Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/956/2024 du 02.12.2024 ( AI ) , REJETE
En droit
rÉpublique et | 1.1canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
| ||
A/3528/2023 ATAS/956/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 2 décembre 2024 Chambre 6 |
En la cause
A______ représenté par Me William RAPPARD, avocat
| recourant |
contre
OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE |
intimé |
A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né en 1965, de nationalité portugaise, titulaire d’une autorisation d’établissement C, entré en Suisse en 1983, marié, a exercé une activité de maçon
b. Le 29 novembre 2010, le docteur B______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, a pratiqué une méniscectomie interne totale par anse du seau du genou gauche de l’assuré suite à une déchirure complexe du ménisque interne du 30 octobre 2010. Le 20 juin 2013, le Dr B______ a opéré l’assuré pour les suites d’une fracture avulsion du ligament croisé postérieur au tibia, suite à une grave entorse du genou droit le 5 juin 2013. Le 22 juin 2015, le Dr B______ a pratiqué au genou droit un toilettage du ligament croisé antérieur, avec résection de la corne postérieure du ménisque interne et synovectomie antéro-interne (plica synoviale).
c. Le 13 janvier 2016, l’assuré s’est blessé à l’index de la main droite en manipulant des pneus (fracture de la deuxième phalange de l’index droit et une entorse du pouce droit). La SUVA caisse nationale d’assurances en cas d’accidents (ci‑après : SUVA) a pris le cas en charge.
B. a. Le 20 juin 2016, le docteur C______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et médecin d'arrondissement de la SUVA, a examiné l'assuré.
Il a relevé que l'assuré avait présenté dans ses antécédents des traumatismes du genou gauche ayant nécessité une méniscectomie interne avec un bon résultat à ce jour ; il avait également présenté le cas pour le genou droit avec arrachement de l'insertion du ligament croisé postérieur et avait bénéficié d'une réinsertion avec un bon résultat clinique à ce jour. S’agissant de l’index droit, il ne persistait qu'un minime déplacement au niveau du refend intra-articulaire et on pouvait s’attendre à une reprise de l’activité professionnelle d’ici au 14 juillet 2016.
b. La SUVA a alloué une indemnité journalière jusqu’au 13 juillet 2016, décision confirmée par décision sur opposition du 6 décembre 2016 et arrêt de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice du 22 janvier 2018 (ATAS/44/2018).
c. Le 22 novembre 2016, l’assuré a déposé une demande de prestations d’invalidité, en mentionnant des atteintes aux genoux et au tibia.
d. Le Dr B______ a attesté d’accidents aux deux genoux, d’une fracture avulsion du ligament croisé postérieur au tibia le 20 juin 2013 et d’une déchirure du ménisque interne du genou gauche le 30 octobre 2010.
e. Du 8 mai au 4 juin 2017, l’assuré a bénéficié d’une mesure d’intervention précoce sous la forme d’une orientation professionnelle aux EPI, lesquels ont conclu à la possibilité d’une activité manuelle simple et pratique préservant les membres inférieurs (rapport des EPI du 16 juin 2017).
f. Le 21 avril 2018, le docteur D______, spécialiste FMH en médecine interne, a attesté d’une capacité de travail nulle comme maçon et de limitations fonctionnelles de port de charges, station debout et marche.
g. À la demande de l’Office de l’assurance-invalidité (ci-après : OAI), le E______ SA a rendu une expertise orthopédique le 28 août 2017 (docteur F______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur). L’expert a posé les diagnostics avec incidence sur la capacité de travail de séquelles d’entorse grave du genou droit avec lésion du ligament croisé postérieur, traitée chirurgicalement, avec instabilité résiduelle et épanchement à l’effort et gonalgies gauches du compartiment interne sur arthrose débutante post entorse grave avec lésion du ménisque interne en anse de seau, opérée en 2010. La capacité de travail était totale dans une activité légère à moyenne (moins de 15 kg) en changeant de position, la position assise pouvant être tenue sans difficulté pendant deux heures et la position debout pendant une à deux heures. Les objets fins et l’utilisation de la pince entre le pouce et l’index étaient difficiles et déconseillés. La marche en terrain inégal, la montée/descente des escaliers, les échelles et les échafaudages étaient exclues.
