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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4203/2022

ATAS/295/2025 du 16.04.2025 ( LAA ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4203/2022 ATAS/295/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 16 avril 2025

Chambre 4

 

En la cause

 

A______

représenté par ASSUAS Association suisse des assurés, mandataire

 

recourant

contre

 

SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant) est né le ______ 1963, divorcé et père d’un enfant.

b. Il a été engagé dès le 4 juin 2018 comme manœuvre-ferrailleur par B______ (ci-après : l’employeuse) et était, à ce titre, assuré auprès de la SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D’ASSURANCE EN CAS D’ACCIDENTS (ci‑après : la SUVA ou l’intimée).

B. a. Le 23 septembre 2021, l’assuré a glissé et est tombé sur l’épaule droite et le dos entre des barres de fer posées au sol et a subi des contusions à l’épaule et au dos sur le côté droit, à teneur de la déclaration de sinistre adressée par son employeuse à la SUVA.

b. L’assuré est rendu le même jour à la Clinique C______ et il a été mis en arrêt de travail jusqu’au 1er octobre 2021.

c. Le 29 septembre 2021, le docteur D______, spécialiste FMH en médecine interne générale, a établi un arrêt de travail pour l’assuré du 1er au 10 octobre 2021.

d. Le 7 octobre 2021, la SUVA a informé l’assuré qu’elle lui versait les prestations d’assurance pour les suites de son accident du 23 septembre 2021 et qu’il avait droit à une indemnité journalière dès le 26 septembre 2021.

e. Selon un rapport faisant suite à une échographie de l’épaule droite de l’assuré du 9 novembre 2021, le docteur E______, spécialiste FMH en radiologie, a conclu à une tendinopathie microcalcifiante du sus-épineux. Sur ce même tendon, l’image était compatible avec une fissuration au moins partielle de l’enthèse sur la grande tubérosité humérale.

f. Le 1er février 2022, le Dr D______ a informé la SUVA que l’assuré l’avait consulté après avoir fait une chute de sa hauteur le 23 septembre 2021, avec réception sur le côté droit. Il avait mal à son épaule droite avec des douleurs au genou droit. Les radios simples n’avaient pas mis en évidence de fracture, mais l’examen clinique avait démontré un traumatisme de l’épaule droite.

g. Dans un rapport du 4 février 2022, le docteur F______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, a indiqué que l’assuré était tombé en arrière en portant une lourde charge sur son épaule droite. Il avait ressenti des douleurs immédiates motivant une consultation en urgence. L’examen clinique mettait en évidence ce qui semblait être une souffrance de l’espace sous-acromial avec une faiblesse au testing du sus-épineux et du sub-scapularis ainsi qu’une irritation du tendon du long chef du biceps. Suspectant quand même une lésion transfixiante de cette coiffe, il avait demandé une arthro-IRM.

h. Le 12 février 2022, le docteur F______, spécialiste FMH en radiologie, a indiqué, suite à une arthro-IRM de l’épaule droite de l’assuré, qu’il y avait une large rupture transfixiante distale du tendon supra-épineux étendue au tendon infra-épineux antérieur, avec une légère rétraction du moignon tendineux (nettement aminci à son extrémité latérale), associée à une discrète amyotrophie de leur corps musculaire et à des insertions profondes du tendon sus-scapulaire prédominant sur ses fibres supérieures. Le tendon du long chef du long biceps était subluxé médialement. Une enthésopathie sous-acromiale et de l’os acromial avait pu entraîner un conflit sous-acromial. Il y avait une discrète chondropathie gléno-humérale et une petite arthrose acromio-claviculaire.

i. Dans un rapport du 22 février 2022, le docteur H______, spécialiste FMH en médecine interne générale, a indiqué que les premiers soins avaient été donnés à l’assuré le 23 septembre 2021. Celui-ci avait chuté de sa hauteur avec réception sur le côté droit et souffrait d’une douleur à l’épaule droite irradiant dans le biceps et d’une douleur lombaire droite irradiant dans les deux jambes par derrière jusqu’aux pieds. Sous constatations objectives, le médecin indiquait une douleur « percussion » des vertèbres dorsales en D10 et une douleur paralombaire et paradorsale droite, précisant qu’en fait, ce n’était pas à l’épaule mais sous l’omoplate droite, irradiant sous l’aisselle et sous le bras. Le diagnostic était une contusion dorsolombaire.

j. Dans une appréciation du 25 avril 2022, la docteure I______, médecin praticien et médecin d’arrondissement de la SUVA, a indiqué que l’assuré présentait des lésions préexistantes à l’événement du 23 septembre 2021 de nature dégénérative. Cet accident n’avait pas entraîné des lésions structurelles, tout au plus une contusion de l’épaule, qui avait décompensé de manière passagère un état antérieur.

