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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/53/2024

ATAS/328/2025 du 07.05.2025 ( AI ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/53/2024 ATAS/328/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 7 mai 2025

Chambre 4

En la cause

A______

représentée par Me Marie GUYOT, avocate

recourante

 

contre

 

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

et

AXA ASSURANCES SA

intimé

 

appelée en cause

 


EN FAIT

 

A. a. A______ (ci-après : l'assurée ou la recourante), née le ______ 1966, a eu un accident le 5 octobre 1989. Depuis lors, elle est atteinte de paraplégie complète.

b. Par décision du 8 octobre 1996, la NEUCHATELOISE ASSURANCES, reprise depuis 1997 par la WINTERTHUR ASSURANCES (ci-après : l'assureur-accidents), a refusé la demande de prestations de l'assurée. Il n'était pas établi qu'à l'époque où cette dernière avait été victime de son accident, il existait un rapport de travail avec la boutique exploitée par B______ (ci-après : l'employeuse), laquelle avait conclu un contrat d'assurance obligatoire accidents auprès de l'assureur-accidents. Le droit aux prestations n'était donc pas reconnu pour les suites de cet évènement accidentel.

c. Le 7 novembre 1996, l'assurée a formé opposition à cette décision. Elle avait bel et bien travaillé comme vendeuse dans la boutique exploitée par l'employeuse, avec laquelle elle était liée par un contrat de travail oral. Par jugement du 10 août 1995, prononcé par défaut, le Tribunal des Prud'hommes de Genève avait constaté qu'en octobre 1989, elles étaient liées par un contrat de durée indéterminée et plusieurs témoins l'avaient vue travailler dans cette boutique en 1989.

d. Le 19 janvier 1998, l'assurée a signé avec l'assureur-accidents une convention de règlement prévoyant ce qui suit :

« Moyennant le versement par [l'assureur-accidents] d'un montant de fr. 260'000.-, [l'assurée] retire l'opposition interjetée en date du [7 novembre 1996]. Par ce versement, [l'assurée] renonce à toute autre prétention, à quel titre que ce soit, envers [l'assureur-accidents] découlant de l'accident [du 5 octobre 1989].

La décision rendue par [l'assureur-accidents] le [8 octobre 1996] passe ainsi en force de chose jugée. »

B. a. Le 10 décembre 1996, l'assurée a déposé une demande de prestations auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI).

b. Dans le cadre de l'instruction du dossier, l'OAI a recueilli plusieurs documents. Il a en particulier reçu, en date du 14 mars 1997, la décision du 8 octobre 1996 de l'assureur-accidents, ainsi que l'opposition formée à son encontre par l'assurée le 7 novembre 1996 et, en date du 27 février 1998, la convention de règlement signée le 19 janvier 1998.

c. Par première décision du 27 novembre 1998, l'OAI a pris en charge la remise en prêt d'un fauteuil roulant en faveur de l'assurée.

d. Par la suite, l'OAI a rendu plusieurs décisions à l'égard de cette dernière, lui accordant, entre 1998 et 2022, les prestations suivantes : un reclassement professionnel, le versement d'indemnités journalières durant la période de réadaptation professionnelle, la prise en charge de plusieurs moyens auxiliaires – dont tous les fauteuils roulants qui ont été demandés par l'assurée, ainsi que leurs adaptations –, une demi-rente d'invalidité dès le 8 mai 2007 et une rente entière dès le 1er avril 2016.

e. Interpellé par l'OAI en septembre 2006 – dans le cadre de l'instruction de la première demande d'allocation pour impotent de l'assurée déposée le 1er septembre 2006 –, l'assureur-accidents a indiqué, par courrier du 6 octobre 2006, que le montant forfaitaire de CHF 260'000.-, prévu par la convention de règlement conclue avec l'assurée, tenait compte d'une indemnité au titre de l'atteinte à l'intégrité physique, d'une rente d'invalidité capitalisée, d'indemnités journalières et de frais médicaux. La direction générale de l'assureur-accidents avait estimé que chacun des quatre postes de dommage précités équivalait à CHF 65'000.-, ce qui au total s'élevait au montant de CHF 260'000.-.

