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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/645/2022

CAPH/33/2024 du 08.04.2024 sur JTPH/380/2022 ( OS ) , CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/645/2022 CAPH/33/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU LUNDI 8 AVRIL 2024

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, appelante d'un jugement rendu par le
Tribunal des prud'hommes le 21 décembre 2022 (JTPH/380/2022), représentée par le Syndicat B______,

et

Monsieur C______, domicilié ______, intimé, représentée par
Me Catarina MONTEIRO SANTOS, avocate, BST Avocats, boulevard
des Tranchées 4, 1205 Genève.


EN FAIT

A.           Par jugement JTPH/380/2022 rendu le 21 décembre 2022, notifié à A______ le lendemain, le Tribunal des prud'hommes (ci-après : le Tribunal) a déclaré recevable la demande formée le 24 mai 2022 par A______ contre C______ (ch. 1 du dispositif), débouté cette dernière de ses conclusions (ch. 2), dit qu’il n’était pas perçu de frais ni alloué de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 4).

B.            a. Par acte déposé le 31 janvier 2023 à la Cour de justice (ci-après : la Cour), A______ a formé appel de ce jugement, dont elle a sollicité l'annulation des chiffres 2 à 4 de son dispositif.

Cela fait, elle a, sur la forme, relevé qu'à sa connaissance, C______ n'avait remis aucune procuration en première instance, que le Tribunal n'avait pas non plus requis sa production et que, de ce fait, elle s'en remettait à la Cour quant à la recevabilité de la réponse du 8 juillet 2022, ainsi que de tous les actes procéduraux de première instance de sa partie adverse. Sur le fond, elle a repris l'intégralité de ses conclusions de première instance (cf. infra let. D.a.) et, subsidiairement, a conclu au renvoi de la cause au Tribunal.

Elle a, à cette occasion, produit une version plus lisible de la pièce 3 (photographie du "contrat de travail déchiré") qu'elle avait produite à l'appui de sa requête (pièce 2 en appel).

b. Dans sa réponse du 6 mars 2023, soit dans le délai imparti, C______ a conclu à la confirmation du jugement entrepris, avec suite de frais judiciaires et dépens.

Il a produit deux pièces nouvelles, à savoir un courrier de l'Autorité de conciliation du 19 janvier 2022 demandant la production de la procuration de son conseil (pièce 1 en appel) et la réponse de ce dernier du 28 janvier 2022, accompagnée de ladite procuration, laquelle concerne "Toute affaire contre Madame A______" (pièce 2 en appel).

c. Par réplique du 5 avril 2023 et duplique du 5 juin 2023, les parties ont persisté dans leurs explications et conclusions respectives.

d. Elles ont été informées par la Cour de ce que la cause était gardée à juger par courriers du 23 juin 2023.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. D______ SARL est une société à responsabilité limitée de droit suisse ayant son siège à Genève, dont le but est la fourniture de soins, les traitements et les autres prestations en physiothérapie, médecine sportive, réadaptation et rééducation, ainsi que la gestion d’un centre médical.

E______ en est l’associée gérante avec signature.

Entendue en qualité de témoin, celle-ci a déclaré que le cabinet exploité par D______ SARL (ci-après également le cabinet) était une grande entreprise. Les praticiens qui y déployaient leur activité étaient soit indépendants soit salariés. Les indépendants étaient rémunérés selon un pourcentage (50 % pour le praticien et 50 % pour le cabinet); ils disposaient des locaux et du matériel; la réceptionniste prenait leur rendez-vous et la secrétaire faisait la facturation pour tout le monde. En principe, seuls les physiothérapeutes étaient salariés du cabinet, les autres praticiens étaient indépendants.

b. C______ exerçait, au moment des faits litigieux, l’activité de thérapeute manuel indépendant au sein du cabinet exploité par D______ SARL. Il est également titulaire de l’entreprise individuelle C______ F______, dont le but est la massothérapie, le massage sportif, le massage bien-être, la réflexologie, le reiki massage et le holomassage.

c. A______, masseuse thérapeute de formation, est arrivée d'Albanie à Genève en décembre 2019. Elle s'y trouve seule, avec son enfant, ne sachant pas parler correctement le français et sans autorisation de séjour ni de travail.

d. Elle a demandé à une connaissance, G______, comptable indépendante, de l'aider à trouver du travail.

Cette dernière a présenté A______ à C______ pour lequel elle effectuait des travaux de comptabilité.

e. La relation contractuelle qui s'est alors nouée entre A______ et C______ fait l'objet d'explications contradictoires.

e.a A______ allègue qu'elle a été engagée en qualité de masseuse par C______ à compter du 25 mai 2020. Ils auraient convenu d’un salaire mensuel brut de 4'000 fr. et il lui aurait promis que cet emploi lui permettrait d’obtenir un titre de séjour en Suisse. Elle aurait travaillé du lundi au vendredi, parfois le samedi également, à raison de 8 heures par jour, durant 6 jours au mois de mai 2020, 23 jours au mois de juin 2020, 24 jours au mois de juillet 2020, 21 jours au mois d’août 2020, 22 jours au mois de septembre et 2 jours au mois d’octobre 2020.

Dans sa demande, A______ a précisé que C______ lui avait fait signer des quittances portant la mention "rétrocession" en guise de fiches de salaire, qu'il ne lui avait remis aucune copie de ces quittances et qu'en réponse à sa question, il lui avait indiqué que les salaires variaient en raison des déductions sociales. Elle n’avait reçu aucune fiche de salaire. Elle avait traité les patients de celui-ci ou de D______ SARL. Son salaire était transféré par E______ sur le compte de C______, qui lui remettait ensuite lesdits montants en espèces. A une reprise, E______ lui avait montré un montant de 3'900 fr. qui avait été transféré à C______ pour son compte. Elle avait alors constaté que ce dernier lui avait remis un montant largement inférieur à ce qu’il avait reçu pour elle. A la fin du mois de septembre 2020, C______ avait rédigé un contrat de travail et l’avait enjointe à le signer, sans le lire. Lorsqu’elle avait remarqué que la date de début des rapports de travail était erronée, il avait déchiré le contrat devant elle, après qu'elle avait juste eu le temps de le photographier. Elle avait été licenciée avec effet immédiat le 3 octobre 2020. Elle élevait seule son enfant et s’était retrouvée du jour au lendemain sans revenu ni prestations sociales.

