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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3123/2024

ATAS/247/2025 du 08.04.2025 ( LAA ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3123/2024 ATAS/247/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 8 avril 2025

Chambre 10

En la cause

A______

représenté par Me Aliénor WINIGER, avocate

 

B______

recourants

 

contre

BALOISE ASSURANCE SA

représentée par Me Michel D'ALESSANDRI, avocat

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. A______ (ci-après : l'assuré), né le ______ 1963, de nationalité canadienne, travaillait en tant qu'infirmier auprès des C______ (ci-après : les C______ ou l'employeur) depuis le 1er avril 1996. À ce titre, il était assuré obligatoirement contre le risque d'accident et de maladie professionnelle par la BALOISE ASSURANCE SA (ci-après : l'assurance).

b. Par déclaration du 8 juin 2020, l'employeur a annoncé l'événement du
11 avril 2020 comme suit : « Covid-19 positif dans le cadre professionnel / En contact avec patients et collaborateurs contaminés / Toux / Douleurs articulaires et musculaires / Essoufflement / Douleurs thoraciques / Perte de goût + odorat / Troubles gastriques / Test : le 11.04.20 / Résultat : le 12.04.20 ». Il y était mentionné que l'assuré avait un taux d'occupation de 100% en qualité d'infirmier responsable, que l'événement était survenu à D______, que le dernier jour de travail était le 9 avril 2020 et qu'il était en incapacité de travail depuis le 11 avril 2020.

B. a. Dans un rapport du 18 juin 2020, la docteure E______, spécialiste FMH en pneumologie, a fait état de symptômes respiratoires résiduels sous la forme d'une dyspnée d'effort et d'une toux sèche irritative. Il n'y avait pas d'anomalie à l'auscultation pulmonaire ni d'hypoxémie. L'évaluation radiologique ne montrait pas d'embolie pulmonaire. L'évaluation fonctionnelle était rassurante avec une absence de syndrome obstructif et une capacité de diffusion dans la norme. La médecin n'a pas retenu de diagnostic pneumologique. La toux pouvait être mise sur le compte d'une hyperréactivité bronchique post-infectieuse.

b. Sur questions de l'assurance, dans un rapport du 15 juillet 2020, le docteur F______, spécialiste FMH en médecine interne générale, et médecin traitant de l'assuré, a répondu que les données n'étaient pas disponibles concernant la date et la source de la contamination supposée. Le patient était infirmier chef d'unité à G______, en charge de trois unités de soins, en période d'activité de soins pour des patients Covid, sans encore de mise à disposition par les C______ de matériel de protection individuelle ni de procédures de protection adéquates. Plusieurs dizaines de patients étaient hospitalisés pour Covid à cette période, et il y avait de nombreux cas nosocomiaux également. Il existait une forte vraisemblance de contamination professionnelle sur le lieu de travail.

c. Dans un rapport du 11 novembre 2020, le docteur H______, spécialiste FMH en neurologie, a retenu les diagnostics de léger syndrome du tunnel carpien bilatéral et de possible polyneuropathie des membres inférieurs a minima sans confirmation électrophysiologique dans un contexte d'ancien éthylisme chronique.

d. Dans un rapport du 20 novembre 2020, la docteure I______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, a indiqué que le premier entretien avec l'assuré avait eu lieu le 15 septembre 2020. Elle a posé les diagnostics de trouble anxieux et dépressif mixte (F41.2), et de traits de personnalité anankastique et anxieuse. L'assuré n'avait pas d'antécédent psychiatrique connu. Le trouble anxieux et dépressif était réactionnel au Covid-19 et aux complications somatiques non résolues (douleurs notamment). Cette pandémie lui avait fait vivre une situation traumatisante comme le décès de quatorze patients en un week-end.

e. Le 15 décembre 2020, la docteure J______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, et médecin-conseil de l'assurance, a observé que la psychiatre traitante ne faisait pas état de l'éthylisme chronique qui était évoqué par le Dr H______. Il était impossible de savoir s'il y avait une consommation d'alcool actuellement et, cas échéant, dans quelle mesure elle influençait l'état psychique de l'assuré.

f. Dans un rapport du 21 décembre 2020, le Dr H______ a mentionné que, d'un point de vue neurologique, l'assuré ne présentait aucune limitation physique, mentale ou psychique. Il souffrait par contre d'un syndrome post-Covid avec fatigabilité très importante, problèmes respiratoires et arthralgies, pouvant avoir une certaine limitation sans que le médecin ne puisse l'évaluer de manière précise.

g. Le 12 mars 2021, l'assuré a déposé une demande de prestations auprès de l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : OAI).

h. Dans un rapport du 28 avril 2021, K______, psychologue spécialiste en neuropsychologie FSP, a relevé que l'examen neuropsychologique de l'assuré avait mis en évidence un sévère trouble attentionnel caractérisé par un défaut de l'alerte se répercutant sur l'ensemble des épreuves sous contrainte temporelle et d'attention divisée, un dysfonctionnement exécutif modéré à sévère caractérisé par un défaut d'inhibition, de flexibilité mentale et d'incitation, une faible charge mentale, associée à des pertes du fil (lecture, calcul, discours), et une fatigabilité cognitive cliniquement modérée à sévère. Dans ce contexte, l'assuré présentait un déficit sévère en mémoire épisodique antérograde verbale (apprentissage, reconnaissance et rappel différé). Le tableau, qui évoquait une dysfonction
sous-cortico-frontale, semblait s'inscrire dans le cadre de la symptomatologie psychiatrique développée à la suite de l'affection au Covid-19, pour laquelle le patient bénéficiait d'un suivi hebdomadaire auprès de sa psychiatre traitante.

i. Par rapport du 14 juillet 2021, le Dr F______ a posé les diagnostics de Covid long et d'état anxiodépressif réactionnel. Le pronostic était défavorable à moyen terme. À titre de limitations physiques, mentales ou psychiques, il a mentionné une asthénie majeure, des douleurs articulaires, une fatigabilité, une anxiété, une agoraphobie et une peur de la contamination. L'incapacité de travail totale se poursuivait.

j. Le 5 avril 2022, les C______ ont informé l'assurance que l'assuré avait épuisé son droit aux prestations salariales le 31 mars 2022.

k. Sur recommandation de son médecin-conseil, l'assurance a confié une expertise bi-disciplinaire au Centre d'expertise médicale L______. Le 19 mai 2022, l'assuré a été examiné par la docteure M______, spécialiste FMH en infectiologie et en médecine interne générale, et le lendemain, par la docteure N______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie.

Dans un rapport d'expertise du 15 juin 2022, la Dre M______ a posé les diagnostics actifs de syndrome de fatigue post-viral (G93.3), d'arthrite réactionnelle post-infectieuse (M03.6) et d'état post-Covid-19 (U09.9), ainsi que les diagnostics inactifs d'infection à Covid-19 (U08.9) et de pneumonie coronavirus associée au SARS.

Les séquelles de l'infection Covid qui subsistaient étaient un état de fatigue, des arthrites et arthralgies, une dyspnée post-infectieuse, des douleurs thoraciques, une fatigabilité, une perte pondérale de 3 kg résiduelle, des céphalées, des troubles neurocognitifs, et un stress post-traumatique.

La causalité naturelle était vraisemblable s'agissant du syndrome de fatigue
post-viral et de l'arthrite réactionnelle post-infectieuse.

La dyspnée d'effort, les douleurs thoraciques, les céphalées et la fatigue n'avaient pas d'explication somatique selon les investigations standards, mais faisaient partie des symptômes de Covid-long pour lequel des évidences de lien de causalité manquaient, par défaut de connaissance scientifique et de recul clinique.

La capacité de travail était nulle dans toute activité actuellement. La fatigabilité, la fatigue, les arthrites et autres inflammations des tendons, les douleurs et les troubles neurocognitifs limitaient totalement l'activité professionnelle.

Le pronostic concernant l'amélioration à attendre du traitement médical tant au niveau de l'état de santé que de la capacité de travail était réservé.

S'agissant de l'atteinte à l'intégrité, l'experte indiquait que l'atteinte était importante, mais qu'elle ne pouvait pas estimer sa durabilité et sa gravité.

Pour sa part, la Dre N______ a retenu les diagnostics d'état de stress
post-traumatique (F43.1) et de trouble de l'adaptation (F43.20), humeur dépressive, réaction dépressive prolongée, avec asthénie, aboulie, idées tristes et manque d'élan (F43.28), avec anxiété telle que nervosité, irritabilité, et inquiétude.

Les séquelles de l'infection Covid qui subsistaient étaient la crainte de la contamination caractérisée par sursaut, une attitude anxieuse, une hypervigilance avec humeur dépressive, une asthénie et un manque d'élan.

La causalité naturelle était certaine. Le stress subi par l'assuré lors de l'arrivée du Covid-19 en milieu de soins avec conditions de stress maximal dans la prise de décision, poursuivi par sa propre infection avec des symptômes respiratoires importants, sans hospitalisation, étaient des éléments suffisants aux diagnostics psychiatriques mentionnés. Les séquelles neuropsychologiques étaient en étroit rapport psychopathologique.

L'incapacité de travail était totale dans toute activité en raison de l'état clinique.

Le pronostic était réservé à moyen et long terme. Le stress post-traumatique pouvait être un diagnostic invalidant à vie.

L'atteinte à l'intégrité était évaluée au moins à 70%. L'assuré pourrait récupérer physiquement et avoir une meilleure humeur et de meilleures réactions, mais cela restait impossible à définir en l'état actuel et vu l'âge du sujet.

l. Le 27 juillet 2022, la Dre J______ a considéré que l'expertise psychiatrique n'était pas convaincante.

m. Le 25 août 2022, l'assurance a informé l'assuré que l'expertise médicale comportait d'importantes lacunes, nécessitant un nouvel examen, prévu auprès du docteur O______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, à Lausanne.

n. Le 2 septembre 2022, l'assuré a fait savoir à l'assurance qu'il s'interrogeait sur les raisons qui la portaient à choisir un expert à grande distance de son lieu de résidence, ainsi que sur les motifs pour lesquels une nouvelle expertise était sollicitée. Il invitait l'assurance à lui proposer un centre d'expertise à Genève. Il fallait prendre en considération notamment ses douleurs au repos ou en mouvement, sa fatigue très importante, son état de « brouillard » constant, et ses troubles anxieux et psychiatriques pour lesquels il évitait tous les transports en commun, les hôpitaux, les cabinets médicaux et tout autre endroit où il pourrait être en contact avec le SARS-CoV-2. Il se demandait également si un complément d'expertise était possible pour combler les lacunes et éviter ainsi une nouvelle expertise.

o. Dans un rapport du 7 septembre 2022, le Dr F______ a indiqué que l'évaluation rhumatologique confirmait une arthrite réactionnelle, secondaire à l'infection initiale à SARS-CoV-2, pour laquelle le traitement d'hydroxychloroquine avait permis une amélioration de la tuméfaction des extrémités et mobilités de ces dernières. Les articulations proximales restaient très inflammatoires, extrêmement douloureuses et les doses d'antalgiques étaient inchangées. L'asthénie et fatigue, ainsi que l'hypersomnie demeuraient. La dyspnée d'effort, limitante, restait stable et inchangée. Le trouble cognitif et la fatigabilité cognitive extrême restaient inchangés bien que fût constatée une discrète amélioration en termes de rapidité de traitement de l'information. Le handicap à la lecture et la dyscalculie restaient inchangés. Les aspects psychiatriques étaient stables. Persistaient les traits de PTSD (trouble de stress post-traumatique), phobie de la recontamination, isolement social qui s'améliorait progressivement avec la thérapie. La capacité de travail restait nulle.

p. Dans un rapport du 9 septembre 2022, la Dre I______ a confirmé les diagnostics précédemment posés. Les symptômes dus au Covid long étaient toujours présents (fatigue, douleurs articulaires et musculaires) et impactaient le psychisme de l'assuré. Le statut psychiatrique restait superposable au précédent. La médecin invitait l'assurance à tenir compte de l'état de santé somatique et psychique de l'assuré dans le choix du lieu de l'expertise, afin d'éviter un facteur de stress pouvant aggraver l'état psychique.

q. Le 3 octobre 2022, la Dre J______ a indiqué à l'assurance que, au vu des informations fournies par la psychiatre traitante, une expertise à Genève serait préférable.

