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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3189/2023

ATAS/694/2024 du 16.09.2024 ( AI ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3189/2023 ATAS/694/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 16 septembre 2024

Chambre 6

 

En la cause

 

A______

 

recourante

contre

 

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée), née le ______ 1963, mariée, mère de deux enfants nés en 1988 et 1994, a exercé une activité d’agente d’entretien de 1997 à 1998 et d’employée de maison de 2005 à 2006.

b. L’assurée a présenté une incapacité de travail totale dès le 13 avril 2021 attestée par la docteure B______, spécialiste FMH en gynécologie et obstétrique, en raison d’une atteinte oncologique (cancer du sein), ayant justifié une opération le 13 avril 2021. Dès le 1er novembre 2021, la docteure C______, spécialiste FMH en médecine interne générale, a attesté d’une incapacité de travail totale.

B. a. Le 15 décembre 2022, l’assurée a déposé une demande de prestations d’invalidité pour dépression et cancer en rémission. Elle a indiqué qu’elle n’était plus en mesure de fournir les certificats de ses employeurs.

b. Le 26 janvier 2023, la Dre C______ a rempli un rapport médical AI, attestant de diagnostics de CMA canalaire invasive QIE sein gauche avril 2021, de gastrite chronique, d’arthrose / rhizarthrose et de VHB porteuse asymptomatique. L’incapacité de travail était totale depuis octobre 2021, en raison d’une fatigue chronique ; l’assurée arrivait à faire les tâches ménagères en prenant beaucoup de temps et avec du repos entre les tâches.

c. Le 8 février 2023, la docteure D______, spécialiste FMH en oncologie médicale, a indiqué qu’elle avait fait les arrêts de travail jusqu’au 31 octobre 2021 et qu’il fallait voir avec le médecin traitant.

d. Le 16 février 2023, l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci‑après : OAI) a retenu un statut de ménagère.

e. Le 21 mars 2023, le service médical régional de l’assurance-invalidité (ci‑après : SMR) a estimé que l’assurée présentait une capacité de travail nulle dès le 18 mars 2021 et totale dès le 1er novembre 2021 dans une activité adaptée (pas de port de charges de plus de 5 kg avec le membre supérieur gauche, pas d’élévation des bras au-dessus du plan des épaules, pas d’utilisation de la pince pollicidigitale [pouce-index] en lien avec la rhizarthrose). Il s’est écarté de l’évaluation de la Dre C______, en se fondant sur celle de la Dre D______.

f. Le 8 juin 2023, l’OAI a mené une enquête économique sur le ménage chez l’assurée. Le rapport du 15 juin 2023 mentionne que le plus jeune des fils de l’assurée, qui travaillait à 100% et vivait avec ses parents, avait expliqué que sa mère souhaitait travailler à 100% afin de compléter le revenu familial, son époux étant au bénéfice d’une demi-rente d’invalidité. L’assurée a indiqué qu’elle était capable d’effectuer les tâches ménagères mais qu’elle se fatiguait rapidement. Le rapport conclut à un empêchement ménager nul, soit de 24,9%, avec obligation de réduire le dommage et une exigibilité des membres de la famille de 24,9%.

g. Par projet de décision du 21 juin 2023, l’OAI a rejeté la demande de prestations, en constatant qu’il n’existait pas d’empêchements ménagers.

h. Le 19 juillet 2023, l’assurée s’est opposée au projet de décision, en relevant qu’elle était en recherche d’emploi avant le diagnostic de cancer et qu’elle ne pouvait consacrer tout son temps aux travaux habituels, en raison d’une grosse fatigue, essoufflement et une dépression.

i. Par décision du 4 septembre 2023, l’OAI a rejeté la demande de prestations.

C. a. Le 3 octobre 2023, l’assurée a recouru auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice à l’encontre de la décision précitée, en faisant valoir que le rapport d’enquête ménagère était incomplet.

b. Le 24 octobre 2023, l’OAI a conclu au rejet du recours.

c. Le 30 octobre 2023, la recourante a répliqué. Elle a communiqué une attestation d’inscription le 7 septembre 2020 à l’office régional de placement (ci‑après : ORP) pour une recherche d’emploi à un taux de 100% ainsi que l’annulation, le 18 mai 2021, par l’ORP de son dossier.

