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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1144/2021

ATAS/103/2025 du 23.01.2025 ( LAA ) , ADMIS/RENVOI

Recours TF déposé le 27.03.2025, 8C_172/2025
En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1144/2021 ATAS/103/2025

 

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 23 janvier 2025

Chambre 3

 

En la cause

A______

 

recourant

 

contre

CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS - SUVA

 

intimée

 


 

EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né en 1971, était employé de B______ en qualité de gardien de bains à plein temps depuis mai 2015 et assuré à ce titre contre la survenance d’un accident, professionnel ou non, auprès de la CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS (ci-après : la SUVA), lorsque, le 16 juin 2020, il a glissé dans un pédiluve.

b. Suite à cet accident, une atteinte au genou a été annoncée à la SUVA, qui l'a dans un premier temps considérée comme un accident-bagatelle.

c. Le 25 juin 2020, une imagerie par résonnance magnétique (IRM) du genou droit a mis en évidence une fissure horizontale oblique de grade III intéressant la corne postérieure du ménisque médial, ainsi qu’un petit foyer de chondropathie fissuraire profonde d’allure traumatique intéressant le versant latéral du cartilage patellaire. Aucune atteinte de l’os sous-chondral n’a été identifiée.

d. L’assuré a été en arrêt de travail à compter du 9 juillet 2020, date à laquelle il a bénéficié d’une prise en charge chirurgicale (méniscectomie interne postérieure sur une déchirure complexe).

Le dossier de l’assuré a été soumis à plusieurs reprises au docteur C______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie et médecin d’arrondissement de la SUVA. Il s’est prononcé notamment en dates des 28 octobre 2020, 28 janvier et 4 mars 2021. Le médecin a en substance considéré que l’accident n’avait été qu’un simple choc au genou, lequel présentait un état dégénératif. Il y avait certes eu lésion du ménisque, mais due principalement à l'usure. En effet, il n'y avait pas déchirure méniscale à proprement parler, mais, selon l'IRM, une fissure horizontale oblique de grade III intéressant la corne postérieure du ménisque médial, en d'autres termes, une atteinte dégénérative complexe. Ce type d'atteinte postérieure du ménisque interne s’acquiert au cours des années, principalement par usure, ce que confirmait l'IRM. L'accident avait cessé de déployer ses effets délétères au plus tard le 8 juillet 2020, veille de l'intervention qui avait eu pour objet la prise en charge de l’état antérieur.

e. Par décision du 1er février 2021 – confirmée sur opposition le 12 mars 2021 –, la SUVA a clôturé le cas avec effet au 8 juillet 2020 et nié à l’assuré tout droit aux prestations d’assurance au-delà de cette échéance.

B. a. Par écriture du 25 mars 2021, l’assuré a interjeté recours contre cette décision.

Il argue, d’une part, qu’il n’a jamais rencontré de problèmes au niveau de la jambe ou du genou droit avant sa chute du 16 juin 2020 et que c'est seulement suite à celle-ci que s'est développé un œdème, environ un mois et demi après.

D’autre part, il rappelle que, dans un premier temps, la SUVA a bel et bien reconnu l’existence d’un accident.

b. Invitée à se déterminer, l’intimée, dans sa réponse du 25 mai 2021, a conclu au rejet du recours.

c. Une audience de comparution personnelle s’est tenue en date du 1er mars 2022.

Le recourant est revenu sur les circonstances exactes de l'accident, expliquant que le nettoyeur à haute pression qu'il manipulait est un engin industriel de dimensions imposantes, de presqu'un mètre de haut, pesant plusieurs dizaines de kilogrammes. Lorsqu'il a voulu ressortir du pédiluve avec cet engin, il est retombé en arrière avec lui et c'est là que son genou l'a heurté.

Le recourant a souligné qu'il nage et fait du vélo depuis longtemps, mais n'a jamais souffert auparavant, ni de la jambe, ni du genou droit.

L'œdème est survenu un mois après l'accident, ce qui est habituel, à en croire son physiothérapeute.

Dans l'esprit de son médecin, le docteur D______, le lien de causalité ne faisait aucun doute.