r. Sur questions de l'assurance, le 23 octobre 2022, le docteur P______, spécialiste FMH en médecine interne générale et médecin-conseil, a répondu que l'atteinte à la santé invoquée était, avec un degré de vraisemblance prépondérante, au moins une suite partielle de l'événement du 11 avril 2020, notamment en ce qui concernait l'atteinte somatique (arthrite réactionnelle, asthénie, dyspnée d'effort). À titre d'état maladif préexistant était indiqué un possible éthylisme chronique. L'événement avait provoqué une aggravation décisive. Il était impossible de déterminer pour l'heure la date à partir de laquelle on pouvait escompter une augmentation de la capacité de travail dans l'activité habituelle. Le dossier devait être réévalué dans six-neuf mois. Actuellement, l'incapacité de travail était totale dans toute activité. Le pronostic était réservé. L'atteinte à l'intégrité était évaluée à 50% actuellement, à réévaluer car il pouvait s'agir d'un état transitoire dans le cadre d'un long Covid. Sur le plan cognitif, l'atteinte était moyenne. L'assuré gardait une capacité résiduelle au vu des mails qu'il établissait.

s. Par décision du 8 décembre 2022, l'Office AI pour les assurés résidant à l'étranger a mis l'assuré au bénéfice d'une rente entière d'invalidité, basée sur un taux de 100%, à partir du 1er septembre 2021.

t. Le 16 mars 2023, le Dr P______ a indiqué que de nouvelles investigations, type expertise complémentaire, ne devaient pas pour l'heure être mises sur pied. Il a estimé l'atteinte à l'intégrité à un taux de 50%. L'expertise bidisciplinaire était compréhensible. En cas d'octroi d'une indemnité pour atteinte à l'intégrité pour les lésions neuropsychologiques, dans un contexte de maladie qui devait être évaluée une fois par an selon les recommandations de la Swiss Insurance Medicine
(ci-après : SIM), et compte tenu du fait qu'une amélioration ultérieure était possible, il a proposé que la somme minimale soit accordée, à réévaluer.

u. Sur question de l'assurance qui se demandait quel était le taux minimal et maximal de l'indemnité pour atteinte à l'intégrité dans le cas de l'assuré, le
Dr P______ a indiqué, par courriel du 20 mars 2023, un taux d'atteinte à l'intégrité de 35% vu qu'il s'agissait d'une maladie potentiellement évolutive, et a proposé de « garder » le taux de 50% ultérieurement en cas de persistance de l'atteinte.

C. a. Par décision du 13 juillet 2023, l'assurance, après avoir reconnu l'infection au Covid-19 en tant que maladie professionnelle, a mis un terme au versement des indemnités journalières avec effet au 30 juin 2023, ainsi qu'au paiement des soins médicaux afférents aux seuls troubles psychiques au 13 juillet 2023. Elle a accordé une rente d'invalidité en lien avec les troubles somatiques basée sur un taux de 100% à partir du 1er juillet 2023, ainsi qu'une indemnité pour atteinte à l'intégrité pour les lésions neuropsychologiques de 35% correspondant à un montant de CHF 51'870.-. Elle a précisé que dans la deuxième partie de l'année 2024, une révision de la rente serait entamée et comprendrait des examens médicaux.

L'assurance a nié le lien de causalité adéquate entre les troubles psychiques et l'infection au Covid-19, qu'elle a classée dans la catégorie des évènements de gravité moyenne à la limite de ceux de peu de gravité, et estimé que cette infection ne pouvait pas être qualifiée de particulièrement dramatique. Elle a admis le lien de causalité entre les troubles somatiques et l'infection au Covid-19, en se référant au rapport d'expertise du Dr M______ qui retenait une incapacité de travail totale dans toute activité. La prise en charge des traitements médicaux concernant les troubles somatiques se poursuivait, à savoir le suivi médical auprès du rhumatologue et du médecin-traitant, ainsi que les médicaments prescrits par ces derniers pour autant qu'ils soient en relation de causalité naturelle avec l'évènement du 11 avril 2020.

b. Le 13 juillet 2023, l'assurance a communiqué une copie de cette décision à B______, assureur-maladie obligatoire de l'assuré (ci-après : l'assureur-maladie).

c. Par courrier du 24 juillet 2023, l'assureur-maladie a formé une opposition provisoire à cette décision et sollicité le dossier de l'assuré. Celui-ci lui a été remis le 7 août 2023.

d. Par lettre du 17 août 2023, l'assureur-maladie s'est opposé à la décision précitée, et a conclu à l'octroi d'une indemnité pour atteinte à l'intégrité d'un taux plus élevé, ainsi qu'à la continuation de la prise en charge des traitements pour les troubles psychiques.

Il a exposé que la jurisprudence relative à la causalité adéquate en cas d'atteinte psychique consécutive à des accidents n'était pas applicable en l'occurrence, dès lors que l'assurance avait reconnu l'infection au Covid-19 en tant que maladie professionnelle. Dans cette éventualité, la règle de la causalité adéquate ordinaire trouvait application.

L'assureur-maladie a fait valoir que l'assurance n'avait pas remis en doute la valeur probante de l'expertise bidisciplinaire sur laquelle elle s'était appuyée pour rendre sa décision. Les diagnostics de syndrome de fatigue post-viral, d'arthrite réactionnelle post-infectieuse, ainsi que l'état post-Covid-19 avaient été retenus par les experts. Ces diagnostics engendraient un état de fatigue, arthrite, arthralgie, dyspnée post-infectieuse, douleurs thoraciques, fatigabilité, perte pondérale résiduelle, céphalées, troubles neurocognitifs et stress post-traumatique. Les conséquences de l'infection au Covid-19, bien plus graves que celles résultant d'allergies, étaient telles qu'elles ne pouvaient pas être surmontées, d'autant moins à l'âge de l'assuré. Ainsi, la maladie professionnelle était propre à entraîner les troubles psychiques tels qu'ils étaient apparus. L'assureur-maladie en a inféré que les troubles psychiques devaient être pris en charge, la causalité naturelle et adéquate étant donnée.

e. Le 1er septembre 2023, l'assuré, à son tour, a formé opposition à la décision du 13 juillet 2023.

Il a allégué avoir été confronté à une situation d'enfer lors de sa garde le week-end précédant sa séropositivité au Covid-19, et n'avoir jamais vécu une telle situation après 27 ans de carrière aux C______, dont 20 en tant qu'infirmier responsable d'unité. Les frontières avaient été fermées. C'était dire que la situation était catastrophique et inouïe. L'Italie enterrait ses morts sans que les familles ne puissent voir leurs proches. Les C______ fermaient leurs portes et refusaient toute visite, même aux mourants. Du matériel manquait (masques et gants). Les soignants commençaient à être atteints et certains collègues avaient été hospitalisés, y compris aux soins intensifs. Il avait dû assurer seul la garde du vendredi soir au lundi matin, et gérer 300 lits à D______ où les places manquaient et où les patients atteints du Covid-19 séjournaient. Tous les centres hospitaliers débordaient. À cette époque, les connaissances sur ce virus, en particulier sur sa transmission et sa dangerosité, étaient pauvres.

Pendant ce week-end, juste avant sa contamination le 11 avril [2020], tous les records de décès avaient été battus. Il associait automatiquement le Covid-19 à la mort. Il avait eu peur pour lui, pour les équipes soignantes, pour leurs familles, ainsi que pour son partenaire. Il avait peur de le contaminer et de le voir mourir à cause de lui. Ils avaient séparé la maison en deux parties pour ne pas se contacter. Quand il avait reçu son résultat positif au Covid-19, le monde s'était écroulé. Il pensait que son heure avait sonné. La difficulté respiratoire qu'il avait rapidement présentée venait confirmer sa fin prochaine. Ses problèmes psychiques avaient commencé dès l'annonce du diagnostic. Il ne comprenait pas pourquoi l'assurance refusait de reconnaître le lien de causalité, alors que l'experte psychiatre l'admettait.

En ce qui concernait l'atteinte à l'intégrité pour les lésions neuropsychologiques, il supposait qu'elle incluait son état de stress post-traumatique. Il se demandait pour quels motifs une indemnité pour les lésions neuropsychologiques était accordée, et en parallèle, leur prise en charge financière était refusée. Selon lui, le taux de l'atteinte à l'intégrité était supérieur à 35%.

f. Par pli du 19 mars 2024, l'assurance a informé l'assuré de son intention de procéder à une reformatio in peius de la décision du 13 juillet 2023, et lui a imparti un délai pour prendre position (confirmer ou retirer son opposition).

g. Le 2 avril 2024, l'assuré a sollicité un délai additionnel de 30 jours pour se déterminer. Il a demandé son dossier complet et le détail des éléments ou prestations qui seraient touchés par la réévaluation.

h. Après deux échanges téléphoniques entre l'assurance et l'assuré au sujet de la portée d'une reformatio in peius, par courrier non daté adressé à l'assurance le 6 avril 2024, l'assuré a retiré son opposition.

D. a. Par décision du 6 mai 2024, l'assurance a reconsidéré la décision du
13 juillet 2023, qui était entrée en force à la suite du retrait de l'opposition de l'assuré. Elle a retenu que le droit aux prestations de l'assurance-accidents cessait au 31 mai 2024, faute de causalité adéquate.

Elle a indiqué avoir pris en charge les suites de l'infection par le Covid-19 selon les recommandations émises. Cette prise en charge des prestations n'impliquait pas la reconnaissance automatique d'une maladie professionnelle. Avec le recul et compte tenu des connaissances actuelles en matière de contamination par le Covid-19, elle a conclu qu'aucune activité professionnelle n'était spécifique à ce genre de contamination, et que l'activité ici en cause ne pouvait pas être considérée comme la cause exclusive, voire prépondérante, de l'infection par le Covid-19.

Elle a ajouté que, même dans l'hypothèse où une maladie professionnelle était retenue, elle aurait dû procéder à l'examen du lien de causalité adéquate, ce qu'elle n'avait pas fait, pour toutes les prestations et pas uniquement pour les frais de traitement. L'examen de la causalité adéquate l'aurait conduit à refuser toute prestation, y compris la rente et l'indemnité pour atteinte à l'intégrité, déjà dans les mois suivant l'annonce du cas.

Après avoir rappelé que dans le cas concret, l'infection par le Covid-19 ne constituait pas une maladie professionnelle, elle a estimé que si les circonstances de l'événement du 11 avril 2020 n'étaient certes pas banales, cette infection ne pouvait toutefois pas être qualifiée de particulièrement dramatique. De ce fait, elle a nié le lien de causalité adéquate entre les troubles psychiques de l'assuré et cet événement.

b. Par courriel du 29 mai 2024, l'assureur-maladie a fait savoir à l'assurance que l'assuré lui avait transmis la décision de reconsidération et s’est déclaré surpris par cette dernière, dès lors que son opposition, qui n'avait pas été retirée, n'avait pas encore été traitée. À toutes fins utiles, il maintenait sa position contenue dans son opposition, tout en relevant que l'infection par le Covid-19 dans le cadre de l'activité professionnelle pouvait être considérée comme une maladie professionnelle au regard de plusieurs jugements cantonaux. Il a requis le dossier complet de l'assuré.

c. Par lettre du 12 juin 2024, l'assureur-maladie a rappelé avoir reçu la décision de reconsidération par l’intermédiaire de son assuré le 23 mai 2024, et non pas directement par l'assurance, et y a fait opposition provisoirement.

d. Par courrier du 14 juin 2024, l'assuré, représenté par son avocate, s'est opposé à la décision de reconsidération, en concluant à son annulation et à la reprise du versement des prestations.

Il a fait valoir que l'assurance avait procédé à une appréciation différente d'une même situation, déjà présente lors de la décision initiale, de sorte que les conditions de la reconsidération n'étaient pas réunies.

Par ailleurs, sa pathologie devait être qualifiée de maladie professionnelle. De par sa profession, il avait dispensé des soins directs aux patients contaminés et avait également été en contact direct avec des patients décédés en unité de soin. Son infection au Covid-19 avait eu lieu lors du pic d'hospitalisation aux C______. Il en a tiré la conclusion que son activité était la cause exclusive, ou, à tout le moins, prépondérante, de son infection.