Selon le guide de réinsertion de l’assurance-accidents obligatoire LAA (ASA), version 1.0, année 2010, une contusion bégnine de l’omoplate / de l’épaule guérissait en une à six semaines pour les formes graves. Par conséquent, l’événement du 23 septembre 2021 avait totalement cessé de déployer tous ses effets au plus tard le 4 novembre 2021.

k. Le Dr F______ a demandé le 16 mai 2022 au service orthopédique des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), l’hospitalisation de l’assuré pour une arthroscopie / suture de la coiffe de l’épaule droite ainsi qu’une ténotomie et une ténodèse du biceps.

l. Par décision du 27 mai 2022, la SUVA a clos le cas de l’assuré au 5 juin 2022 et mis fin aux prestations d’assurance à cette date (indemnité journalière et frais de traitement), au motif que ses troubles persistant au niveau de l’épaule droite n’avaient plus de lien avec l’accident et que l’état de santé antérieur à l’accident était considéré comme rétabli depuis le 4 novembre 2021 au plus tard.

m. Le 3 juin 2022, l’assuré a formé opposition à cette décision, faisant valoir que son traitement n’était pas fini et qu’il était dans l’attente d’une opération qui devrait avoir lieu dans le courant du mois de juillet 2022.

n. Le 20 octobre 2022, l’assuré, assisté de ASSUAS (Association suisse des assurés), a fait valoir que les conclusions de la Dre I______ étaient remises en doute par ses médecins traitants et qu’il existait un lien de causalité entre l’accident du 23 septembre 2021 et son état de santé actuel.

o. Dans un rapport du 2 novembre 2022, la Dre I______ a persisté dans ses conclusions, relevant que le médecin qui avait vu initialement l’assuré avait écarté toute atteinte de l’épaule sur la base de l’anamnèse et de l’examen clinique. Référence faite à la littérature médicale, elle estimait que le mécanisme de la chute n’était pas à même d’avoir entraîné des lésions structurelles et qu’il correspondait clairement à l’hypothèse d’une atteinte dégénérative.

p. Par décision sur opposition du 10 novembre 2022, la SUVA a rejeté l’opposition de l’assuré, sur la base de l’appréciation de la Dre I______, qui selon elle devait se voir reconnaître une pleine valeur probante et qui n’était pas remise en doute, ne serait-ce que d’une manière légère, par les autres avis médicaux au dossier.

C. a. Le 12 décembre 2022, l’assuré a formé recours contre la décision sur opposition précitée auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, concluant à son annulation et à ce qu’il soit admis qu’il y avait un rapport de causalité naturelle entre son atteinte à la santé et l’accident du 23 septembre 2021 et qu’il avait droit aux prestations de la SUVA au-delà du 5 juin 2022, avec suite de frais et dépens.

b. Le 8 février 2023, la SUVA a conclu au rejet du recours.

c. Le 20 mars 2023, le recourant a produit un rapport établi le 17 mars 2023 par le Dr F______, selon lequel il était tout à fait envisageable que la chute – soit une contrainte mécanique violente lors de l’événement du 23 septembre 2021 avec retenue du corps par le recourant avec son membre supérieur droit –, ait provoqué une rupture subtotale des deux tendons, comme cela était décrit sur l’IRM du 10 février 2022. S’il était certain qu’il y avait des lésions dégénératives au niveau de l’épaule droite de l’assuré, qui était âgé de 58 ans à l’époque, rien ne permettait de confirmer d’une manière irrévocable que cette lésion du sus et du sous-épineux était présente comme décrite sur l’arthro-IRM avant l’accident. La situation semblait se péjorer. Si l’on voulait établir une relation avec une probabilité de plus de 50% entre la lésion décrite au niveau du sus et du sous-épineux et l’événement du 23 septembre 2021, il fallait analyser en détail le mécanisme de la chute et de l’accident. Un choc de l’épaule contre le sol ou contre une barrière n’était que très rarement à l’origine d’une vraie rupture transfixiante de la coiffe. Si le recourant s’était appuyé sur son bras droit afin d’amortir la chute, ce mécanisme pouvait clairement être à l’origine d’une rupture des tendons.

d. Le 29 mars 2023, l’intimée a relevé que le recourant n’avait jamais indiqué s’être appuyé sur son bras droit afin d’amortir sa chute. Le déroulé des événements tel que décrit par les pièces du dossier allait dans le sens d’un choc de l’épaule, ce que le Dr F______ admettait comme rarement à l’origine d’une rupture transfixiante de la coiffe. Il rejoignait dès lors l’avis de la Dre I______, qui considérait que le mécanisme de la chute ne pouvait vraisemblablement pas avoir occasionné une lésion structurelle, mais uniquement une contusion de l’épaule qui avait décompensé de manière passagère un état antérieur.

Cela étant, dans sa jurisprudence récente, le Tribunal fédéral avait souligné qu’il n’y avait pas lieu de donner une trop grande importance aux critères du mécanisme accidentel pour l’examen du lien de causalité, eu égard aux difficultés à reconstituer avec précision le déroulement de l’accident sur la base des déclarations de la victime. Il convenait bien plutôt, sous l’angle médical, de mettre en présence et de pondérer entre eux les différents critères pertinents plaidant en faveur ou en défaveur du caractère traumatique de la lésion, de manière à déterminer l’état de fait présentant une vraisemblance prépondérante (arrêt du Tribunal fédéral 8C_445/2021 du 14 janvier 2022 consid. 4.3). Ces critères correspondaient en substance à la grille d’analyse figurant dans une publication de 2021, qui était à la base des conclusions de la Dre I______. En conclusion, l’intimée persistait dans sa position.

