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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/468/2024

ATAS/722/2024 du 24.09.2024 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/468/2024 ATAS/722/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 24 septembre 2024

Chambre 2

 

En la cause

 

A______

représentée par DCS-SPAd

 

 

recourante

contre

 

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Le 12 août 2021, Madame A______ (ci-après : l’assurée, l’intéressée ou la recourante), née en 1969, séparée depuis 2005 et mère d’une fille majeure (née en 2001), citoyenne suisse, ayant suivi plusieurs formations (y compris universitaires) mais sans obtention d’un diplôme, si ce n’est une maturité du collège du soir, et sans activité lucrative depuis 2014, au bénéfice d’une aide régulière de l’Hospice général à partir de juillet 2018 de même que d’une curatelle de représentation et de gestion depuis août 2018, avec nomination de collaborateurs du service de protection de l’adulte (ci-après : SPAd) comme curateurs, a déposé une demande de prestations de l'assurance-invalidité (ci‑après : AI) pour adultes, mesures professionnelles et/ou rente.

b. Il ressort notamment des renseignements recueillis par l'office de l'assurance‑invalidité du canton de Genève (ci-après : l'OAI, l'office ou l'intimé), en particulier des rapports du docteur B______, spécialiste FMH en rhumatologie et médecine interne générale et médecin généraliste traitant (des 16 mai 2018 et 20 septembre 2021), ainsi que surtout du docteur C______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie et psychiatre traitant (du 7 avril 2016), que l’assurée souffrait d’une dépression moyenne à sévère avec une forte composante anxieuse, avec suivi par ledit psychiatre traitant depuis août 2015.

À teneur d’un rapport du service des urgences des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), elle avait subi le 31 mai 2021 un « traumatisme crânien + perte de connaissance / amnésie circonstancielle ».

Selon le questionnaire AI rempli le 11 novembre 2021 par le Dr C______, l’intéressée souffrait d’une « dépression d’intensité sévère avec forte anxiété (CIM-10, F32.1), avec peu de ressources de manière générale. Concernant la capacité de travail dans l’activité habituelle, était indiqué : « La patiente peut avoir une certaine activité, mais de manière encore trop discontinue par rapport à ses symptômes, ce qui réduit actuellement sa capacité de travail, dans un cadre adapté à 0%-40%, depuis 2020, de manière variable. Comme elle n’a pas de travail depuis longtemps, il est difficile de se prononcer plus. Avant sa capacité de travail depuis 2021 était de 0% ». Les limitations fonctionnelles consistaient principalement en des problèmes de concentration et fatigabilité, ainsi que « anxiété à débuter une tâche ». Le psychiatre traitant estimait difficile de se prononcer au sujet de la capacité de travail dans une activité strictement adaptée aux limitations fonctionnelles, car la patiente vivait une période particulièrement stressante actuellement.

Dans un questionnaire AI, complété le 16 juin 2022, le Dr C______ a répondu pour l’essentiel de façon identique, si ce n’est que la capacité de travail de l’intéressée, « patiente compliante », était nulle dans son activité habituelle depuis plusieurs années et que les limitations fonctionnelles étaient « principalement problèmes de concentration et fatigabilité, ainsi que anxiété à débuter une tâche ».

Dans un questionnaire AI rempli le 20 juin 2022, le Dr B______ a diagnostiqué un « état dépressif chronique », une « cervico-sciatalgie droite d’allure […] » (NDR : mot illisible) et une « disjonction articulation temporo-mandibulaire (dès le 29.04.2022) ». Les activités de la vie quotidienne étaient accomplissables sans limitation mécanique mais au rythme de la patiente, laquelle était d’un point de vue rhumatologique capable d’exercer une activité professionnelle adaptée à son état de santé, la dépression étant au premier plan.

Le 6 mars 2023, le psychiatre traitant a donné des réponses similaires à celles du 16 juin 2022, si ce n’est que le diagnostic était désormais celui de « dépression moyenne F32.1 ». Depuis le dernier rapport du 16 juin 2022, la patiente avait présenté un état de santé mentale variable, avec rechutes anxieuses et dépressives régulières, notamment lié à son contexte de vie (conflit de voisinage) et à des problèmes liés au SPAd. Sa capacité de travail dans son activité habituelle était nulle ; dans une activité strictement adaptée au plan uniquement psychiatrique, « de par le contexte de vie actuelle et l’intensité de l’anxiété, il [n’était] pas possible de savoir quand la situation pourrait s’améliorer ».

c. En parallèle, il ressort du « questionnaire statut » complété le 19 décembre 2022 par l’assurée, qu’elle avait réussi sa maturité en 2011 (collège du soir) et avait ensuite effectué des remplacements à l’école primaire durant ses études en sciences de l’éducation à l’université de 2011 à 2014, année à partir de laquelle elle n’avait plus exercé d’activité professionnelle. En bonne santé, elle exercerait actuellement une activité professionnelle à 100%, comme experte en œuvres d’art.