Enfin, le lien de causalité adéquate entre la maladie professionnelle et ses atteintes perdurait au-delà du 31 mai 2024, aucune pièce médicale ne permettant de retenir le contraire.

e. Le 15 juillet 2024, l'assurance a communiqué à l'assureur-maladie le complément du dossier de l'assuré postérieur à l'envoi du 7 août 2023.

f. Par courrier du 22 juillet 2024, l'assureur-maladie a « amplifié » la motivation de son opposition tout en précisant que les arguments de l'assuré dans l'opposition du 14 juin 2024 étaient complets et convaincants.

Il a exposé que l'assurance n'avait pas expliqué en quoi la décision du
13 juillet 2023 comportait une erreur manifeste. Celle-ci avait simplement procédé à une appréciation différente de celle qui avait été effectuée à l'époque. Or, au vu des tâches réalisées par l'assuré en sa qualité d'infirmier, sa contamination au Covid-19 était une maladie professionnelle.

Par ailleurs, les experts avaient admis la relation de causalité naturelle pour les différents troubles, notamment psychiques.

S'agissant de la causalité adéquate, il apparaissait, en l'état actuel des connaissances sur le Covid long, que, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience générale de la vie, la survenance des troubles psychologiques de l'assuré était favorisée, voire entièrement causée, par son infection au Covid-19.

L'assureur-maladie en a inféré que la décision du 6 mai 2024 était nulle, cas échéant, elle devait être annulée, car l'assuré souffrait d'une maladie professionnelle en relation de causalité naturelle et adéquate avec ses troubles. Il a également invité l'assurance à se déterminer sur la poursuite de la prise en charge des frais de traitement relatifs aux troubles psychiques, objet de l'opposition du 17 août 2023.

g. Par décision du 22 août 2024, l'assurance a, sur la forme, joint les deux procédures d'opposition, déclaré recevable l'opposition de l'assuré du
14 juin 2024, de même que celle de l'assureur-maladie du 17 août 2023 s'agissant de la prise en charge des frais de traitement pour les troubles psychiques de l'assuré, mais a déclaré irrecevables les conclusions de l'assureur-maladie portant sur l'indemnité pour atteinte à l'intégrité et la rente, celui-ci n'ayant pas la légitimation active pour contester ces deux objets.

Sur le fond, l'assurance a rejeté tant l'opposition de l'assuré à la décision du
6 mai 2024 que celle de l'assureur-maladie à la décision du 13 juillet 2023.

Elle ne contestait pas la période traumatique liée à la pandémie Covid-19 ni le fait que l'assuré avait été infecté par le Covid-19. Elle contestait en revanche le fait que l'infection ait eu lieu sur le lieu du travail ainsi que la qualification de maladie professionnelle.

Elle avait, sur la base de la recommandation de la Commission ad hoc « dommages LAA » émise en pleine crise, pris en charge le cas de l'assuré, en l'absence de la preuve que la contamination avait eu lieu sur le lieu du travail et indépendamment de la question de savoir si l'assuré présentait une maladie professionnelle. Le fait que l'assuré avait été testé positif au Covid-19 lors d'un examen sur le lieu du travail ne signifiait pas encore que l'infection avait eu lieu sur le lieu du travail. L'affirmation de l'assuré en ce sens ne suffisait pas à en apporter la preuve. La source de l'infection n'avait pas pu être clairement définie. L'employeur avait du reste manqué à son obligation de soutien et de prévention de la santé de ses collaborateurs. L'assuré alléguait que les C______ faisaient face à une pénurie de masques et de matériel. Au vu du contexte épidémique général (pandémie mondiale), il était tout à fait vraisemblable que l'assuré ait contracté le virus dans le cadre familial et privé, qui restait selon l'Organisation mondiale de la santé (ci-après : OMS) et l'Office fédéral de la santé publique, la source majeure de contamination, ou encore dans les magasins ou dans les transports publics.

L'assuré ne démontrait ni n'apportait la preuve, fondée sur la science médicale, que l'affection au Covid-19 ou l'affection post-Covid-19 serait due à l'exercice de l'activité professionnelle d'un infirmier responsable dans le service des soins gériatriques des C______. Aucune donnée épidémiologique n'établissait que la probabilité d'une affection au Covid-19, voire d'une affection post-Covid-19, serait deux fois plus élevée pour les infirmiers responsables exerçant dans le service de soins en gériatrie des C______ que pour l'ensemble de la population, puisque l'affection s'était propagée dans l'ensemble de la population. Il n'existait donc pas de relation de causalité directe, à plus forte raison prépondérante, et à plus forte raison qualifiée, entre l'activité exercée par l'assuré et la propagation de ce virus, importé en Suisse / en Europe à l'occasion d'une pandémie mondiale.

Le caractère de maladie professionnelle ne pouvait ainsi pas être reconnu au Covid-19 que l'assuré aurait certes pu contracter sur son lieu de travail en mars 2020, à l'occasion très probablement d'un cluster, mais qu'il aurait tout aussi pu importer lui-même de l'extérieur pour la transmettre à ses collègues. Pour cette raison, la reconsidération de la décision du 13 juillet 2023 était justifiée.

En ce qui concernait les lésions post-Covid-19, l'assurance constatait que l'assuré, à la suite de l'infection, n'avait pas été en soins intensifs, ni hospitalisé. Elle ajoutait que le rapport d'expertise du 15 juin 2022 n'avait pas de valeur probante.

Quant aux troubles psychiques, ils étaient préexistants à l'évènement annoncé, la psychiatre traitante faisant état de traits de personnalité anankastique et anxieuse, d'abus éthylique et d'un passé violent. Ils n'avaient donc pas été provoqués par l'infection au Covid-19 mais au plus avaient été révélés par celle-ci. Toute la population mondiale avait été confrontée à la pandémie (du reste, en Suisse et en Europe, la population avait été « des privilégiés »). Il n'était donc pas possible de retenir que le Covid-19 avait provoqué les troubles psychiques mis en évidence.

E. a. Par acte du 23 septembre 2024, l'assuré (ci-après : le recourant 1), par l'intermédiaire de son avocate, a interjeté auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) un recours contre la décision sur opposition du 22 août 2024 (qui a été enregistré sous le numéro de cause A/3123/2024), en concluant, sous suite de frais et dépens, préalablement, à l'audition des parties, ainsi qu'à celle des Drs F______ et I______, et des deux experts, et principalement, à l'annulation de cette décision, à la condamnation de l'intimée à lui verser des prestations au-delà du 31 mai 2024, de même qu'à lui accorder des prestations légales, notamment sous forme de rentes, fondées sur un taux d'invalidité de 100%, dès le 1er juin 2024.

Le recourant 1 a fait valoir qu'aucune appréciation médicale divergente n'avait été portée au dossier depuis la décision du 13 juillet 2023, et aucun fait nouveau n'était intervenu ou n'avait été découvert par l'intimée. La décision litigieuse ne motivait pas pourquoi les conditions de la reconsidération seraient remplies. Elle n'était pas fondée sur l'évolution de l'état de santé ou sur un nouvel avis médical, mais sur une nouvelle interprétation restrictive de la causalité entre l'exercice de l'activité professionnelle et l'infection au Covid-19.

La jurisprudence fédérale à laquelle se référait l'intimée (8C_516/2020 du 3 février 2021) était antérieure à la reconnaissance initiale de la qualité de maladie professionnelle. Or, aucun élément nouveau ne permettait de modifier l'appréciation initiale de l'intimée, si ce n'était sa volonté de mettre fin aux prestations des assurés présentant une atteinte post-Covid-19, au moyen d'une nouvelle argumentation juridique.

Pour cette raison déjà, la décision de reconsidération devait être annulée.

Le recourant 1 a ensuite argué que, au vu de sa fonction (infirmier), son atteinte devait être qualifiée de maladie professionnelle. Il a rappelé avoir été en contact direct avec des patients dans une unité Covid-19 pour leur dispenser des soins infirmiers. Il avait également été à proximité direct de patients décédés du
Covid-19. Le week-end précédant son test positif au Covid-19, il avait prodigué des soins infirmiers à 17 patients décédés.

L'intimée niait le lien de causalité entre les troubles présentés et l'infection en se fondant principalement sur l'appréciation de son médecin-conseil psychiatre, qui ne s'était toutefois pas déterminée sur les atteintes somatiques. Selon les experts et les médecins traitants, il souffrait d'un syndrome de fatigue post-viral et d'une arthrite réactionnelle post-infectieuse, en lien de causalité avec son infection au Covid-19. Le médecin-conseil n'avait pas remis en doute le volet de médecine interne de l'expertise. Par conséquent, l'intimée n'était pas fondée à retenir, sans avis médical, que les atteintes somatiques n'étaient pas en lien de causalité avec l'infection. Elle devait donc reprendre le versement des prestations sous forme de rentes dès le 1er juin 2024.

Selon les experts, les troubles psychiques étaient également en lien de causalité avec l'infection au Covid-19. Cet avis rejoignait celui de la psychiatre traitante. Dans un avis sommaire, le médecin-conseil contestait cette appréciation, mais son avis ne remplissait pas les réquisits jurisprudentiels pour se voir attribuer une valeur probante supérieure à celle de l'expertise. En conséquence, l'intimée devait poursuivre le versement des prestations, y compris pour les atteintes psychiatriques.

b. Par acte du 20 septembre 2024, l'assureur-maladie (ci-après : le recourant 2) a également formé auprès de la chambre de céans un recours contre la décision sur opposition du 22 août 2024 (qui a été enregistré sous le numéro de cause A/3108/2024), en concluant, sous suite de frais et dépens, à son annulation, principalement, à la condamnation de l'intimée à octroyer à l'assuré les prestations légales en lien avec la maladie professionnelle de manière indéterminée, et subsidiairement, au renvoi de la cause à l'intimée pour qu'elle fixe le « statu quo vel ante ».

Le recourant 2 a, en préambule, souligné que la procédure suivie par l'intimée était incorrecte et violait la loi, car celle-ci ne s'était toujours pas prononcée sur sa première opposition à la décision du 13 juillet 2023.

Concernant la reconsidération, il a exposé que l'intimée avait simplement effectué une appréciation différente des mêmes faits, déjà présents lors de la décision initiale. Au moment du prononcé de cette décision, elle avait admis que l'infection avait eu lieu sur le lieu du travail et qu'il s'agissait d'une maladie professionnelle. Aucun nouveau fait et aucune nouvelle pièce ne venaient contredire ces éléments. L'état de fait n'avait donc nullement été établi de manière incomplète.

Il n'était pas contestable que l'affection dont avait souffert l'assuré était une maladie infectieuse. Celui-ci était, en qualité d'infirmier, responsable d'unité à D______, en charge de trois unités de soins, pour des patients atteints du Covid-19, sans que les C______ n'aient à l'époque mis à disposition du matériel de protection individuelle. Le médecin traitant avait estimé le
15 juillet 2020 qu'il était fortement vraisemblable que la contamination ait eu lieu sur le lieu de travail. Dans son opposition, l'assuré avait allégué avoir été en contact direct avec les patients contaminés pour leur dispenser des soins, ainsi que lors de la prise en charge des patients décédés en unité de soins. Le 8 avril 2020, 478 personnes étaient hospitalisées aux C______ en raison du Covid-19 et l'assuré avait été testé positif le 11 avril suivant, après avoir effectué une garde du 4 au 5 avril 2020. Il avait dès lors été exposé à un risque concret de contamination sur le lieu de travail, par le biais des soins prodigués ou par le contact avec des collègues de la même unité également contaminés. D'autant plus en cas de défaut de matériel de protection qui aurait eu pour but de réduire, sans l'exclure totalement, le risque de contagion. L'intimée ne mettait pas en évidence d'éléments qui laisseraient à penser que l'affection avait été causée à raison de plus de 50% par un autre facteur que l'activité professionnelle de l'assuré. Si une affection par contact avec un membre de la famille ou à l'extérieur du lieu de travail était une des hypothèses envisageables, les explications fournies par l'intimée ne suffisaient pas, compte tenu des circonstances, à les rendre plus vraisemblables que celle d'une affection sur le lieu de travail.

Dans des cas similaires, le Tribunal fédéral et des juges cantonaux avaient admis l'existence d'une maladie professionnelle en cas d'affection au Covid-19. Ainsi, l'allégation de l'intimée selon laquelle il était hors de question d'apporter la preuve, dans un cas concret, de la causalité qualifiée dans un contexte de pandémie laissait songeur et était ultracrépidarienne.

