constatés ou sur les conclusions juridiques qui en ont été tirées, la décision attaquée est entachée d'erreurs. Il ne peut le faire qu'en reprenant la démarche du premier juge et en mettant le doigt sur les failles de son raisonnement. Si la motivation de l'appel est identique aux moyens qui avaient déjà été présentés en première instance, si elle ne contient que des critiques toutes générales de la décision attaquée ou encore si elle ne fait que renvoyer aux moyens soulevés en première instance, elle ne satisfait pas aux exigences de l'art. 311 al. 1 CPC et l'instance d'appel ne peut entrer en matière (arrêts du Tribunal fédéral 4A_624/2021 du 8 avril 2022 consid. 5.1 et les arrêts cités; 5A_577/2020 du 16 décembre 2020 consid. 5).

1.2.2 En l'espèce, l'appel formé par le A______ satisfait aux exigences de motivation posées par l'art. 311 al. 1 CPC, dans la mesure où l'on comprend aisément qu'il reproche au Tribunal d'avoir omis de prendre en considération certains éléments de faits, d'avoir violé son droit d'être entendu en refusant l'audition de certains témoins, d'avoir fait preuve de partialité en omettant de tenir compte des éléments en sa faveur, d'avoir erré dans l'appréciation des faits en retenant que le licenciement prononcé violait la personnalité de l'intimé ou que les motifs de licenciement tenant aux lacunes de l'intimé en matière de style de management et de gestion du personnel ne justifiaient pas la résiliation des rapports de travail.

1.3 Pour le surplus, l'appel a été déposé dans le délai utile de trente jours et selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 et 311 CPC). Il est donc recevable.

2. 2.1 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 310 CPC).

2.2 Dans la mesure où la valeur litigieuse est supérieure à 30'000 fr., la procédure ordinaire est applicable (art. 243 al. 1 et 2 a contrario CPC). Elle est soumise aux maximes des débats (art. 55 al. 1 et 247 al. 2 let. b ch. 2 a contrario CPC) et de disposition (art. 58 al. 1 CPC).

3. L'appelant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu.

3.1 Garanti aux art. 29 al. 2 Cst et 53 CPC, le droit d'être entendu comprend en particulier le droit pour le justiciable de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision, d'avoir accès au dossier, de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur sujet (ATF 135 II 286 consid. 5.1; 135 I 187 consid. 2.20; 129 II 497 consid. 2.2).

Il comprend en particulier le droit d'obtenir l'administration des preuves pertinentes et valablement offertes, de participer à l'administration des preuves essentielles et de se déterminer sur son résultat lorsque cela est de nature à influencer la décision (ATF 143 V 71 consid. 4.1; 142 II 218 consid. 2.3;
140 I 285 consid. 6.3.1).

3.2 L'appelant reproche au Tribunal d'avoir refusé de procéder à l'audition des témoins G______ et AA______, lesquels avaient été directement confrontés aux comportements reprochés à l'intimé et qui auraient en conséquence pu en témoigner.

Comme il sera examiné dans le considérant 5.2 ci-après, la question de savoir si l'intimé a effectivement adopté des comportements problématiques comme ceux évoqués dans le cadre de l'audit n'est pas déterminante pour l'issue du litige, qui ne porte pas sur les motifs pour lesquels l'appelant a résilié les rapports de travail mais sur la manière dont le licenciement a été prononcé. Le Tribunal n'a, dans ces circonstances, pas violé le droit d'être entendu de l'appelant en refusant de procéder à l'audition de ces deux témoins.