L’OAI a alors retenu le statut d’active à temps complet.

d. À la demande du service médical régional de l’AI (ci-après : SMR) formulée le 28 mars 2023, une expertise psychiatrique a été mise en œuvre par la docteure D______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, qui a eu un entretien avec l’expertisée d’une durée de 4h20 le 18 juillet 2023 et a rendu son rapport d’expertise le 7 août 2023.

L’experte a retenu les diagnostics « actuels » de « CIM F43.22 trouble de l’adaptation avec réaction anxieuse et dépressive (2014-2016) », « CIM F41.2 trouble anxieux et dépressif mixte depuis 2016, actuellement de degré moyen », « traits de personnalité paranoïaques CIM F60.0 » et « CIM Z72.1 difficultés liées au mode de vie, utilisation d’OH ». Le potentiel de réadaptation existait dès à présent et pouvait être amélioré avec un traitement adapté aux troubles psychiques, exigible. Dans l’activité exercée en dernier lieu (« employée de bureau » selon l’experte) de même que dans une activité adaptée consistant en une « activité dans son domaine de compétence dans un environnement bienveillant avec peu de collègues », la capacité de travail de l’expertisée, sans traitement, était de « 50% progressif sur 6 mois », et, avec traitement, de « 50% progressivement sur 6 mois puis 80% sur 1 an ». Sa performance était réduite durant son temps de présence au travail « en raison d’une faible capacité adaptative pouvant entraîner des évitements et d’un déconditionnement important (2003) ». S’agissant de l’évolution dans le temps de la capacité de travail, cette dernière avait été entière de 2016 à 2020 puis nulle en 2021 et « de 50% progressive depuis 2022 ».

e. Dans un rapport du 15 août 2023, le SMR a considéré ce rapport d’expertise convaincant, a retenu, comme atteintes à la santé incapacitantes, le « trouble anxieux et dépressif mixte depuis 2016, actuellement de degré moyen » (« atteinte principale ») et les « traits de personnalité paranoïaques (F60.0) », et a conclu, dans l’activité habituelle d’employée de bureau, comme dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles qui étaient « peu de capacité d’adaptation et de flexibilité, de capacité à évoluer au sein d’un groupe, de relations avec autrui. Fatigue, fatigabilité de degré léger », à une capacité de travail nulle à partir de 2021 et de 50% dès 2022. Le cas devrait être révisé au plan médical un an après la reprise du traitement.

f. L’OAI, à la suite d’une « note relative au choix de la méthode d’évaluation de l’invalidité » du 4 septembre 2023 retenant le statut d’active à 100%, ainsi que d’une « détermination du degré d’invalidité » du même jour, a, par projet de décision du 14 septembre 2023, puis, après une opposition des 18 octobre et 20 novembre 2023 du SPAd (sollicitant la reprise de l’instruction et une rente entière d’invalidité), par décision du 9 janvier 2024, octroyé une rente correspondant à 55% d’une rente entière d’invalidité à compter du 1er février 2022 (à laquelle s’ajoutait une rente complémentaire pour enfant), ce taux de 55% étant celui de la perte de gain et du degré d’invalidité, des mesures d’ordre professionnel n’étant pour le reste pas indiquées.

Il est précisé qu’à l’appui de l’opposition de l’assurée, a été remis à l’office un rapport du 9 novembre 2023 du Dr C______, considérant comme seule éventuellement possible une capacité de travail de 50% au maximum après une année de projet de réinsertion, appréciation sur laquelle un rapport du SMR s’est déterminé le 5 décembre 2023.

B. a. Par acte du 8 février 2024 et posté le lendemain, l’assurée, représentée par le SPAd, a interjeté recours auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre des assurances sociales ou la chambre de céans) contre ladite décision du 9 janvier 2024, concluant à son annulation et, cela fait, principalement à la constatation que sa capacité de travail était nulle et à l’octroi d’une rente entière, subsidiairement au renvoi du dossier à l’intimé pour complément d’instruction concernant sa capacité de travail.

Un rapport du 30 janvier 2024 du psychiatre traitant était produit.

b. Par réponse du 7 mars 2024, l'intimé a conclu au rejet du recours, réponse à laquelle était annexé un avis du même jour du SMR, selon lequel ce dernier rapport médical ne permettait pas de remettre en cause sa précédente appréciation du cas.

c. Le 4 avril 2024, la recourante a sollicité – et obtenu – l’octroi d’un délai supplémentaire pour répliquer, afin de pouvoir éventuellement recevoir une réponse du Dr C______ à sa question posée par courriel du 18 mars 2024 et relative au dernier rapport du SMR, subsidiairement de demander l’audition du ce psychiatre en cas de silence de sa part.

d. Par écriture du 25 avril 2024 – transmise le 29 avril suivant à l’intimé pour information –, elle a produit un courriel du 23 avril 2024 du Dr C______, confirmant ne pas avoir d’éléments à ajouter de son côté, « les avis divergents relevant de l’expertise de chacun », et elle a sollicité dès lors une nouvelle expertise permettant d’être fixé sur son état de santé.

 

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'AI, à moins que la loi n'y déroge expressément.

1.3 Interjeté dans la forme et le délai – de trente jours – prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 ss LPGA ainsi que 62 ss de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

2.             En l'absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l'application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l'examen d'une demande d'octroi de rente d'invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu'au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s'applique (arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2. et les références).