f. Par décision du 5 novembre 2007, l'OAI a refusé d'octroyer une allocation pour impotent à l'assurée, au motif qu'une telle demande devait être déposée auprès de l'assureur-accidents.

g. Par décision du 23 mai 2017, l'OAI a une nouvelle fois refusé l'octroi d'une allocation pour impotent, pour les mêmes motifs.

h. Par décision du 4 juillet 2022, l'OAI a refusé d'entrer en matière sur la nouvelle demande d'allocation pour impotent déposée par l'assurée le 18 septembre 2019.

i. Par décision du 13 novembre 2023, l'OAI a rejeté la demande de l'assurée de prise en charge d'un fauteuil roulant manuel équipé d'une coque d'assise et d'un dossier moulé. Selon ses investigations, elle pourrait percevoir une prestation pour l'acquisition d'un tel fauteuil de la part de l'assurance-accidents mais elle avait signé une convention le 19 janvier 1998 avec l'assureur-accidents prévoyant une indemnité forfaitaire en contrepartie de la renonciation de toute autre prétention à quel titre que ce soit. L'OAI n'était pas concerné par cette convention et invitait l'assurée à demander une décision formelle à l'assureur-accidents.

C. a. Par acte du 8 janvier 2024, l'assurée, représentée par une avocate, a interjeté recours par-devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : chambre de céans) contre cette décision, concluant, sous suite de frais et dépens, à son annulation et à la condamnation de l'intimé à prendre en charge le fauteuil roulant manuel équipé d'une coque d'assise et d'un dossier moulé selon les offres n° 1______ et n° 2______ d'Orthotec, d'un montant total de CHF 13'634.-.

À l'appui de son recours, elle a allégué que la convention du 19 janvier 1998 avec l'assureur-accidents constituait, non pas une renonciation à des prestations, mais une transaction judiciaire passée entre les parties qui avait permis de clore la procédure d'opposition engagée par la recourante contre la décision du 8 octobre 1996. Cette convention, qui touchait directement les intérêts de l'intimé, avait été valablement communiquée à celui-ci, lequel n'avait pas usé de la possibilité qu'il avait de contester cette transaction. Au contraire, il l'avait acceptée sans réserve et, ainsi, sa compétence qui en découlait. Jusqu'à la décision litigieuse, il avait toujours accepté de prendre en charge chacun des fauteuils roulants et leurs adaptations dont la recourante avait besoin, et ce sans aucune réserve. Par la décision querellée, l'intimé contestait pour la première fois la transaction du 19 janvier 1998, ce qui violait la sécurité juridique et le principe de confiance.

b. Par réponse du 27 février 2024, l'intimé a conclu au rejet du recours. Il réitérait les griefs allégués à l'appui de la décision querellée et estimait que les éléments apportés par la recourante ne lui permettaient pas de faire une appréciation différente du cas.

c. Par réplique et duplique des 19 mars et 8 avril 2024, les parties ont chacune persisté dans leurs conclusions respectives.

d. Par ordonnance du 17 septembre 2024, la chambre de céans a appelé en cause l'assureur-accidents.

e. Le 16 décembre 2024, l'assureur-accidents a expliqué qu'une décision, entrée en force, avait exclu la couverture accident en faveur de la recourante, de sorte qu'il n'était pas compétent pour l'attribution du moyen auxiliaire demandé ou d'autres prestations découlant de l'assurance-accidents. Contrairement à ce qui était soutenu par l'intimé, il ne suffisait pas qu'un accident ait lieu pour que la compétence de l'assurance-accidents soit obligatoirement donnée. La compétence de l'assurance-accidents n'était en l'occurrence pas établie de manière contraignante, au vu de la décision définitive concernant le refus de couverture accident. En outre, eu égard à la conclusion de la transaction, les coûts survenus postérieurement à la convention du 19 janvier 1998 ne pouvaient lui être imputés, ceux-ci ne pouvant être couverts par ladite convention. En tout état de cause, l'assurance-invalidité était tenue d'avancer les prestations pour les moyens auxiliaires dont la prise en charge par celle-ci ou l'assurance-accidents était contestée.

f. Ce pli a été transmis aux parties, qui ont maintenu leur position respective.

g. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Le délai de recours est de 30 jours (art. 60 LPGA, applicable par le renvoi de l'art. 1 al. 1 LAI ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]). La décision qui n'est remise que contre la signature du destinataire ou d'un tiers habilité est réputée reçue au plus tard sept jours après la première tentative infructueuse de distribution (art. 38 al. 2bis LPGA et 62 al. 4 LPA).