4. L'appelant se plaint d'une violation de son droit constitutionnel à la garantie d'un tribunal impartial.

4.1 Le droit d'être jugé par un tribunal indépendant et impartial est un principe fondamental de tout Etat de droit. Il est inscrit aux art. 6 § 1 CEDH et 30 al. 1 Cst. Cette garantie permet, indépendamment du droit de procédure, de demander la récusation d'un juge dont la situation ou le comportement est de nature à susciter des doutes quant à son impartialité. Elle vise à éviter que des circonstances extérieures à l'affaire puissent influencer le jugement en faveur ou au détriment d'une partie. Elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective est établie, parce qu'une disposition relevant du for intérieur ne peut guère être prouvée; il suffit que les circonstances donnent l'apparence d'une prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat. Cependant, seules les circonstances objectivement constatées doivent être prises en compte, les impressions purement subjectives de la partie qui demande la récusation n'étant pas décisives (ATF 144 I 159 consid. 4.3; 142 III 732 consid. 4.2.2; 142 III 521 consid. 3.1.1; 140 III 221 consid. 4.1). Le risque de prévention ne saurait être admis trop facilement, sous peine de compromettre le fonctionnement normal des tribunaux (ATF 144 I 159 consid. 4.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_998/2018 du 25 février 2019, consid. 6.2; 5A_98/2018 du 10 septembre 2018 consid. 4.2).

Des décisions ou des actes de procédure viciés, voire arbitraires, ne fondent pas en soi une apparence objective de prévention (arrêts du Tribunal fédéral 5A_171/2015 précité et 4A_377/2014 du 25 novembre 2014 consid. 6.1). En raison de son activité, le juge est contraint de se prononcer sur des questions contestées et délicates; même si elles se révèlent par la suite erronées, des mesures inhérentes à l'exercice normal de sa charge ne permettent pas encore de le suspecter de parti pris. Même lorsqu'elles sont établies, des erreurs de procédure ou d'appréciation commises par un juge ne suffisent pas à fonder objectivement un soupçon de partialité; seules des erreurs particulièrement lourdes ou répétées, constitutives de violations graves des devoirs du magistrat, peuvent justifier une suspicion de partialité, pour autant que les circonstances corroborent à tout le moins objectivement l'apparence de prévention (ATF 138 IV 142 consid. 2.3 et les références).

4.2 En l'espèce, l'appelant reproche aux premiers juges d'avoir fait preuve d'impartialité en libérant le témoin H______ sans consulter les parties, en omettant de répondre à son courrier concernant les témoins G______ et AA______, en exhortant F______, entendu en qualité de partie, à dire la vérité, en retranchant systématiquement les éléments en faveur de l'appelant et en rendant un jugement arbitraire. Aucun élément objectif au dossier ne permet toutefois de retenir que les premiers juges aient pu donner une impression de prévention à l'égard de l'une ou de l'autre des parties.

Ce grief n'est pas fondé.

5. L'appelant reproche au Tribunal d'avoir considéré que le licenciement signifié à l'intimé était abusif.

5.1.1 Chaque partie peut décider unilatéralement de mettre fin à un contrat de travail de durée indéterminée (art. 335 al. 1 CO).

En droit suisse du travail, la liberté de la résiliation prévaut, de sorte que, pour être valable, un congé n'a pas besoin de reposer sur un motif particulier. Le droit de chaque cocontractant de mettre unilatéralement fin au contrat est toutefois limité par les dispositions sur le congé abusif (art. 336ss CO; ATF 136 III 513 consid. 2.3; 131 III 535 consid. 4.1). 

5.1.2 L'art. 336 al. 1 et 2 CO énumère différents cas dans lesquels la résiliation est abusive.

Le congé est notamment abusif lorsqu'il est donné par une partie seulement afin d'empêcher la naissance de prétentions juridiques de l'autre partie résultant du contrat de travail ou parce que l'autre partie fait valoir de bonne foi des prétentions résultant du contrat de travail (art. 336 al. 1 let. c et d CO).

La protection de cette disposition ne déploie ses effets que si le licenciement poursuit exclusivement le but de priver le salarié d’une prestation contractuelle future particulière (une résiliation motivée par la volonté de l’employeur d’éviter de devoir verser une gratification, ou une indemnité à raison de longs rapports de travail (CR CO I – Perrenoud (2021), ad art. 336 n. 29).