e. Dans un rapport du 30 mars 2023, le Dr D______ a indiqué au conseil du recourant que ce dernier était tombé de sa hauteur sur le côté droit en portant un cadre de fenêtre sur son épaule droite. Il s’était appuyé sur sa main droite pour éviter de tomber. Il avait ressenti des fortes douleurs dans son bras et son épaule droits avec une douleur dans sa colonne vertébrale lombaire suite à la chute. Une RX simple de sa colonne lombaire avait exclu une lésion osseuse fracturaire. L’échographie de l’épaule droite montrait une tendinopathie microcalcifiante du sus-épineux avec une fissuration partielle à l’enthèse sur la grande tubérosité humérale. L’arthro-IRM de l’épaule droite faite par le Dr F______ avait surtout décrit une rupture du tendon supra-épineux. Il était évident qu’on ne pouvait pas confirmer que cette rupture était en relation avec la chute de l’assuré, car celui-ci était un travailleur de force, qui portait des poids lourds pour son travail.

f. Le 4 avril 2023, le recourant a fait valoir qu’il avait subi une rupture des tendons supra-épineux et qu’il était établi par le Dr D______ qu’il s’était appuyé sur son bras droit afin d’amortir sa chute, ce qui, selon le rapport médical du 17 mars 2023 du Dr F______, permettait d’établir avec une probabilité de plus de 50% que l’événement du 23 septembre 2021 était à l’origine de la rupture des tendons supra-épineux.

g. Le 4 mai 2023, l’intimée a fait valoir que le recourant et ses médecins traitants procédaient à une nouvelle description des circonstances de l’événement du 23 septembre 2021, laquelle tendait plutôt à décrédibiliser les dires du Dr D______ qui, quelques mois plus tôt, avait évoqué une chute du recourant de sa hauteur avec réception sur le côté droit. Face à deux versions des faits contradictoires, il fallait se référer aux événements tels que décrits jusqu’à ce que la décision sur opposition soit rendue, soit avant que le recourant et ses médecins ne soient conscients des implications assécurologiques (ATF 121 V 45 consid. 2a p. 47 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_752/2016 du 3 février 2017 consid. 5.2.2).

Force était de constater que le raisonnement et les explications de la médecin d’assurance n’étaient pas mis en doute par les autres pièces du dossier.

De plus, les Drs F______ et D______ ne se risquaient pas à affirmer que l’événement du 23 septembre 2021 serait encore à l’origine des troubles présentés par le recourant au 5 juin 2022, date du statu quo retenu par la SUVA.

h. Le 1er juin 2023, le recourant, sur la base d’un article de littérature médicale, a fait valoir que le fait de tenter de se rattraper à l’aide de la main faisait naturellement partie du mécanisme d’une chute.

i. Le 13 juin 2023, l’intimée a fait valoir que l’existence d’un réflexe commun ne signifiait pas que l’assuré l’ait eu lors de l’accident en cause. Il était rendu encore moins vraisemblable que c’était les effets de cette atteinte qui se faisaient encore ressentir, dès lors que plusieurs médecins avaient attesté de l’existence d’un important état dégénératif préexistant à l’accident. En l’absence de preuve et de cohérence dans les déclarations du recourant, l’intimée persistait à de référer à la version des événements décrite jusqu’à ce que la décision sur opposition soit rendue.

Si comme le recourant le prétendait, il avait tenté de se rattraper avec sa main droite, il n’aurait pas indiqué qu’il était tombé sur l’épaule droite et le dos, mais qu’il était tombé sur la main droite, l’épaule droite et le dos.

Il aurait par ailleurs eu des atteintes à la main, à tout le moins des douleurs au niveau du poignet, un hématome ou des abrasions, qui auraient été relevées et examinées par le Dr H______ consulté directement après l’accident, ce qui n’avait pas été le cas. Ces éléments allaient plutôt dans le sens de l’état de fait retenu par l’intimée, à savoir une chute sur le dos et l’épaule droite.

Quoi qu’il en soit, la mécanique accidentelle n’était pas le seul élément pris en compte par la médecin d’assurance pour l’examen du lien de causalité. La Dre I______ avait constaté la présence de nombreux éléments typiquement dégénératifs à l’imagerie médicale ainsi que l’absence de signes directs ou indirects de traumatismes. Dans un tel contexte, le seul fait qu’un mécanisme accidentel avec retenue sur la main droite soit théoriquement susceptible d’occasionner une lésion de la coiffe des rotateurs – ce qu’attestait en substance le Dr F______ le 17 mars 2023 – ne permettait pas de mettre en doute les conclusions de la Dre I______.

j. Le 4 octobre 2023, le recourant, assisté d’une interprète, a été entendu par la chambre de céans.

k. Le 11 octobre 2023, l’intimée a persisté dans ses conclusions, sur la base d’un rapport établi le 10 octobre 2023 par la Dre I______.

l. Le recourant a également persisté dans ses conclusions.

m. Par ordonnance du 1er juillet 2024 (ATAS/549/2024), la chambre de céans a ordonné une expertise qu’elle a confiée au professeur J______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur.