Lorsque le dernier jour du délai tombe un samedi, un dimanche ou sur un jour légalement férié, le délai expire le premier jour utile (art. 38 al. 3 LPGA et 17 al. 3 LPA) et les délais en jours ou en mois fixés par la loi ou l’autorité ne courent pas du 18 décembre au 2 janvier inclusivement (art. 38 al. 4 let. c LPGA et art. 89C let. c LPA).

En l'espèce, selon les informations d'acheminement de la Poste Suisse, la décision litigieuse a fait l'objet d'un avis de retrait qui a été communiqué à la recourante le 15 novembre 2023. Cette décision est réputée avoir été notifiée le dernier jour du délai de garde de sept jours, soit le 22 novembre 2023. Le délai de recours a ainsi expiré le 8 janvier 2024, compte tenu de la suspension des délais pendant la période du 18 décembre au 2 janvier inclusivement et du report au lundi 8 janvier 2024 de l'échéance du délai tombée sur le dimanche 7 janvier 2024. Le recours, posté le 8 janvier 2024, a donc été formé en temps utile.

Par ailleurs, l'acte de recours satisfait aux exigences de forme et de contenu prescrites par la loi (art. 61 let. b LPGA).

Le recours est partant recevable.

2.             Le litige porte sur le bien-fondé de la décision du 13 novembre 2023 de l'intimé, refusant de prendre en charge les frais de remplacement du fauteuil roulant manuel de la recourante, motif pris que cette obligation incomberait à l'assurance-accidents obligatoire.

3.              

3.1 Selon l'art. 65 LPGA, les autres prestations en nature telles que les moyens auxiliaires ou les mesures de réadaptation sont, dans les limites de la loi spéciale concernée et dans l’ordre ci-après, prises en charge par : l’assurance militaire ou l’assurance-accidents (let. a) ; l’AVS ou l’AI (let. b) ; l’assurance-maladie (let. c).

Selon l'art. 11 al. 1 de la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20), l’assuré a droit aux moyens auxiliaires destinés à compenser un dommage corporel ou la perte d’une fonction. Le Conseil fédéral établit la liste de ces moyens auxiliaires.

À l'art. 19 de l'ordonnance sur l'assurance-accidents, du 20 décembre 1982 (OLAA - RS 832.202), le Conseil fédéral a délégué au Département fédéral de l’intérieur (DFI) la compétence de dresser la liste des moyens auxiliaires et d'édicter des dispositions sur la remise de ceux-ci.

Selon l'art. 1 al. 3 de l'ordonnance du DFI sur la remise de moyens auxiliaires par l'assurance-accidents, du 18 octobre 1984 (OMAA - RS 832.205.12), lorsque l’assurance-accidents est tenue de fournir un moyen auxiliaire, tout droit analogue envers l’assurance-invalidité est exclu.

Selon l'art. 21 al. 2 LAI, l’assuré qui, par suite de son invalidité, a besoin d’appareils coûteux pour se déplacer, établir des contacts avec son entourage ou développer son autonomie personnelle, a droit, sans égard à sa capacité de gain, à de tels moyens auxiliaires conformément à une liste qu’établira le Conseil fédéral.

Les fauteuils roulants sont prévus à la fois par l'assurance-accidents (cf. ch. 9 de la liste des moyens auxiliaires de l'OMAA) et par l'assurance-invalidité (cf. ch. 9 de la liste des moyens auxiliaires de l'ordonnance du DFI concernant la remise de moyens auxiliaires par l'assurance-invalidité, du 29 novembre 1976 [OMAI - RS 831.232.51] édictée en application des art. 14 et 14bis du règlement sur l'assurance-invalidité, du 17 janvier 1961 [RAI - RS 831.201]).