5.1.3 La liste posée par l'art. 336 CO n'est toutefois pas exhaustive et une résiliation abusive peut aussi être admise dans d'autres circonstances. Il faut cependant que ces autres situations apparaissent comparables par leur gravité aux cas expressément envisagés par l'art. 336 CO. Ainsi, un congé peut être abusif en raison de la manière dont il est donné, parce que la partie qui donne le congé se livre à un double jeu contrevenant de manière caractéristique au principe de la bonne foi, lorsqu'il est donné par un employeur qui viole les droits de la personnalité du travailleur, quand il y a une disproportion évidente des intérêts en présence ou lorsqu'une institution juridique est utilisée contrairement à son but (ATF 136 III 513 consid. 2.3 et les réf. cit.; arrêt du Tribunal fédéral 4A_2/2014 du 19 février 2014 consid. 3.1).

L'abus peut, notamment, résider dans la façon dont la partie qui met fin au contrat exerce son droit (arrêt du Tribunal fédéral 4A_565/2012 du 10 décembre 2012 consid. 2.2). La manière dont le congé est donné peut le faire apparaître comme abusif. Même lorsque le motif de la résiliation est en soi légitime, celui qui exerce son droit de mettre fin au contrat doit agir avec des égards (ATF 132 III 115 consid. 2.2 p. 117).

Si l'employeur porte une grave atteinte aux droits de la personnalité du travailleur dans le contexte d'une résiliation, celle-ci doit être considérée comme abusive; un comportement simplement inconvenant ne suffit cependant pas. Il s'agit d'un cas de violation de l'art. 328 CO qui oblige l'employeur à protéger la personnalité du travailleur, notamment son honneur personnel et professionnel; l'employeur ne doit pas stigmatiser, de manière inutilement vexatoire et au-delà du cercle des intéressés, le comportement du travailleur. Il y a atteinte grave aux droits de la personnalité lorsque l'employeur formule des accusations lourdes qui se révèlent infondées alors qu'il ne dispose d'aucun indice sérieux ou n'a fait aucune recherche en vue d'établir les faits. L'employeur ne doit pas formuler des accusations accablantes si ses soupçons ne reposent sur aucun élément sérieux. Même si les faits sont exacts, la stigmatisation à l'égard de tiers peut constituer, de la part de l'employeur, une violation de son devoir de protéger la personnalité du travailleur (ATF 130 III 699 consid. 5.2; arrêts du Tribunal fédéral 4A_485/2016 du 28 avril 2017 consid. 2.2.2; 4A_694/2015 du 4 mai 2016 consid. 2.2; 4A_99/2012 du 30 avril 2012, consid. 2.2.1; CR CO I – Perrenoud, n. 57 ad art. 336 et réf. citées).

Même lorsque le motif de la résiliation est en soi légitime, celui qui exerce son droit de mettre fin au contrat doit agir avec des égards (ATF 132 III 115 consid. 2.2; 131 III 535 consid. 4.2). Si l'employeur porte une grave atteinte aux droits de la personnalité du travailleur dans le contexte d'une résiliation, celle-ci doit être considérée comme abusive; un comportement simplement inconvenant ou indigne des relations commerciales établies ne suffit cependant pas (ATF 132 III 115 consid. 2.2 et 2.3; 131 III 535 consid. 4.2; plus succinctement: ATF 136 III 513 consid. 2.3 p. 515). 

5.1.4 En cas de licenciement d’un employé âgé ou comptant de nombreuses années d’ancienneté, l’employeur doit exercer son droit de résilier le contrat en faisant preuve d’égards accrus (arrêt du Tribunal fédéral 4A_384/2014 du 12 novembre 2014, consid. 4.2.2; CR CO I – Perrenoud, n. 19 et 57 ad art. 336). L'étendue du devoir de diligence de l'employeur doit s'examiner selon l'ensemble des circonstances du cas d'espèce (arrêt 4A_44/2021 du Tribunal fédéral du 2 juin 2021, consid. 4.3.2).