En l'occurrence, un éventuel droit à une rente d'invalidité naîtrait au plus tôt en 2022 – plus précisément février 2022 –, dès lors que la nouvelle demande de prestations a été déposée en août 2021 (art. 29 al. 1 LAI à teneur duquel le droit à la rente prend naissance au plus tôt à l'échéance d'une période de six mois à compter de la date à laquelle l'assuré a fait valoir son droit aux prestations), de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur nouvelle teneur (en vigueur à partir du 1er janvier 2022).

3.             L'objet du présent litige porte sur le droit éventuel de la recourante à une rente d'invalidité supérieure à celle octroyée (55%), conformément aux conclusions du recours.

Il est à cet égard rappelé que, de jurisprudence constante, le juge apprécie en règle générale la légalité des décisions entreprises d'après l'état de fait existant au moment où la décision litigieuse a été rendue (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; 132 V 215 consid. 3.1.1). Les faits survenus postérieurement, et qui ont modifié cette situation, doivent en principe faire l'objet d'une nouvelle décision administrative (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; 130 V 130 consid. 2.1). Même s'il a été rendu postérieurement à la date déterminante, un rapport médical doit cependant être pris en considération, dans la mesure où il a trait à la situation antérieure à cette date (ATF 99 V 98 consid. 4 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_259/2018 du 25 juillet 2018 consid. 4.2).

4.              

4.1 En vertu de l’art. 8 al. 1 LPGA, est réputée invalidité l'incapacité de gain totale ou partielle qui est présumée permanente ou de longue durée.

Selon l'art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1, tel qu'en vigueur dès le 1er janvier 2021). Seules les conséquences de l'atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d'une incapacité de gain. De plus, il n'y a incapacité de gain que si celle-ci n'est pas objectivement surmontable (al. 2, en vigueur dès le 1er janvier 2008).

Aux termes de l'art. 6 LPGA, est réputée incapacité de travail toute perte, totale ou partielle, de l'aptitude de l'assuré à accomplir dans sa profession ou son domaine d'activité le travail qui peut raisonnablement être exigé de lui, si cette perte résulte d'une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique. En cas d'incapacité de travail de longue durée, l'activité qui peut être exigée de lui peut aussi relever d'une autre profession ou d'un autre domaine d'activité.

Conformément à l'art. 4 LAI, l'invalidité (art. 8 LPGA) peut résulter d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (al. 1). L'invalidité est réputée survenue dès qu'elle est, par sa nature et sa gravité, propre à ouvrir droit aux prestations entrant en considération (al. 2).

4.2 Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L'atteinte à la santé n'est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l'assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

4.3 En vertu de l'art. 28 al. 1 LAI, l'assuré a droit à une rente aux conditions suivantes : sa capacité de gain ou sa capacité d'accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles (let. a) ; il a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d'au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable (let. b) ; au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins (let. c). L'al. 1bis dudit art. 28 LAI - en vigueur depuis le 1er janvier 2022 - dispose qu'une rente au sens de l'al. 1 n'est pas octroyée tant que toutes les possibilités de réadaptation au sens de l'art. 8 al. 1bis et 1ter LAI n'ont pas été épuisées.

Selon l'art. 28b LAI - entré en vigueur le 1er janvier 2022 -, la quotité de la rente est fixée en pourcentage d'une rente entière (al. 1). Pour un taux d'invalidité compris entre 50 et 69%, la quotité de la rente correspond au taux d'invalidité (al. 2). Pour un taux d'invalidité supérieur ou égal à 70%, l'assuré a droit à une rente entière (al. 3). Pour un taux d'invalidité inférieur à 50%, la quotité de la rente est la suivante : tableau, avec un taux d'invalidité d'au minimum 40% donnant droit à une rente - la plus basse - de 25%, jusqu'à un taux d'invalidité de 49% donnant droit à une rente de 47,5% (al. 4).

4.4 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté ; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c ; 102 V 165 consid. 3.1 ; VSI 2001 p. 223 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

4.4.1 La reconnaissance de l'existence d'une atteinte à la santé psychique suppose la présence d'un diagnostic émanent d'un expert (psychiatre) et s'appuyant selon les règles de l'art sur les critères d'un système de classification reconnu, telle la classification internationale des maladies (CIM) ou le DSM-IV (Diagnostic and Statistical Manual) (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1 ; 130 V 396 consid. 5.3 et 6).

Dans l'ATF 141 V 281, le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d'évaluation de la capacité de travail, respectivement de l'incapacité de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d'affections psychosomatiques comparables. Il a notamment abandonné la présomption selon laquelle les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 141 V 281 consid. 3.4 et 3.5) et introduit un nouveau schéma d'évaluation au moyen d'un catalogue d'indicateurs (ATF 141 V 281 consid. 4). Le Tribunal fédéral a ensuite étendu ce nouveau schéma d'évaluation aux autres affections psychiques (ATF 143 V 418 consid. 6 et 7 et les références). Aussi, le caractère invalidant d'atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 143 V 409 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2019 du 17 mars 2020 consid. 3 et les références). Cette procédure d'administration des preuves est notamment applicable à la fibromyalgie (ATF 132 V 65 consid. 4.1).