Lorsque les conditions d'application d'un régime d'assurance sociale prioritaire ne sont pas remplies, il incombera à l'assurance sociale qui occupe le rang suivant dans l'ordre des priorités d'examiner si ses propres conditions d'assurance sont remplies, sans qu'elle puisse se retrancher derrière l'ordre de priorité légal (Ghislaine FRÉSARD-FELLAY / Jean-Maurice FRÉSARD, in Commentaire romand de la LPGA, 2018 n. 10 ad art. 65 LPGA).

3.2 L'art. 50 LPGA, entré en vigueur le 1er janvier 2003, soit postérieurement aux faits déterminants en l'occurrence, prévoit les modalités de règlement par transaction des litiges portant sur des prestations des assurances sociales. Toutefois, cette disposition légale découle de la jurisprudence rendue par le Tribunal fédéral des assurances avant son entrée en vigueur (arrêt du Tribunal fédéral 8C_625/2008 du 26 février 2009 consid. 2.2).

La transaction est conclue par échange de volontés concordantes entre l’assureur et la personne assurée. La jurisprudence a précisé que l'administration est liée aux principes de la légalité et de l'égalité de traitement (ATF 140 V 108 consid. 5.3.3) et ne peut pas conclure des transactions contraires au droit (arrêt du Tribunal fédéral 9C_662/2010 du 19 octobre 2010 consid. 2.2).

La transaction doit être confirmée par voie de décision afin de donner à l'assuré le temps de la réflexion. Après l'écoulement du délai de recours, l'administration sait ainsi si elle peut s'en tenir à la solution convenue ou si un juge doit statuer sur la cause (ATF 104 V 162 consid. 1).

3.3 Aux termes de l'art. 129 al. 1 aOLAA, dans sa teneur en vigueur du 1er janvier 1996 au 31 décembre 2022, lorsqu'un assureur-maladie ou une autre assurance sociale prend une décision touchant à l'obligation de l'autre assureur d'allouer des prestations, cette décision doit également être notifiée à cet autre assureur. Ce dernier dispose des mêmes voies de droit que l'assuré.

Selon la ratio legis de l'art. 129 aOLAA, cette disposition réglementaire s'applique en cas de procédure négative, lorsque la décision ressortissant au domaine d'une autre assurance sociale touche l'obligation de l'autre assureur d'allouer des prestations. Ainsi, lorsque l'assureur-accidents refuse d'allouer des prestations ou met fin à celles-ci (arrêt du Tribunal fédéral I.564/02 du 13 janvier 2004 consid. 4.2).

Conformément à la jurisprudence relative à l'art. 129 aOLAA, l'assureur-accidents a une obligation générale de notifier sa décision à l'ensemble des autres assurances sociales touchées dans leur obligation d'allouer des prestations (ATF 129 V 75 consid. 4.2.1).

3.4 La notification irrégulière d'une décision ne doit entraîner aucun préjudice pour les parties. Cependant, la jurisprudence n'attache pas nécessairement la nullité à l'existence de vices dans la notification ; la protection des parties est suffisamment garantie lorsque la notification irrégulière atteint son but malgré cette irrégularité. Il y a lieu d'examiner, d'après les circonstances du cas concret, si la partie intéressée a réellement été induite en erreur par l'irrégularité de la notification et a, de ce fait, subi un préjudice. Il convient à cet égard de s'en tenir aux règles de la bonne foi qui imposent une limite à l'invocation du vice de forme ; ainsi l'intéressé doit agir dans un délai raisonnable dès qu'il a connaissance, de quelque manière que ce soit, de la décision qu'il entend contester (ATF 122 I 97 consid. 3a/aa p. 99 ; 111 V 149 consid. 4c p. 150 et les références ; RAMA 1997 n° U 288 p. 444 s. consid. 2b/bb). Cela signifie notamment qu'une décision, fût-elle notifiée de manière irrégulière, peut entrer en force si elle n'est pas déférée au juge dans un délai raisonnable (SJ 2000 I p. 118).

