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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/20893/2022

ACJC/1404/2024 du 11.11.2024 ( SBL ) , SANS OBJET

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/20893/2022 ACJC/1404/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 11 NOVEMBRE 2024

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______ [GE], recourante contre une ordonnance rendue par le Tribunal des baux et loyers le 4 juin 2024, représentée par l'ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6,

et

Monsieur B______, domicilié ______ [GE], intimé, représenté par Me Dominique BURGER, avocate, avenue Léon-Gaud 5, case postale, 1211 Genève 12.

 


EN FAIT

A. Par ordonnance OTBL/101/2024 du 4 juin 2024, reçue le lendemain par les parties, le Tribunal des baux et loyers (ci-après: le Tribunal) a rejeté la requête en suspension de la procédure formée par A______ (ch. 1 du dispositif) et réservé la suite de la procédure (ch. 2).

B. a. Par acte expédié le 17 juin 2024 à la Cour de justice (ci-après: la Cour), A______ (ci-après également la recourante) a formé recours contre cette ordonnance, concluant à son annulation, et, cela fait, à ce que soit ordonnée la suspension de la procédure jusqu'à droit jugé sur la procédure de séquestre des biens mobiliers et immobiliers [opposant] B______ à une tierce partie, actuellement pendante et dont le numéro de cause est C/1______/2022, au renvoi de la cause au Tribunal, dans le sens des considérants, pour la suite de la procédure et au déboutement de B______ de toutes autres conclusions.

Elle a produit des pièces nouvelles (pièces 32 et 33).

b. Par réponse du 26 juin 2024, B______ (ci-après également l'intimé) a conclu à l'irrecevabilité du recours, ainsi qu'à son rejet et à la confirmation de l'ordonnance entreprise.

Il a produit deux pièces nouvelles, dont l'arrêt de la Cour ACJC/1365/2023 (le nom de la partie adverse de B______ étant caviardé) rendu le 10 octobre 2023 dans la cause C/1______/2022 (pièce 8).

c. Par réplique du 8 juillet 2024, A______ a "réduit ses conclusions", précisant que celle visant la suspension jusqu'à droit jugé sur la procédure de séquestre comprenait également la procédure en validation du séquestre. Elle a persisté pour le surplus.

d. Par duplique du 16 juillet 2024, B______ a conclu à l'irrecevabilité de la conclusion nouvelle de la recourante et persisté pour le surplus.

e. Les parties ont été informées par courrier du greffe de la Cour du 9 septembre 2024 de ce que la cause était gardée à juger.

C. a. Le 16 janvier 2003, B______, en qualité de bailleur, et A______, en tant que locataire, ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un appartement de quatre pièces au 4ème étage de l'immeuble sis no. ______, avenue 2______, [code postal] Genève, dont dépend également une cave.

Le bail a été conclu pour une durée d'un an, onze mois et quinze jours (du 16 janvier 2003 au 31 décembre 2004) et se renouvelait ensuite d'année en année, sauf résiliation trois mois avant l'échéance.

b. Par avis officiel du 19 septembre 2022, B______ a résilié le bail précité pour le 31 décembre 2022.

c. Par acte déposé le 19 octobre 2022 devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers (ci-après: la Commission), A______ a contesté le congé, concluant à son annulation et subsidiairement à l'octroi d'une prolongation de bail.

d. Répondant à la demande de la locataire, le bailleur a précisé, par courrier du 3 novembre 2022, avoir résilié le bail aux fins de récupérer l'appartement pour ses propres besoins.

e. Déclarée non conciliée lors de l'audience de la Commission du 25 avril 2023, la cause a été portée devant le Tribunal le 25 mai 2023.

f. Par mémoire réponse du 22 août 2023, le bailleur a conclu à ce qu'il soit dit et constaté que le bail avait été valablement résilié et au refus de toute prolongation.

g. Lors de l'audience de débats devant le Tribunal du 26 janvier 2024, la locataire a, notamment, sollicité la suspension de la procédure jusqu'à droit jugé dans la procédure de séquestre relative aux biens mobiliers et immobiliers (dont l'appartement qu'elle occupe) de sa partie adverse. Elle a soutenu que la motivation de la résiliation du bail pourrait devenir obsolète si la procédure de séquestre aboutissait à la vente forcée de l'appartement loué.

Le conseil du bailleur s'est opposé à la suspension, précisant avoir été autorisé par l'Office des poursuites à poursuivre la procédure. Il n'y avait aucun lien entre les procédures. Une procédure au fond était pendante [s'agissant du séquestre] et les parties devaient prochainement trouver un terrain d'entente.

EN DROIT

1. 1.1 Aux termes de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée lorsqu'il est dirigé contre une ordonnance d'instruction.

Interjeté dans le délai prescrit et selon la forme requise, le recours est recevable, sous réserve de ce qui suit.

1.2.1 Les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles produites par les parties devant la Cour sont irrecevables (art. 326 al. 1 CPC).