h. Le 17 octobre 2017, le service médical régional de l’assurance-invalidité (ci‑après : SMR) a retenu une capacité de travail totale dans une activité adaptée depuis juillet 2016, avec les limitations fonctionnelles suivantes : privilégier une activité légère à moyenne, un poste sédentaire ou semi-sédentaire où l’assuré puisse changer de position à sa guise, sans port de charge (exceptionnellement 10 kg), éviter les positions accroupie, à genoux, monter/descendre des escaliers, échafaudages etc. et la marche en terrain inégal. Les gestes fins de la main droite et l’utilisation de la pince (pouce/index) sont difficiles et déconseillés.
i. Du 11 décembre 2017 au 18 mars 2018, l’assuré a bénéficié d’une orientation professionnelle aux EPI.
j. Le 13 février 2018, le Dr D______ a signalé au SMR que l’assuré présentait une hernie discale avec sacro-iliite.
k. Le 19 mars 2018, l’OAI a pris en charge un reclassement professionnel comme agent de conditionnement dans l’industrie légère, aux EPI, du 19 mars au 30 septembre 2018. L’assuré a débuté à un taux de 50% en raison d’un arrêt maladie de 50% attesté par le Dr D______, puis a été en arrêt de travail total dès le 7 mai 2018, en raison d’un accident (fissure du talon). La mesure a été interrompue le 31 juillet 2018.
l. Le 18 juillet 2019, le Dr D______ a indiqué un état de santé stationnaire, avec une capacité de travail de 50% depuis le 19 mars 2018.
m. Du 5 octobre 2020 au 31 décembre 2021, l’assuré a été mis au bénéfice d’une mesure de reclassement comme agent de conditionnement dans l’industrie légère aux EPI (reprise de la première mesure de reclassement).
L’assuré a été en arrêt de travail à un taux de 50% du 29 mars 2021 au 31 décembre 2021.
n. Le 15 février 2021, le Dr D______ a attesté d’un travail léger à 50% possible.
o. Le 19 avril 2021, le SMR a estimé que la capacité de travail de l’assuré dans une activité adaptée était entière, avec une baisse de rendement de 20 à 30%.
p. Les 15 septembre et 20 octobre 2021, le Dr D______ a écrit au SMR que l’assuré présentait une aggravation de son état de santé (lombosciatalgies, gonarthrose gauche et arthrose du talon droit), que sa capacité de travail était nulle dans une activité adaptée et qu’il présentait des limitations de port de charge et station debout.
q. Le 21 septembre 2021, le docteur G______, spécialiste FMH en anesthésiologie, a réalisé une infiltration périradiculaire L5, en raison d’une sciatalgie L5-S1 gauche non déficitaire.
r. L’assuré, victime d’un accident de la circulation, a été en arrêt de travail du 25 septembre au 3 octobre 2021 (choc au visage, épaules et colonne cervicale).
s. La mesure de reclassement a été interrompue en raison de l’incapacité de travail de l’assuré et le 23 décembre 2021, le service de réadaptation a conclu que l’activité d’agent en conditionnement était adaptée aux limitations fonctionnelles.
t. Le 28 mars 2022, le Dr D______ a estimé que l’assuré était totalement incapable de travailler car il était trop limité physiquement et psychiquement.
u. À la demande de l’OAI, les docteurs H______, spécialiste FMH en médecine interne générale et rhumatologie, et I______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, ont rendu le 23 avril 2023 une expertise bidisciplinaire rhumatologique et psychiatrique, concluant à une capacité de travail totale dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles physiques. L’assuré présentait une gonarthrose bilatérale, une arthrose sous-talienne, une limitation fonctionnelle de l’articulation interphalangienne proximale (à droite), des rachialgies lombaires et cervicales. Du point de vue psychique, l’assuré présentait une dysthymie non incapacitante.
v. Le 2 mai 2023, le SMR a retenu une capacité de travail nulle comme maçon dès le 13 janvier 2016 et de 100% dans une activité adaptée dès le 1er juillet 2016 (éviter la marche en terrain plat >500 m et la marche en terrain irrégulier, les escaliers à répétition, l’utilisation d’échelles ou d’échafaudages, les positions à genoux ou accroupies répétées, les positions maintenues en anteflexion du rachis, le port de charges au-delà de 15 kg, privilégier une activité sédentaire, permettant les changements de position une fois/heure).
w. Le 15 juin 2023, l’OAI a fixé le degré d’invalidité à 21,23%.
x. Par projet de décision du 16 juin 2023, l’OAI a rejeté la demande de prestations.
y. Le 13 septembre 2023, l’assuré, représenté par un avocat, a contesté le projet de décision, au motif que l’OAI ne ciblait pas les activités adaptées, étant relevé que la formation comme agent de conditionnement avait été interrompue. Le revenu d’invalide était contesté, le Dr D______ attestant d’une incapacité à reprendre une activité professionnelle. Une rente entière d’invalidité était justifiée.