3.5 D'après l'art. 65 aOLAA, en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, l'assuré ou ses survivants peuvent renoncer par écrit à des prestations d'assurance ; lorsque la renonciation répond à un intérêt digne d'être protégé de l'assuré ou de ses survivants, l'assureur la confirme par une décision. Le Tribunal fédéral des assurances a considéré que cette disposition réglementaire s'appliquait par analogie aux autres branches des assurances sociales qui ne connaissent pas de norme comparable (ATF 124 V 178 consid. 3c). Pour savoir si un assuré a un intérêt digne d'être protégé à la renonciation, l'assureur doit procéder à une pesée des intérêts en examinant la situation personnelle de l'intéressé et les motifs invoqués à l'appui de sa renonciation (arrêt du Tribunal fédéral U.133/05 du 14 juillet 2006 consid. 4.2.1).

3.6 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; 126 V 353 consid. 5b ; 125 V 193 consid. 2 et les références). Il n’existe pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

4.              

4.1 En l'espèce, l'assureur-accidents et la recourante semblent avoir conclu la convention de règlement du 19 janvier 1998 dans un contexte d'incertitude sur la couverture d'assurance obligatoire LAA auprès du premier. Cette transaction était consécutive à l'opposition de la recourante à la décision de l'assureur-accidents du 8 octobre 1996, refusant le droit de celle-ci aux prestations d'assurance.

Dans cette décision, était litigieuse la question de savoir si entre « C______ » et la recourante, il existait au moment de l'accident, respectivement dans les 30 jours qui l'avaient précédé, un rapport de travail avec un horaire de plus de douze heures hebdomadaires (art. 3 al. 2 aLAA et 13 aOLAA). À cet égard, l'assureur-accidents constatait qu'il n'existait aucun contrat écrit de travail et aucune fiche de salaire comme preuve de l'existence d'un rapport de travail. L'assureur-accidents relevait que selon le jugement du 10 août 1995 prononcé par défaut par la juridiction des Prud'hommes, les témoins entendus près de six ans après les faits avaient affirmé avoir travaillé avec la recourante à l'époque de l'accident, sans toutefois pouvoir préciser quand et dans laquelle des boutiques exploitées par l'employeuse. L'assureur-accidents considérait que l'écoulement du temps imposait de donner à ces déclarations une valeur pondérée, d'autant plus que l'ex-mari de la recourante, qui à l'époque partageait le domicile de celle-ci, n'était plus en mesure d'indiquer à quelle date exactement ou approximativement avaient pris fin les relations de travail entre son ex-femme et « C______ ». L'assureur-accidents ajoutait que d'après la lettre de l'employeuse au Contrôle des habitants, ses explications à l'inspecteur des sinistres de la Caisse supplétive et ensuite à son inspecteur des sinistres, dès 1988, soit antérieurement à l'accident du 5 octobre 1989, la recourante ne faisait plus partie du personnel de « C______ ». L'assureur-accidents en concluait qu'il n'était pas établi, au degré de la vraisemblance prépondérante, qu'il existait, à l'époque de l'accident, un rapport de travail entre cette boutique et la recourante. La couverture d'assurance selon la LAA conclue par l'employeuse pour le personnel de son commerce « C______ » n'était ainsi par reconnue pour les suites de l'événement dont avait été victime la recourante.

Subsidiairement, l'assureur-accidents relevait qu'il resterait à établir le nombre d'heures de travail hebdomadaire accompli par la recourante, dans la mesure où l'événement du 5 octobre 1989 était un accident non professionnel. À cet égard, les preuves n'avaient pas pu être réunies en ce qui concernait le salaire et son montant. La Caisse supplétive avait été saisie d'une demande le 21 juin 1994, alors que l'accident était survenu le 5 octobre 1989. Le temps écoulé entre ces deux dates rendait aléatoire l'instruction du dossier.