5.1.5 En application de l'art. 8 CC, c'est en principe à la partie qui a reçu son congé de démontrer que celui-ci est abusif (ATF 130 III 699 consid 4.1;
123 III 246 consid. 4b).

Le juge établit sa conviction par une libre appréciation des preuves administrées (art. 157 CPC). L'appréciation du caractère abusif du licenciement suppose l'examen de toutes les circonstances du cas d'espèce (ATF 132 III 115 consid 2.5 et les réf. citées).

5.2.1 En l'espèce, le Tribunal a, à raison, considéré que l'intimé n'avait pas démontré avoir été congédié parce qu'il avait persisté à obtenir le rapport d'audit par l'intermédiaire de son avocat le 22 décembre 2017, puisqu'il résulte de l'instruction de la cause, en particulier des déclarations de C______, que la décision de licencier l'intimé avait été déjà prise antérieurement, à réception du rapport d'audit.

L'intimé n'a, en outre, pas établi que l'appelant l'aurait licencié dans le but d'empêcher la naissance de prétentions juridiques résultant du contrat de travail, dans la mesure où il ne ressort pas du dossier que l'employé aurait eu droit à une prestation contractuelle particulière si les rapports de travail avaient perduré.

Le congé donné par l'appelant n'est ainsi pas abusif parce qu'il aurait été donné en raison d'un des motifs prohibés par l'art. 336 CO.

5.2.2 Reste à examiner si le licenciement de l'intimé est abusif en raison de la manière dont l'appelant a mis fin aux rapports de travail.

L'appelant a signifié le congé à l'intimé lors de l'entretien tenu le 12 janvier 2018. Par courriel du même jour, l'appelant a proposé à son employé de garder confidentielle la résiliation de son contrat jusqu'à la fin du mois, lui a indiqué qu'il souhaitait une transition constructive et tiendrait compte des conseils de l'intimé et s'est engagé à maintenir la confidentialité du rapport d'audit à l'égard de tiers. Le 22 janvier 2018, le A______ a soumis à l'intimé, pour approbation, une proposition de texte informatif pour annoncer son départ au personnel et avait, dans ce cadre, tenu compte de la demande de l'intimé de reporter quelque peu la date du transfert officiel de ses responsabilités. Il résulte par ailleurs des enquêtes menées par le Tribunal que l'intimé a travaillé jusqu'au terme de son contrat, qu'il a pu préparer la phase de transition avec son successeur, rencontrer ses partenaires pour prendre congé d'eux, formuler la communication des circonstances de son départ au personnel, et enfin que son départ n'avait pas été présenté comme un licenciement par la direction au personnel. Aucune atteinte à la personnalité de l'intimé ne résulte ainsi, comme les premiers juges l'ont retenu à juste titre, de la manière dont l'appelant a communiqué la résiliation des rapports de travail au sein de l'organisation.

5.2.3 Le Tribunal a en revanche admis le caractère abusif du licenciement en considérant que l'appelant avait violé les droits de la personnalité de l'intimé en lui reprochant des actes de mobbing, de discrimination et de harcèlement sur la base du rapport d'audit et de l'avoir congédié pour ces motifs sans avoir au préalable procédé aux vérifications nécessaires ni lui avoir donné la possibilité de se déterminer sur ce rapport d'audit. Il a, à cet égard, notamment retenu que ce rapport d'audit n'avait aucune force probante quant aux éléments et aux situations rapportées, vu qu'il ne s'agissait pas d'une enquête, que les propos des personnes entendues n'étaient pas vérifiés et que la mise en place et la méthodologie de la procédure d'audit étaient biaisés, et que les enquêtes menées n'avaient pas prouvé que les accusations lourdes évoquées dans l'audit social étaient fondées.