L'organe chargé de l'application du droit doit, avant de procéder à l'examen des indicateurs, analyser si les troubles psychiques dûment diagnostiqués conduisent à la constatation d'une atteinte à la santé importante et pertinente en droit de l'assurance-invalidité, c'est-à-dire qui résiste aux motifs dits d'exclusion tels qu'une exagération ou d'autres manifestations d'un profit secondaire tiré de la maladie (ATF 141 V 281 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 5.2.2 et la référence).

4.4.2 Ainsi, selon la jurisprudence, en cas de troubles psychiques, la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée, en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs incapacitants et, d'autre part, des potentiels de compensation (ressources) (ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). L'accent doit ainsi être mis sur les ressources qui peuvent compenser le poids de la douleur et favoriser la capacité d'exécuter une tâche ou une action (arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2016 du 19 juillet 2016 consid. 7 et la référence).

Il y a lieu de se fonder sur une grille d'analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4).

Catégorie « Degré de gravité fonctionnel » (ATF 141 V 281 consid. 4.3),

Complexe « Atteinte à la santé » (consid. 4.3.1)

Expression des éléments pertinents pour le diagnostic (consid. 4.3.1.1), succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à cet égard (consid. 4.3.1.2), comorbidités (consid. 4.3.1.3).

Complexe « Personnalité « (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles ; consid. 4.3.2)

Complexe « Contexte social » (consid. 4.3.3)

Catégorie « Cohérence » (aspects du comportement ; consid. 4.4)

Limitation uniforme du niveau d'activité dans tous les domaines comparables de la vie (consid. 4.4.1), poids des souffrances révélé par l'anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation (consid. 4.4.2).

Les indicateurs appartenant à la catégorie « degré de gravité fonctionnel » forment le socle de base pour l'évaluation des troubles psychiques (ATF 141 V 281 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2).

4.4.3 Il est notamment relevé que même si un trouble psychique, pris séparément, n'est pas invalidant en application de la nouvelle jurisprudence, il doit être pris en considération dans l'appréciation globale de la capacité de travail, qui tient compte des effets réciproques des différentes atteintes. Ainsi, une dysthymie, prise séparément, n'est pas invalidante, mais peut l'être lorsqu'elle est accompagnée d'un trouble de la personnalité notable. Par conséquent, indépendamment de leurs diagnostics, les troubles psychiques entrent déjà en considération en tant que comorbidité importante du point de vue juridique si, dans le cas concret, on doit leur attribuer un effet limitatif sur les ressources (ATF 143 V 418 consid. 8.1).

Le Tribunal fédéral a récemment rappelé qu'en principe, seul un trouble psychique grave peut avoir un caractère invalidant. Un trouble dépressif de degré léger à moyen, sans interférence notable avec des comorbidités psychiatriques, ne peut généralement pas être défini comme une maladie mentale grave. S'il existe en outre un potentiel thérapeutique significatif, le caractère durable de l'atteinte à la santé est notamment remis en question. Dans ce cas, il doit exister des motifs importants pour que l'on puisse néanmoins conclure à une maladie invalidante. Si, dans une telle constellation, les spécialistes en psychiatrie attestent sans explication concluante (éventuellement ensuite d'une demande) une diminution considérable de la capacité de travail malgré l'absence de trouble psychique grave, l'assurance ou le tribunal sont fondés à nier la portée juridique de l'évaluation médico-psychiatrique de l'impact (ATF 148 V 49 consid. 6.2.2 et les références).

4.5 Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents qu'un médecin, éventuellement d'autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est, à ce motif, incapable de travailler (ATF 140 V 193 consid. 3.2 et les références ; 125 V 256 consid. 4 et les références). En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l'assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

4.5.1 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3).

4.5.2 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

Ainsi, en principe, lorsqu'au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; 125 V 351 consid. 3b/bb).

En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

On ajoutera qu'en cas de divergence d'opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 8C_755/2020 du 19 avril 2021 consid. 3.2 et les références).

4.6 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 135 V 39 consid. 6.1 ; 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

5.              

5.1 En l’espèce, tout d’abord, il ressort de la dernière écriture de la recourante (du 25 avril 2024) qu’elle renonce implicitement à la demande d’audition du Dr C______ qu’elle a formulée dans courrier du 4 avril 2024 à titre subsidiaire en cas de non-réponse de ce psychiatre traitant et qui est devenue sans objet. En effet, par son courriel du 23 avril 2024, le Dr C______ a confirmé ne pas avoir d’éléments à ajouter de son côté, « les avis divergents relevant de l’expertise de chacun », et a considéré comme indiqué « un second avis d’expert mandaté ». Dans sa dernière écriture, l’assurée fait sien ce point de vue et sollicite dès lors une nouvelle expertise permettant d’être fixé sur son état de santé.

Au demeurant, dans les présentes circonstances, le psychiatre traitant considérant s’être exprimé de manière complète, son audition en qualité de témoin ne pourrait pas, par appréciation anticipée des preuves (cf. à ce sujet notamment ATF 124 V 90 consid. 4b ; 122 V 157 consid. 1d), avoir une quelconque influence sur l'issue du présent litige.