Le recourant précise que les frais dont il demande la prise en charge se limitent à l'intervention pratiquée le 9 juillet 2020 et aux quelques séances de physiothérapie qui ont suivi. La récupération a été lente, mais, désormais, tout est rentré dans l'ordre.

d. Par courrier du 2 mars 2022, la Cour de céans a interrogé le Dr D______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur et médecine du sport.

Celui-ci a répondu qu’à son avis, les plaintes exprimées par son patient le 9 juillet 2020, jour de l’intervention, étaient imputables à l’événement du 16 juin 2020, au moins au degré de la vraisemblance prépondérante.

Selon le médecin, l’accident a entraîné, au degré de vraisemblance prépondérante, des lésions structurelles objectivables du genou. Lors d’une glissade, suivie d’une chute, comme décrites par l’assuré, les lésions sont généralement beaucoup plus importantes, car la personne est surprise par la glissade.

e. Les réponses du Dr D______ ont été soumises à l’intimée qui, par écriture du 1er avril 2022, a persisté dans ses conclusions.

L’intimée reproche au Dr D______ de ne pas tenir compte, dans son appréciation, du clivage horizontal dont le Dr C______ tire la conclusion que l’atteinte serait dégénérative.

Elle souligne que l’argumentation du Dr D______, en tant qu’elle repose sur le fait que son patient ne rapportait pas de douleurs avant l’accident - ce qui constitue un raisonnement fondé sur l’adage « post hoc, ergo procter hoc » -, ne suffit pas pour établir l’existence d’un lien de causalité naturelle.

L’intimée s’en rapporte pour le surplus à une nouvelle appréciation de son médecin-conseil qui répète qu’à son avis, au vu des éléments ressortant de l’IRM, les lésions n’ont pu être créées par un choc direct ou une glissade, sans entorse. Le Dr C______ allègue que les éléments observés consistent en une « atteinte horizontale clivant le ménisque » et non en déchirures. Ce qui est décrit comme une déchirure est en fait un clivage horizontal, c’est-à-dire un laminage du ménisque, qui finit par se délaminer en laissant des espaces visibles à l’IRM, entre ses différentes couches structurelles. Selon le médecin d’arrondissement, il est constamment et scientifiquement démontré que ces clivages horizontaux - qu’ils soient orthogonaux strictement ou discrètement obliques dans une structure triangulaire du ménisque - sont des atteintes de délaminage méniscal au fil du temps, d’origine dégénérative. Il ajoute que le fait de ne pas être visuellement accompagné d’atteinte cartilagineuse est sans signification objective. La visualisation de l’opérateur ne peut être comparée strictement aux descriptions d’une IRM. Seuls des chocs importants dont aurait pu témoigner l’IRM, avec une atteinte sous-chondrale visible, auraient en effet potentiellement pu créer une atteinte cartilagineuse, mais il n’est pas possible d’en tirer argument pour exonérer l’atteinte méniscale de sa structure initialement dégénérative.

f. Par écriture du 22 avril 2022, le recourant a persisté dans ses conclusions en rappelant que jamais aucun médecin de la SUVA ne l’a examiné personnellement et en sollicitant la mise sur pied, cas échéant, d’une expertise.

g. Le 16 mai 2023, la Cour de céans a ordonné une expertise, qu’elle a confiée au docteur E______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur (ATAS/343/2023).

h. L’expert a rendu son rapport en date du 15 mai 2024.

Il indique que l’assuré a été en arrêt de travail du 22 juin au 20 septembre 2020, qu’il a repris son activité professionnelle à 50% le 21 septembre 2020, puis à 100% à compter du 4 novembre 2020, qu’il a complètement récupéré et qu’il est toujours maître-nageur, sans limitation fonctionnelle. Il ne souffre plus du genou et n’est pas gêné dans ses activités habituelles quotidiennes. Il ne prend aucun médicament.

À l’examen clinique du 17 octobre 2023, l’assuré ne souffrait plus d’aucune douleur, ne présentait pas d’amyotrophie des quadriceps, pas d’épanchement du genou droit, avait une bonne stabilité du genou et aucune douleur méniscale.