Ces éléments ne permettent toutefois pas de retenir une violation par l'appelant de son devoir de protéger la personnalité de son employé.

En retenant que les enquêtes n'avaient pas permis de démontrer la réalité des accusations évoquées dans le cadre de l'audit social et reprochées à l'intimé, le Tribunal a en réalité exigé de l'employeur qu'il démontre les motifs pour lesquels il a congédié l'intimé, contrevenant ainsi au principe de la liberté de résiliation consacrée par l'art. 335 CO. Certes, l'audit social effectué à la demande de l'appelant n'est pas une enquête menée en vue d'établir l'existence ou la commission d'actes ou de comportement, et il n'est, partant, pas de nature à démontrer la réalité des comportements reprochés à l'intimé par ses subordonnés. Il n'en demeure pas moins un outil permettant de déterminer l'état d'esprit des collaborateurs entendus et de mesurer la perception par une équipe d'une situation de travail, que l'appelant a décidé de mettre en œuvre après avoir constaté diverses absences de longue durée et de rumeurs relatant un climat anxiogène au sein de la division gérée par l'intimé. Il est vrai que l'intimé n'a pas eu accès à l'intégralité du rapport d'audit effectué, dont seule une version caviardée a été transmise par l'appelant se prévalant de la confidentialité promise aux employés entendus dans ce cadre. Il a toutefois été informé des résultats de ce rapport d'audit et a eu l'occasion d'en discuter avec C______ et J______, chargé de mener l'audit social, le 4 décembre 2017, puis d'en parler avec C______ lors des entretiens tenus les 12, 15 et 18 décembre 2017. En communiquant oralement les résultats de ce rapport à son employé et en lui donnant la possibilité de se déterminer à ce sujet lors de différents entretiens, l'appelant a pris les mesures suffisantes pour préserver les droits de la personnalité de l'intimé, ce d'autant plus qu'il n'a pas fait état des résultats de cet audit, qu'il s'est engagé à garder confidentiels et qu'il s'est abstenu de présenter le départ de l'intimé comme un licenciement. Enfin, comme relevé ci-avant, l'appelant a consulté son employé sur les modalités de la phase de transition avec son remplaçant, sur l'information à communiquer au personnel de l'organisation ou encore la date effective du transfert de ses responsabilités, de sorte que l'on ne saurait lui reprocher d'avoir omis de prendre les précautions nécessaires pour préserver la personnalité de l'intimé dans la manière dont il a mis fin aux rapports de travail. L'on ne saurait, dans ces circonstances, reprocher à l'appelant d'avoir manqué à son obligation, même accrue au regard de l'âge et de l'ancienneté de l'intimé au sein du A______, de protéger la personnalité de son employé.

5.2.4 L'intimé ne saurait par ailleurs être suivi lorsqu'il considère que son licenciement est abusif en raison du changement d'attitude de son employeur, qui aurait dans un premier temps mis en avant sa volonté de trouver une solution favorable sans mentionner une résiliation des rapports de travail avant de prononcer son licenciement après que son avocat soit intervenu pour réclamer que l'intégralité du rapport d'audit lui soit remis : en effet, le fait que l'appelant ait, au cours des négociations entamées, changé d'attitude ne permet pas encore de retenir qu'il ait adopté un comportement si gravement contraire au principe de la bonne foi qu'il doive être sanctionné en qualifiant le licenciement d'abusif.

