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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/15704/2022

ACJC/776/2024 du 17.06.2024 ( SBL ) , CONFIRME

Normes : CPC.136
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/15704/2022 ACJC/776/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 17 JUIN 2024

 

Entre

SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE A______ SA, c/o B______ [régie immobilière], ______, recourante contre une ordonnance rendue par le Tribunal des baux et loyers le
13 décembre 2023, représentée par Me Stéphane PENET, avocat, quai Gustave-Ador 2, case postale 3021, 1211 Genève 3,

et

1) Madame C______, domiciliée ______,
2) Madame D______, domicilié ______,
3) Monsieur E______, domicilié ______, intimés, tous trois représentés par
Me Olivier WEHRLI, avocat, rue de Hesse 8, case postale , 1211 Genève 4.

 


EN FAIT

A. Par ordonnance du 13 décembre 2023, le Tribunal des baux et loyers a ordonné la suspension de la procédure C/15704/2022 jusqu'à la tenue de débats d'instruction dans la cause C/1______/2023.

B. a. Par acte expédié le 10 janvier 2024 à la Cour de justice, SOCIETE IMMOBILIERE A______ SA a formé recours contre cette ordonnance. Elle a conclu à son annulation et, cela fait, à ce que soit ordonnée la jonction de la cause C/15704/2022 à la cause C/2______/2022 sous le numéro C/15704/2022 et à ce qu'il soit ordonné au Tribunal de rendre une ordonnance de preuve complémentaire à l'ordonnance de preuve du 7 juillet 2023 et de fixer des auditions de témoins.

b. Dans leur réponse du 26 janvier 2024, D______, C______ et E______ ont conclu au déboutement de la recourante de toutes ses conclusions et à la confirmation de l'ordonnance entreprise.

c. En l'absence de réplique, les parties ont été avisées par la Cour le 16 février 2024 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. Les 21 août 1978 et 1er juillet 1993, SOCIETE IMMOBILIERE A______ SA, bailleresse, et F______, locataire, ont conclu deux contrats de bail portant sur des locaux (arcades) sis au rez-de-chaussée de l'immeuble sis no. ______, rue 3______ à Genève, dont la bailleresse est propriétaire.

Ces locaux sont exploités comme restaurant pizzeria sous l'enseigne G______.

F______ a mis ces locaux en gérance dès le 1er janvier 2013.

b. Le 21 août 1978, SOCIETE IMMOBILIERE A______ SA, bailleresse, et F______, locataire, ont également conclu un contrat de bail portant sur un appartement de trois pièces au premier étage du même immeuble sis no. ______, rue 3______.

c. F______ est décédé le ______ 2013.

Ses héritiers, soit son épouse, D______, et ses enfants, C______ et E______, ont repris les droits et obligations découlant des contrats de bail précités.

d. Le 13 juillet 2022, SOCIETE IMMOBILIERE A______ SA a résilié le bail des locaux sis au rez-de-chaussée, dans lesquels le restaurant est exploité, pour le 31 décembre 2024.

Cette résiliation a été contestée et fait l'objet de la présente procédure (C/15704/2022).

Par ordonnance de preuves du 7 juillet 2023, le Tribunal a admis, pour les deux parties, l'interrogatoire des parties et réservé l'admission d'éventuels autres moyens de preuve. Il a considéré qu'il y'avait lieu de procéder dans un premier temps à l'audition des parties et qu'il serait statué dans un second temps sur les auditions de témoins et l'expertise relative au montant de la gérance.

Lors de l'audience de débats principaux du 6 octobre 2023, le Tribunal a dit qu'il compléterait son ordonnance de preuves une fois que les débats d'instruction auraient eu lieu dans la cause C/1______/2023 (cf. infra let. g).

e. Le 30 mai 2023, SOCIETE IMMOBILIERE A______ SA a également résilié le bail de l'appartement de trois pièces au premier étage de l'immeuble pour le 30 septembre 2023.

Cette résiliation a été contestée et fait l'objet de la procédure C/2______/2023.

f. Le 11 novembre 2022, SOCIETE IMMOBILIERE A______ SA a déposé une demande en paiement à l'encontre de D______, C______ et E______, enregistrée sous le numéro de cause C/4______/2022.