Devant le Tribunal, A______ a déclaré que, lors de leur premier entretien, C______ lui avait indiqué qu’il était à son compte, qu’elle travaillerait pour lui et qu’il la rémunérerait. Un essai avait été organisé avec E______, qui lui avait été présentée comme la patronne, et cette dernière avait donné son aval pour qu’elle puisse travailler au sein du cabinet de D______ SARL. Elle n'avait pas parlé de salaire avec E______, mais avec C______. Lui et elle avaient alors "passé un contrat oral", selon lequel elle serait payée à l’heure selon le salaire suisse qu'elle ne connaissait pas. Il lui avait promis 4'000 fr. et elle devait s’occuper de ses patients dans les locaux de D______ SARL. Durant les trois premiers mois, elle avait attendu un contrat écrit, que C______ lui avait promis. Il lui versait un montant en espèces chaque mois en lui disant qu’il y avait des déductions sociales et autres. Les montants reçus lui paraissaient faibles, mais elle avait besoin de travailler et attendait de recevoir son contrat pour voir à quoi correspondaient les retenues. Après trois mois, il lui avait remis un contrat qu’elle ne comprenait pas. Elle l’avait photographié afin de le soumettre à une personne de confiance. C______ s'était alors énervé, lui avait repris le contrat et l'avait déchiré. Elle ne parlait pas français et les discussions avaient lieu en espagnol.

e.b C______ a allégué avoir présenté A______ à E______. Ils étaient convenus qu’elle pourrait exercer au sein du cabinet de D______ SARL en qualité de masseuse indépendante. Le cabinet lui louait une salle et elle organisait son temps et son agenda seule, en qualité d’indépendante. Elle était rémunérée directement par le patient qui payait le prix de la séance auprès du secrétariat du cabinet, lequel lui reversait une rétrocession. Il n'avait jamais été question que C______ l’engage au bénéfice d’un contrat de travail, car il ne disposait pas des revenus nécessaires. Il n’exerçait aucun contrôle sur l’activité de A______ et cette dernière ne lui était pas subordonnée.

Devant les premiers juges, il a expliqué qu'il avait demandé à E______ si elle souhaitait engager A______, ce qu'elle avait refusé, car cette dernière ne disposait pas de "papiers". Il s’était proposé en garantie et E______ lui avait dit qu'il serait responsable de rétrocéder à A______ les montants versés pour elle sur son propre compte. Il avait expliqué à cette dernière qu'il lui versait le montant intégral de ce qu'il recevait pour elle, sous déduction de la location de la salle et de l'argent qu'il lui avait prêté, comme cela figurait sur les quittances. En juin 2020, il lui avait versé 1'000 fr. au lieu de 595 fr. dans le seul but de l’aider. Il n’avait jamais rédigé de contrat de travail et n’avait pas déchiré de contrat. Leur relation contractuelle avait pris fin, car elle s’était montrée très malpolie alors qu’il l’avait aidée. Il a réaffirmé qu'il lui était impossible de verser un montant de 4'000 fr. au vu de ses propres revenus.

e.c Il n'est pas contesté que C______ a remis à A______ les sommes de 900 fr. pour le mois de juin 2020, de 1'100 fr. pour le mois de juillet 2020 et de 1'200 fr. pour le mois d’août 2020, en espèces, faute pour cette dernière de disposer d'un compte bancaire en Suisse.

e.d Entendue en qualité de témoin, G______ a expliqué avoir présenté A______ à C______, car cette première cherchait du travail. Sa situation l’avait touchée et elle avait voulu l’aider. Elle avait pensé que son profil pouvait intéresser C______. Elle avait assisté à leur première réunion et les avait ensuite laissé gérer la situation entre eux. Quelque temps plus tard, C______ lui avait envoyé une photo de A______ en indiquant qu’elle faisait partie de la "team D______". Bien qu'ils n’en avaient pas discuté concrètement, elle avait alors compris qu'il l'avait engagée, car c’était lui qui avait proposé une place de travail.

e.f Egalement entendue en qualité de témoin, E______ a confirmé avoir refusé d'engager et d'intégrer A______ au sein de D______ SARL, car celle-ci "n'était pas en règle". C______ avait insisté, car il voulait aider cette personne qui se trouvait dans une situation difficile. La témoin n'avait toutefois pas souhaité être impliquée et avait accepté que C______ "engage A______ lui-même aux mêmes conditions que celles dont il bénéficiait". Elle avait accepté exceptionnellement qu'un de ses "employés engage lui-même un employé", erreur qu'elle ne commettrait plus jamais. Elle a également déclaré qu'elle avait "appris que A______ était l'employée de C______. [Elle] ne savai[t] toutefois pas (…) s'il lui payait des charges sociales ou autre. [Elle] ne [savait] pas si un contrat de travail [avait] lié [l'appelante] à [l'intimé]". Interpellée par le Tribunal sur l'utilisation des termes "d'un employé qui engageait un employé", elle a rectifié ses termes car C______ était indépendant.