5.2 Dans son rapport d'expertise établi le 7 août, la Dre D______ rapporte les propos tenus en entretien par l’intéressée, notamment au sujet de difficultés avec son voisinage. Au quotidien, ses journées commencent par son lever entre 9h00 et 10h00 ; elle s’astreint à une certaine routine dans l’accomplissement de ses tâches ménagères (lessive et raccommodage, vaisselle, courses, préparation d’un repas le soir) ; « elle s’occupe de ses plantes si elle n’est pas trop fatiguée » ; elle se couche vers 23h00 après avoir regardé une ou deux séries à la TV, pris un somnifère et regardé des séances de relaxation sur internet, l’endormissement ayant lieu entre 23h30 et 1h30 du matin ; elle sort en outre deux fois par mois avec un couple d’amis et suit deux fois par an une retraite de santé de trois jours en France.

Des « tests psychométriques complémentaires » (en particulier échelle de dépression de Beck, échelle de dépression d’Hamilton et échelle d’appréciation de l’anxiété d’Hamilton) sont effectués par l’experte.

L’experte retient les diagnostics « actuels » de « CIM F43.22 trouble de l’adaptation avec réaction anxieuse et dépressive (2014-2016) », « CIM F41.2 trouble anxieux et dépressif mixte depuis 2016, actuellement de degré moyen », « source de diminution de rendement fluctuant », « traits de personnalité paranoïaques CIM F60.0 » et « CIM Z72.1 difficultés liées au mode de vie, utilisation d’OH » (présence d’alcool selon l’analyse du marqueur Phosphatidyléthanol [PEth] réalisée le jour de l’entretien avec l’experte, mais non selon les tests hépatiques, les CDT et le questionnaire AUDIT).

Après avoir examiné les « difficultés » et « ressources », l’experte D______ relève, sous « évaluation de la cohérence et de la plausibilité », que l’expertisée ne présente pas de limitations uniformes du niveau des activités dans tous les domaines, puisqu’elle a des capacités, notamment dans la planification de ses tâches, la prise de décision, une bonne relation avec sa fille et un couple d’amis, des activités spontanées et l’aptitude à se déplacer. L’assurée a peu de capacité d’adaptation et de flexibilité (rigidité liée aux traits de personnalité avec conflictualisation des difficultés sociales), a peu de capacité à évoluer au sein d’un groupe (évitement) et a peu de relations avec autrui (un couple d’amis, sa fille, son psychiatre, parents). Sous « appréciation des capacités, des ressources et des difficultés », les troubles fonctionnels sont une rigidité avec diminution de l’adaptabilité (degré moyen), une fluctuation de l’humeur (degré léger à moyen), une fatigue/fatigabilité (degré léger), des évitements (situation sociale ; degré moyen). Les traits de personnalité ont un impact négatif sur les limitations fonctionnelles.

Après l’arrêt en début 2023 de l’antidépresseur Sertraline et le refus depuis lors de prendre un autre antidépresseur de même que l’arrêt selon sa volonté de la Quétiapine (antipsychotique) en début 2023 et du Trittico en mai 2023, le traitement actuel de la recourante consiste en une séance de psychothérapie une fois par mois et en la prise de Circador et Zoldorm – pour le sommeil – le soir, et Rivotril en cas d’angoisse en alternance avec le Temesta s’il y a du stress, mais le test sanguin du 18 juillet 2023 ne montre pas la présence de ces deux derniers médicaments.

Le potentiel de réadaptation existe dès à présent et peut être amélioré avec un traitement adapté aux troubles psychiques (antidépresseur à visée anxiolytique et anxiolyse NL si nécessaire, un suivi psychiatrique de type TCC étant aussi mentionné) ; un tel traitement est exigible, mais les traits de personnalité peuvent être un frein aux propositions thérapeutiques.

Dans l’activité exercée en dernier lieu (« employée de bureau » selon l’experte) de même que dans une activité adaptée consistant en une « activité dans son domaine de compétence dans un environnement bienveillant avec peu de collègues », la capacité de travail de l’expertisée, sans traitement, est de « 50% progressif sur 6 mois », et, avec traitement, de « 50% progressivement sur 6 mois puis 80% sur 1 an ». Sa performance est réduite durant son temps de présence au travail « en raison d’une faible capacité adaptative pouvant entraîner des évitements et d’un déconditionnement important (2003) ». S’agissant de l’évolution dans le temps de la capacité de travail, cette dernière a été entière de 2016 à 2020 puis nulle en 2021 et « de 50% progressive depuis 2022 ».

5.3 Ce rapport d’expertise répond, sur le plan formel, aux exigences posées par la jurisprudence pour qu'on puisse lui accorder une pleine valeur probante. En effet, cette expertise psychiatrique a été conduite par une médecin spécialisée dans le domaine concerné - psychiatrie -, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier. L’experte a personnellement eu un entretien avec la recourante préalablement à l'établissement de son rapport d'expertise, et elle a consigné les renseignements anamnestiques pertinents, recueilli les plaintes de l'assurée et résumé ses propres constatations. Elle a en outre énoncé les diagnostics retenus et répondu à toutes les questions posées, ses appréciations reposant en outre sur la grille d'évaluation normative et structurée (indicateurs) développée par le Tribunal fédéral. Enfin, ses conclusions sont claires et bien motivées.