n. Dans son rapport du 7 octobre 2024, le Prof. J______ a conclu, s’agissant de la causalité, que la déchirure partielle du sous-scapulaire et la luxation hors de la gouttière du long chef du biceps étaient en rapport de causalité directe certaine avec la chute du recourant du 23 septembre 2021. En effet, une chute de sa hauteur, main en avant, était admise dans la littérature comme étant un événement causal d’une déchirure du sous-scapulaire. Une telle déchirure entraînait une luxation du tendon du long chef du biceps hors de la gouttière, car les expansions tendineuses du sous-scapulaire constituaient le toit fibreux de la gouttière. Celui-ci maintenait le tendon du long chef du biceps en place. Une déchirure de ce toit permettait au tendon du long chef de se luxer hors de la gouttière bicipitale de l’humérus proximal. De plus, la déstabilisation de l’os acromial, source de douleur selon la littérature et l’expérience clinique, était probablement en rapport avec cette chute. Cependant, l’arthrose glénohumérale débutante, l’arthrose acromioclaviculaire, la déchirure du sus-épineux et l’amyotrophie musculaire n’étaient pas en rapport direct avec la chute, laquelle n’avait fait qu’aggraver une situation précaire mais asymptomatique.

Avant l’accident, l’expertisé travaillait sur un chantier et portait et manipulait de la ferraille industrielle. Après l’accident, il se retrouvait dans l’impossibilité de faire ce travail en raison de douleurs persistantes et d’une impotence fonctionnelle. Les suites de cet accident avaient nécessité une intervention lourde consistant à la mise en place d’une prothèse inversée aux HUG le 20 novembre 2023. Selon l’intimée, le statu quo aurait dû être atteint six semaines après l’accident. Cependant, la chute avait provoqué non seulement une contusion sur une articulation préalablement lourdement prétéritée mais asymptomatique, mais elle avait également aggravé la situation en causant une déchirure partielle du sous-scapulaire, une luxation hors de la gouttière du long chef du biceps et une probable déstabilisation d’un os acromial. Il n’était ainsi pas possible de répondre à la question de la date du statu quo ante.

L’accident avait décompensé un état maladif préexistant et entraîné plus qu’une contusion, mais encore une déchirure tendineuse partielle avec luxation du biceps hors de sa gouttière qui avait déstabilisé un os acromial déjà instable avant l’accident. D’après l’imagerie par résonance magnétique (IRM), 4% des personnes âgées de moins de 40 ans pouvaient présenter une déchirure asymptomatique de la coiffe des rotateurs (partielle ou totale). Ce chiffre passait à 50% chez les personnes de plus de 60 ans. Bien que ces déchirures soient perçues comme asymptomatiques, la littérature avait montré que la douleur se développait généralement dans les cinq ans chez environ la moitié de ces personnes. En l’occurrence, le cours ordinaire des lésions de la coiffe des rotateurs accompagnées d’arthrose glénohumérale et acromioclaviculaire que présentait le recourant allaient surgir après un certain délai même sans accident. Dans le cas présent, les difficultés seraient survenues dans les trois ans qui avaient suivi l’accident. En effet, lors de l’examen clinique, l’expertisé présentait à l’examen clinique des douleurs lombaires avec raideur et contractures paralombaires et l’épaule gauche présentait également des signes de faiblesse avec une force mesurée diminuée et des tests de coiffe positifs mettant en lumière un état dégénératif évoluant aussi à gauche. Pour ces raisons, le rachis et l’épaule gauche relevant d’un état pathologique dégénératif évolutif du système ostéoarticulaire de l’expertisé, une incapacité de travail serait survenue dans les trois ans même en l’absence d’accident au vu de son état actuel pour l’épaule gauche et le rachis lombaire.

La capacité de travail était nulle depuis le 23 septembre 2021 tant dans l’activité habituelle de ferrailleur que dans une activité adaptée, car les limitations fonctionnelles étaient trop importantes pour une activité lucrative dans une activité adaptée réaliste.

L’assuré avait été opéré le 20 novembre 2023 et la physiothérapie était nécessaire pour récupérer l’épaule droite. Une année après l’intervention, on pouvait affirmer que l’état final était atteint.

Selon la table 1 de la SUVA, l’atteinte à l’intégrité était de 10% (atteinte fonctionnelle des membres supérieurs : périarthrite scapulohumérale). L’expert a commenté les autres avis médicaux du dossier.

o. Le 23 octobre 2024, le recourant a estimé que l’expertise judiciaire pouvait se voir reconnaître une pleine valeur probante. Tant que les suites de l’accident du 23 septembre 2021 constituaient encore une cause, même partielle, d’un traitement médical ou d’une incapacité de travail, l’intimée devait prester. Il persistait en conséquence dans ses conclusions.

p. Le 6 décembre 2024, l’intimée a fait valoir, sur la base d’un rapport établi par le Dr K______ du 22 novembre 2024, que l’expertise judiciaire ne pouvait se voir reconnaître une pleine valeur probante.

q. Le recourant a encore fait des observations le 13 janvier 2025 et conclu que l’intimée n’avait mis en évidence aucun élément objectif remettant en doute les conclusions de l’expert dont l’expertise avait pleine valeur probante.


 

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

2.             Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de l’intimée en tant qu’elle a clos le cas du recourant au 5 juin 2022, considérant que ses troubles persistants au niveau de son épaule droite n’étaient plus en lien de causalité avec l’accident du 23 septembre 2021 et que l’état de santé antérieur à l’accident était rétabli depuis le 4 novembre 2021 au plus tard.