Elle a précisé le fonctionnement du cabinet : après les traitements, les praticiens indépendants devaient déposer un dossier auprès du secrétariat pour la facturation; le cabinet retenait 50% des prestations et reversait le solde sur le compte bancaire du thérapeute; lorsque A______ terminait ses séances, elle procédait comme C______, à savoir qu’elle déposait son décompte au secrétariat et le montant correspondant était versé sur le compte de ce dernier. Elle avait pour le surplus laissé A______ et C______ régler leurs relations et elle se contentait de verser "le salaire". Les montants versés pour A______ variaient en fonction des prestations et elle ne touchait jamais le même montant. Les montants versés lui paraissaient correspondre aux prestations fournies. Elle n’avait tenu aucun décompte des jours travaillés par celle-ci. A______ lui avait demandé des renseignements au sujet des fiches de salaire, car elle ne comprenait pas comment cela fonctionnait. Elle lui avait alors suggéré de s’adresser à un ami comptable, car le comptable de la société ne gérait pas son salaire.

La témoin a finalement expliqué que les praticiens actifs dans le cabinet pouvaient s’adresser à une personne chargée du marketing afin de figurer sur le site internet du cabinet si elles le souhaitaient. Pendant les quarante-quatre mois durant lesquels C______ avait collaboré avec le cabinet, elle lui avait versé un total de rétrocessions de 250'000 fr.

f. Par courrier du 8 décembre 2021 adressé à C______, A______, sous la plume du syndicat B______, a indiqué que, considérant avoir travaillé pour lui en qualité de masseuse du 25 mai au 3 octobre 2020, elle lui réclamait le paiement de son salaire pour les mois de mai à novembre 2020, une indemnité pour licenciement immédiat injustifié, ainsi que divers documents.

g. Par courrier du 27 décembre 2021, C______, sous la plume de son Conseil, a formellement contesté le contenu du courrier de A______.

D. a. Après avoir déposé une requête de conciliation le 17 janvier 2022 et obtenu une autorisation de procéder le 2 mars suivant, A______ a, par acte déposé au Tribunal des prud’hommes le 24 mai 2022, assigné C______ en paiement de la somme totale de 28'934 fr. 95, se composant comme suit :

-       1'108 fr. 80 bruts avec intérêts à 5% dès le 1er juin 2020 à titre de salaire du mois de mai 2020,

-       4'250 fr. 40 bruts, sous déduction de 900 fr. nets, avec intérêts à 5% dès le 1er juillet 2020 à titre de salaire du mois de juin 2020,

-       4'435 fr. 20 bruts, sous déduction de 1'100 fr. nets, avec intérêts à 5% dès le 1er août 2020 à titre de salaire du mois de juillet 2020,

-       4'000 fr. bruts, sous déduction de 1'200 fr. nets, avec intérêts à 5% dès le 1er septembre 2020 à titre de salaire du mois d’août 2020,

-       4'065 fr. 60 bruts avec intérêts à 5% dès le 1er octobre 2020 à titre de salaire du mois de septembre 2020,

-       369 fr. 60 bruts avec intérêts à 5% dès le 4 octobre 2020 à titre de salaire du mois d’octobre 2020,

-       1'518 fr. 50 bruts avec intérêts à 5% dès le 5 octobre 2020 à titre d’indemnité pour vacances non prises en nature,

-       8'386 fr. 85 bruts avec intérêts à 5% dès le 4 octobre 2020 à titre de délai de congé, et

-       4'000 fr. nets avec intérêts à 5% dès le 4 octobre 2020 à titre d’indemnité pour licenciement immédiat injustifié.

A______ a également sollicité la délivrance de ses fiches de salaire, d’un certificat de salaire, de l’attestation de l’employeur destinée à l'assurance-chômage, d’un certificat de travail complet et d’une attestation de prévoyance LPP.

A l’appui de sa demande, A______ a, notamment, produit :

-       une capture d'écran du site internet de D______ SARL à la date du 3 janvier 2022, comportant la liste des noms de l'équipe (physiothérapeutes, thérapeute manuelle (C______), masseuses, esthéticienne, réceptionniste et secrétaire),

-       deux messages WhatsApp de C______ (pièce 2), le premier indiquant "necessito desta informatión tua" et le second indiquant comment compléter un formulaire de demande de permis de séjour ("1. Le formulaire pour la demande de permis de séjour : elle a mis comme prénom des parents pour les deux : H______, hors je pense que c'est le nom de famille. De plus si c'est le nom de famille, je pense que sa maman avait un autre nom avant d'être mariée, dont il faut également l'indiqué. (…) elle n'a pas indiqué le conjoint, mais sauf erreur de ma part elle est mariée et n'a à ce jour aucune séparation officielle, il faut donc indiqué les données du mari (…) en disant qu'il ne vient pas en Suisse. Le manque sa date d'arrivée à Genève. C'est bien indiqué obligatoire. (…) Je conseille fortement d'avoir une attestation du logeur stipulant qu'elle est logée sans aucune problème"), et

-       une photographie de mauvaise qualité d'un contrat de travail, non signé (pièce 3).

b. Dans sa réponse du 8 juillet 2022, C______ a conclu au déboutement de A______ de toutes ses conclusions.