5.4 Aucun indice concret ne permet de douter du bien-fondé de ce rapport d'expertise et de ses conclusions, ni de celles du SMR, selon lesquelles dans l’activité habituelle d’employée de bureau comme dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles qui sont « peu de capacité d’adaptation et de flexibilité, de capacité à évoluer au sein d’un groupe, de relations avec autrui. Fatigue, fatigabilité de degré léger », l’assurée a une capacité de travail nulle à partir de 2021 et de 50% dès 2022, et ce pour les motifs qui suivent.

5.5 Les éléments invoqués par la recourante pour contester les conclusions de l’experte D______ et du SMR consistent essentiellement en l’appréciation de son psychiatre traitant, le Dr C______, exprimée dans ses rapports des 9 novembre 2023 et 30 janvier 2024.

5.5.1 À teneur du rapport du 9 novembre 2023 précité, « l’expertise présente plusieurs points de contestation, notamment : 1) La capacité de travail de [l’assurée] était clairement de 0% dès le début de son suivi à ma consultation en août 2015, et ce jusqu’à présent, comme le suggère son traitement de psychotropes important (en haut de la page 2 de l’expertise) et la fluctuation de ses symptômes actuellement, lié à son environnement. L’expertise ne reflète pas cette réalité. 2) Le projet de réinsertion doit tenir compte des possibilités réelles de [la patiente], notamment en termes de réadaptation progressive, à savoir qu’il faut probablement compter avec une reprise de capacité de travail d’au maximum 50% sur une année, selon évolution dans le cadre proposé adapté aux possibilités de [l’intéressée], et ce quel que soit le modèle de thérapie suivi. Il est illusoire d’estimer que ceci pourrait être accompli en 6 mois. Effectivement l’état de [la patiente] varie avec les difficultés de son cadre de vie (cf. page 15 expertise). 3) Les traits de personnalité évoqués sont contestables en tant que diagnostic propre et ne doivent pas faire oublier la réalité sociale difficile de [l’assurée], qui péjore en elle-même sa situation psychique, et qui nous amène à pondérer le recours à un traitement antidépresseur ».

Dans son rapport du 30 janvier 2024, le Dr C______ reprend pour l’essentiel ces explications, tout en ajoutant des éléments qui seront relevés et examinés plus bas.

5.5.2 Cela étant, le psychiatre traitant ne fait valoir aucun élément un tant soit peu concret et précis susceptible de remettre en cause les conclusions de l’experte D______ relativement à la capacité de travail.

En particulier, aucune conclusion contraire à celles du rapport d’expertise ne peut être tirée de l’énoncé par le Dr C______ de la fluctuation des symptômes, non contestée par l’experte, ni de l’importance du traitement médicamenteux au plan psychiatrique. Ce d’autant moins que l’assurée a, selon sa propre volonté, arrêté la prise de l’antidépresseur sans que des médecins aient fait état d’une éventuelle anosognosie. Or, selon la jurisprudence, l'interruption de toute thérapie médicalement indiquée sur le plan psychique et le refus de participer à des mesures de réadaptation d'ordre professionnel sont des indices importants que l’assuré ne présente pas une évolution consolidée de la douleur et que les limitations invoquées sont dues à d'autres motifs qu'à son atteinte à la santé (arrêt du Tribunal fédéral 9C_569/2017 du 18 juillet 2018 consid. 5.5.2). La prise en compte d’options thérapeutiques, autrement dit la mesure dans laquelle les traitements sont mis à profit ou alors négligés, permet d’évaluer le poids effectif des souffrances. Tel n’est toutefois pas le cas lorsque le comportement est influencé par la procédure assécurologique en cours. Il ne faut pas conclure à l’absence de lourdes souffrances lorsque le refus ou la mauvaise acceptation du traitement recommandé est la conséquence d’une incapacité (inévitable) de l’assuré à reconnaître sa maladie (anosognosie). Les mêmes principes s’appliquent pour les mesures de réadaptation. Un comportement incohérent de l'assuré est là aussi un indice que la limitation fonctionnelle est due à d’autres raisons qu’à l'atteinte à la santé assurée (ATF 141 V 281 consid. 4.4.2).

Pour la première fois le 30 janvier 2024, le Dr C______ fait valoir que les résultats des tests effectués par l’experte font ressortir clairement une dépression sévère avec anxiété majeure. Certes, l’échelle de dépression de Beck montre un score (38) de dépression sévère, mais il s’agit d’une autoévaluation, et, dans le cadre de l’échelle de dépression d’Hamilton, l’experte retient un score (16) de dépression légère. Il est vrai que le score de 19 à l’échelle d’appréciation de l’anxiété d’Hamilton 14 items est celui d’une anxiété majeure ; l’anxiété est toutefois prise en considération par la Dre D______ dans les deux premiers diagnostics retenus, avec la précision que le deuxième diagnostic est « source de diminution de rendement fluctuant » ; rien ne permet de considérer que la sévérité de l’anxiété aurait été sous-estimée par l’experte, qui retient une incapacité de travail actuelle de 50% dans toute activité, ce qui n’est pas négligeable.