3.              

3.1 Le droit à des prestations découlant d'un accident suppose d'abord, entre l'événement dommageable de caractère accidentel et l'atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette condition est réalisée lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière. Il n'est pas nécessaire que l'accident soit la cause unique ou immédiate de l'atteinte à la santé : il suffit qu'associé éventuellement à d'autres facteurs, il ait provoqué l'atteinte à la santé, c'est-à-dire qu'il apparaisse comme la condition sine qua non de cette atteinte (ATF 142 V 435 consid. 1).

Savoir si l'événement assuré et l'atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait, que l'administration ou, le cas échéant, le juge examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d'ordre médical, et qui doit être tranchée en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l'appréciation des preuves dans l'assurance sociale. Ainsi, lorsque l'existence d'un rapport de cause à effet entre l'accident et le dommage paraît possible, mais qu'elle ne peut pas être qualifiée de probable dans le cas particulier, le droit à des prestations fondées sur l'accident assuré doit être nié (ATF 129 V 177 consid. 3.1 ; 119 V 335 consid. 1 ; 118 V 286 consid. 1b et les références).

Le fait que des symptômes douloureux ne se sont manifestés qu'après la survenance d'un accident ne suffit pas à établir un rapport de causalité naturelle avec cet accident (raisonnement post hoc, ergo propter hoc ; ATF 119 V 335 consid. 2b/bb ; RAMA 1999 n. U 341 p. 408, consid. 3b). Il convient en principe d'en rechercher l'étiologie et de vérifier, sur cette base, l'existence du rapport de causalité avec l'événement assuré.

Il n’y avait pas lieu de donner une trop grande importance aux critères du mécanisme accidentel pour l’examen du lien de causalité, eu égard aux difficultés à reconstituer avec précision le déroulement de l’accident sur la base des déclarations de la victime. Il convient bien plutôt, sous l’angle médical, de mettre en présence et de pondérer entre eux les différents critères pertinents plaidant en faveur ou en défaveur du caractère traumatique de la lésion, de manière à déterminer l’état de fait présentant une vraisemblance prépondérante (arrêt du Tribunal fédéral 8C_445/2021 du 14 janvier 2022 consid. 4.3).

3.2 Une fois que le lien de causalité naturelle a été établi au degré de la vraisemblance prépondérante, l’obligation de prester de l’assureur cesse lorsque l'accident ne constitue pas (plus) la cause naturelle et adéquate du dommage, soit lorsque ce dernier résulte exclusivement de causes étrangères à l'accident. Tel est le cas lorsque l'état de santé de l'intéressé est similaire à celui qui existait immédiatement avant l'accident (statu quo ante) ou à celui qui serait survenu tôt ou tard même sans l'accident par suite d'un développement ordinaire (statu quo sine) (RAMA 1994 n. U 206 p. 328 consid. 3b ; RAMA 1992 n. U 142 p. 75 consid. 4b). En principe, on examinera si l’atteinte à la santé est encore imputable à l’accident ou ne l’est plus (statu quo ante ou statu quo sine) selon le critère de la vraisemblance prépondérante, usuel en matière de preuve dans le domaine des assurances sociales (ATF 126 V 360 consid. 5b ; 125 V 195 consid. 2 ; RAMA 2000 n. U 363 p. 46).

3.3 En vertu de l'art. 36 al. 1 LAA, les prestations pour soins, les remboursements de frais ainsi que les indemnités journalières et les allocations pour impotent ne sont pas réduits lorsque l'atteinte à la santé n'est que partiellement imputable à l'accident. Lorsqu'un état maladif préexistant est aggravé ou, de manière générale, apparaît consécutivement à un accident, le devoir de l'assurance-accidents d'allouer des prestations cesse si l'accident ne constitue pas la cause naturelle (et adéquate) du dommage, soit lorsque ce dernier résulte exclusivement de causes étrangères à l'accident. Tel est le cas lorsque l'état de santé de l'intéressé est similaire à celui qui existait immédiatement avant l'accident (statu quo ante) ou à celui qui existerait même sans l'accident par suite d'un développement ordinaire (statu quo sine). A contrario, aussi longtemps que le statu quo sine vel ante n'est pas rétabli, l'assureur-accidents doit prendre à sa charge le traitement de l'état maladif préexistant, dans la mesure où il s'est manifesté à l'occasion de l'accident ou a été aggravé par ce dernier (ATF 146 V 51 consid. 5.1 et les références). En principe, on examinera si l'atteinte à la santé est encore imputable à l'accident ou ne l'est plus (statu quo ante ou statu quo sine) sur le critère de la vraisemblance prépondérante, usuel en matière de preuve dans le domaine des assurances sociales (ATF 129 V 177 consid. 3.1 et les références), étant précisé que le fardeau de la preuve de la disparition du lien de causalité appartient à la partie qui invoque la suppression du droit (ATF 146 V 51 précité consid. 5.1 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_606/2021 du 5 juillet 2022 consid. 3.2).