Selon l’expert, les plaintes exprimées par le patient en date du 9 juillet 2020 sont imputables à l’événement du 16 juin 2020. Selon lui, la déchirure horizontale du ménisque interne du genou droit est imputable, au degré de vraisemblance prépondérante, à l’accident. Ainsi, ce dernier a eu des conséquences sur le plan clinique jusqu’à l’opération, qui persisteraient encore si elle n’avait pas eu lieu.

i. Un délai a été accordé aux parties pour leurs conclusions finales, que seule l’intimée a mis à profit pour se déterminer, le 17 juin 2024, et persister dans ses conclusions.

Nouvel avis du Dr C______ à l’appui, l’intimée considère que les conclusions de l’expert ne peuvent se voir reconnaître valeur probante.

j. Copie de cette détermination a été adressée au recourant qui ne s’est pas manifesté.

k. Les autres faits seront repris – en tant que de besoin – dans la partie « en droit » du présent arrêt.

 

EN DROIT

 

1.             La compétence de la Cour de céans et la recevabilité du recours ayant d’ores et déjà été admises dans l’ordonnance du 16 mai 2023, il n’y a pas lieu d’y revenir ici.

2.             Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de la SUVA de mettre un terme à sa prise en charge avec effet au 8 juillet 2020, plus particulièrement sur l’existence d’un lien de causalité entre l’accident et les lésions au-delà de cette date.

3.             Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de la SUVA de mettre un terme au versement de ses prestations avec effet au 8 juillet 2020, soit la veille de la prise en charge chirurgicale du recourant (méniscectomie interne postérieure sur une déchirure complexe). Ce dernier demande la prise en charge de ladite intervention et des quelques séances de physiothérapie qui ont suivi. L’existence d’un accident n’est pas contestée.

4.              

4.1 Selon l'art. 6 al. 1 de la loi fédérale sur l'assurance-accidents du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20), les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle. Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 - LPGA - RS 830.1 ; ATF 142 V 219 consid. 4.3.1 ; 129 V 402 consid. 2.1).

La notion d'accident se décompose ainsi en cinq éléments ou conditions, qui doivent être cumulativement réalisés : une atteinte dommageable, le caractère soudain de l'atteinte, le caractère involontaire de l'atteinte, le facteur extérieur de l'atteinte et, enfin, le caractère extraordinaire du facteur extérieur ; il suffit que l'un d'entre eux fasse défaut pour que l'événement ne puisse pas être qualifié d'accident (ATF 142 V 219 consid. 4.3.1 ; 129 V 402 consid. 2.1 et les références).

4.2 La responsabilité de l’assureur-accidents s’étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle (ATF 119 V 335 consid. 1 ; 118 V 286 consid. 1b et les références) et adéquate avec l’événement assuré (ATF 125 V 456 consid. 5a et les références).

Le droit à des prestations découlant d'un accident assuré suppose d'abord, entre l'événement dommageable de caractère accidentel et l'atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette condition est réalisée lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière (ATF 148 V 356 consid. 3 ; 148 V 138 consid. 5.1.1). Il n'est pas nécessaire que l'accident soit la cause unique ou immédiate de l'atteinte à la santé: il suffit qu'associé éventuellement à d'autres facteurs, il ait provoqué l'atteinte à la santé, c'est-à-dire qu'il apparaisse comme la condition sine qua non de cette atteinte (ATF 142 V 435 consid. 1).

Savoir si l'événement assuré et l'atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait, que l'administration ou, le cas échéant, le juge examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d'ordre médical, et qui doit être tranchée en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l'appréciation des preuves dans l'assurance sociale. Ainsi, lorsque l'existence d'un rapport de cause à effet entre l'accident et le dommage paraît possible, mais qu'elle ne peut pas être qualifiée de probable dans le cas particulier, le droit à des prestations fondées sur l'accident assuré doit être nié (ATF 129 V 177 consid. 3.1 ; 119 V 335 consid. 1 et 118 V 286 consid. 1b et les références).

Le fait que des symptômes douloureux ne se sont manifestés qu'après la survenance d'un accident ne suffit pas à établir un rapport de causalité naturelle avec cet accident (raisonnement « post hoc, ergo propter hoc » ; ATF 119 V 335 consid. 2b/bb ; RAMA 1999 n° U 341 p. 408, consid. 3b). Il convient en principe d'en rechercher l'étiologie et de vérifier, sur cette base, l'existence du rapport de causalité avec l'événement assuré.