En conséquence, l'infection au Covid-19 était une maladie professionnelle, raison pour laquelle la décision litigieuse devait être annulée, et la décision du
13 juillet 2023 était à nouveau en vigueur pour l'assuré.

Le recourant 2 a ensuite considéré que l'expertise bidisciplinaire remplissait toutes les exigences pour se voir reconnaître une pleine valeur probante.

De toute manière, l'intimée devait prendre en charge le cas, car pour les experts, la causalité naturelle était donnée. Ainsi, même s'il fallait admettre un éthylisme chronique ancien, l'intimée devait prester jusqu'à l'établissement du « statu quo vel ante », point qu'elle n'avait nullement examiné.

Le recourant 2 a enfin répété que la causalité adéquate était également établie.

c. Par réponse du 12 décembre 2024, l'intimée a conclu, préalablement, à la jonction des causes A/3123/2024 et A/3108/2024, et principalement, au rejet des deux recours et à la confirmation de la décision sur opposition du 22 août 2024.

Elle a fait valoir que la décision du 13 juillet 2023 reposait indubitablement sur une application erronée du droit, y compris sur une appréciation insoutenable des faits, s'agissant de la qualification de maladie professionnelle. Par ailleurs, la reconnaissance du droit à la prestation se révélait manifestement erronée dans son résultat, et la rectification de la décision du 13 juillet 2023 revêtait une importance notable, car elle portait sur l'octroi de prestations périodiques. Elle en a déduit que les conditions d'une reconsidération étaient réunies.

Plus particulièrement, elle a exposé que c'était sur la base de la recommandation émise en pleine pandémie par la Commission ad hoc « dommage LAA » qu'elle avait pris en charge, en présence d'une déclaration de sinistre et de symptômes spécifiques de la maladie, les frais de toutes les investigations médicalement nécessaires, même si la suspicion de la maladie n'était pas confirmée par la suite. Il convenait ainsi, dans un second temps, de s'assurer que les conditions d'une maladie professionnelle étaient remplies. En l'occurrence, le recourant 1 souffrait d'une affection post-Covid-19, soit d'un Covid dit long. À ce jour, cette affection ne constituait pas un tableau clinique à part entière et ne répondait donc pas à la définition de la maladie au sens de la loi. La CIM-11 comportait certes un code RA02 « affection post-Covid 19 ». Il s'agissait toutefois d'un code provisoire qui ne permettait pas en l'état de retenir la notion de maladie.

Même dans l'hypothèse où il fallait considérer que le recourant 1 souffrait d'une maladie, ses troubles ne pouvaient pas être qualifiés de maladie professionnelle. La recommandation pour le bilan de la médecine d'assurance d'une affection
post-Covid-19 en Suisse, version 2.0, du 31 juillet 2023, relevait que la pandémie de Covid-19 avait causé 4.4 millions de cas enregistrés officiellement en Suisse. Néanmoins, nettement plus de personnes avaient été infectées comme le montraient des études de prévalence, à teneur desquelles l'on pouvait supposer que plus de 95% de la population suisse avait été infectée, indépendamment de l'âge. Cela devait être également le cas à l'échelle mondiale, à l'exception des zones très isolées. Ces seules données permettaient d'établir que la probabilité d'une affection au Covid-19 pour les infirmiers exerçant dans un hôpital n'était pas deux fois plus élevée que pour l'ensemble de la population, dès lors que l'affection s'était propagée dans l'ensemble de la population.

Ces recommandations mentionnaient également que le diagnostic était d'autant plus difficile que les symptômes persistants après une infection au Covid-19 étaient certes plus fréquents au sein des groupes témoins positifs au Covid-19 mais que toutes les études réalisées avec des groupes témoins avaient également signalé une présence significative de ces symptômes au sein du groupe témoin négatif au Covid-19. Autrement dit, même des personnes qui n'avaient pas été infectées par le Covid-19 présentaient les mêmes symptômes que les personnes infectées par le Covid-19. Ces données permettaient de confirmer l'absence de causalité entre l'affection et l'activité professionnelle d'infirmier à D______.

Les mêmes recommandations semblaient établir une relation entre la gravité de l'infection au Covid-19 et le syndrome post-Covid. Or, l'infection au Covid-19 du recourant 1 n'avait pas fait l'objet d'une hospitalisation, notamment aux soins intensifs. Il avait certes été testé positif au Covid-19 à l'hôpital, mais cela était totalement indépendant de l'activité professionnelle effectuée. Durant la pandémie, les hôpitaux procédaient à des tests auxquels l'ensemble de la population avait accès. Ce n'était ainsi pas parce que le recourant 1 avait été testé positivement sur son lieu de travail qu'il y avait lieu d'inférer une quelconque relation de causalité avec l'activité professionnelle.

Du reste, le recourant 1 vivait en partenariat et avait une vie sociale riche. Statistiquement, la quasi-intégralité (95%) des époux, partenaires, enfants, membres de la famille proche et personnes fréquentées, même brièvement, par le recourant 1 avait été infectée par le Covid-19, avec pour conséquence qu'une relation de causalité exclusive ou prépondérante avec l'exercice de l'activité professionnelle ne saurait être démontrée. Il ne se trouvait ainsi pas exposé à une quantité de sources d'infection beaucoup plus élevée dans le cadre de son activité professionnelle qu'à l'extérieur des C______. Il n'était de ce fait pas possible de retenir, au degré de la vraisemblance prépondérante, qu'il avait été contaminé sur son lieu de travail.

Ainsi, elle avait initialement pris en charge le cas à tort, en l'absence d'une maladie professionnelle. Les conditions de la reconsidération étaient donc pleinement réunies.

Même s'il fallait admettre, par hypothèse, l'existence d'une maladie professionnelle, les troubles psychiques présentés par le recourant 1 n'étaient pas en relation de causalité adéquate avec dite maladie. La psychiatre traitante avait évoqué un pronostic réservé en raison des traits de personnalité anankastique et anxieux, bien antérieurs à l'infection au Covid-19. Le comportement et les déclarations du recourant 1 à la suite de l'infection au Covid-19 (peur de la contamination, isolement, certitude de mourir, refus de déplacement, refus d'une expertise à Lausanne, etc.) étaient liés aux traits de personnalité anankastique et anxieux, sans rapport avec l'infection au Covid-19. Les symptômes psychiques retenus par la psychiatre traitante étaient au surplus liés, non à l'infection au Covid-19, mais à la pandémie mondiale ayant occasionné une surmortalité et la mise en place d'un état d'urgence sanitaire. De plus, la quasi-intégralité de la population occidentale avait été infectée au Covid-19, sans avoir présenté des troubles psychiques. D'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, une infection au Covid-19 n'était donc pas propre à entraîner les troubles psychiques dont était atteint le recourant 1. La survenance de tels troubles ne paraissait ainsi pas, de façon générale, favorisée par une infection au Covid-19.

d. Par réplique du 7 janvier 2025 (dans la cause A/3108/2024), le recourant 2 a indiqué ne pas s'opposer à la jonction des deux causes. Pour le surplus, il a renvoyé aux arguments développés dans son mémoire de recours.

e. Par réplique du 7 février 2025 (dans la cause A/3123/2024), le recourant 1 a persisté dans ses conclusions.

Il a répété que les conditions de la reconsidération n'étaient pas remplies. Le fait qu'une révision, sur la base de nouveaux examens médicaux, était réservée dans la décision initiale ne permettait en aucun cas d'inférer qu'une reconsidération serait possible. La décision litigieuse n'était pas fondée sur une révision, car elle ne reposait pas sur des faits nouveaux ou des faits ignorés au moment de la décision initiale, pas plus que sur de nouveaux examens médicaux.

L'intimée se bornait à indiquer que la décision du 13 juillet 2023 reposait indubitablement sur une application erronée du droit, y compris une appréciation insoutenable des faits. Cette affirmation, péremptoire, ne permettait en rien de comprendre quelle base légale erronée aurait été appliquée. De plus, s'agissant d'une décision basée sur des expertises, l'appréciation médicale suffisante et concluante était patente. La nouvelle décision ne reposait sur aucun élément dont l'intimée n'aurait pas disposé à l'époque de la décision initiale. Elle procédait à une simple appréciation différente sur le plan juridique des mêmes éléments matériels et des mêmes bases légales. La décision litigieuse reposait, en réalité, sur une volonté de l'intimée de revoir sa politique en matière de prise en charge des atteintes post-Covid-19.

Le recourant 1 a ajouté que son atteinte à la santé avait été confirmée par ses médecins traitants et les experts. L'affirmation de l'intimée selon laquelle il ne souffrirait pas d'une maladie au sens de la loi, au motif que le Covid long ne serait pas une maladie, ne reposait sur aucun avis médical. Le terme de Covid long n'avait du reste jamais été le diagnostic évoqué par les médecins traitants ou les experts. Les diagnostics posés, sur la base des examens médicaux complets, étaient, selon l'expert somaticien, le syndrome de fatigue post-viral (G93.3), une arthrite réactionnelle post-infectieuse (M.03.6), un état post-Covid-19 (U09.9), et selon l'expert psychiatre, un état de stress post-traumatique (F43.1), ainsi qu'un trouble de l'adaptation (F43.20), en lien de causalité avec l'infection. Dans la mesure où son atteinte à la santé ne saurait été qualifiée d'accident, elle était, de fait, une maladie au sens de la loi.

Le recourant 1 a ensuite fait valoir qu'il avait apporté tous les éléments démontrant le lien de causalité entre son atteinte à la santé et son activité professionnelle. Sa contamination avait eu lieu en avril 2020 et il n'avait depuis lors jamais recouvré sa capacité de travail. Les chiffres mentionnés dans les recommandations citées par l'intimée étaient indifférenciés en fonction de la longue période temporelle qualifiée de pandémie, de 2020 à mai 2023, dans le cadre de laquelle les mesures prises par les autorités politiques et sanitaires avaient évolué. Ils n'étaient ainsi pas représentatifs du moment de la contamination et ne permettaient pas d'en déduire la présence ou l'absence d'une causalité. Il était particulièrement choqué de lire qu'il aurait disposé, au moment de sa contamination, d'une vie sociale riche. Il s'agissait d'une affirmation péremptoire contraire à la réalité objective. De notoriété publique, il était soumis, le 11 avril 2020, par les lois de son pays de résidence à un confinement strict mis en place dès le 16 mars 2020, jusqu'au 11 mai 2020. Seuls les déplacements vers son lieu de travail et/ou pour des questions de santé étaient autorisés. Il n'avait ainsi aucune vie sociale qui rendrait plus vraisemblable que sa contamination ait eu lieu dans le cadre de sa vie privée plutôt qu'en dispensant des soins dans une unité Covid. Lorsqu'il ne travaillait pas au sein des C______, en unité Covid, en tant qu'infirmier pour fournir des soins infirmiers, en contact physique direct avec des personnes contaminées, il se trouvait confiné à son domicile. Par ailleurs, son partenaire, Q______, avait été testé négatif au Covid-19 au moment de sa contamination. Cet élément objectif, clair et sans équivoque, devait être pris en considération, et non des statistiques rétrospectives, s'agissant des modes de contaminations possibles, fondées sur trois années de pandémie dans des conditions sociales et sanitaires variables.

Le recourant 1 en a conclu que, au degré de la vraisemblance prépondérante, il avait été contaminé dans le cadre de son activité professionnelle, en unité Covid, au contact des personnes contaminées auxquelles il prodiguait des soins infirmiers plutôt que par son partenaire qui n'était pas atteint du Covid-19.