Dans un arrêt du 7 mai 2020 (8C_481/2019), le Tribunal fédéral a jugé que fixer le délai du retour au statu quo sine en se référant à l'évolution prévisible de l'atteinte à la santé d'une manière abstraite et théorique, ne suffisait pas pour établir - au degré de la vraisemblance prépondérante - l'extinction du lien de causalité avec l'accident en cause, référence faite à son arrêt 8C_473/2017 du 21 février 2018 consid. 5).

3.4 Le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 125 V 351 consid. 3b/aa et les références).

Le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d'un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l'assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l'objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l'égard de l'assuré. Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l'impartialité d'une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Étant donné l'importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l'impartialité de l'expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).

3.5 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références ; cf. 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

En principe, les premières déclarations ou les déclarations de la première heure, doivent se voir reconnaître une force probante plus élevée que les suivantes (cf. ATF 121 V 45 consid. 2a). Toutefois, cela ne constitue pas une règle de droit absolue, faute de quoi elle entrerait en conflit avec le principe de la libre appréciation des preuves (art. 61 let. c LPGA). De telles déclarations sont des hypothèses abstraites dont la teneur dépend notamment du taux de compréhension que peut en avoir l'assuré concerné et de la situation personnelle ou financière de celui-ci qui ne peut être considérée comme figée à l'époque de leur première émission (arrêt du Tribunal fédéral 9C_139/2010 du 29 octobre 2010 consid. 3.2).

Dans le contexte de la suppression du droit à des prestations, la règle selon laquelle le fardeau de la preuve appartient à la partie qui invoque la suppression du droit (RAMA 2000 n. U 363 p. 46), entre seulement en considération s'il n'est pas possible, dans le cadre du principe inquisitoire, d'établir sur la base d'une appréciation des preuves un état de fait qui au degré de vraisemblance prépondérante corresponde à la réalité (ATF 117 V 261 consid. 3b et les références). La preuve de la disparition du lien de causalité naturelle ne doit pas être apportée par la preuve de facteurs étrangers à l'accident. Il est encore moins question d'exiger de l'assureur-accidents la preuve négative, qu'aucune atteinte à la santé ne subsiste plus ou que la personne assurée est dorénavant en parfaite santé. Est seul décisif le point de savoir si les causes accidentelles d'une atteinte à la santé ne jouent plus de rôle et doivent ainsi être considérées comme ayant disparu (arrêt du Tribunal fédéral 8C_441/2017 du 6 juin 2018 consid. 3.3).

4.              

4.1  

4.1.1 En l’espèce, il convient d’examiner en premier lieu la valeur probante de l’expertise judiciaire. Celle-ci répond aux réquisits permettant de lui reconnaître de manière générale une pleine valeur probante. Elle est en effet fondée sur l’ensemble des pièces du dossier, une anamnèse et un examen du recourant, et elle bien motivée, en particulier sur les rapports médicaux pertinents du dossier, avec des références à la littérature médicale. L’expertise n’est pas contestée par le recourant, mais elle l’est par l’intimée sur plusieurs points.

4.1.2 Celle-ci a fait valoir que l’expert s’est fondé sur un état de fait erroné, en retenant que le recourant, déséquilibré, avait lâché le cadre qu’il portait, puis porté son bras droit en avant et qu’il était tombé sur sa main droite, avait roulé par‑dessus et atteint le sol en heurtant son épaule droite.

Dans son ordonnance d’expertise du 1er juillet 2024, la chambre de céans a retenu qu’il n’était pas établi, au degré de la vraisemblance prépondérante, que le recourant s’était retenu avec la main ou le bras droit avant de heurter son épaule. Il convenait de s’en tenir à la première version des faits, à savoir que le recourant était tombé de sa hauteur sur l’épaule et le dos du côté droit.

Cela étant, il n’y a pas lieu, selon le Tribunal fédéral, de donner une trop grande importance aux critères du mécanisme accidentel pour l’examen du lien de causalité, eu égard aux difficultés à reconstituer avec précision le déroulement de l’accident sur la base des déclarations de la victime. Il convient bien plutôt, sous l’angle médical, de mettre en présence et de pondérer entre eux les différents critères pertinents plaidant en faveur ou en défaveur du caractère traumatique de la lésion, de manière à déterminer l’état de fait présentant une vraisemblance prépondérante.

En l’espèce, l’expert judiciaire a motivé la causalité, en tenant compte d’une chute du recourant de sa hauteur, main en avant. Il a procédé à un examen attentif et nuancé de la situation en tenant compte des rapports médicaux au dossier, qu’il a commentés de manière détaillée, et de la littérature médicale.

Il a ainsi motivé son appréciation en précisant que la rupture du sous-scapulaire était admise par les auteurs comme étant le plus souvent associée à un traumatisme, chute sur la main tendue ou épaule en abduction et rotation externe. Les fibres superficielles du sous-scapulaire maintenaient le biceps en place mais si elles venaient à se déchirer, le biceps pouvait sortir de sa gouttière et prendre la corde. Cette subluxation du tendon du long chef du biceps ne survenait pas dans l’immédiat après une rupture partielle du sous-scapulaire, mais s’installait dans les jours ou semaines qui suivaient l’accident initial. Dans le cas du recourant, le biceps était dans sa gouttière lors de l’ultrasonographie du 9 novembre 2021, puis subluxé à l’arthro-IRM du 10 février 2022 quelques semaines plus tard, au même moment où était diagnostiquée la rupture du sous-scapulaire. Finalement, un choc ou une chute sur l’épaule pouvait amener une stabilisation d’un os acromial qui était un défect d’ossification laissant la partie antérieure de l’acromion, ce qui signifiait une fragilisation douleureuse. Certes, cette anomalie développementale préexistait à l’accident, mais on pouvait présumer qu’une chute l’avait déstabilisée. Sans aucun doute, l’accident avait décompensé un état maladif préexistant et avait entraîné non seulement une contusion, mais encore une déchirure tendineuse partielle avec luxation du biceps hors de sa gouttière et déstabilisé un os acromial déjà instable avant l’accident.