Il a produit les quittances suivantes signées par lui-même, soit :

-       une quittance de 1'200 fr., portant l'indication "Rétrocession du 25 mai au 22 juin 2020 / 12 jours x 80 CHF = 960 fr. – salle / 19 heures x 50 CHF / = 10.00 / Je l'avance = 1'200 CHF",

-       une quittance de "1'925 CHF + 2'750 CHF", portant l'indication "Rétrocession du 23 juin au 22 juillet 2020 / 20 jours x 80 = 1600 CHF / 90.5h x 50 = 4525 CHF / Réduction argent avancé – 1000 CHF / Reçu 1'925 CHF / le 8.6.20 je l'avance 2'750 CHF",

-       une quittance de 1'825 fr., portant l'indication "Rétrocession du 23 juillet au 22 août 2020 / 15 jours à 80 CHF = 1'200 CHF / 84,5 h x 50 = 4'225 CHF / Réduction argent avancé – 200 CHF / Réduction argent avancé – 1'000 CHF / Reçu = 1'825 CHF", et

-       une quittance de 595 fr., portant l'indication "Rétrocession du 23 septembre au 2 octobre 2020/ 6 jours x 80 = 480 CHF salle / 32,5h x 50 : 1'625 fr. / Réduction argent avancé – 55 CHF /Reçu : 595 CHF".

c. Lors de l'audience tenue le 1er novembre 2022, A______ a déposé des déterminations complémentaires – dans lesquelles elle a, notamment, allégué n'avoir "jamais vu les "quittances" soumises à la procédure par le défendeur" – et elle a produit :

-       une quittance de 1'000 fr. pour le mois de mai 2020 mentionnant "pour Mme A______ / salaire mois de mai 2020 / 595 brutos" et signée par elle-même, et

-       un échange de messages téléphoniques entre C______ et G______, dans lequel le premier indiquait qu’il allait "tout faire pour qu’elle obtienne un permis et un travail" du 7 mai 2020 et la seconde lui demandait le 12 mai 2020 : "Ecoute, A______ me demande si vous avez des linges à disposition sinon elle en amène demain".

Le Tribunal a entendu les parties et procédé à l'audition des témoins E______ et G______, dont les déclarations ont été reprises dans l'état de fait ci-dessus.

A l'issue de l'audience, les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions respectives. La cause a été gardée à juger.

E. a. Aux termes du jugement entrepris, après avoir admis prima facie sa compétence ratione materiae – au regard de la théorie des faits doublement pertinents – et sa compétence ratione loci, le Tribunal a finalement retenu que les parties n’avaient pas été liées par un contrat de travail, mais par un contrat de mandat.

Pour retenir cette qualification, le Tribunal a recouru au divers éléments réunis par la procédure afin d'établir par indices la réelle et commune intention des parties, en l’absence de contrat écrit. La photographie du contrat de travail produite par A______ était en effet illisible et n’était pas signée, de sorte que les premiers juges ont considéré n'être pas en mesure d’établir une quelconque volonté des parties sur la base de ce moyen de preuve.

S'agissant de la rémunération convenue, le salaire allégué de 4'000 fr. bruts par mois n'était pas envisageable pour C______, qui percevait un revenu mensuel moyen de 5'681 fr. (soit 250'000 fr. /44 mois). L’hypothèse d’une rémunération horaire paraissait donc plus crédible et A______ avait signé des quittances, intitulées rétrocessions, mentionnant le nombre de jours et d’heures effectuées, acceptant ces montants variables, remis en espèces, sans émettre la moindre réserve. Tenant également compte des déclarations de E______, selon lesquelles les montants reçus par A______ variaient en fonction des prestations et les montants versés paraissaient corrects compte tenu des prestations fournies, les premiers juges ont retenu qu'elle avait été rémunérée à l'heure, en fonction des prestations effectuées, que les montants remis correspondaient à l’accord des parties et qu'elle avait échoué à démontrer qu’une rémunération mensuelle fixe avait été convenue.

S'il ressortait d'un message produit à la procédure que C______ avait donné des indications sur la manière de compléter les formulaires pour l'obtention d'un titre de séjour, aucune mention n'y était faite de démarches ni d'un éventuel dépôt de demande d'autorisation de sa part, en qualité d’employeur. Le Tribunal ne pouvait inférer de cette pièce que C______ avait eu l’intention de déposer une demande d'autorisation de travailler en sa qualité d’employeur, étant relevé que A______ pouvait solliciter un titre de séjour sur la base d’une activité indépendante.

Les horaires réguliers allégués par cette dernière (8h par jour, 5 jours par semaine) n'étaient corroborés par aucun élément de preuve.

S’agissant de l’activité déployée, les premiers juges ont retenu comme crédible (bien que non prouvé) que A______ avait traité les patients de C______ et du cabinet D______ SARL, dans la mesure où celle-ci était récemment arrivée en Suisse et ne disposait vraisemblablement pas de sa propre patientèle. Cela étant, cet élément ne permettait pas, en soi, de conclure à l’existence d’un contrat de travail puisque C______ pouvait lui confier ses patients sur la base d’un contrat de mandat.

A______ n’avait apporté aucun élément de preuve concernant d’éventuelles instructions ou contrôle de la part de ce dernier, ni d’un quelconque lien de subordination. Un des messages téléphoniques produits démontrait qu'elle devait apporter ses propres linges, ce qui tendait plutôt à démontrer qu’elle agissait en qualité d’indépendante.

Les caractéristiques d'un contrat de travail (prestation personnelle de travail, mise à disposition de son temps pour une durée déterminée ou indéterminée, salaire, rapport de subordination) n'étaient en conséquent pas établies.

Le Tribunal peinait d'ailleurs à concevoir les raisons qui auraient poussé C______ à engager A______ sur la base d’un contrat de travail alors qu’il avait convenu avec E______ qu'il appliquerait à A______ les mêmes conditions que celles d'indépendant dont il bénéficiait. Enfin, le fait qu'il ait confirmé à G______ qu'elle faisait partie de l’équipe ne signifiait pas encore qu’elle avait été engagée au bénéfice d’un contrat de travail, ce d’autant plus que l’équipe de D______ SARL était composée de salariés et d’indépendants.

b. Les parties ayant été liées par un contrat de mandat, le Tribunal a débouté A______ de ses prétentions en indemnité pour vacances non prises et en délivrance des documents sollicités, soit des prétentions ne pouvant découler que d'un contrat de travail.