Le recourant 1 a joint :

-          une copie du décret n° 2020-260 du 16 mars 2020 portant réglementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus
Covid-19, pris par le Premier ministre français ;

-          un article du journal Le Monde publié le 14 avril 2020 intitulé « Confinement strict jusqu'au 11 mai, réouverture progressive des écoles…ce qu'il faut retenir du discours d'Emmanuel Macron » ;

-          trois messages émanant du service du médecin cantonal genevois en lien avec le résultat du test coronavirus (négatif), la recherche sur le Covid-19, ainsi que le certificat Covid pour Q______, datés respectivement des 13 avril 2020, 19 mai 2020 et 21 juin 2021.

f. Par écriture du 17 février 2025 (dans la cause A/3108/2024), le recourant 2 a relevé que dans l'arrêt 8C_442/2024 du 4 décembre 2024, le Tribunal fédéral avait considéré le Covid comme une maladie professionnelle pour le personnel hospitalier si une activité à haut risque d'infection était effectuée, et confirmé que l'infirmière qui travaillait dans un hôpital avait droit aux prestations de l'assurance-accidents, car elle s'était occupée de patients atteints du coronavirus.

g. Par duplique du 24 février 2025 (dans la cause A/3123/2024), l'intimée a persisté dans ses conclusions.

Elle a répété que les conditions de la reconsidération étaient remplies.

Elle a rappelé que selon l'experte somaticienne, les symptômes du recourant 1 faisaient partie des syndromes du Covid long. Des évidences de lien de causalité manquaient, par défaut de connaissance scientifique et de recul clinique. Les séquelles du Covid long étaient d'une intensité et d'une durée telles qu'une reprise, même partielle, du travail était impossible. En l'état des connaissances sur le Covid long et ses symptômes, il lui était impossible de se déterminer sur l'atteinte à l'intégrité. L'experte somaticienne avait bel et bien retenu le diagnostic de Covid long.

L'intimée a ajouté que le fait que le partenaire du recourant 1 avait été testé négatif au Covid-19 au moment de la contamination de celui-ci n'était pas relevant, puisque 95% de la population avait été infectée, avec pour conséquence que l'on pouvait inférer que 100% de la population avait côtoyé / fréquenté des personnes infectées par le Covid-19. Elle en a tiré la conclusion que toute relation de causalité avec une quelconque activité professionnelle était exclue.

h. Copie de cette écriture a été transmise au recourant 1 pour information.

i. Par écriture du 25 février 2025 (dans la cause A/3108/2024), l'intimée a exposé que l'assuré, infirmier chef d'unités à G______, en charge de trois unités de soins, ne démontrait pas avoir prodigué des soins à des patients atteints de Covid-19 qui nécessitaient notamment des contacts physiques étroits. La présomption que la maladie infectieuse avait été causée par un travail à l'hôpital ne trouvait dès lors pas application. Pour le surplus, l'intimée a repris les arguments précédemment développés.

j. Copie de cette écriture a été transmise au recourant 2 pour information.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ – E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du
6 octobre 2000 (LPGA – RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur
l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA – RS 832.20).

1.2 À teneur de l'art. 1 al. 1 LAA, les dispositions de LPGA s’appliquent à l’assurance-accidents, à moins que la LAA ne déroge expressément à la LPGA.

La procédure devant la chambre de céans est régie par les dispositions de la LPGA et de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985
(LPA – E 5 10).

1.3 Selon l'art. 58 LPGA, le tribunal des assurances compétent est celui du canton de domicile de l’assuré ou d’une autre partie au moment du dépôt du recours (al. 1). Si l’assuré ou une autre partie sont domiciliés à l’étranger, le tribunal des assurances compétent est celui du canton de leur dernier domicile en Suisse ou celui du canton de domicile de leur dernier employeur suisse ; si aucun de ces domiciles ne peut être déterminé, le tribunal des assurances compétent est celui du canton où l’organe d’exécution a son siège (al. 2).

1.4 Conformément à l’art. 49 al. 4 LPGA, l'assureur qui rend une décision touchant l'obligation d'un autre assureur d'allouer des prestations est tenu de lui en communiquer un exemplaire. Cet autre assureur dispose des mêmes voies de droit que l'assuré.

Sont des autres assureurs pouvant prétendre au bénéfice de la communication de la décision les assureurs sociaux au sens de la LPGA (Valérie DÉFAGO GAUDIN, Commentaire romand Loi sur la partie générale des assurances sociales, 2018, n. 48 ad art. 49 LPGA).

L’autre assureur dispose des mêmes voies de droit que l’assuré. Cette disposition signifie uniquement que l’architecture du contentieux est identique à celle qui vaut s’il était initié par l’assuré : l’autre assureur doit, tout comme l’assuré, utiliser la voie de l’opposition (art. 52) si celle-ci est ouverte, respectivement saisir le juge (DÉFAGO GAUDIN, op cit., n. 51 ad art. 49 LPGA).

1.5 Aux termes de l’art. 59 LPGA, quiconque est touché par la décision ou la décision sur opposition et a un intérêt digne d’être protégé à ce qu’elle soit annulée ou modifiée a qualité pour recourir. La jurisprudence considère comme intérêt digne de protection, au sens de cette disposition, tout intérêt pratique ou juridique à demander la modification ou l’annulation de la décision attaquée que peut faire valoir une personne atteinte par cette décision. L’intérêt digne de protection consiste ainsi en l’utilité pratique que l’admission du recours apporterait au recourant ou, en d’autres termes, dans le fait d’éviter un préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou autre que la décision attaquée lui occasionnerait (ATF 120 V 39 consid. 2b ; 121 II 174 consid. 2b). L’intérêt doit être direct et concret ; en particulier, la personne doit se trouver dans un rapport suffisamment étroit avec la décision, tel n’étant pas le cas de celui qui n’est atteint que de manière indirecte ou médiate (ATF 125 V 342 consid. 4a).

Lorsque le cumul des prestations de deux assureurs sociaux est exclu, la coordination matérielle entre ces deux assureurs peut reposer sur une condition commune qui fonde l’obligation de prester de l’un ou de l’autre selon qu’elle est remplie ou ne l’est pas. Par exemple, soit l’atteinte à la santé est d’origine accidentelle et l’assurance-accidents doit couvrir le cas, à l’exclusion de l’assurance-maladie, soit l’atteinte est d’origine maladive et l’assurance-maladie doit intervenir, à l’exclusion de l’assurance-accidents (art. 3 et 4 LPGA,
art. 6 LAA et art. 1a al. 2 let. a de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du
18 mars 1994 [LAMal - RS 832.10]). Cette condition commune fonde un rapport étroit de chacun des assureurs avec l’objet du litige, qui justifie de lui reconnaître la qualité pour recourir contre le refus de prester de l’autre assureur. Dès lors qu’il renonce à recourir contre une décision qui lui a été dûment notifiée, il est lié par la décision, ce qui évite des conflits négatifs de compétence. L’assureur-maladie a ainsi qualité pour recourir contre une décision de refus de traitement médical ou d’indemnités journalières de l’assureur-accidents, au motif que l’atteinte à la santé n’est pas d’origine accidentelle (Jean MÉTRAL, Commentaire romand, Loi sur la partie générale des assurances sociales, 2018, n. 36 ad art. 59 LPGA et les références).

1.6 Aux termes de l'art. 70 al. 1 LPA, l'autorité peut, d'office ou sur requête, joindre en une même procédure des affaires qui se rapportent à une situation identique ou à une cause juridique commune.

1.7 En l'occurrence, le recourant 1 est domicilié en France, mais son ancien employeur est situé dans le canton de Genève. Il est touché par la décision litigieuse en tant qu'elle lui nie tout droit aux prestations de l'assurance-accidents et prévoit notamment l'arrêt de la rente et la fin de la prise en charge des soins médicaux relatifs aux atteintes somatiques, à compter du 31 mai 2024. Partant, la chambre de céans est compétente à raison de la matière et du lieu pour juger du cas d'espèce.

Le recourant 2, assureur-maladie obligatoire du recourant 1, est également touché par la décision litigieuse, dès lors que l'intimée refuse la prise en charge des traitements des troubles psychiques du recourant 1, faute de causalité. Le recourant 2 a donc la qualité pour recourir.

Contrairement à ce que semble croire le recourant 2, l'intimée, dans la décision litigieuse, s'est déterminée sur son opposition du 17 août 2023 à la décision initiale du 13 juillet 2023, en confirmant le refus de prise en charge du traitement médical des troubles psychiques du recourant 1.

En revanche, l'intimée n'a pas formellement statué sur l'opposition du
22 juillet 2024 du recourant 2 à la décision de reconsidération du 6 mai 2024, par laquelle elle a modifié la décision initiale du 13 juillet 2023 qui octroyait au recourant 1, atteint d'une maladie professionnelle, une rente entière d'invalidité dès le 1er juillet 2023 en raison de ses troubles somatiques, lui reconnaissait (après la fixation de la rente) la prise en charge des frais médicaux liés auxdits troubles, ainsi qu'une indemnité pour atteinte à l'intégrité portant sur les troubles neuropsychologiques d'un taux de 35%. Cette décision de reconsidération a été rendue à la suite du retrait de l'opposition du recourant 1 à la décision du
13 juillet 2023, ce qui a eu pour conséquence l'entrée en force de cette décision. En effet, en cas de retrait de l'opposition, la décision initiale entre en force
(ATF 131 V 414 consid. 2 ; Ghislaine FRÉSARD-FELLAY, Droit suisse de la sécurité sociale, Volume II, 2015, p. 544, n. 169) et l'assureur n'a plus que la possibilité de modifier la décision initiale aux conditions de l'art. 53 LPGA (DÉFAGO GAUDIN, op cit., n. 32 ad art. 52 LPGA). Aux yeux de l'intimée, cette décision de reconsidération était motivée par le fait que le recourant 1 ne présentait en réalité pas une maladie professionnelle consécutive à l'infection au Covid-19 et que, dans tous les cas, l'examen de la causalité adéquate, qu'elle n'avait pas effectué à l'époque, conduisait au refus de toute prestation.

La décision de reconsidération du 6 mai 2024 a un impact sur la situation du recourant 2 en tant qu'elle cesse le paiement des frais médicaux relatifs aux atteintes somatiques du recourant 1 au 31 mai 2024. Cela étant, le recourant 1, qui partage avec le recourant 2 une étroite communauté d'intérêts face à l'intimée, a contesté la fin de la prise en charge desdits soins médicaux. Au vu de l'admission du recours du recourant 1, pour les motifs exposés plus loin, il n'est pas nécessaire de renvoyer la cause à l'intimée pour qu'elle se prononce sur l'opposition du recourant 2 du 22 juillet 2024 à la décision de reconsidération du 6 mai 2024.

Pour le surplus, les deux recours contre la décision litigieuse du 22 août 2024 ont été interjetés dans la forme (art. 61 let. b LPGA) et le délai de 30 jours (art. 60 al. 1 LPGA) prévus par la loi. Ils sont partant recevables.

Dans la mesure où dans les deux causes, la question préalable qui se pose est celle de savoir si la maladie professionnelle doit être reconnue ou non, et que le sort de l'une influencerait celui de l'autre, il se justifie de les joindre sous le numéro de procédure A/3123/2024.

2.             Le litige porte sur le point de savoir, d'une part, si l'intimée pouvait ou non reconsidérer la décision d'octroi de prestations LAA du 13 juillet 2023 et, d'autre part, si elle doit prendre en charge le traitement médical des troubles psychiques du recourant 1.

3.             Aux termes de l'art. 53 al. 2 LPGA, l'assureur peut revenir sur les décisions ou les décisions sur opposition formellement passées en force lorsqu'elles sont manifestement erronées et que leur rectification revêt une importance notable.

Pour juger s'il est admissible de reconsidérer une décision pour le motif qu'elle est sans nul doute erronée, il faut se fonder sur les faits et la situation juridique existant au moment où cette décision a été rendue, compte tenu de la pratique en vigueur à l'époque (ATF 125 V 383 consid. 3). Par le biais de la reconsidération, on corrigera une application initiale erronée du droit, de même qu'une constatation erronée résultant de l'appréciation des faits. Un changement de pratique ou de jurisprudence ne saurait en principe justifier une reconsidération (ATF 117 V 8 consid. 2c ; 115 V 308 consid. 4a/cc).

Selon la jurisprudence, la condition du caractère manifestement erroné est réalisée lorsque la décision a été rendue en violation manifeste du principe inquisitoire (cf. art. 43 al. 1 LPGA) sur la base d'un état de fait établi de manière incomplète. L'exigence du caractère manifestement erroné de la décision est également réalisée lorsque le droit à des prestations d'assurance a été admis en application des fausses bases légales ou que les normes déterminantes n'ont pas été appliquées ou l'ont été de manière incorrecte (ATF 140 V 77 consid. 3.1 ; 138 V 147 consid. 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_375/2020 du 2 février 2021 consid. 4.3).