Elle s’était inscrite au chômage depuis 2011 et avait renouvelé son inscription chaque deux ans, en transmettant au service des prestations complémentaires (ci‑après : SPC) les recherches d’emploi. En 2018, elle avait réussi à être engagée chez E______, mais n’avait pas été reconduite, vraisemblablement en raison de son âge avancé. Son statut n’était pas celui de ménagère mais d’active. Son fils, engagé en politique et dans le bénévolat, ne pouvait consacrer tout son temps à l’aider quotidiennement. Elle était en incapacité de travail à 100%. Elle ne pouvait préparer tous les repas. Son fils contribuait à hauteur de 60% aux tâches ménagères ; ses nièces, qui venaient régulièrement s’occuper du nettoyage des vitres, avaient réduit leur aide. Son incapacité à effectuer les tâches ménagères était d’au moins 50%.

d. Le 6 décembre 2023, l’OAI a dupliqué, en concluant au rejet du recours. La recourante avait un statut de ménagère ; elle ne travaillait plus depuis 2006, hormis un mois en janvier 2018 ; une incapacité de travail n’était pas rendue vraisemblable avant le 18 mars 2021 ; la seule inscription à l’ORP en septembre 2020 était insuffisante pour retenir que la recourante aurait travaillé à 100%, ce d’autant qu’aucune recherche d’emploi ne figurait au dossier. L’enquête ménagère était probante.

e. À la demande de la chambre de céans, l’office cantonal de l’emploi (ci-après : OCE) a communiqué le dossier de l’assurée le 1er février 2024, dont il ressort que la recourante s’est inscrite à l’OCE le 30 avril 2012, puis a renouvelé son inscription les 8 mai 2014 et 7 septembre 2020 et a fourni des recherches personnelles d’emploi (RPE) de février 2012 à mars 2021.

f. Le 5 février 2024, la chambre de céans a entendu les parties en audience de comparution personnelle.

La recourante a déclaré qu’elle présentait des effets secondaires de son traitement médicamenteux (fatigue, douleurs) et qu’elle était déprimée. En bonne santé, elle travaillerait à un taux de 100%.

g. Le 26 février 2024, l’OAI a indiqué que quel que soit le statut, ménagère ou mixte, la recourante n’avait pas droit à des prestations, dès lors qu’elle était reconnue comme capable de travailler à un taux de 100% dans une activité adaptée depuis le 1er novembre 2021.

h. Le 6 mars 2024, la recourante a observé qu’elle s’était inscrite à l’assurance-chômage en 2006 puisqu’elle avait travaillé au Foyer F______ par l’intermédiaire de sa conseillère chômage. En 2011, le SPC lui avait indiqué que, suite à la baisse du taux AI de son époux, elle pouvait trouver un emploi par l’intermédiaire du chômage. Cela faisait plus de dix ans qu’elle tentait de se réinsérer dans le marché de l’emploi. Enfin, l’enquête ménagère était imprécise.

i. Le 15 mai 2024, la Dre B______ a indiqué qu’elle ne pouvait répondre aux questions posées par la chambre de céans le 6 mai 2024, car la dernière consultation remontait au 16 août 2021. Elle attestait toutefois d’une incapacité de travail du 13 avril au 11 juin 2021.

j. À la demande de la chambre de céans, la Dre C______ a indiqué qu’elle était d’accord avec l’appréciation du SMR du 21 mars 2023, mais qu’elle ne pouvait pas, d’un point de vue pratique, affirmer que l’assurée pouvait tenir une journée entière de travail, en raison d’une fatigue chronique. Elle présentait une fatigue extrême, des difficultés de concentration, des douleurs musculaires et articulaires et des problèmes de mémoire qui empêchaient une performance adéquate dans ses tâches professionnelles. Elle pourrait bénéficier d’un travail très adapté, mais pas à un taux de 100%.

k. Le 17 juin 2024, le SMR a relevé que la Dre C______ rapportait des plaintes subjectives, sans fournir d’élément nouveau objectif en faveur d’une aggravation, de sorte qu’il maintenait ses conclusions précédentes.

l. Le 24 juin 2024, l’intimé s’est rallié à l’avis du SMR précité.

m. Le 29 juin 2024, la recourante a observé qu’elle approuvait le rapport de la Dre C______ et qu’il serait intéressant de voir dans quelle mesure un travail adapté pourrait convenir à son état de santé et le pourcentage envisageable.

n. À la demande de la chambre de céans, la Dre C______ a précisé le 26 août 2024, que la recourante pourrait exercer un travail très adapté à un taux de 30%. Le SMR n’avait pas pris en compte l’extrême fatigue et le déconditionnement physique de la recourante, ses difficultés de concentration, ses douleurs musculaires et articulaires ainsi que ses problèmes de mémoire.

o. À la demande de la chambre de céans, le SMR a rendu un avis le 2 septembre 2024, estimant que la Dre C______ n’argumentait pas sur les raisons de l’appréciation d’une capacité de travail de 30%.

p. Le 3 septembre 2024, l’OAI a persisté dans ses conclusions.