S'agissant de l'indemnité réclamée à titre de paiement de salaire et examinée sous l'angle de la rémunération du mandataire au sens de l'art. 394 al. 3 CO, les premiers juges ont considéré que cette dernière n'avait démontré ni le montant convenu ni le nombre d’heures effectuées, de sorte que les mentions contenues dans les quittances – qu'elle avait signées et dont elle avait accepté les montants sans émettre de réserve, malgré leur caractère variable – étaient établies.

Elle ne pouvait, par ailleurs, prétendre à une indemnité pour révocation du contrat de mandat en temps inopportun au sens de l'art. 404 al. 2 CO, dès lors que les circonstances entourant la fin des rapports contractuels demeuraient floues. En tout état, A______ n’avait pas démontré avoir convenu d’un délai de résiliation et n'avait ni allégué ni prouvé avoir subi de dommage, qui n'était d’ailleurs pas chiffré.

EN DROIT

1.             1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales de première instance, dans les causes non patrimoniales ou dont la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure, est, comme en l'espèce, supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC).

Formé en temps utile et selon la forme prescrite par la loi auprès de l’autorité compétente (art. 124 let. a LOJ), l'appel est recevable (art. 130, 131, 145 al. 1 let. c et 311 al. 1 CPC).

Il en est de même des écritures subséquentes des parties déposées dans les délais utiles.

1.2 La Chambre de céans revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC). En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (art. 157 CPC en lien avec l'art. 310 let. b CPC; ATF 138 III 374 consid. 4.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4D_72/2017 du 19 mars 2018 consid. 2).

Le litige, dont la valeur litigieuse est inférieure à 30'000 fr., est soumis à la procédure simplifiée (art. 243 al. 1 CPC).

La maxime inquisitoire sociale s’applique, le juge établissant les faits d’office (art. 247 al. 2 let. b ch. 2 CPC). Il est toutefois lié par les conclusions des parties (art. 58 al. 1 CPC).

2.             L'appelante relève que l'intimé n'a pas remis de procuration en faveur de son conseil au Tribunal, qui n'en a pas requis le dépôt, et s'en remet à la Cour quant à la recevabilité des actes procéduraux de celui-ci en première instance.

2.1 Tout représentant d'une partie, notamment les avocats, doit justifier de ses pouvoirs par une procuration (art. 68 al. 2 let. a et al. 3 CPC). Cette procuration doit être fournie en annexe à la réponse (art. 221 al. 2 let. a et 222 al. 2 CPC).

S'il manque une procuration, le tribunal doit la réclamer et la joindre au dossier (art. 68 al. 3 et 132 al. 1 CPC).

2.2 L'appelante a expressément indiqué, dans sa demande du 24 mai 2022, que l'intimé était représenté par son conseil et elle n'a jamais remis en cause les pouvoirs de représentation de ce dernier durant la procédure de première instance. Une procuration figure par ailleurs dans le dossier, produite au stade de la conciliation, valable globalement pour le litige opposant les parties. Dans ces circonstances, l'appelante contrevient au principe de la bonne foi, en se prévalant d'un potentiel défaut de procuration du conseil de l'intimé uniquement au stade de l'appel.

3. L'appelante fait grief au Tribunal d'avoir procédé à une constatation lacunaire et inexacte des faits et d'avoir violé l'art. 319 CO en ayant retenu que les parties n'avaient pas été liées par un contrat de travail.

Elle relève que l'intimé n'a fourni aucune pièce attestant de son salaire (cette question n'ayant pas été alléguée et n'étant apparue que lors de l'audition de E______), que le Tribunal a retenu à tort qu'elle avait signé les quittances produites, alors que celles-ci comportaient la signature de l'intimé, que ce dernier et G______ avaient "entrepris les démarches afin de déposer une demande d'autorisation de séjour" en sa faveur. Les premiers juges n'ont pas tenu compte des déclarations de E______, selon lesquelles elle avait accepté qu'un "employé engage un employé" et qu'elle avait appris que l'appelante était l'employée de l'intimé, ni du fait que A______ n'apparaissait pas sur la liste des personnes travaillant à titre indépendant au sein du cabinet de physiothérapie (capture d'écran du site internet). Il ressortait, par ailleurs, de la photographie du contrat de travail prise avant qu'il ne soit déchiré que le document prévoyait son engagement en qualité de masseuse dès le 3 août 2020 pour une durée indéterminée, à raison de 20 heures par semaine, avec temps d'essai de 3 mois et 4 semaines de vacances par année.

De plus, elle se trouvait dans un rapport de subordination organisationnel et économique, puisque, venant d'arriver en Suisse et ne disposant pas d'une patientèle, elle traitait les patients de l'intimé, qui l'informait quotidiennement des patients à prendre en charge, que ce dernier lui versait un salaire et qu'il n'avait pas établi qu'elle aurait loué une salle. Il ressortait par ailleurs de l'existence du "contrat de travail déchiré" que les parties avaient eu l'intention de conclure un contrat de travail.

L'intimé relève, pour sa part, que l'appelante tient des propos contradictoires pour les besoins de la cause, dans la mesure où, dans sa demande du 24 mai 2022, elle a allégué qu'il lui avait fait signer des quittances sur lesquelles était inscrit "rétrocession" et que, dans ses déterminations complémentaires du 1er novembre 2022, elle avait allégué n'avoir jamais vu les quittances qu'il avait produites. En tout état, elle avait admis qu'il lui avait remis des montants variables, notamment, pour lui venir en aide, un montant de 1'000 fr. pour le mois de mai 2020 au lieu des 595 fr. qu'il lui devait, ce que celle-ci – de mauvaise foi en prétendant le contraire – ne pouvait ignorer, puisque la quittance y relative comportait l'indication "595 brutos". Animé par une démarche sincère d'aider l'appelante à régulariser sa situation, il lui avait fourni les informations relatives à une demande d'autorisation de séjour et l'avait aidée à trouver un travail à titre indépendant. Il n'avait jamais affirmé vouloir se charger des démarches pour déposer une telle demande. S'agissant des déclarations de E______, l'appelante omettait d'indiquer que la témoin avait corrigé ses propos, soulignant que l'intimé était bien indépendant, qu'elle l'avait autorisé à engager l'appelante aux mêmes conditions que les siennes propres et qu'elle était rémunérée au moyen de rétrocessions. L'intimé ignorait la provenance du contrat de travail non signé produit par l'appelante. Il n'avait exercé aucun contrôle sur les prestations fournies par cette dernière. Les quittances qu'il avait produites faisaient état de la location d'une salle.