Pour des motifs de sécurité juridique, l'irrégularité doit être manifeste, de manière à éviter que la reconsidération devienne un instrument autorisant sans autre limitation un nouvel examen des conditions à la base des prestations de longue durée. En particulier, les organes d'application ne sauraient procéder en tout temps à une nouvelle appréciation de la situation après un examen plus approfondi des faits. Ainsi, une inexactitude manifeste ne saurait être admise lorsque l'octroi de la prestation dépend de conditions matérielles dont l'examen suppose un pouvoir d'appréciation, quant à certains de leurs aspects ou de leurs éléments, et que la décision initiale paraît admissible compte tenu de la situation antérieure de fait et de droit. S'il subsiste des doutes raisonnables sur le caractère erroné de la décision initiale, les conditions de la reconsidération ne sont pas remplies (arrêt du Tribunal fédéral 8C_108/2022 du 22 septembre 2022 consid. 3.3).

4.             Selon l'art. 6 al. 1 LAA, si la loi n'en dispose pas autrement, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle.

4.1 Selon l'art. 9 al. 1 LAA, sont réputées maladies professionnelles les maladies (art. 3 LPGA) dues exclusivement ou de manière prépondérante, dans l'exercice de l'activité professionnelle, à des substances nocives ou à certains travaux ; le Conseil fédéral établit la liste de ces substances ainsi que celle de ces travaux et des affections qu'ils provoquent. Se fondant sur cette délégation de compétence - à laquelle renvoie l'art. 14 de l'ordonnance sur l'assurance-accidents du
20 décembre 1982 (OLAA - RS 832.202) -, le Conseil fédéral a dressé à
l'annexe 1 de l'OLAA la liste des substances nocives, d'une part, et la liste de certaines affections, ainsi que des travaux qui les provoquent, d'autre part. Ces substances et travaux, ainsi que les affections dues à ceux-ci, sont énumérés de manière exhaustive (arrêt du Tribunal fédéral 8C_626/2021 du 19 janvier 2022 consid. 3.2 et les références).

Selon la jurisprudence, l'exigence d'une relation prépondérante est réalisée lorsque la maladie est due pour plus de 50% à l'action d'une substance nocive mentionnée dans la première liste, ou que, dans la mesure où elle figure parmi les affections énumérées dans la seconde liste, elle a été causée à raison de plus de 50% par les travaux indiqués en regard. En revanche, l'exigence d'une relation exclusive signifie que la maladie professionnelle est due pratiquement à 100% à l'action de la substance nocive ou du travail indiqué (ATF 119 V 200 consid. 2a et la référence).

Aux termes de l'art. 9 al. 2 LAA, sont aussi réputées maladies professionnelles les autres maladies dont il est prouvé qu'elles ont été causées exclusivement ou de manière nettement prépondérante par l'exercice de l'activité professionnelle. Il s'agit là d'une clause générale visant à combler les lacunes qui pourraient résulter de ce que la liste dressée par le Conseil fédéral à l'annexe 1 de l'OLAA ne mentionne pas soit une substance nocive qui a causé une maladie, soit une maladie qui a été causée par l'exercice de l'activité professionnelle
(ATF 119 V 200 consid. 2b ; 117 V 354 consid. 2b ; 114 V 109 consid. 2b et les références).

Selon la jurisprudence, l'aggravation d'un état maladif antérieur par des substances ou des travaux figurant sur la liste établie par le Conseil fédéral conformément à l'art. 9 al. 1 LAA ou par l'exercice de l'activité professionnelle au sens de l'art. 9 al. 2 LAA est assimilée à une affection provoquée par ces mêmes causes (ATF 117 V 354 ; cf. 108 V 158). Lorsque l'aggravation d'origine professionnelle est de nature temporaire, l'assureur-accidents est tenu de verser des prestations jusqu'au décours complet de l'aggravation (arrêt du Tribunal fédéral U.35/05 du 12 janvier 2006 consid. 1.2).

Sauf disposition contraire, la maladie professionnelle est assimilée à un accident professionnel dès le jour où elle s’est déclarée. Une maladie professionnelle est réputée déclarée dès que la personne atteinte doit se soumettre pour la première fois à un traitement médical ou est incapable de travailler (art. 6 LPGA ; art. 9 al. 3 LAA).

4.2 Selon le ch. 2 let. b par. 4 de l'annexe 1 de l'OLAA, sont réputées affections dues à certains travaux au sens de l’art. 9 al. 1 de la loi les maladies infectieuses contractées lors de travaux dans des hôpitaux, des laboratoires, des instituts de recherches et établissements analogues.

Selon l'OMS, les maladies infectieuses sont causées par des microorganismes pathogènes, tels que les bactéries, les virus, les parasites ou les champignons ; ces maladies peuvent se transmettre, directement ou indirectement, d'une personne à l'autre (Gaëlle BARMAN IONTA / David IONTA, COVID-19 sous l'angle de la maladie professionnelle, in Assurances sociales et pandémie de Covid-19, 2021, p. 70).

Tant sous l'angle médical que du point de vue assécurologique, le Covid-19 est une maladie infectieuse entrant dans l'énumération des affections de l'annexe 1 ch. 2 let. b OLAA. De plus, la transmission de cette maladie résulte du contact humain, direct ou indirect. L'OMS a considéré la flambée de Covid-19 comme une épidémie en janvier 2020 qu'il a qualifiée de pandémie le 11 mars 2020 (BARMAN IONTA / IONTA, op cit., ibidem).

4.2.1 Le Tribunal fédéral a jugé qu’une assurée, qui travaillait comme psychologue dans une clinique et ne s'occupait pas elle-même de patients atteints d'une infection aiguë au Covid-19, n'était pas exposée au risque de contamination spécifique d'un poste de travail dangereux pour la santé dans un hôpital. Son infection au Covid-19 n'était donc pas une maladie professionnelle au sens de
l'art. 9 al. 1 LAA en lien avec le ch. 2 let. b de l'annexe 1 de l'OLAA
(ATF 150 V 460 consid. 4.7).

En revanche, il a considéré qu’une assurée, assistante en soins et santé communautaire, chargée de soigner des patients atteints de Covid-19 à l’hôpital qui nécessitaient un contact physique étroit, exerçait une activité présentant le risque spécifique d’un poste de travail dangereux pour la santé à l’hôpital au sens du ch. 2 let. b de l’annexe 1 de l’OLAA. Par conséquent, il existe une présomption naturelle, en l'absence de preuve contraire concluante, que l'infection de l'assurée au Covid-19 était une maladie professionnelle. Lorsque les conditions de la présomption sont remplies, aucune investigation supplémentaire n’est nécessaire pour déterminer à quelle occasion l’infection a eu lieu (arrêt du Tribunal fédéral 8C_442/2024 du 4 décembre 2024 consid. 5 et 6).

En matière de preuve, il existe une présomption naturelle (sous réserve de preuve contraire convaincante) qu’il y a maladie professionnelle si l’une des maladies énumérées dans la liste est apparue et si l’assuré exerce l’activité correspondante décrite dans l’annexe de l’OLAA. Cependant, la présomption qu’une maladie infectieuse ait été causée par le travail à l’hôpital ne se justifie que si cette activité comporte un risque spécifique défini par le législateur comme dangereux pour la santé. Ainsi, toute activité dans un hôpital, un laboratoire ou un institut de recherche ne peut être considérée comme dangereuse pour la santé
(ATF 150 V 460 consid. 4.6 avec références).

4.2.2 La Commission ad hoc des sinistres LAA a établi à l’intention des assureurs-accidents une recommandation en matière d’affections au sens de l’annexe 1 ch. 2 let. b OLAA (recommandation n° 1/2003, intitulée « Affections au sens de l’annexe 1, ch. 2, let. b OLAA » émise le 22 mai 2003 et révisée pour la dernière fois le 23 décembre 2020). Cette recommandation reconnaît l’affection à la Covid-19 comme pouvant être attribuée, d’un point de vue médical, à un groupe de maladies énoncées dans l’annexe 1 ch. 2 let. b OLAA. Si les conditions supplémentaires requises pour ce groupe d’affections sont remplies, soit, dans le cas des maladies infectieuses, lors d’une activité professionnelle exercée dans un hôpital, un laboratoire, un institut de recherche et autres établissements analogues, des prestations au titre de la LAA peuvent être dues au titre de maladie professionnelle. La Commission ad hoc des sinistre LAA précise encore qu’en cas de maladies infectieuses, transmissibles chez l’être humain, la caractéristique essentielle et décisive d’une exposition pour raison professionnelle ou durant l’exercice de la profession est celle selon laquelle cette activité professionnelle exige de travailler avec des patients infectés ou contaminés, par exemple dans un hôpital ou dans un environnement fortement infecté/infectieux ou contaminé comme un laboratoire ou un institut de recherches.

Ces recommandations n’ont toutefois pas valeur d’ordonnances administratives, ni de directives d’une autorité de surveillance aux autorités d’exécution de la loi. Il s’agit de simples recommandations qui ne lient pas le juge (ATF 144 V 411 consid. 4.7), même si elles ne sont pas dénuées d’importance du point de vue de l’égalité de traitement des assurés (ATF 134 V 277 consid. 3.5).

4.2.3 Selon la définition donnée par l’OMS, le 6 octobre 2021 (consensus de Delphi), une affection post-Covid-19 survient après une infection très probable ou avérée par le SARS-CoV-2, généralement trois mois après que le Covid-19 s’est déclaré. Ses symptômes durent au moins deux mois et ne peuvent pas être expliqués par un autre diagnostic. Les symptômes fréquents comprennent fatigue, essoufflement, troubles cognitifs, mais aussi d’autres problèmes qui retentissent sur la vie quotidienne. Ils peuvent réapparaître après la guérison d’un Covid-19 aigu ou perdurer au-delà de la durée de la maladie initiale. Ils peuvent être fluctuants ou récurrents.

Selon la recommandation pour le bilan de médecine d'assurance d'une affection post-Covid 19 en Suisse (version 2.0), établie le 31 juillet 2023 par le groupe de travail post-Covid-19 - Médecine d'assurance, de l’Hôpital universitaire de Bâle, soumise à la SIM, l’infection par le virus SARS-CoV-2 déclenche une réaction immunologique, dont la conséquence est une atteinte multisystémique qui peut affecter les fonctions de nombreux organes, y compris le cerveau. La production du virus dépend de la réaction du système immunitaire de l’hôte et des propriétés des différents variants du SARS-CoV-2. Par ailleurs, le virus présente une affinité tissulaire pour les cellules des voies respiratoires hautes et basses, en particulier, mais aussi pour d’autres types de tissus, tels que : l’intestin, le système nerveux central, le foie, les reins, le cœur et les vaisseaux sanguins. La maladie est, par conséquent, corrélée à un large éventail de symptômes. L’intensité de la réponse immunitaire de la personne infectée dépend de différents facteurs tels que l’âge, le sexe, les maladies antérieures, mais aussi le variant du virus ; elle détermine l’évolution de la maladie et sa sévérité, sachant que des réinfections plus ou moins graves sont également possibles après la fin de la primo-infection. En conséquence, l’affection post-Covid-19 peut se manifester par des symptômes très divers. De ce fait, en dehors de lésions organiques pour lesquelles elle peut être clairement incriminée, l’affection post-Covid-19 est encore incomplètement comprise et s’avère multifactorielle.

Il est toutefois établi que des séquelles de l’affection post-Covid-19 peuvent se retrouver dans différents domaines de spécialité : complications pneumologiques (dyspnée, toux, limitation de la capacité physique et troubles du sommeil), complications cardiovasculaires (accidents ischémiques cérébraux, infarctus du myocarde, risque accru de maladies cardiovasculaires [accidents vasculaires cérébraux, arythmies cardiaques, cardiopathies ischémiques et non ischémiques, péricardite et myocardite, insuffisance cardiaque et thromboembolie]), complications neurologiques et neurocognitives (problèmes d’odorat et de goût, céphalées et douleurs musculaires, syndrome d’épuisement général avec fatigue organique, problèmes de mémoire, de concentration, troubles sensoriels et dysautonomies, etc.), complications rhumatologiques (myosite, vasculite, glomérulonéphrite, myocardite, arthrite et tableau Kawasaki-like, maladie auto‑immune [chronique]), complications ORL (troubles aigus de l’odorat).