Selon la jurisprudence, l'utilisation par un médecin du terme « post-traumatique » ne suffit pas, à elle seule, à reconnaître un lien de causalité entre un accident et des troubles. En effet, on peut entendre par une affection « post-traumatique » des troubles qui ne sont pas causés par l'accident, mais qui ne sont apparus qu'après l'accident (arrêt du Tribunal fédéral 8C_493/2023 du 6 février 2024 consid. 4.2 et la référence).

4.3 Une fois que le lien de causalité naturelle a été établi au degré de la vraisemblance prépondérante, l’obligation de prester de l’assureur cesse lorsque l'accident ne constitue pas (plus) la cause naturelle et adéquate du dommage, soit lorsque ce dernier résulte exclusivement de causes étrangères à l'accident. Tel est le cas lorsque l'état de santé de l'intéressé est similaire à celui qui existait immédiatement avant l'accident (statu quo ante) ou à celui qui serait survenu tôt ou tard même sans l'accident par suite d'un développement ordinaire (statu quo sine) (RAMA 1994 n° U 206 p. 328 consid. 3b ; RAMA 1992 n° U 142 p. 75 consid. 4b). En principe, on examinera si l’atteinte à la santé est encore imputable à l’accident ou ne l’est plus (statu quo ante ou statu quo sine) selon le critère de la vraisemblance prépondérante, usuel en matière de preuve dans le domaine des assurances sociales (ATF 126 V 360 consid. 5b ; 125 V 195 consid. 2 ; RAMA 2000 n° U 363 p. 46).

5.              

5.1 La plupart des éventualités assurées (par exemple la maladie, l'accident, l'incapacité de travail, l'invalidité, l'atteinte à l'intégrité physique ou mentale) supposent l'instruction de faits d'ordre médical. Or, pour pouvoir établir le droit de l'assuré à des prestations, l'administration ou le juge a besoin de documents que le médecin doit lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1).

5.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3; ATF 125 V 351 consid. 3).

5.3 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux (ATF 125 V 351 consid. 3b).

5.4 Lorsqu'un cas d'assurance est réglé sans avoir recours à une expertise dans une procédure au sens de l'art. 44 LPGA, l'appréciation des preuves est soumise à des exigences sévères: s'il existe un doute même minime sur la fiabilité et la validité des constatations d'un médecin de l'assurance, il y a lieu de procéder à des investigations complémentaires (ATF 145 V 97 consid. 8.5 et les références; ATF 142 V 58 consid. 5.1 et les références; ATF 139 V 225 consid. 5.2 et les références; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références). En effet, si la jurisprudence a reconnu la valeur probante des rapports médicaux des médecins-conseils, elle a souligné qu'ils n'avaient pas la même force probante qu'une expertise judiciaire ou une expertise mise en œuvre par un assureur social dans une procédure selon l'art. 44 LPGA (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références).

5.5 Dans une procédure portant sur l'octroi ou le refus de prestations d'assurances sociales, lorsqu'une décision administrative s'appuie exclusivement sur l'appréciation d'un médecin interne à l'assureur social et que l'avis d'un médecin traitant ou d'un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes même faibles quant à la fiabilité et la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l'un ou sur l'autre de ces avis et il y a lieu de mettre en œuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l'art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 139 V 225 consid. 5.2 et les références ; 135 V 465 consid. 4). 

5.6 Le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 143 V 269 consid. 6.2.3.2 et les références ; 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; 125 V 351 consid. 3b/aa et les références).

6.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références; cf. ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).


 

7.              

7.1 En l’occurrence, l’intimée nie toute causalité naturelle au-delà du 8 juillet 2020, veille de l’intervention pratiquée sur le recourant. Elle invoque à l’appui de sa position l’avis de son médecin-conseil, le Dr C______.