La couverture d'assurance obligatoire selon la LAA étant régie par des règles légales strictes, l'assureur-accidents ne disposait d'aucun pouvoir d'appréciation à cet égard. Il est donc contradictoire, d'une part, de procéder au versement d'un montant de CHF 260'000.- en faveur de la recourante - tenant compte d'une indemnité au titre de l'atteinte à l'intégrité physique, d'une rente d'invalidité capitalisée, d'indemnités journalières et de frais médicaux -, et d'autre part, de conclure, à la suite du retrait de l'opposition de la recourante à la décision du 8 octobre 1996, à l'absence de couverture d'assurance obligatoire LAA. On peut donc se demander si l'assureur-accidents a accordé un avantage à bien plaire à la recourante, ce qui contrevient au principe de la légalité.

Cela étant, la recourante, assistée d'un avocat lors de la signature de ladite convention de règlement, n'a pas remis en cause cette transaction dans le cadre d'une procédure de recours. Cette transaction, à la suite de l'opposition de la recourante à la décision précitée, n'a en effet pas fait l'objet d'une décision formelle subséquente mentionnant les voies de droit. Toutefois, la recourante, représentée, n'a pas requis qu'une décision en bonne et due forme soit rendue et s'est satisfaite de cette convention. Il n'y a donc pas lieu de remettre en cause la validité de cette convention. Par ailleurs, même si ladite convention n'a pas été reprise dans une décision, l'assureur-accidents n'est pas non plus revenu sur le contenu de cette transaction par révision procédurale ou reconsidération (cf. ATAS/1259/2011 du 22 décembre 2011 consid. 10a).

La recourante ne s'est donc pas prévalue de vices dans la formation de sa volonté, et elle a retiré son opposition à la décision du 8 octobre 1996, ce qui a eu pour conséquence l'entrée en force de cette décision, c'est-à-dire l'absence de couverture d'assurance obligatoire auprès de l'assureur-accidents. Vu le caractère définitif du retrait de l'opposition, la chambre de céans n'a pas à examiner la validité de cette décision.

De son côté, l'intimé (assurance-invalidité) est également touché par cette décision, puisqu'il pourrait être tenu de prendre en charge le moyen auxiliaire litigieux (fauteuil roulant manuel ; cf. art. 1 al. 3 OMAA a contrario ; art. 65 let. b LPGA).

Cela dit, le 14 mars 1997, l'intimé a pris connaissance de cette décision ainsi que de l'opposition formée à son encontre. Le 27 février 1998, l'assureur-accidents a fait savoir à l'intimé qu'une décision sur opposition n'avait pas été rendue dans ce dossier en raison de la conclusion de la transaction, dont il a joint une copie. Or, depuis lors, l'intimé n'a jamais contesté cette décision, par voie de l'opposition auprès de l'assureur-accidents, puis par la voie d'un recours. La voie du contentieux n'étant plus ouverte, la décision du 8 octobre 1996 est également entrée en force à l'égard de l'intimé.

À toutes fins utiles, on ne saurait considérer que la recourante a renoncé au fauteuil roulant manuel de la part de l'assureur-accidents. En effet, la renonciation présuppose, à l'évidence, que la prestation en cause était due, ce qui n'est pas le cas en l'occurrence, du moment que l'assureur-accidents a nié, de manière définitive, son obligation de couverture LAA à l'égard de la recourante.

4.2 En définitive, le moyen auxiliaire litigieux ne pouvant pas être à la charge de l'assureur-accidents, il appartient à l'intimé (art. 65 let. b LPGA) d'examiner si les conditions matérielles du droit à cette prestation sont remplies.

5.             Au vu de ce qui précède, le recours est partiellement admis, la décision litigieuse annulée et la cause renvoyée à l'intimé pour nouvelle décision au sens des considérants.

La recourante, qui obtient partiellement gain de cause et est assistée d’une avocate, a droit à des dépens, fixés en l'espèce à CHF 2'000.- (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI).

 

 

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet partiellement.

3.        Annule la décision du 13 novembre 2023.

4.        Renvoie la cause à l'intimé pour nouvelle décision au sens des considérants.

5.        Alloue à la recourante une indemnité de CHF 2'000.- à titre de dépens, à la charge de l'intimé.

6.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l'intimé.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Julia BARRY

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le