Les pathologies préexistantes, telles que par exemple l’asthme, la fatigue chronique, les céphalées, la dyspnée ou encore les myalgies, accroissent le risque d’affection post-Covid-19. Chez les patients ayant développé une forme grave de Covid-19 mais aussi, dans une moindre mesure, dans des cas d’infection légère à moyenne, des troubles psychiques notables ont été constatés, avec une incidence élevée de troubles anxieux, affectifs, et d’états de stress post-traumatique mais aussi de problèmes de dépendance. La place des facteurs psychosociaux dans la genèse des troubles psychiques pourrait toutefois être un cofacteur important. Il importe de tenir compte des difficultés individuelles de la vie quotidienne liées à la pandémie, en général et à la maladie (quarantaine, isolement, difficultés au travail, violence intrafamiliale en confinement, deuil et solitude), qui peuvent provoquer des troubles psychiques (anxiété, dépression, stress post-traumatique, troubles fonctionnels) ou aggraver des troubles existants, en particulier chez les personnes présentant des vulnérabilités psychiques (cf. ATAS/984/2023 du 14 décembre 2023 consid. 6.1-6.2).

4.3 Selon la jurisprudence, un fait est la cause adéquate d'un résultat si, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience générale de la vie, ce fait était propre à entraîner un résultat du genre de celui qui s'est produit, la survenance de celui-ci paraissant ainsi de façon générale favorisée (ATF 129 V 177 consid. 3.2 ;
125 V 456 consid. 5a ; SVR 2010 UV n. 30 consid. 5.2). L'exigence d'un rapport de causalité adéquate entre l'accident assuré et l'atteinte à la santé qui s'en est suivie, en tant que condition du droit aux prestations de l'assurance-accidents, vise à limiter la responsabilité de cette dernière (ATF 129 V 177 consid. 3.3 ;
125 V 456 consid. 5c ; SVR 2017 UV n. 8 consid. 3.3).

Il appartient au juge et à lui seul de trancher la question de la causalité adéquate. Le juge appelé à se prononcer sur l'existence d'un rapport de causalité adéquate doit se demander, en face d'un enchaînement concret de circonstances, s'il était probable que le fait considéré produisît le résultat intervenu. À cet égard, ce n'est pas la prévisibilité subjective mais la prévisibilité objective du résultat qui compte (ATF 107 V 173 consid. 4b).

La question de savoir comment il y a lieu d'appréhender l'émergence d'une atteinte psychique en relation avec une maladie professionnelle (de nature somatique) doit être résolue selon le critère de la causalité adéquate. Selon le Tribunal fédéral (voir notamment ATF 125 V 456 consid. 5 ou arrêt du Tribunal fédéral 8C_154/2010 du 16 août 2010 consid. 3.3), la jurisprudence relative à la causalité adéquate en cas d'atteinte psychique consécutive à des accidents (ATF 115 V 133, accident présentant objectivement une certaine gravité ou entrant sérieusement en ligne de compte dans la survenance des troubles psychiques) n'est pas applicable par analogie à l'examen de la survenance de troubles psychiques en lien (éventuel) avec des maladies professionnelles. Dans cette dernière éventualité s'applique la définition générale de la causalité adéquate, à savoir qu'il faut examiner si, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, appréciés en fonction de la diversité des assurés pour lesquels l'assurance-accidents doit offrir sa protection, la maladie professionnelle, dans sa spécificité, était propre à entraîner des troubles psychiques du genre de ceux qui sont apparus (ATF 125 V 456 consid. 5e).

Ayant eu à se prononcer sur le lien de causalité adéquate entre de l’asthme considéré comme une maladie professionnelle et des troubles psychiques, le Tribunal fédéral a notamment eu l’occasion de relever, dans le cadre de l’examen d’un cas particulier, que, pour que l'on puisse en l’espèce admettre l'existence dudit lien de causalité adéquate, il fallait en premier lieu que les substances inhalées par l'assurée fussent de nature à provoquer chez la plupart des assurés des troubles psychiques du genre de ceux dont elle avait souffert. Or, il n'était pas établi que les personnes qui travaillaient avec l'assurée avaient également été frappées de telles affections psychiques, voire empêchées d'exercer leur métier en raison des substances allergènes présentes dans l'air de l'usine. En outre, il fallait tenir compte du fait que la maladie professionnelle dont l'assurée avait été affectée n'avait pas mis sérieusement sa santé en danger et qu'elle n'avait pas non plus compromis son retour dans la vie active. De plus, on devait retenir que l'assurée n'avait subi que de brèves périodes d'incapacité de travail et que son asthme professionnel n'avait pas porté atteinte de façon permanente ou irréversible à sa santé physique (arrêt du Tribunal fédéral U 153/01 du 29 avril 2002).

Dans une autre affaire, le Tribunal fédéral a estimé que l’exposition à des substances allergiques ayant provoqué un eczéma chronique n’était pas de nature, selon le cours ordinaire des choses et l'expérience générale de la vie, à provoquer un état dépressif sévère accompagné de symptômes psychotiques, et a nié l’existence d’un lien de causalité adéquate entre les troubles psychiques et l’allergie professionnelle (arrêt du Tribunal fédéral 8C_307/2013 du 6 mars 2014 consid. 4.3).

En revanche, dans un arrêt du 4 juillet 2002, le Tribunal fédéral a reconnu le lien de causalité de troubles psychiques avec une maladie professionnelle, en présence d’une anaphylaxie idiopathique chronique récurrente (onze chocs anaphylactiques en l’espace de 26 mois). Il a alors considéré que la quantité de ces réactions, pouvant entraîner de graves conséquences ou même engager le pronostic vital, ainsi que leur survenance imprévisible, constituaient des circonstances particulières susceptibles, selon le cours habituel des événements et l'expérience générale de la vie, de conduire au développement de troubles psychiques tels qu’une dépression (arrêt du Tribunal fédéral U 88/02 du 4 juillet 2002 in RAMA 2002 U 468 p. 516 consid. 3 b et c).

Dans l’ATF 125 V 456, le Tribunal fédéral a considéré que les réactions anaphylactiques subies par un assuré boulanger n’étaient pas, selon le cours habituel des choses et selon l'expérience générale de la vie, susceptibles de provoquer des troubles psychiques tels qu’une attitude d’évitement empêchant l’assuré de fréquenter non seulement les lieux où les substances allergènes se trouvaient, mais également tous ceux présentant des odeurs désagréables et dans lesquels il croyait donc ne pas pouvoir travailler (ATF 125 V 456 consid. 5e ; cf. arrêt de la Ie Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal fribourgeois 605 2020 245 du 15 septembre 2021 consid. 3.3).

4.4 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

5.              

5.1 En l'espèce, l'intimée a reconsidéré la décision initiale d'octroi de prestations LAA du 13 juillet 2023, au motif que l'art. 9 LAA n'avait pas correctement été appliqué, dans la mesure où l'infection du recourant 1 au Covid-19 ne pouvait pas être reconnue à titre de maladie professionnelle.

Il convient donc d'examiner si cette décision était manifestement erronée.

5.1.1 Il n'est pas contestable que l'infection au Covid-19 est une maladie infectieuse au sens du ch. 2 let. b par. 4 de l'annexe 1 de l'OLAA.

Il ressort du dossier que le recourant 1 collaborait en qualité d'infirmier responsable aux C______ lorsque l'OMS a qualifié le Covid-19 de pandémie le 11 mars 2020. D'après le cahier des charges d'un infirmier-responsable de soins, transmis par les C______ à l'OAI (dossier intimée pièce 222 p. 75), les activités inhérentes à cette fonction comprennent notamment l'assurance que chaque patient bénéficie de soins individualisés et adaptés à son état de santé, et que les soignants de son équipe utilisent les référentiels et protocoles de soins en vigueur aux C______, ainsi que l'établissement d'une relation suivie avec les patients et leurs proches tout au long de leur séjour. Selon la déclaration de sinistre du 8 juin 2020, complétée par l'employeur, le recourant 1 a été en contact avec des patients et des collaborateurs contaminés, à D______ (gériatrie). Il a travaillé pour la dernière fois le 9 avril 2020 (jeudi), et il a effectué un test le 11 avril 2020 (samedi) qui s'est révélé être positif au Covid-19 le lendemain. Dans un rapport du 15 juillet 2020, le médecin généraliste traitant a indiqué que le recourant 1 était en charge de trois unités de soins dans cet hôpital où séjournaient des patients atteints du Covid-19, auxquels il avait prodigué des soins. Il a précisé que le recourant 1 ne disposait pas encore de matériel de protection suffisante, ce que l'intimée ne remet pas en cause. Du reste, les mesures de protection ont pour but de réduire, mais sans l'exclure totalement, le risque de contagion (cf. arrêt de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal vaudois AA 142/21-62/2023 du
30 mai 2023 consid. 6c). Lors d'un entretien avec un collaborateur de l'intimée le 9 novembre 2020 (dossier intimée pièce 29), le recourant 1 a déclaré avoir, le dernier week-end où il avait travaillé (4-5 avril 2020), « emballé » 17 patients décédés et que plusieurs collègues avaient été infectés également par le Covid-19. Lors de l'expertise le 19 mai 2022, le recourant 1 a affirmé que, dans le cadre de son activité d'infirmier responsable à R______, il était régulièrement au contact des patients (dossier intimée pièce 122 p. 22). On peut par ailleurs admettre, au degré de la vraisemblance prépondérante, que le respect de la distanciation sociale n'était pas toujours possible en raison de la nature même de l'activité d'infirmier.

Force est de constater que le recourant 1 était exposé à un risque de contamination bien plus élevé que le reste de la population par le fait qu'il était en contact direct étroit avec des patients et des collègues infectés par le Covid-19 dans le cadre de son activité professionnelle, en milieu hospitalier.

Il y a donc lieu d’admettre que le recourant 1 exerçait une activité présentant le risque spécifique d’un poste de travail dangereux pour la santé à l’hôpital au sens de la seconde liste du ch. 2 let. b de l’Annexe 1 de l’OLAA. Par conséquent, la présomption d’une maladie professionnelle doit s’appliquer, le recourant 1 ayant contracté une infection Covid-19.

Aucun élément au dossier ne permet de renverser cette présomption de maladie professionnelle. En particulier, il n’est pas démontré que le recourant 1 aurait été en contact avec des personnes ayant contacté le coronavirus, en dehors de son activité professionnelle. L'intimée ne conteste pas que le partenaire du recourant 1 a été testé négatif au Covid-19 selon le message reçu par le service du médecin cantonal genevois le 13 avril 2020, versé au dossier le 7 février 2025. Lors de l'entretien avec un collaborateur de l'intimée le 9 novembre 2020, le recourant 1 avait du reste déclaré que son époux n'avait pas été sujet au Covid-19 (pièce 29 p. 3). Dans un rapport du 2 juin 2021, la division réadaptation professionnelle de l'OAI a mentionné que la famille du recourant 1 vivait au Canada et sa
belle-famille dans le canton de Berne (pièce 222 p. 97). Dans un rapport du
17 mai 2021 à l'OAI, la psychiatre traitante a indiqué que le recourant 1 gardait des contacts avec ses amis et famille par face time (pièce 222 p. 55), soit en visioconférence. On ne peut donc pas admettre que le recourant 1, domicilié en France, avait une vie sociale riche, comme le prétend l'intimée, d'autant moins qu'il était soumis à un confinement strict du 17 mars au 11 mai 2020 selon les documents qu'il a produits le 7 février 2025. Une contamination dans les magasins ou les transports publics constitue uniquement une hypothèse, qui ne suffit pas, compte tenu des circonstances, à la rendre plus vraisemblable que celle d'une infection dans le cadre de l'activité professionnelle à l'hôpital (cf. arrêt de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal vaudois AA 142/21-62/2023 précité consid. 6c).

Conformément à la jurisprudence fédérale (consid. 4.2.1 ci-dessus), il y a donc lieu de retenir que le Covid-19 était dû de manière prépondérante (plus de 50%) à l'activité d'infirmier responsable du recourant 1 aux C______. Aussi la contraction du Covid-19 par le recourant 1 doit-elle être considérée comme une maladie professionnelle au sens de l'art. 9 al. 1 LAA en relation avec le ch. 2 let. b par. 4 de l'annexe 1 de l'OLAA. En conséquence, la décision initiale d'octroi de prestations du 13 juillet 2023 était correcte en tant qu'elle admettait que le recourant 1 souffrait d'une maladie professionnelle.