Elle a soutenu, en substance, que la mise en gérance des locaux loués pour un montant mensuel de 14'000 fr. (en sus du loyer de 4'703 fr.), dont elle n'avait été informée qu'en 2019, constituait une sous-location non autorisée et qu'elle avait droit à la restitution du profit réalisé, correspondant à la différence entre le loyer facturé et le loyer vraisemblablement admissible compte tenu des prestations supplémentaires fournies (majoration du loyer de 100% maximum), soit un montant total de 1'201'440 fr. au jour du dépôt de la demande.

La demande a été rayée du rôle par la Commission de conciliation en matière de baux et loyers le 9 février 2023 en raison du défaut de SOCIETE IMMOBILIERE A______ SA à l'audience de conciliation.

SOCIETE IMMOBILIERE A______ SA a demandé la restitution de cette audience, laquelle a été refusée par la Commission de conciliation le 9 mai 2023. Le recours contre cette décision a été déclaré irrecevable par arrêt de la Cour le 12 février 2024.

g. Le 9 février 2023, SOCIETE IMMOBILIERE A______ SA a déposé une seconde demande en paiement, à la suite de la radiation du rôle de la procédure C/4______/2022, identique à la précédente. Cette demande fait l'objet de la cause C/1______/2023, suspendue par ordonnance du Tribunal du 7 novembre 2023 jusqu'à droit jugé dans la cause C/4______/2022 (cf. supra let. f).

h. Dans l'ordonnance attaquée du 13 décembre 2023, le Tribunal a considéré qu'étant donné qu'il avait prévu de compléter son ordonnance de preuve du 7 juillet 2023 [dans la présente cause relative à la résiliation du bail du restaurant] après que les débats d'instruction auraient eu lieu dans la cause C/1______/2023 [portant sur la seconde demande en paiement] et que celle-ci était suspendue, il y avait lieu de suspendre la présente cause jusqu'à la tenue de débats d'instruction dans la cause C/1______/2023.

EN DROIT

1. 1.1 La décision ordonnant la suspension de la cause est une mesure d'instruction qui peut, conformément à l'art. 126 al. 2 CPC, faire l'objet du recours selon l'art. 319 let. b ch. 1 CPC (ATF 141 III 270 consid. 3) et donc sans qu'un préjudice difficilement réparable doive être rendu vraisemblable, comme le soutient la recourante.

Le recours, écrit et motivé, doit être déposé auprès de l'instance de recours dans un délai de dix jours à compter de la notification de l'ordonnance d'instruction, à moins que la loi n'en dispose autrement (art. 321 al. 1 et 2 CPC; ATF 141 III 270 consid. 3.3; 138 III 705 consid. 2.1).

Interjeté en temps utile et dans la forme prescrite par la loi (art. 130 et 131 CPC), le recours est recevable, sous réserve de ce qui suit.

Outre l'annulation de la suspension de la présente cause, la recourante conclut à la jonction de celle-ci avec celle ayant pour objet la contestation de la résiliation du bail de l'appartement (cause C/2______/2022) et à ce qu'il soit ordonné au Tribunal de rendre une ordonnance de preuve complémentaire à l'ordonnance de preuve du 7 juillet 2023. La question de la jonction de la présente cause avec la procédure C/2______/2022 a fait l'objet d'une ordonnance du Tribunal du 18 décembre 2023 dans la cause C/2______/2022 par laquelle la jonction a été refusée. Cette ordonnance a été contestée par un recours des intimés, mais pas de la recourante, (qui a conclu au déboutement des recourants de leurs conclusions tendant à la jonction des causes C/15704/2022 et C/2______/2023). La question de la jonction sort ainsi du cadre de l'ordonnance attaquée. Il en va de même de la conclusion relative au complètement de l'ordonnance du 7 juillet 2023, qui n'est, au surplus, pas motivée. Ces deux conclusions sont dès lors irrecevables.

1.2 La cognition de la Cour est limitée à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

2. La recourante conteste la suspension de la procédure dans la mesure où la présente cause porte sur la question de la résiliation du bail du restaurant alors que la cause C/1______/2023 est une demande en paiement, les deux procédures étant ainsi indépendantes l'une de l'autre.

2.1 Selon l'art. 126 al. 1 CPC, le tribunal peut ordonner la suspension de la procédure si des motifs d'opportunité le commandent; la procédure peut notamment être suspendue lorsque la décision dépend du sort d'un autre procès.