3.1 Lorsqu'il est amené à qualifier ou interpréter un contrat, le juge doit tout d'abord s'efforcer de déterminer la commune et réelle intention des parties, sans s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de la convention (art. 18 al. 1 CO).

Pour ce faire, le juge doit rechercher, dans un premier temps, la réelle et commune intention des parties (interprétation subjective), le cas échéant empiriquement, sur la base d'indices. Constituent des indices en ce sens non seulement la teneur des déclarations de volonté - écrites ou orales -, mais encore le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté réelle des parties, qu'il s'agisse de déclarations antérieures à la conclusion du contrat ou de faits postérieurs à celle-ci, en particulier le comportement ultérieur des parties établissant quelles étaient à l'époque les conceptions des contractants eux-mêmes (ATF 144 III 93 consid. 5.2.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_496/2022 du 6 novembre 2023 consid. 4.1).

Ce n'est que si le juge ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties - parce que les preuves font défaut ou ne sont pas concluantes - ou s'il constate qu'une partie n'a pas compris la volonté exprimée par l'autre à l'époque de la conclusion du contrat - ce qui ne ressort pas déjà du simple fait qu'elle l'affirme en procédure, mais doit résulter de l'administration des preuves -, qu'il doit recourir à l'interprétation normative (ou objective), à savoir rechercher leur volonté objective, en déterminant le sens que, d'après les règles de la bonne foi, chacune d'elles pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre. Il s'agit d'une interprétation selon le principe de la confiance. Le principe de la confiance permet ainsi d'imputer à une partie le sens objectif de sa déclaration ou de son comportement, même si celui-ci ne correspond pas à sa volonté intime (ATF 144 III 93 consid. 5.2.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_496/2022 du 6 novembre 2023 consid. 4.2).

La qualification juridique d'un contrat est une question de droit (ATF 131 III 217 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_602/2013 du 27 mars 2014 consid. 3.1). Le juge détermine librement la nature de la convention d'après l'aménagement objectif de la relation contractuelle, sans être lié par la qualification, même concordante, donnée par les parties (ATF 84 II 493 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_194/2011 du 5 juillet 2011 consid. 5.3). La dénomination d'un contrat n'est pas déterminante pour évaluer sa nature juridique (ATF 129 III 664 consid. 3.1)

3.2 Par le contrat individuel de travail, le travailleur s'engage, pour une durée déterminée ou indéterminée, à travailler au service de l'employeur et celui-ci à payer un salaire fixé d'après le temps ou le travail fourni (salaire aux pièces ou à la tâche; art. 319 al. 1 CO).

Les quatre éléments constitutifs du contrat de travail sont les suivants: a) une prestation personnelle de travail, b) la mise à disposition par le travailleur de son temps pour une durée déterminée ou indéterminée, c) un rapport de subordination, et d) un salaire (arrêts du Tribunal fédéral 4A_53/2021 du 21 septembre 2021 consid. 5.1.3; 4A_64/2020 du 6 août 2020 consid. 6.1 et les arrêts cités; 4A_10/2017 précité consid. 3.1; Wyler/Heinzer, Droit du travail, 2019, p. 2 ss; Meier, Commentaire Romand, CO I, 2021, n. 8 ss ad art. 319 CO).

Le contrat de travail se distingue avant tout des autres contrats de prestation de services, en particulier du mandat, par l'existence d'un lien de subordination, qui place le travailleur dans la dépendance de l'employeur sous l'angle personnel, organisationnel et temporel ainsi que, dans une certaine mesure, économique. Le travailleur est assujetti à la surveillance, aux ordres et instructions de l'employeur; il est intégré dans l'organisation de travail d'autrui et y reçoit une place déterminée. En principe, des instructions qui ne se limitent pas à de simples directives générales sur la manière d'exécuter la tâche, mais qui influent sur l'objet et l'organisation du travail et instaurent un droit de contrôle de l'ayant droit, révèlent l'existence d'un contrat de travail plutôt que d'un mandat (ATF 125 III 78 consid. 4; 121 I 259 consid. 3a; arrêts du Tribunal fédéral 4A_53/2021 du 21 septembre 2021 consid. 5.1.3; 4A_64/2020 précité consid. 6.2 et 6.3.1; 4A_10/2017 précité consid. 3.1; 4A_200/2015 du 3 septembre 2015 consid. 4.2.1 et les arrêts cités).

En plus des quatre critères essentiels, d'autres indices peuvent aider à distinguer le contrat de travail d'autres types de contrats, sans toutefois être décisifs. Sont des indices d'existence d'un contrat de travail la stipulation d'un délai de congé, d'une clause de prohibition de concurrence, le droit de jouir de vacances, l'existence d'un temps d'essai, la présence d'un élément de durée, le fait que les conditions de temps et de lieu dans lesquelles le travail doit être exécuté sont fixées dans le contrat, la mise à disposition des instruments de travail, ainsi que le remboursement des frais. Il en va de même de la qualification du revenu en droit fiscal ou de celle retenue par les assurances sociales (Meier, op. cit., n. 15 ad art. 319 CO).