Il a communiqué un rapport du Dr D______ du 5 septembre 2023, mentionnant une aggravation de l’état de santé depuis 2021 : l’assuré était très limité, sa capacité d’adaptabilité était nulle, avec une labilité psychique et un état anxio-dépressif réactionnel ne laissant aucun espoir pour une réinsertion professionnelle.
z. Par décision du 27 septembre 2023, l’OAI a rejeté la demande de prestations, en se ralliant à un avis du SMR du 25 septembre 2023, estimant que le certificat médical du Dr D______ n’apportait pas d’éléments médicaux objectifs nouveaux.
C. a. Le 30 octobre 2023, l’assuré, représenté par un avocat, a recouru auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice à l’encontre de la décision de l’OAI précitée, en concluant à son annulation et à l’octroi de prestations d’invalidité, préalablement à son audition et à celle des docteurs D______ et J______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie. Subsidiairement, il a conclu à l’ordonnance d’une expertise judiciaire pluridisciplinaire.
L’intimé ne tenait pas compte de l’échec de la mesure de reclassement et il ne disposait pas des capacités physiques pour être agent de conditionnement. Le revenu d’invalide devait être réduit de CHF 58'795.- à CHF 46'572. Il a joint des offres d’emplois en matière de conditionnement et une fiche attestant d’un salaire moyen de CHF 3'881.- pour un agent de conditionnement.
b. Le 27 novembre 2023, l’intimé a conclu au rejet du recours, en relevant que l’expertise des Drs H______ et I______ était probante et que le revenu d’invalide était fondé, conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral, sur l’ESS 2020, indexé à l’année 2021, tableau TA1, total, homme, niveau 1.
c. Le 19 décembre 2023, le recourant a répliqué, en contestant la valeur probante de l’expertise bidisciplinaire et a requis un délai complémentaire pour communiquer d’autres rapports médicaux.
d. Le recourant n’a pas réagi dans le délai accordé au 29 février 2024.
e. Le 17 juin 2024, les parties ont été entendues en audience de comparution personnelle. Le recourant a communiqué des nouvelles pièces médicales, attestant d’une hospitalisation aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG ‑ sortie le 1er novembre 2023) en raison d’une cirrhose hépatique d’origine éthylique, avec décompensation d’ascite inaugurale ainsi que d’une consultation en urgence suite à une chute le 26 janvier 202.
f. Le 3 juillet 2024, le SMR, après examen des nouvelles pièces médicales, a maintenu son appréciation et le 9 juillet 2024, l’intimé a persisté dans ses conclusions.
g. Le 4 octobre 2024, le recourant a requis des mesures superprovisionnelles, en concluant à ce que l’intimé lui verse immédiatement une rente entière d’invalidité. Il a communiqué une attestation du docteur K______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, du 28 août 2024, sollicitant une analyse attentive et une réévaluation de la situation afin que l’assuré puisse obtenir reconnaissance de l’impact limitatif de la situation actuelle sur ses capacités et démarches.
h. Par arrêt du 10 octobre 2024, la chambre de céans a rejeté la demande de mesures superprovisionnelles.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 et 60 LPG ; art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).
2. Le litige porte sur le droit du recourant à une rente d’invalidité et à des mesures d’ordre professionnel.
3.
3.1 Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI – RS 831.201 ; RO 2021 706) sont entrées en vigueur.
En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2. et les références).
En l’occurrence, la décision querellée a certes été rendue postérieurement au 1er janvier 2022. Toutefois, la demande de prestations ayant été déposée en novembre 2016 et le délai d’attente d’une année venant à échéance en janvier 2017, un éventuel droit à une rente d’invalidité naîtrait antérieurement au 1er janvier 2022 (art. 28 al. 1 let. b et 29 al. 1 LAI), de sorte que les dispositions applicables seront citées dans leur teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021.