D’après le psychiatre traitant (le 30 janvier 2024), « le degré de sévérité est cliniquement de moyen à sévère, contrairement à ce qui est suggéré en page 15 de l’expertise ». Or l’experte retient un « CIM F41.2 trouble anxieux et dépressif mixte depuis 2016, actuellement de degré moyen », degré de gravité qui n’est pas en contradiction à celui évoqué par le Dr C______ (entre moyen et sévère).

Par ailleurs, on ne voit pas la pertinence de la contestation par le psychiatre traitant de la pose par l’experte d’un diagnostic propre pour les « traits de personnalité paranoïaques CIM F60.0 », ce d’autant moins qu’il considère le 30 janvier 2024 ces traits de personnalité comme un facteur de péjoration de la situation psychique de la patiente.

Comme autres facteurs de péjoration, le Dr C______ mentionne le déconditionnement sur de nombreuses années de même que l’environnement actuel, et, le 30 janvier 2024, il indique : « Effectivement l’état de [l’assurée varie avec les difficultés de son cadre de vie et de son évolution (cf. page 15 expertise), l’empêchant fréquemment de mener à bien ses tâches habituelles (ménage, administration …) ». Cependant, d’une part, un déconditionnement ne saurait constituer en soi une cause d’invalidité (cf. notamment art. 4 LAI a contrario). D’autre part, conformément à la jurisprudence, en ce qui concerne les facteurs psychosociaux ou socioculturels – ici en particulier l’environnement et le cadre de vie – et leur rôle en matière d'invalidité, ils ne figurent pas au nombre des atteintes à la santé susceptibles d'entraîner une incapacité de gain au sens de l'art. 4 al. 1 LAI, et des éléments qui trouvent leur explication et leur source dans le champ socioculturel ou psychosocial ne relèvent pas d'une atteinte à la santé à caractère invalidant (cf. ATF 127 V 294 consid. 5a in fine ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_43/2023 du 29 novembre 2023 consid. 5.1 et 5.2 et les références).

Enfin, en estimant qu’une réinsertion professionnelle pour atteinte, un taux de capacité de travail de 50% au maximum devrait prendre une année au moins, le Dr C______ se contente de présenter, sans justification particulière, une appréciation différente de celle de l’experte, selon laquelle la réinsertion au taux de 50% se ferait de manière progressive sur six mois. Il est au surplus rappelé que le cadre de ce retour au travail respecterait les limitations fonctionnelles que sont, selon la Dre D______, une « activité dans son domaine de compétence dans un environnement bienveillant avec peu de collègues », et selon le SMR, « peu de capacité d’adaptation et de flexibilité, de capacité à évoluer au sein d’un groupe, de relations avec autrui. Fatigue, fatigabilité de degré léger ».

5.5.3 En définitive, d'une part, la mise en œuvre d'une nouvelle expertise médicale ne se justifie aucunement, d'autre part, il ne ressort pas des éléments médicaux une gravité particulière des troubles psychiques de l’intéressée justifiant une incapacité de travail supérieure à 50% dans toute activité à partir de 2022, le début du droit à une rente d’invalidité étant – comme vu plus haut – février 2022.

6.              

6.1 Chez les assurés actifs – comme la recourante –, le degré d'invalidité doit être évalué sur la base d'une comparaison des revenus. Pour cela, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 8 al. 1 et art. 16 LPGA).

Pour procéder à la comparaison des revenus, il convient de se placer au moment de la naissance du droit à la rente ; les revenus avec et sans invalidité doivent être déterminés par rapport à un même moment et les modifications de ces revenus susceptibles d'influencer le droit à la rente survenues jusqu'au moment où la décision est rendue doivent être prises en compte (ATF 129 V 222 consid. 4.1 et les références).

6.2 La mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent être réduits, dépend de l'ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie d'autorisation de séjour et taux d'occupation) et résulte d'une évaluation dans les limites du pouvoir d'appréciation. Une déduction globale maximum de 25% sur le salaire statistique permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d'une activité lucrative (ATF 135 V 297 consid. 5.2 ; 134 V 322 consid. 5.2 et les références ; 126 V 75 consid. 5b/aa-cc). Il n'y a pas lieu de procéder à des déductions distinctes pour chacun des facteurs entrant en considération ; il faut bien plutôt procéder à une évaluation globale, dans les limites du pouvoir d'appréciation, des effets de ces facteurs sur le revenu d'invalide, compte tenu de l'ensemble des circonstances du cas concret (ATF 148 V 174 consid. 6.3 et les références). D'éventuelles limitations liées à la santé, déjà comprises dans l'évaluation médicale de la capacité de travail, ne doivent pas être prises en compte une seconde fois dans l'appréciation de l'abattement, conduisant sinon à une double prise en compte du même facteur (ATF 146 V 16 consid. 4.1 et ss et les références). L'étendue de l'abattement justifié dans un cas concret relève du pouvoir d'appréciation (ATF 132 V 393 consid. 3.3).