Les critères formels, tels l'intitulé du contrat, les déclarations des parties ou les déductions aux assurances sociales, ne sont pas à eux seuls déterminants. Il faut bien plutôt tenir compte de critères matériels relatifs à la manière dont la prestation de travail est effectivement exécutée, tels le degré de liberté dans l'organisation du travail et du temps, l'existence ou non d'une obligation de rendre compte de l'activité et/ou de suivre les instructions, ou encore l'identification de la partie qui supporte le risque économique. Constituent ainsi des éléments typiques du contrat de travail le remboursement des frais encourus par le travailleur et le fait que l'employeur supporte le risque économique et que le travailleur abandonne à un tiers l'exploitation de sa prestation, en contrepartie d'un revenu assuré. La dépendance économique du travailleur est également un aspect typique du contrat de travail. Est déterminant le fait que, dans le contexte de la prestation que le travailleur doit exécuter, d'autres sources de revenus sont exclues et qu'il ne puisse pas, par ses décisions entrepreneuriales, influer sur son revenu. Un indice pour une telle dépendance réside dans le fait qu'une personne travaille pour une seule société. Cet indice est renforcé lorsque les parties conviennent d'une interdiction d'exercer toute activité économique similaire (arrêts du Tribunal fédéral 4A_53/2021 du 21 septembre 2021 consid. 5.1.3; 4A_64/2020 précité consid. 6.3.1 à 6.3.6 et les arrêts cités).

Le critère de la subordination doit être relativisé en ce qui concerne les personnes exerçant des professions typiquement libérales ou ayant des fonctions dirigeantes. Comme l'indépendance de l'employé est beaucoup plus grande, la subordination est alors essentiellement organisationnelle. Dans un tel cas, plaident notamment en faveur du contrat de travail la rémunération fixe ou périodique, la mise à disposition d'une place de travail et des outils de travail, ainsi que la prise en charge par l'employeur du risque de l'entreprise; le travailleur renonce à participer au marché comme entrepreneur assumant le risque économique et abandonne à un tiers l'exploitation de sa prestation, en contrepartie d'un revenu assuré. Seul l'examen de l'ensemble des circonstances du cas concret permet de déterminer si le travail est effectué de manière dépendante ou indépendante (ATF 130 III 213 consid. 2.1; 129 III 664 consid. 3.2 p. 668; 128 III 129 consid. 1a/aa; 112 II 41 consid. 1a/aa p. 46; arrêts du Tribunal fédéral 4A_592/2016 du 16 mars 2017 consid. 2.1; 4A_602/2013 du 27 mars 2014 consid. 3.2; 4A_194/2011 du 5 juillet 2011 consid. 5.6.1; Meier, op. cit., n° 14 ad art. 319 CO).

La preuve de l'existence d'un contrat de travail incombe à la partie qui s'en prévaut pour en déduire un droit (art. 8 CC; ATF 125 III 78 consid. 3b; arrêt du Tribunal fédéral 4A_504/2015 du 28 janvier 2016 consid. 2.1.2, in JAR 2017 p. 123).

3.3 Lorsque, comme en l'espèce, la procédure simplifiée est applicable, le tribunal, contrairement à ce qui est le cas lorsque la procédure ordinaire est applicable, doit admettre les faits et moyens de preuve nouveaux jusqu'aux délibérations. Il n'est, par ailleurs, pas lié par les allégations des parties : il doit tenir compte des faits juridiquement pertinents, même si les parties ne les ont pas invoqués à l'appui de leurs conclusions (arrêt du Tribunal fédéral 4A_428/2016 du 15 février 2017 consid. 3.2.2.2). Cette obligation s'étend notamment aux faits dits exorbitants, soit ceux qui, sans avoir été allégués par l'une ou l'autre des parties, ressortent de l'instruction de la cause et en particulier de l'administration des preuves (arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2021 du 14 décembre 2021 consid. 5.2 et 5.2.2, cité in CPC commenté ad art. 247 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 4A_428/2016 précité, consid. 3.2.2; Heinzmann, PC-CPC, 2021, n. 7 ad art. 247 CPC).

Le tribunal n'est par ailleurs pas tenu de rendre les parties spécifiquement attentives aux faits pertinents non allégués apparus lors de l'instruction, ni de leur donner formellement l'occasion de se déterminer à leur sujet, à plus forte raison lorsqu'elles sont assistées d'un avocat (arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2021 précité consid. 5.2.2).

3.4 En l'occurrence, le raisonnement du Tribunal est exempt de toute critique. En effet, c'est à raison que les premiers juges ont tenu compte des déclarations de E______ – que rien ne permet de mettre en doute et selon lesquelles l'intimé percevait une rémunération mensuelle moyenne de 5'681 fr. – et qu'ils ont considéré qu'il n'apparaissait dès lors pas envisageable que les parties aient convenu d'un salaire de 4'000 fr. par mois. Lors de son audition, l'appelante a d'ailleurs déclaré qu'il avait été prévu qu'elle soit payée à l'heure. Si les quittances produites par l'intimé ne sont certes pas signées par l'appelante, mais par l'intimé, il sera néanmoins retenu que, selon ses propres allégations, elle a bien eu connaissance de quittances portant la mention du terme "rétrocession", ainsi que des montants qui lui ont été remis en espèces, sans qu'elle n'émette de réserve et qui, selon E______, correspondaient aux prestations qu'elle avait fournies. De ce fait, il sera considéré, à l'instar du Tribunal, que les montants remis à l'appelante correspondaient à l'accord des parties, soit une rémunération à l'heure en fonction des prestations effectuées, à l'exclusion d'une rémunération mensualisée.