3.2 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).
3.3 En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.
Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28a al. 1 LAI).
Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).
3.4 Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler (ATF 140 V 193 consid. 3.2 et les références ; 125 V 256 consid. 4 et les références). En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).
Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3).
Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.
3.4.1 Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; 125 V 351 consid. 3b/bb).
3.4.2 Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI ; ATF 142 V 58 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5 ; 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1).
3.4.3 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).
3.4.4 On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV n° 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 8C_755/2020 du 19 avril 2021 consid. 3.2 et les références).
3.5 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références ; 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).
3.6 Si l’administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d’office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d’administrer d’autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 145 I 167 consid. 4.1 et les références ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les références). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu selon l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS 101 – Cst ; SVR 2001 IV n° 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b ; 122 V 157 consid. 1d).
3.7 Chez les assurés actifs, le degré d'invalidité doit être évalué sur la base d'une comparaison des revenus. Pour cela, le revenu que l'assuré aurait pu réaliser s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 8 al. 1 et art. 16 LPGA).
La comparaison des revenus s'effectue, en règle ordinaire, en chiffrant aussi exactement que possible les montants de ces deux revenus et en les confrontant l'un avec l'autre, la différence permettant de calculer le taux d'invalidité (méthode générale de comparaison des revenus; ATF 128 V 29 consid. 1 ; 104 V 135 consid. 2a et 2b).
Pour procéder à la comparaison des revenus, il convient de se placer au moment de la naissance du droit à la rente; les revenus avec et sans invalidité doivent être déterminés par rapport à un même moment et les modifications de ces revenus susceptibles d'influencer le droit à la rente survenues jusqu'au moment où la décision est rendue doivent être prises en compte (ATF 129 V 222 et 128 V 174).
3.8 Quant au revenu d'invalide, il doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de l'intéressé (ATF 135 V 297 consid. 5.2). Lorsque l'assuré n'a pas repris d'activité, ou aucune activité adaptée lui permettant de mettre pleinement en valeur sa capacité de travail résiduelle, contrairement à ce qui serait raisonnablement exigible de sa part, le revenu d'invalide peut être évalué sur la base de données statistiques, telles qu'elles résultent de l’ESS (ATF 143 V 295 consid. 2.2 et la référence ; 135 V 297 consid. 5.2 et les références). Dans ce cas, il convient de se fonder, en règle générale, sur les salaires mensuels indiqués dans la table TA1 de l’ESS, à la ligne « total secteur privé » (ATF 124 V 321 consid. 3b/aa), étant précisé que, depuis l'ESS 2012, il y a lieu d'appliquer le tableau TA1_skill_ level (ATF 142 V 178). On se réfère alors à la statistique des salaires bruts standardisés, en se fondant toujours sur la médiane ou valeur centrale (ATF 126 V 75 consid. 3b/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_58/2021 du 30 juin 2021 consid. 4.1.1). La valeur statistique - médiane - s'applique alors, en principe, à tous les assurés qui ne peuvent plus accomplir leur ancienne activité parce qu'elle est physiquement trop astreignante pour leur état de santé, mais qui conservent néanmoins une capacité de travail importante dans des travaux légers. Pour ces assurés, ce salaire statistique est suffisamment représentatif de ce qu'ils seraient en mesure de réaliser en tant qu'invalides dès lors qu'il recouvre un large éventail d'activités variées et non qualifiées (branche d'activités), n'impliquant pas de formation particulière, et compatibles avec des limitations fonctionnelles peu contraignantes (arrêts du Tribunal fédéral 9C_603/2015 du 25 avril 2016 consid. 8.1 et 9C_242/2012 du 13 août 2012 consid. 3). Il convient de se référer à la version de l'ESS publiée au moment déterminant de la décision querellée (ATF 143 V 295 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_655/2016 du 4 août 2017 consid. 6.3).
4. En l’occurrence, l’intimé se fonde sur l’expertise bidisciplinaire du 23 avril 2023 pour retenir une capacité de travail du recourant nulle comme maçon dès le 13 janvier 2016 et de 100% dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles dès le 1er juillet 2016.