L'art. 326 CPC ne s'oppose pas à l'allégation de faits nouveaux portant sur l'intérêt à recourir car, de manière analogue à l'art. 99 al. 1 LTF, il n'empêche pas d'introduire dans la procédure de recours stricto sensu des nova concernant des faits résultant de la décision attaquée elle-même (ATF 139 III 466 consid. 3.4).

Si la procédure prend fin pour d'autres raisons sans avoir fait l'objet d'une décision, elle est rayée du rôle (art. 242 CPC).

La cause devient sans objet, notamment, s’il se réalise une situation de fait telle que l’on ne peut plus admettre l’intérêt à la résolution judiciaire du litige (arrêt du Tribunal fédéral 5A_699/2014 du 1er juin 2015 consid. 5.1). L’intérêt digne de protection peut disparaître après coup pour divers motifs. On doit d’abord mentionner le cas dans lequel, en cours de procédure, il survient des faits qui font disparaître ou rendent caduc l’objet du litige en tant que tel (arrêt du Tribunal fédéral 5A_966/2016 du 16 mars 2018 consid. 2.2.1).

1.2.2 En l'espèce, les pièces nouvelles produites par les parties sont irrecevables, à l'exception de l'arrêt de la Cour ACJC/1365/2023 rendu le 10 octobre 2023 (pièce 8 intimé), qui rend sans objet le recours, et, partant, l'intérêt à recourir de la recourante dans la mesure où cette décision met fin à la procédure C/1______/2022, jusqu'à l'issue de laquelle la suspension était sollicitée.

La conclusion de la recourante visant à ce que la cause soit suspendue jusqu'à droit jugé dans la procédure en validation du séquestre est également irrecevable, car nouvelle. A cet égard, il sied de relever que lors de l'audience du 26 janvier 2024, l'intimé a exposé qu'une procédure au fond était pendante entre les parties [à la procédure de séquestre] et que la recourante n'a pas modifié ses conclusions à ce moment-là. A cela s'ajoute qu'on voit mal en quoi cette conclusion nouvelle serait "réduite" par rapport à celle formulée initialement. Il s'agit bien plutôt d'une "extension" de la conclusion initiale.

Le recours est sans objet, ce qui sera constaté. En tout état, les conclusions qu'il contient sont irrecevables.

2. Dans l'ordonnance entreprise, le Tribunal a retenu qu'il était exact qu'une procédure était pendante entre le bailleur et un tiers, relative à un bien immobilier, lequel avait un lien avec la présente procédure, s'agissant de l'appartement objet du bail résilié. Cela étant, la locataire n'établissait pas que l'issue de la procédure de séquestre pourrait trancher une question préjudicielle qui devrait le lier ou qu'il y aurait un risque de décisions contradictoires, vu la nature de l'action dont il était saisi, qui tendait à faire annuler un congé. En tout état, la suspension se justifiait d'autant moins qu'il ne ressortait pas des éléments au dossier que la procédure de séquestre s'achèverait prochainement par la réalisation forcée de l'appartement occupé par la locataire.

La recourante conteste l'ordonnance du Tribunal en tant qu'elle refuse la suspension de la procédure. Elle soutient que la procédure de séquestre visant notamment l'appartement qu'elle occupe pourrait aboutir à la réalisation de celui-ci. Le besoin propre de l'intimé ne pourrait alors se matérialiser, celui-ci perdrait tout intérêt juridique à poursuivre la procédure de congé ainsi que la légitimation [active] pour solliciter son évacuation.

L'intimé conteste que la décision entreprise soit de nature à causer un dommage irréparable à la recourante. Il fait valoir que la procédure de séquestre est terminée, que cette procédure ne peut avoir d'influence sur la présente procédure en contestation de congé, laquelle n'a aucun lien de connexité avec le séquestre.

2.1.1 Le refus de la suspension – à la différence du prononcé de la suspension (cf. art. 126 al. 2 CPC en lien avec art. 319 let. b ch. 1 CPC) – ne peut être attaqué séparément au plan cantonal que de manière limitée, soit seulement dans le cadre de l’art. 319 let. b ch. 2 CPC.

Selon l'art. 319 let. b ch. 2 CPC, le recours est recevable contre les autres décisions et ordonnances d’instruction de première instance que celles mentionnées à la let. a lorsqu’elles peuvent causer un préjudice difficilement réparable.

Le préjudice sera considéré comme difficilement réparable s'il ne peut pas être supprimé ou seulement partiellement, même dans l'hypothèse d'une décision finale favorable au recourant (Reich, Schweizerische Zivilprozessordnung [ZPO], Baker & McKenzie [éd.], 2010, n. 8 ad art. 319 CPC).

Est considérée comme "préjudice difficilement réparable", toute incidence dommageable (y compris financière ou temporelle), pourvu qu'elle soit difficilement réparable.