5.2.5 C'est, enfin, à juste titre que l'appelant reproche au Tribunal d'avoir considéré qu'il avait violé son obligation de protéger la personnalité de l'intimé en lui refusant l'accès au rapport d'audit qui contenait des données concernant son employé. Il est vrai que l'intimé a, à de nombreuses reprises, sollicité que le rapport d'audit lui soit remis afin de pouvoir se défendre dans la présente procédure. Il n'a en revanche pas allégué avoir subi une atteinte à sa personnalité en raison du traitement par son employeur de données le concernant – ce à juste titre d'ailleurs, puisqu'une telle atteinte, même à supposer qu'elle soit réalisée, ne serait pas de nature à justifier une prétention en versement d'une indemnité pour licenciement abusif. Il n'y a, dans ces circonstances, pas lieu d'examiner si le refus par l'appelant de donner accès au rapport d'audit social à l'intimé constitue une atteinte à sa personnalité en raison d'une violation des art. 328b CO ou des dispositions.

5.2.6 En définitive, il résulte des considérants qui précèdent que l'appelant n'a pas manqué à ses devoirs de protéger la personnalité de l'intimé en résiliant les rapports de travail. Le licenciement de l'intimé n'est donc pas abusif, de sorte que ce dernier sera débouté de ses prétentions en paiement d'une indemnité à ce titre.

Le chiffre 2 du dispositif du jugement querellé sera en conséquence annulé et l'intimé débouté de toutes ses conclusions.

6. 6.1 Le montant des frais judiciaires de première instance, arrêtés à 2'388 fr. 65, n'a pas été remis en cause et a été fixé conformément aux dispositions légales applicables (art. 95 al. 1 et 2, 113 al. 2 let. d, 114 let. c et 116 al. 1 CPC; art. 19 al. 3 let. c LaCC; art. 5 et 69 RTFMC). Il sera donc confirmé et compensé avec l'avance de 1'100 fr. versée par l'intimé (art. 111 al. 1 CPC).

Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 1'000 fr. (art. 95 al. 1 et 2, 114 let. c et 116 al. 1 CPC; art. 19 al. 3 let. c LaCC; art. 5 et 71 RTFMC), et compensés avec l'avance de 1'500 fr. fournie par l'appelant, qui reste à due concurrence acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). Les Services financiers du Pouvoir judiciaires seront invités à restituer 500 fr. à l'appelant.

Les frais judiciaires des deux instances seront mis à la charge de l'intimé, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Ce dernier sera condamné à verser 1'288 fr. 65 aux Services financiers du Pouvoir judiciaire (2'388 fr. 65 – 1'100 fr.) et 1'000 fr. à l'appelant à titre de frais judiciaire (art. 111 al. 2 CPC).

6.2 Il n'y a pas lieu à l'allocation de dépens, vu la nature prud'homale du litige (art. 22 al. 2 LaCC).

6.3 Par souci de simplification, les chiffres 4 à 10 du dispositif du jugement entrepris seront annulés et il sera statué à nouveau dans le sens de ce qui précède.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes :


A la forme
:

Déclare recevable l'appel formé le 11 mai 2023 par LE CENTRE A______ contre le jugement JTPH/89/2023 rendu le 27 mars 2023 par le Tribunal des prud'hommes dans la cause C/26882/2018.

Au fond :

Annule les chiffres 2 à 10 du dispositif de ce jugement et, cela fait, statuant à nouveau sur ces points :

Déboute B______ de toutes ses conclusions.

Déboutes les parties de toutes autres conclusions.

Statuant sur les frais :

Arrête les frais judiciaires des deux instances à 3'388 fr. 65, les compense avec les avances fournies à hauteur de 1'100 fr. et 1'500 fr., qui restent, à due concurrence, acquises à l'Etat de Genève.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer 500 fr. à LE CENTRE A______.

Met les frais judiciaires des deux instances à la charge de B______.

Condamne B______ à verser 1'288 fr. 65 aux Services financiers du Pouvoir judiciaire au titre de frais judiciaires.

Condamne B______ à verser [au] CENTRE A______ 1'000 fr. au titre de frais judiciaires.

Dit qu'il n'y a pas lieu à l'allocation de dépens.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, présidente; Madame
Monique FLÜCKIGER, Monsieur Michael RUDERMANN, juges assesseurs;
Madame Fabia CURTI, greffière.

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.