Le recourant conteste la décision litigieuse, en faisant valoir que son état de santé s’est péjoré depuis la mesure de reclassement, qu’il n’est pas en mesure d’effectuer une activité d’agent de conditionnement au motif, d’une part, que la mesure de reclassement s’est soldée par un échec, d’autre part, que ses limitations fonctionnelles ne sont pas compatible avec une telle activité. Il allègue également, par le biais de son avocat, la présence d’un éventuel syndrome de Korsakoff, non investigué (procès-verbal de comparution personnelle du 17 juin 2024).
4.1 La chambre de céans constate que les pièces médicales transmises par le recourant à l’appui de sa contestation font état d’une possible aggravation de son état de santé, par la présence, d’une part, d’un diagnostic de cirrhose hépatique d’origine éthylique ayant nécessité une hospitalisation vraisemblablement en octobre 2023 (sortie attestée le 1er novembre 2023), suite à une décompensation d’ascite inaugurale (rapport du service de gastro-entérologie et d’hépatologie des HUG du 22 novembre 2023), d’autre part, d’affections psychiques justifiant un traitement par le Dr K______, attestées par celui-ci le 28 août 2024. Enfin, l’avocat du recourant a évoqué une péjoration de l’état de santé du recourant par la présence d’un éventuel diagnostic de syndrome de Korskoff, nécessitant une investigation médicale.
La possible aggravation de l’état de santé du recourant est cependant documentée postérieurement à la décision litigieuse du 27 septembre 2023, de sorte que la chambre de céans ne peut la prendre en compte dans le cadre du présent litige.
Par ailleurs, aucun document médical n’atteste, en l’état, de la présence d’un diagnostic de Korskoff, ni de l’impact de celui-ci sur les aptitudes fonctionnelles du recourant.
À cet égard, de jurisprudence constante, le juge apprécie en règle générale la légalité des décisions entreprises d'après l'état de fait existant au moment où la décision litigieuse a été rendue (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; 132 V 215 consid. 3.1.1). Les faits survenus postérieurement, et qui ont modifié cette situation, doivent en principe faire l'objet d'une nouvelle décision administrative (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; 130 V 130 consid. 2.1).
Le recourant est ainsi invité, s’il l’estime justifié, à déposer une nouvelle demande de prestations.
4.2 S’agissant de l’expertise des Drs H______ et I______, du 23 avril 2023, elle répond aux critères jurisprudentiels précités pour qu’il lui soit reconnu une pleine valeur probante. Les griefs du recourant à son égard sont fondés sur l’aggravation de son état de santé, laquelle est, comme on l’a vu, documentée postérieurement à la décision litigieuse et donc à l’expertise en cause.
Les conclusions de l’expertise du 23 septembre 2023 peuvent ainsi être suivies, le recourant étant reconnu capable de travailler dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles depuis le 1er juillet 2016, à un taux de 100%.
4.3 Le recourant conteste le revenu d’invalide retenu par l’intimé, soit un revenu fondé sur l’ESS 2020, pour un homme, dans une activité de niveau 1, pour 41,7 heures de travail par semaine et indexé à l’année 2021, avec un abattement de 10%. Il estime qu’un revenu d’agent de conditionnement est inférieur au revenu retenu par l’intimé.
À cet égard, le recourant prétend à la prise en compte d’un revenu pour un agent de conditionnement alors même qu’il estime que ses limitations fonctionnelles et sa formation inachevée l’empêchent totalement d’exercer cette activité. Quoi qu’il en soit, c’est à juste titre que l’intimé a pris en compte le salaire issu de l’ESS dès lors que le recourant a été reconnu apte à exercer toute activité respectant ses limitations fonctionnelles d’épargne des genoux et du rachis.
Pour le reste, le calcul de degré d’invalidité auquel a procédé l’intimé n’est pas contesté et peut être confirmé, soit un degré de 21%. Ce taux est insuffisant pour ouvrir le droit à une rente d’invalidité
5. Partant, le recours ne peut qu’être rejeté.
Il convient de renoncer à la perception d'un émolument, le recourant étant au bénéfice de l'Hospice général (art. 69 al. 1bis LAI et 13 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. Le rejette.
3. Dit qu’il n’est pas perçu d’émolument.
4. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Adriana MALANGA |
| La présidente
Valérie MONTANI |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le