Une simple prolongation de la procédure ou un accroissement des frais ne constitue pas un préjudice difficilement réparable (Spühler, in Basler Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, 3ème éd. 2017, n. 7 ad art. 319 CPC; Hoffmann-Nowotny, ZPO-Rechtsmittel, Berufung und Beschwerde, 2013, n. 25 ad art. 319 CPC).

Il appartient au recourant d'alléguer et d'établir la possibilité que la décision incidente lui cause un préjudice difficilement réparable, à moins que cela ne fasse d'emblée aucun doute (par analogie : ATF 134 III 426 consid. 1.2 et 133 III 629 consid. 2.3.1; Haldy, in Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd., 2019, n. 9 ad art. 126 CPC).

Si la condition du préjudice difficilement réparable n'est pas remplie, la partie doit attaquer la décision avec la décision finale sur le fond (Message du Conseil fédéral CPC, FF 2006 6841, ad art. 316, p. 6984).

2.1.2 Selon l'art. 126 al. 1 CPC, le tribunal peut ordonner la suspension de la procédure si des motifs d'opportunité le commandent. La procédure peut notamment être suspendue lorsque la décision dépend du sort d'un autre procès.

La suspension ne saurait être ordonnée à la légère, les parties ayant un droit à ce que les causes pendantes soient traitées dans des délais raisonnables. Le juge bénéficie d'un large pouvoir d'appréciation en la matière.

La suspension de la procédure dans l'attente du sort d'une autre procédure suppose que la seconde se trouve dans un lien de connexité avec la première, même s'il n'est pas nécessaire que l'objet du litige ou les parties soient les mêmes. Il s'agit en effet d'éviter des décisions contradictoires ou incohérentes (Frei, in Berner Kommentar, 2012, n. 3 ad art. 126 CPC), et la seconde procédure, dont l'issue sera déterminante pour le sort de la procédure suspendue, doit être déjà bien avancée faute de quoi, en règle générale, la suspension ne sera pas compatible avec l'exigence de célérité (Frei, op. cit., n. 5 ad art. 126 CPC).

2.1.3 Pour pouvoir examiner si le congé ordinaire contrevient ou non aux règles de la bonne foi, il est nécessaire de déterminer quel est le motif de congé invoqué par le bailleur, soit dans l'avis de résiliation, soit ultérieurement au cours de la procédure devant le tribunal de première instance (ATF 148 III 215 consid. 3.1.4 et les arrêts cités).

Pour déterminer quel est le motif de congé et si ce motif est réel ou s'il n'est qu'un prétexte, il faut se placer au moment où le congé a été notifié (ATF 148 III 125 consid. 3.1.4; 142 III 91 consid. 3.2.1; 140 III 496 consid. 4.1; 138 III 59 consid. 2.1).

Des faits survenus ultérieurement ne sont en effet pas susceptibles d'influer a posteriori sur cette qualification : si le motif pour lequel le congé a été donné tombe par la suite, le congé ne devient pas abusif a posteriori. En revanche, des faits ultérieurs peuvent fournir un éclairage sur les intentions du bailleur au moment de la résiliation (ATF 140 III 496 consid. 4.1; ATF 138 III 59 consid. 2.1 in fine; arrêt du Tribunal fédéral 4A_435/2021 du 14 février 2022 consid. 3.1.1).

2.2 En l'espèce, la présente procédure a pour objet la validité du congé donné par l'intimé à la recourante. Conformément aux principes susmentionnés, il importe de se placer au moment de la résiliation pour examiner la réalité du motif invoqué. Des faits survenus postérieurement, telle que l'éventuelle vente du bien litigieux dans le cadre de la procédure de séquestre dont il est l'objet, alléguée par la recourante, est sans pertinence. Contrairement à ce que tente de soutenir cette dernière, il n'existe pas de lien de connexité entre les deux procédures (contestation du congé et séquestre), qui opposent par ailleurs des parties différentes. Ainsi, comme l'a retenu justement le Tribunal, il ne se justifiait pas de suspendre la présente procédure jusqu'à ce que soit connue l'issue de la procédure d'opposition à séquestre.

Aucun élément du dossier ne rend vraisemblable que cette issue serait proche, sans compter qu'elle est incertaine.

Enfin, on peine à comprendre le dommage irréparable dont se plaint la recourante, si l'ordonnance entreprise devait être confirmée, étant rappelé que la présente procédure n'a trait qu'à la validité du congé et non à son évacuation.

Ainsi, en tout état, le recours serait irrecevable, voire infondé.

3. La procédure est gratuite.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

Constate que le recours interjeté le 17 juin 2024 par A______ contre l'ordonnance OTBL/101/2024 rendue le 4 juin 2025 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/20893/2022 est sans objet.

Dit que la procédure est gratuite.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Pauline ERARD, Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Zoé SEILER, Monsieur Nicolas DAUDIN, juges assesseurs; Madame Victoria PALAZZETTI, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr. cf. consid. 1.2