Ces quittances s'inscrivent d'ailleurs en faux avec les allégations de l'appelante selon lesquelles elle aurait travaillé de manière régulière, selon un horaire correspondant à huit heures par jours, cinq jours par semaine durant plusieurs mois. Ils permettent au contraire de constater une irrégularité dans les heures effectuées.

Ces décomptes font également état de déductions pour mise à disposition de locaux ("salle"), ce qui est plus compatible avec un statut d'indépendant qu'avec un statut d'employé.

S'agissant de l'obtention d'un titre de séjour, les messages échangés entre l'intimé et l'appelante ou G______ ne font pas mention de démarches effectuées par l'intimé en qualité d'employeur ou d'un engagement pris en ce sens, mais plutôt d'indications ou de conseils donnés par ce dernier sur la manière dont l'appelante devait compléter les documents y relatifs.

S'agissant de l'activité déployée par l'appelante, l'intimé ne remet pas en cause les considérations du Tribunal selon lesquelles cette dernière, arrivée alors récemment en Suisse et ne disposant vraisemblablement pas d'une patientèle, avait traité des patients de l'intimé ou du cabinet. Toutefois, comme l'ont, à raison, relevé les premiers juges, cette délégation ne permet pas d'inférer l'existence d'un contrat de travail, celle-ci pouvant également être fondée sur un contrat de (sous‑)mandat. De plus, l'appelante n'a pas apporté la preuve d'éventuelles instructions données ou d'un contrôle exercé par l'intimé, tant s'agissant des prestations effectuées que sur le plan organisationnel. Le fait qu'elle ait été amenée à apporter ses linges – comme l'a retenu le Tribunal et n'a pas été contesté par l'appelante – plaide également en faveur d'une activité à titre d'indépendante. De même, E______ a déclaré qu'elle avait accepté que l'intimé engage l'appelante aux mêmes conditions que celles dont il bénéficiait, soit celles d'un collaborateur indépendant, et que cette dernière avait suivi le même protocole que l'intimé à l'issue des séances (dépôt du décompte au secrétariat). L'appelante évoque enfin elle-même avoir traité des patients de l'intimé, mais également du cabinet, de sorte que l'assignation du seul intimé en qualité d'employeur n'est pas cohérente avec ses propres allégués.

Rien ne saurait être déduit de la capture d'écran du site internet du cabinet produite, celle-ci datant de 2022, soit bien après l'activité déployée par l'appelante au sein du cabinet. Il sera, en tout état, relevé que, quand bien même cette capture correspondrait au site internet du cabinet au moment des faits litigieux, le fait que cette dernière n'apparaisse pas sur la liste des personnes travaillant à titre indépendant au sein du cabinet ne constitue pas nécessairement un indice de sa qualité d'employée, dès lors que, selon les explications fournies par E______, les thérapeutes indépendants n'apparaissaient pas automatiquement sur le site internet, mais devaient s'adresser à une personne chargée du marketing pour y être inscrits. Il sera également relevé que la capture d'écran produite mentionne également des physiothérapeutes, lesquels déploient leur activité au sein du cabinet en qualité de salariés selon E______, de sorte que, contrairement à ce que prétend l'appelante, le site internet ne présenterait pas seulement les collaborateurs indépendants.

Le fait qu'un document intitulé "contrat de travail" aurait existé, mentionnant le nom des parties, – dont l'intimé prétend ne rien savoir alors que l'appelante soutient que l'intimé l'aurait rédigé et aurait voulu la contraindre à le signer sans le lire, trois mois après le début de leur relation – est sans portée en ce sens que l'appelante elle-même admet que les parties ne se seraient jamais mises d'accord sur ce texte qui ne peut donc être considéré comme le reflet de leur convention. Tout au plus un tel document, s'il a bien existé, peut-il constituer un indice de pourparlers contractuels entre les parties à un certain moment. A cet égard on peut relever que ce document fait état d'un emploi à temps partiel, alors que l'appelante fonde ses prétentions sur une activité déployée à plein temps; sa teneur ne correspond donc même pas au contenu allégué par l'appelante du contrat de travail prétendument conclu entre les parties sur lequel elle fonde sa demande.

Finalement, la plaignante n'aborde pas les divers indices énumérés par la jurisprudence et la doctrine pour étayer l'existence d'un contrat de travail, comme l'éventuelle réglementation de ses frais, sa déclaration aux assurances sociales, le droit de se constituer sa propre patientèle, le statut de cette patientèle personnelle par rapport à l'intimé et au cabinet, une éventuelle interdiction de travailler à titre indépendant ou pour une structure tierce, ou encore une clause de prohibition de concurrence. L'absence d'une telle réglementation entre les parties, typique du contrat de travail, est un indice supplémentaire en faveur d'une position indépendante de l'appelante.

Par conséquent, c'est à raison que le Tribunal a considéré que l'appelante avait échoué à démontrer l'existence d'un contrat de travail conclu entre les parties.

4. L'appelante n'ayant formulé aucun autre grief à l'encontre du jugement entrepris, celui-ci sera confirmé.

5. Il ne sera pas perçu de frais pour l'appel, dont la valeur litigieuse est inférieure à 50'000 fr. (art. 114 let. c et 116 CPC; art. 19 al. 3 let. c LaCC; art. 71 RTFMC).

Il n'est pas alloué de dépens dans les causes soumises à la juridiction des prud’hommes (art. 22 al. 2 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 31 janvier 2023 par A______ contre les chiffres 2 à 4 du dispositif du jugement JTPH/380/2022 rendu le 21 décembre 2022 par le Tribunal des prud'hommes dans la cause C/645/2022.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Dit que la procédure est gratuite.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Monsieur Jean REYMOND, président; Madame Fiona MAC PHAIL, Monsieur
Roger EMMENEGGER, juges assesseurs; Madame Fabia CURTI, greffière.

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.