S’agissant du déroulement de l’évènement, l’expert a précisé que les personnes ne tombaient pas comme des masses et que les descriptions laconiques trouvées dans le dossier ne rendaient pas compte des détails de la chute. Lors d’une chute, il y avait dans la règle un réflexe protecteur contractant la musculature des membres supérieurs pour atténuer l’impact à la réception du sol (VAN DEN KROONENBERG, BORRELLI). La position du bras écarté était violemment contrariée lors du contact brutal avec le sol et c’était à ce moment qu’une lésion des tendons de la coiffe intervenait, suite à la forte traction sur un tendon dont le muscle était contracté. Il s’agissait-là du mécanisme lésionnel de la déchirure du sous-scapulaire partielle ou totale.

L’expert a ainsi fait, conformément à la jurisprudence, une analyse médicale des critères pertinents plaidant en faveur ou en défaveur du caractère traumatique de la lésion et ses conclusions sont convaincantes.

4.1.3 L’intimée a estimé que l’expert n’était pas convaincant en ce qu’il retenait une capacité de travail nulle, sans expliquer pourquoi une personne privée du seul usage de son épaule droite ne serait pas en mesure de travailler dans une activité adaptée, même de manière limitée.

L’expert a effectivement indiqué que la capacité de travail dans une activité adaptée était nulle, considérant que les limitations fonctionnelles étaient trop importantes pour qu’une activité adaptée réaliste soit possible. Il retenait, comme limitations fonctionnelles pour l’épaule droite du recourant, le port de charge limité à 3 kg, pas de travail avec les mains au-dessus des épaules, pas de gestes répétitifs du membre supérieur droit.

Au vu de ces limitations, qui n’apparaissent pas de nature à empêcher une activité non manuelle, il faut admettre avec l’intimée que la conclusion de l’expert sur la capacité de travail résiduelle n’est pas convaincante. Cela ne remet toutefois pas en cause la validité globale de son expertise, dès lors que l’appréciation de la capacité de travail dans une activité adaptée ne relève pas strictement du domaine médical. En effet, l’expert a procédé à une analyse des possibilités concrètes pour le recourant de trouver un travail, soit « une activité réaliste », alors que selon l’art. 7 LPGA, il y a lieu de fixer l’incapacité de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur un marché du travail équilibré.

4.1.4 La chambre de céans écartera les critiques de l’intimée, reposant sur l’avis du Dr K______ du 22 novembre 2024, qui oppose sa lecture de littérature médicale à celle de l’expert, sans être plus précis que ce dernier sur les passages en cause. L’intimée ne remet ainsi pas suffisamment en cause les conclusions de l’expert, étant relevé que celui-ci a cité quatre pages de références à la littérature, qu’il a manifestement prises en compte pour établir son rapport et qui font partie des connaissances nécessaires à son activité médicale.

4.1.5 L’intimée a fait valoir que l’expertise était contradictoire dans sa réponse à la question 5.2.1, car dans la mesure où il avait conclu que le statu quo sine était survenu dès le 24 septembre 2024, il aurait dû nier toute incapacité de travail par la suite ou, à tout le moins, préciser qu’elle n’était pas en lien avec l’accident en cause.

La chambre de céans retient qu’il faut interpréter les conclusions de l’expert à la lumière du droit applicable. Le fait que l’expert n’ait pas précisé qu’il n’y avait plus d’incapacité de travail à prendre suite au retour au statu quo sine constitue un manque de précision, sans conséquence, et non une contradiction de nature à remettre en cause ses conclusions médicales.

4.1.6 Il faut admettre que l’expert aurait dû poser un diagnostic en lien avec les troubles du rachis dont il a tenu compte pour évaluer les limitations fonctionnelles du recourant. Cela étant, cette omission est également sans conséquence, dès lors que l’expertise a été ordonnée dans le but que l’expert se prononce sur le lien de causalité entre l’atteinte persistant du recourant à l’épaule droite et l’accident du 23 septembre 2021.

4.1.7 L’intimée a fait valoir que l’expert mettait en lien de causalité deux atteintes différentes de l’épaule, la déchirure partielle du sous-scapulaire et la déstabilisation douloureuse d’un os acromial. Or, il était physiquement impossible qu’un accident puisse causer ces deux atteintes car l’atteinte au sous-épineux impliquait une chute vers l’avant avec bras en extension et l’atteinte à l’os acromial impliquait une atteinte directe et importante sur l’acromion, qui était situé sur l’arrière de l’épaule. Pour déstabiliser l’acromion, la chute ne pouvait donc pas avoir lieu vers l’avant mais vers l’arrière.