Contrairement au Dr D______, chirurgien traitant, qui défendait l’opinion que les plaintes exprimées par son patient le jour de l’intervention étaient bien imputables à l’accident, au moins au degré de la vraisemblance prépondérante, le Dr C______ soutient que le genou droit du recourant présentait des atteintes dégénératives (atteinte méniscale sous la forme d’une fissure horizontale oblique de grade III intéressant la corne postérieure du ménisque) et que l’accident n’a été qu’un simple choc n’ayant occasionné qu’une possible contusion. Selon le Dr C______, le type d’atteinte observée serait le résultat d’une usure.

7.2 La problématique doit ici essentiellement être appréhendée sous l’angle médical, raison pour laquelle la Cour de céans, confrontée à des opinions médicales divergentes, a mis sur pied une expertise judiciaire, afin, précisément, de trancher la question de la causalité naturelle. Il n’appartient en effet pas au juge de tirer des conclusions qui relèvent de la science et des tâches du corps médical (cf. arrêt du Tribunal fédéral I 1080 du 13 avril 2007 consid. 4.2).

Or, il convient de déterminer si la déchirure de grade III oblique du ménisque interne observée à l’IRM et confirmée lors de l’intervention – qualifiée d’aiguë et absolument pas dégénérative par le chirurgien – est susceptible de résulter d’une usure, comme le soutient le médecin-conseil de l’assurance.

L’expert a tout d’abord constaté que l’assuré avait repris son activité professionnelle habituelle à 100%, qu’il ne souffrait désormais plus du genou et n’était pas gêné dans ses activités habituelles quotidiennes.

Il a noté que l’examen clinique pratiqué le 20 juin 2020 avait montré un épanchement intra-articulaire avec un choc rotulien, une limitation de la flexion, une douleur en extension associée à une douleur de l’interligne interne et des tests méniscaux positifs. L’IRM montrait une déchirure horizontale à tendance oblique du ménisque interne, avec un flap inférieur de la corne postérieure.

Selon l’expert, les plaintes exprimées par le patient en date du 9 juillet 2020 sont bien imputables à l’événement du 16 juin 2020. Certes, si l’expert argumente que le patient ne souffrait d’aucune douleur avant l’accident – adoptant ainsi un raisonnement fondé sur l’adage post hoc ergo propter hoc, insuffisant pour permettre d’établir un lien de causalité naturelle au degré de la vraisemblance prépondérante exigée – il ne s’agit pas là de son seul argument. Loin s’en faut.

L’expert a également motivé sa conclusion selon laquelle l’accident a entraîné des lésions structurelles objectivables au degré de la vraisemblance prépondérante de la manière suivante : l’IRM du 25 juin 2020 du genou droit a mis en évidence une fissure horizontale oblique de grade III de la corne postérieure du ménisque interne, associée à un flap horizontal, ainsi qu’un petit foyer de chondropathie fissuraire profond d’allure traumatique au niveau du versant latéral du cartilage patellaire ; l’IRM montre également un épanchement important, sans atteinte dégénérative du cartilage ; de plus, le patient présentait à l’examen clinique du 22 juin 2020 un épanchement, avec une douleur nette au niveau de l’interligne fémoro-tibiale interne ; enfin, lors de l’arthroscopie, le chirurgien a constaté la déchirure méniscale sans chondropathie dans ce compartiment.

L’expert a reconnu que des lésions horizontales peuvent apparaître avec le temps, mais souligné que cela pouvait également survenir lors d’un traumatisme mineur, tel que celui décrit par l’assuré. Il a expliqué qu’en cas d’atteinte purement dégénérative, les douleurs et l’épanchement du genou apparaissent spontanément, sans traumatisme. Ce n’est que dans ce cas que l’on peut conclure qu’elles sont purement dégénératives. Quand les lésions sont purement horizontales, cela parle en faveur d’une origine dégénérative. Quand elles sont obliques et qu’elles atteignent la surface articulaire, elles peuvent être d’origine dégénérative ou traumatique, mais plutôt traumatique, lorsque l’on est en présence d’un flap méniscal, comme c’est le cas en l’espèce.