La suspension doit répondre à un besoin réel et être fondée sur des motifs objectifs dès lors qu'elle contrevient à l'exigence de célérité de la procédure, imposée par les art. 29 al. 1 Cst. et 124 al. 1 CPC. Elle ne saurait être ordonnée à la légère, les parties ayant un droit à ce que les causes pendantes soient traitées dans des délais raisonnables. Elle ne peut être ordonnée qu'exceptionnellement et l'exigence de célérité l'emporte en cas de doute (ATF 135 III 127 consid. 3.4; 119 II 386 consid. 1b; arrêt du Tribunal fédéral 5A_218/2013 du 17 avril 2013 consid. 3.1; Frei, Berner Kommentar, ZPO, 2012, n. 1 ad art. 126 CPC). Le juge bénéficie d'un large pouvoir d'appréciation en la matière (arrêt du Tribunal fédéral 4A_683/2014 du 17 février 2015 consid. 2.1).

La suspension est notamment autorisée lorsque la décision dépend de l'issue d'une autre procédure. Dans ce sens, il faut s'accommoder d'une tension avec le principe de la célérité. Lorsque les questions de droit et de preuves à examiner dans les deux procédures sont en grande partie les mêmes, il existe une forte probabilité qu'elles soient examinées deux fois, avec un risque de décisions contradictoires. L'intérêt à la suspension l'emporte sur l'intérêt à l'accélération de la procédure dans ce cas. Une suspension en vue d'une autre procédure n'entre pas seulement en ligne de compte lorsque les deux procédures sont à des stades différents ou lorsqu'il faut effectivement s'attendre à ce que le tribunal saisi en premier rende un jugement plus tôt que celui saisi en second. Il convient plutôt de peser concrètement les avantages liés à la suspension d'une part et la durée probable de la suspension d'autre part, la procédure ultérieure ne devant pas être retardée de manière disproportionnée (ATF 141 III 549 consid. 6.5; 135 III 127 consid. 3.4.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_175/2022 du 7 juillet 2022 consid. 5.2-5.4).

Une suspension dans l'attente de l'issue d'un autre procès peut se justifier en cas de procès connexes, même s'il n'est pas nécessaire que l'objet du litige ou les parties soient les mêmes. La seconde procédure, dont l'issue sera déterminante pour le sort de la procédure suspendue, doit être déjà bien avancée faute de quoi, en règle générale, la suspension ne sera pas compatible avec l'exigence de célérité (Frei, op. cit., n. 3 et 5 ad art. 126 CPC).

2.2 En l'espèce, la présente procédure [annulation de la résiliation du bail de l'arcade commerciale] a été suspendue au motif que le Tribunal avait prévu, le 6 octobre 2023, de compléter son ordonnance de preuve du 7 juillet 2023 après que les débats d'instruction auraient eu lieu dans la cause C/1______/2023 [seconde demande en paiement] et que celle-ci étant suspendue, il y avait également lieu de suspendre la présente cause jusqu'à la tenue de débats d'instruction dans la cause C/1______/2023.

Cette dernière a été suspendue jusqu'à droit jugé dans la cause C/4______/2022, laquelle a trouvé son terme par arrêt du 12 février 2024, la Cour ayant déclaré irrecevable le recours contre le refus de restitution de l'audience de conciliation. Elle est dès lors définitivement rayée du rôle. Des débats d'instruction dans la cause C/1______/2023 vont donc pouvoir être ordonnés, ce qui permettra, par conséquent, que la présente cause soit reprise.

En outre, la question de l'annulation de la résiliation du bail de l'arcade commerciale est connexe à celle faisant l'objet de la demande en paiement puisque l'une et l'autre sont liées à la question de la mise en gérance des locaux loués.

Dès lors, dans la mesure où la suspension devrait être de courte durée, dans l'attente d'une procédure qui peut être qualifiée de connexe, il apparaît que le Tribunal n'a pas outrepassé sa marge de manœuvre dans la conduite des procédures dont il a la charge.

Le recours n'est pas fondé, de sorte qu'il sera rejeté.

3. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 10 janvier 2024 par SOCIETE IMMOBILIERE A______ SA contre l'ordonnance rendue le 13 décembre 2023 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/15704/2022.

Au fond :

Rejette ce recours.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Monsieur Serge PATEK, Madame Sibel UZUN, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.