Ce grief doit être écarté, dès lors que l’expert a précisé, sous l’angle de la causalité, que la déchirure du sus-épineux n’était pas en lien direct avec la chute, contrairement à l’atteinte à l’os acromial qui l’était probablement.

4.1.8 L’intimée a relevé que l’expert avait écarté les déclarations du recourant figurant dans le formulaire du 17 février 2022, au motif qu’il aurait été rempli par une autre personne. Dans la mesure où le recourant avait signé ce document, il endossait la responsabilité de son contenu.

Cette critique du travail de l’expert ne permet pas non plus de remettre en cause son rapport, car il s’agit d’une appréciation subjective des faits, qui n’est pas totalement dénuée de fondement, et non d’une contradiction. Le fait que le recourant ait signé le document n’implique en effet pas qu’il adhérait totalement à son contenu.

4.1.9 Selon l’intimée, l’expert écartait le fait, pourtant incontestable, que les investigations initiales s’étaient centrées sur le dos et pas l’épaule, et il avait écarté du rapport établi par le Dr H______, alors que celui-ci relayait les éléments relevés par la médecin qui avait procédé à la première consultation du recourant après l’accident.

Dans son rapport du 22 février 2022, le Dr H______ a indiqué que les premiers soins avaient été donnés à l’assuré le 23 septembre 2021 et que celui-ci se plaignait de souffrir d’une douleur à l’épaule droite irradiant dans le biceps et d’une douleur lombaire droite irradiant dans les deux jambes par derrière jusqu’aux pieds. Il a précisé sous constatations objectives, qu’au vu des douleurs constatées, ce n’était en fait pas à l’épaule que le recourant avait été atteint mais sous l’omoplate droite, irradiant sous l’aisselle et sous le bras. Le diagnostic était une contusion dorsolombaire.

L’expert judiciaire a relevé dans son rapport que le rapport du Dr H______ était daté de cinq mois après l’évènement, que ce n’était pas celui-ci qui avait examiné l’assuré le jour de l’accident, mais la Dre L______, que le rapport était particulièrement laconique et qu’il se fondait sur un dossier ne contenant que des radiographies de la colonne et un CT lombaire qui ne montraient pas de lésion traumatique. De plus le mot « chute » employé par ce médecin ne signifiait pas absence de geste de protection. L’examen clinique était réduit à sa plus simple expression. D’autre part, s’il était vrai que le Dr D______ n’avait pas demandé immédiatement une radiographie de l’épaule, il avait prescrit des séances de physiothérapie pour des douleurs à l’épaule quelques semaines après l’accident comme cela était recommandé dans le cadre de la bonne pratique, le repos étant le premier traitement. Devant les douleurs persistantes du recourant, il l’avait adressé au Dr F______, qui avait fait faire une arthro-IRM de son épaule douloureuse.

L’expert a motivé de façon convaincante pour quels motifs, il retenait une atteinte à l’épaule droite du recourant en lien de causalité avec l’évènement en cause et en particulier en quoi le rapport établi le 22 février 2022 était peu probant, de sorte que ce grief de l’intimée doit être écarté.

4.1.10 En conclusion, les critiques de l’intimée ne suffisent pas à remettre en cause la valeur probante de l’expertise judiciaire sur le plan strictement médical.

4.2 Dès lors que l’intimée a pris en charge le cas du recourant, elle a admis la causalité naturelle en application de l’art. 36 al. 1 LAA. Lorsqu'un état maladif préexistant est aggravé ou, de manière générale, apparaît consécutivement à un accident, le devoir de l'assurance-accidents d'allouer des prestations cesse si l'accident ne constitue pas la cause naturelle (et adéquate) du dommage, soit lorsque ce dernier résulte exclusivement de causes étrangères à l'accident. Tel est le cas lorsque l'état de santé de l'intéressé est similaire à celui qui existait immédiatement avant l'accident (statu quo ante) ou à celui qui existerait même sans l'accident par suite d'un développement ordinaire (statu quo sine). A contrario, aussi longtemps que le statu quo sine vel ante n'est pas rétabli, l'assureur-accidents doit prendre à sa charge le traitement de l'état maladif préexistant, dans la mesure où il s'est manifesté à l'occasion de l'accident ou a été aggravé par ce dernier (ATF 146 V 51 consid. 5.1 et les références).

En l’occurrence, l’expert a considéré que le statu quo ante n’était pas rétabli et que le statu quo sine pouvait être admis au 21 septembre 2024, soit trois ans après l’accident. Il en résulte que l’intimée doit prendre en charge le cas du recourant jusqu’à cette date

5.             Au vu de ce qui précède, le recours sera admis et la décision du 10 novembre 2022 sera annulée.

Le recourant obtenant gain de cause, une indemnité de CHF 3'000.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

Les frais de l’expertise judiciaire seront laissés à la charge de l’État.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

A la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision sur opposition du 10 novembre 2022.

4.        Dit que l’intimée doit prendre en charge l’atteinte à la santé du recourant à l’épaule droite jusqu’au 21 septembre 2024.

5.        Alloue au recourant, à la charge de l’intimée, une indemnité de CHF 3'000.-.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

 

 

La greffière

 

 

Julia BARRY

 

La présidente

 

 

Catherine TAPPONNIER

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le