La jurisprudence fédérale précitée confirme la prise de position de la recommandation n° 1/2003 de la Commission ad hoc des sinistres LAA, révisée au 23 décembre 2020, qui reconnaît le caractère de maladie professionnelle à une affection au Covid-19 pour le personnel hospitalier ayant travaillé avec des patients infectés ou contaminés.

L'intimée relève avoir, dans un premier temps, pris en charge le cas annoncé en application de cette recommandation, même si le soupçon de maladie n'était pas confirmé par la suite. Or, au moment où l'intimée a statué pour la première fois, le test réalisé par le recourant 1 mettait en évidence qu'il avait contracté le coronavirus, et les rapports médicaux au dossier faisaient état des symptômes du Covid-19 que le recourant 1 présentait.

L'intimée conteste, dans la décision litigieuse, la qualification de maladie professionnelle, en s'appuyant sur l'arrêt du Tribunal fédéral 8C_516/2020 cité au consid. 4.1 supra portant sur l'impossibilité d'apporter la preuve de la causalité qualifiée, par exemple en raison de la propagation d'une maladie dans l'ensemble de la population. Or, cet arrêt, antérieur à la pandémie de Covid-19, n'est en tant que tel pas transposable au cas d'espèce, puisque, dans le contexte de cette pandémie, le Tribunal fédéral considère, comme précédemment exposé, que l'infection au Covid-19 par le personnel hospitalier chargé de soigner des patients atteints du Covid-19 est une maladie professionnelle au sens de l'art. 9 al. 1 LAA en lien avec le ch. 2 let. b par. 4 de l'annexe 1 de l'OLAA. Par conséquent, le fait que 4.4 millions de cas ont été enregistrés officiellement en Suisse ou que cette affection s'est propagée dans l'ensemble de la population n'est pas déterminant. Pas plus que ne l'est le fait que, selon des études réalisées, des personnes non infectées par le Covid-19 (groupe témoin négatif) présentaient les mêmes symptômes que les personnes atteintes par le Covid-19. Cela ne dit en effet rien sur le point - pertinent - de savoir si l'activité professionnelle exercée dans un hôpital est à l'origine de la maladie infectieuse contractée.

Par ailleurs, dans la mesure où le diagnostic d'une infection post-Covid-19 présuppose le diagnostic d'une infection au Covid-19 déjà contractée (recommandation pour le bilan de médecin d'assurance d'une affection
post-Covid-19 en Suisse [version 2.0] du 31 juillet 2023 déjà citée, p. 6), on ne saurait considérer, comme le laisse entendre l'intimée, qu'une affection
post-Covid-19 ne constitue pas une maladie au sens de l'art. 3 LPGA. Selon cette disposition, « est réputée maladie toute atteinte à la santé physique, mentale ou psychique qui n’est pas due à un accident et qui exige un examen ou un traitement médical ou provoque une incapacité de travail ». Dès lors que l'infection par le Covid-19 constitue une maladie, comme relevé précédemment, la persistance prolongée des symptômes du recourant 1 (Covid long) à la suite d'une infection au Covid-19, due de manière prépondérante à son activité professionnelle à l'hôpital, doit également être qualifiée de maladie professionnelle. Dans un arrêt du 14 décembre 2023 (ATAS/984/2023), la chambre de céans a relevé qu'il n'était pas contesté que l'assurée concernée, assistante en soins et santé communautaire dans une maison de retraite, souffrait d'une maladie professionnelle depuis le 11 décembre 2020, à savoir, dans un premier temps, d'une infection au Covid-19 en tant que telle, et, par la suite, d'un Covid long (consid. 9.1).

5.1.2 Subsidiairement, l'intimée fait valoir que, même s'il fallait admettre l'existence d'une maladie professionnelle, la décision du 13 juillet 2023 était manifestement inexacte, au motif qu'elle avait négligé d'examiner la condition de l'existence d'un rapport de causalité adéquate, et que la négation dudit lien de causalité aurait dû la conduire au refus de toute prestation, y compris la rente et l'indemnité pour atteinte à l'intégrité.

La décision du 13 juillet 2023, qui a mis le recourant 1 au bénéfice d'une rente d'invalidité entière en raison de ses troubles somatiques, reposait sur le rapport d'expertise du 15 juin 2022, ainsi que sur l'appréciation du médecin-conseil somaticien du 23 octobre 2022.

Sur le plan somatique, cette expertise est fondée sur les pièces médicales du dossier (p. 11-21), l'anamnèse et les plaintes (p. 22-24), l'entretien avec le médecin généraliste traitant (p. 22), l'examen clinique et les constations objectives
(p. 24-28), ainsi que l'appréciation du cas (p. 29-32). Elle répond aux réquisits jurisprudentiels pour se voir reconnaître pleine valeur probante (ATF 134 V 231 consid. 5.1), d'autant plus que dans son avis du 23 octobre 2022, le
médecin-conseil de l'intimée a estimé que les conclusions de l'expertise somatique étaient convaincantes.

Sur le fond, l'experte a mis en évidence tant des séquelles objectivables du Covid long (arthrites et inflammations des tendons ; p. 27 et 29) que celles sans substrat organique de cette maladie (dyspnée d'effort, douleurs thoraciques, céphalées, fatigue ; p. 28). Elle a relevé que le tableau clinique avait des répercussions sur la capacité de travail du recourant 1, qui était nulle dans toute activité (p. 29-30).

Dans son appréciation du 23 octobre 2022, le médecin-conseil de l'intimée a considéré que l'atteinte à la santé somatique était, au degré de la vraisemblance prépondérante, au moins une suite partielle de l'événement du 11 avril 2020,
c'est-à-dire de la maladie professionnelle.

S'il a indiqué, à titre d'état maladif préexistant, un possible éthylisme chronique, il a néanmoins reconnu que l'événement du 11 avril 2020 avait provoqué une aggravation décisive de l'état de santé, justifiant une totale incapacité de travail dans toute activité. Selon le médecin-conseil, l'infection au Covid-19 est donc la cause prépondérante de l'atteinte à la santé.

C'est le lieu de rappeler que l'octroi de la rente d'invalidité dépend de conditions matérielles dont l'examen suppose un pouvoir d'appréciation (évaluation de l'incapacité de travail et de l'invalidité, appréciation des preuves, appréciation des questions relatives à l'exigibilité ; Margit MOSER-SZELESS, Commentaire romand, Loi sur la partie générale des assurances sociales, 2018, n. 76 ad art. 53 LPGA).

Eu égard aux éléments à disposition à l'époque, et en l'absence d'avis médicaux contraires à celui du médecin-conseil, il n'y a pas lieu de considérer que l'intimée, au moment où elle a statué le 13 juillet 2023, a fait un usage manifestement erroné de son pouvoir d'appréciation.

Quant à l'examen du rapport de causalité adéquate, c'est également le lieu de rappeler que la définition légale de la maladie professionnelle selon l'art. 9
al. 1 LAA exige, outre un rapport de causalité naturelle entre l'origine incriminée et l'atteinte à la santé considérée, une causalité adéquate qualifiée, la maladie devant être due exclusivement ou de manière prépondérante, dans l'exercice de l'activité professionnelle, à des substances nocives ou à certains travaux (BARMAN IONTA / IONTA, op cit., p. 63).

Étant donné qu'en l'occurrence, pour les motifs déjà exposés, le recourant 1 souffre d'une maladie professionnelle, et que d'après le médecin-conseil somaticien, son état de santé s'est aggravé de manière prépondérante à cause de cette maladie professionnelle, en reconnaissant (implicitement) l'existence d'un rapport de causalité adéquate et en allouant une rente fondée sur un taux d'invalidité de 100% liée aux troubles somatiques, l'intimée n'a pas rendu une décision insoutenable le 13 juillet 2023.

5.1.3 Aussi les conditions requises pour procéder à la reconsidération de la décision du 13 juillet 2023 n'étaient-elles pas remplies.

Il est donc, par appréciation anticipée des preuves, superflu de donner suite aux offres de preuves du recourant 1 (ATF 122 II 464 consid. 4a).

5.1.4 Quant à l'octroi justifié ou pas de l'indemnité pour atteinte à l'intégrité résultant des troubles neuropsychologiques du recourant 1, élément sur lequel l'experte somaticienne ne s'est pas prononcée (p. 32), à l'inverse du
médecin-conseil, cette question peut demeurer ouverte, dès lors que, dans la décision litigieuse du 22 août 2024, l'intimée a indiqué qu'elle ne réclamerait pas le remboursement de cette prestation (p. 7).

5.2 Reste à se déterminer sur le point de savoir si l'intimée doit prendre en charge le traitement médical des troubles psychiques du recourant 1.

À cet égard, se pose la question de la causalité adéquate desdits troubles avec la maladie professionnelle.

Comme il ressort du consid. 4.3 supra, en présence d'une maladie professionnelle, la causalité adéquate ne doit pas être examinée au moyen de la méthode spécifique développée par la jurisprudence (classification des accidents). Il y a lieu, au contraire, de déterminer si la maladie professionnelle est propre, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, à entraîner des troubles psychiques du genre de ceux qui sont apparus.

Au vu des rares cas dans lesquels le Tribunal fédéral a reconnu un lien de causalité adéquate entre une maladie professionnelle et des troubles psychiques, on constate que, en l'espèce, l'infection au Covid-19 par le recourant 1 n'a pas mis sérieusement sa santé en danger, puisque, comme il l'admet, il n'a jamais été hospitalisé. Par conséquent, il n'a pas dû être soigné en soins intensifs. La recommandation pour le bilan de médecine d'assurance d'une affection
post-Covid-19 en Suisse (version 2.0) du 31 juillet 2023 relève du reste que le Covid-19 est souvent associé à une dépression, mais aussi à des états de stress post-traumatique dans les formes très graves traitées en soins intensifs (p. 18). Par ailleurs, quand bien même le recourant 1 a été confronté, juste avant sa contamination, à un nombre élevé de décès (17) dans l'unité de soins où il travaillait, il a, en sa qualité d'infirmier, très vraisemblablement, déjà dû faire face au décès de patients. De plus, la crainte de la recontamination ou de la contamination de l'entourage (ici le partenaire) est un sentiment qui était partagé par tout un chacun durant cette période de pandémie.

Dans ces circonstances, on doit admettre que les troubles psychiques du recourant 1, si tant est qu'ils soient en relation de causalité naturelle avec la maladie professionnelle, ne sont pas en relation de causalité adéquate avec celle‑ci.

En conséquence, le traitement médical des troubles psychiques n'est pas à la charge de l'intimée.

6.             Au vu de ce qui précède, le recours dans la cause A/3123/2024 est admis et la décision sur opposition du 22 août 2024 annulée, dans la mesure où elle met fin à la rente et à la prise en charge du traitement médical des atteintes somatiques allouées précédemment au recourant 1.

Le recourant 1, qui obtient gain de cause, et est assisté d’un avocat, a droit à des dépens, fixés en l'espèce à CHF 2'500.- (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du
30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

En revanche, le recours dans la cause A/3108/2024 est rejeté et la décision sur opposition du 22 août 2024 confirmée en tant qu'elle refuse la prise en charge du traitement médical des troubles psychiques du recourant 1.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Ordonne la jonction des causes A/3123/2024 et A/3108/2024 sous le numéro de procédure A/3123/2024.

2.        Déclare les deux recours recevables.

Au fond :

3.        Admet le recours dans la cause A/3123/2024 et annule la décision sur opposition du 22 août 2024, dans la mesure où elle met fin à la rente et à la prise en charge du traitement médical des atteintes somatiques du recourant 1.

4.        Rejette le recours dans la cause A/3108/2024 et confirme la décision sur opposition du 22 août 2024 en tant qu'elle refuse la prise en charge du traitement médical des troubles psychiques du recourant 1.

5.        Alloue au recourant 1 une indemnité de CHF 2'500.- à titre de dépens, à la charge de l'intimée.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Melina CHODYNIECKI

 

La présidente

 

 

 

 

Joanna JODRY

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le