Quant aux explications du recourant sur l’évènement, l’expert a précisé qu’une entorse peu violente ne montre pas forcément de signe de type œdème osseux sur l’IRM. Tout dépend de l’énergie du traumatisme. En l’occurrence, la lésion est une lésion horizontale oblique du ménisque interne. Or, les lésions méniscales découlent souvent d’une entorse. En théorie, on ne parle pas d’entorse lors d’une glissade ou d’un choc direct (tels que ressortant de la description de l’assuré). Encore faut-il être sûr que, quand on glisse et qu’on subit un choc direct, on ne se tord pas le genou.

L’expert a souligné que le Dr D______ avait constaté un épanchement et des douleurs fémoro-tibiales internes, mettant ainsi en évidence une symptomatologie typique d’une douleur méniscale. Lors de l’arthroscopie, le Dr D______ avait par ailleurs constaté la déchirure méniscale. Il n’avait pas parlé de tissu méniscal dégénératif dans son compte-rendu opératoire, mais avait évoqué une déchirure complexe et indiqué qu’il n’y avait aucune atteinte du cartilage dans tous les compartiments. L’expert a expliqué qu’il existe une classification arthroscopique pour les lésions dégénératives du ménisque. Il s’agit de la classification effectuée par des travaux de Boyer et Dorfmann. Selon la description du Dr D______, on pourrait apparenter la lésion à la classification de type V de Boyer et Dorfmann, mais ce type de lésion est peu fréquent et souvent rencontré sur un genou arthrosique, ce qui n’est pas le cas chez l’assuré. De plus, le Dr D______ a indiqué avoir mis en évidence, lors de l’intervention, une déchirure aiguë et absolument pas dégénérative. L’expert en tire la conclusion que son collègue a mis en évidence un tissu méniscal nacré, sans dépôt, avec une déchirure nette.

L’expert a ensuite expliqué les raisons pour lesquelles il ne partage pas l’avis du Dr C______ : les lésions méniscales dégénératives sont définies par une altération progressive de la structure méniscale macroscopique et microscopique ; cette altération est observée en l’absence d’événement traumatique. Il s’agit de lésions le plus souvent asymptomatiques, pouvant entraîner, à l’occasion d’un événement aigu, des douleurs méniscales. Il existe un lien étroit avec la dégénération arthrosique du genou de façon concomitante ou comme facteur d’aggravation du capital cartilagineux. Différentes formes de dégénérescences méniscales sont observées, correspondant à des présentations cliniques, radiologiques et arthroscopiques diverses. Selon lui, on ne peut se montrer formel sur la base d’une simple IRM. Les lésions méniscales dégénératives apparaissent souvent chez les plus de 50 ans avec une prévalence qui augmente, estimée à 25% pour le groupe 50 à 59 ans, 35% pour les 60 à 69 ans et jusqu’à 45% pour les plus de 70 ans. Or, l’IRM de l’assuré ne montre ni arthrose, ni kyste paraméniscal.

Si l’expert convient qu’il lui est impossible, en l’absence d’une IRM préalable à l’évènement, d’exclure à 100% toute lésion préexistante, il rappelle que, chez l’assuré, a été mis en évidence un flap horizontal, lequel est souvent associé à un traumatisme.

Il ajoute que le fait que le patient soit désormais complètement asymptomatique et qu’il a complètement récupéré de l’événement parle également en faveur d’une gêne mécanique pure de la lésion méniscale. Si le patient présentait un problème dégénératif, il aurait continué à souffrir.

La Cour de céans considère que le nouvel avis du Dr C______ du 10 juin 2024, qui maintient – sans surprise – sa précédente position, n’est pas susceptible de jeter le doute sur les conclusions bien argumentées de l’expert dont on rappellera qu’il a été précisément appelé pour éclairer la Cour sur les divergences d’opinions entre le Dr C______ et le chirurgien.

7.3 Au vu de ce qui précède, le recours est admis et la décision du 12 mars 2021 annulée.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

Au fond :

1.        Admet le recours et annule la décision du 12 mars 2021.

2.        Condamne l’intimée à prendre en charge le cas au-delà du 8 juillet 2020.

3.        Lui renvoie la cause pour calcul des prestations dues.

4.        Dit que la procédure est gratuite.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Diana ZIERI

 

La présidente

 

 

 

 

Karine STECK

 

 

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le