Les limitations fonctionnelles justifiant une diminution de rendement déjà prises en compte dans l'évaluation de la capacité de travail n'ont pas à être retenues une seconde fois lors de la détermination de l'abattement (arrêt du Tribunal fédéral 9C_778/2020 du 27 août 2021 consid. 6 et la référence).

Dans un arrêt de principe (8C_823/2023 du 8 juillet 2024, destiné à la publication), le Tribunal fédéral a considéré que le régime de déduction sur les salaires statistiques de l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ci-après : ESS), tel que prévu de manière exhaustive à l’art. 26bis al. 3 RAI (dans sa teneur en vigueur du 1er janvier 2022 au 31 décembre 2023, selon laquelle si, du fait de l’invalidité, les capacités fonctionnelles de l’assuré au sens de l’art. 49 al. 1bis RAI ne lui permettent de travailler qu’à un taux d’occupation de 50% ou moins, une déduction de 10% pour le travail à temps partiel est opérée sur la valeur statistique), n’est pas compatible avec le droit fédéral. Le Tribunal fédéral a relevé notamment qu’il ressortait des travaux préparatoires relatifs à la révision de la LAI (Développement continu de l’AI), que la jurisprudence actuelle en matière d’abattement devait être, pour l’essentiel, reprise et que la méthode d’évaluation du taux d’invalidité devait, en principe, rester inchangée (consid. 9.4.2). Or, en limitant la déduction à 10% dans le cas où les capacités fonctionnelles de la personne assurée ne lui permettent de travailler qu’à un taux d’occupation de 50% ou moins (art. 26bis al. 3 RAI), le Conseil fédéral avait choisi une autre voie (consid. 9.4.3). Par conséquent, si en raison des circonstances du cas d’espèce, le salaire statistique des ESS doit être adapté au-delà de ce que prévoit l’art. 26bis al. 3 RAI, il y a lieu recourir, en complément, à la jurisprudence appliquée jusqu’à présent par le Tribunal fédéral (consid. 10.6).

À cet égard, le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de constater que le travail à plein temps n'est pas nécessairement mieux rémunéré que le travail à temps partiel ; dans certains domaines d'activités, les emplois à temps partiel sont en effet répandus et répondent à un besoin de la part des employeurs, qui sont prêts à les rémunérer en conséquence (ATF 126 V 75 consid. 5a/cc ; aussi arrêt du Tribunal fédéral 8C_49/2018 du 8 novembre 2018 consid. 6.2.2.2). Selon les statistiques, les femmes exerçant une activité à temps partiel ne perçoivent souvent pas un revenu moins élevé proportionnellement à celles qui sont occupées à plein temps (cf. p. ex., arrêt du Tribunal fédéral 9C_751/2011 du 30 avril 2012 consid. 4.2.2).

7.              

7.1 Dans le cas présent, dans sa « détermination du degré d'invalide » du 4 septembre 2023 et sa décision attaquée, l'OAI parvient à un degré d'invalidité de 55%, résultant de la comparaison - ou différence -, pour 2022 - année de naissance d'un éventuel droit à une rente -, entre le « revenu sans invalidité pour un plein temps » de CHF 54’222.- - non contesté – et le « revenu annuel brut avec invalidité » de CHF 24’400.- sur la base de l'ESS 2020 (tableau « TA1_tirage_skill_level », pour les femmes sous « total », donc « tous domaines confondus », niveau de compétence 1, à savoir « tâches physiques ou manuelles simples » – niveau où les salaires sont les plus bas –, salaire mensuel brut [pour 40 heures par semaine] de CHF 4'276.-, ajusté en fonction de la moyenne des heures travaillées en Suisse [41,7 heures], pour le niveau de compétence 1 [tâches physiques et manuelles simples], c'est-à-dire CHF 4'457.-, puis annualisé (x 12) à CHF 53'488.- et indexé selon l'indice suisse des salaires [ISS], soit CHF 54'222.-, réduit ensuite de moitié – vu l’incapacité de travail de 50% - puis de 10% [« réduction forfaitaire »]).

7.2 Rien ne permet de remettre en doute cette comparaison des revenus sans et avec invalidité, pas même le taux de réduction – ou abattement – de 10% sur le revenu d’invalide – qui apparaît conforme au droit compte tenu de l’ensemble des circonstances –, comparaison des revenus que la recourante ne conteste du reste pas.

8.             Vu ce qui précède, c’est conformément au droit, notamment l’art. 28b al. 2 LAI (à teneur duquel, pour un taux d’invalidité compris entre 50 et 69%, la quotité de la rente correspond au taux d’invalidité), que l’intimé a reconnu à la recourante le droit à une rente d’invalidité correspondant à 55% d’une rente entière, de sorte que le recours sera rejeté.

9.             Il convient de renoncer à la perception d'un émolument, la recourante étant au bénéfice de l'assistance juridique (art. 69 al. 1bis LAI et 13 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit qu’il n’est pas perçu d’émolument.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

Le président

 

 

 

 

Blaise PAGAN

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le