 

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 LPGA).

2.             Le litige porte sur le droit de la recourante à une rente d’invalidité, singulièrement sur l’évaluation de sa capacité de travail au-delà du 31 octobre 2021, une incapacité de travail étant admise du 18 mars au 31 octobre 2021, ainsi que sur son statut, voire sur l’évaluation de ses empêchements ménagers.

3.             Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI – RS 831.201 ; RO 2021 706) sont entrées en vigueur.

En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2. et les références).

En l’occurrence, un éventuel droit à une rente d’invalidité naîtrait au plus tôt en juin 2023, dès lors que le délai d’attente d’une année serait échu au plus tôt le 18 mars 2022 et que la demande de prestations a été déposée le 15 décembre 2022 (art. 28 al. 1 let. b et 29 al. 1 LAI), de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur nouvelle teneur.

3.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2).

3.2 A droit à une rente d’invalidité, l’assuré dont la capacité de gain ou la capacité d’accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles, qui a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable et qui, au terme de cette année, est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins (art. 28 al. 1 LAI). Une rente n'est pas octroyée tant que toutes les possibilités de réadaptation au sens de l'art. 8 al. 1bis et 1ter n'ont pas été épuisées (art. 28 al. 1bis LAI).

La notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

3.3 En vertu de l’art. 28b LAI, la quotité de la rente est fixée en pourcentage d’une rente entière (al. 1). Pour un taux d’invalidité compris entre 50 et 69%, la quotité de la rente correspond au taux d’invalidité (al. 2) ; pour un taux d’invalidité supérieur ou égal à 70%, l’assuré a droit à une rente entière (al. 3). Pour les taux d’invalidité compris entre 40 et 49%, la quotité de la rente s’échelonne de 25 à 47,5% (al. 4).

La quotité de la rente est déterminée en fonction de l’incapacité de gain au moment où le droit à la rente prend naissance (art. 28 al. 1 let. c LAI). Le droit à la rente naît au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré à fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA, mais pas avant le mois qui suit le 18ème anniversaire de l’assuré (art. 29 al. 1 LAI).

3.4 Selon l’art. 24septies RAI, le statut d’un assuré est déterminé en fonction de la situation professionnelle dans laquelle il se trouverait s’il n’était pas atteint dans sa santé (al. 1) ; l’assuré est réputé exercer une activité lucrative au sens de l’art. 28a al. 1 LAI dès lors qu’en bonne santé, il exercerait une activité lucrative à un taux d’occupation de 100% ou plus (al. 2 let. a) ; ne pas exercer d’activité lucrative au sens de l’art. 28a al. 2 LAI dès lors qu’en bonne santé, il n’exercerait pas d’activité lucrative (al. 2 let. b) ; exercer une activité lucrative à temps partiel au sens de l’art. 28a, al. 3, LAI dès lors qu’en bonne santé, il exercerait une activité lucrative à un taux d’occupation de moins de 100% (al. 2 let. c).

Antérieurement au 1er janvier 2024 et selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, tant lors de l'examen initial du droit à la rente qu'à l'occasion d'une révision de celle-ci (art. 17 LPGA), il faut examiner sous l'angle des art. 4 et 5 LAI quelle méthode d'évaluation de l'invalidité il convient d'appliquer (art. 28a LAI, en corrélation avec les art. 27 ss RAI). Le choix de l'une des trois méthodes entrant en considération (méthode générale de comparaison des revenus, méthode mixte, méthode spécifique) dépendra du statut du bénéficiaire potentiel de la rente : assuré exerçant une activité lucrative à temps complet, assuré exerçant une activité lucrative à temps partiel, assuré non actif. On décidera que l'assuré appartient à l'une ou l'autre de ces trois catégories en fonction de ce qu'il aurait fait dans les mêmes circonstances si l'atteinte à la santé n'était pas survenue. Lorsque l'assuré accomplit ses travaux habituels, il convient d'examiner, à la lumière de sa situation personnelle, familiale, sociale et professionnelle, si, étant valide il aurait consacré l'essentiel de son activité à son ménage ou s'il aurait exercé une activité lucrative. Pour déterminer le champ d'activité probable de l'assuré, il faut notamment prendre en considération la situation financière du ménage, l'éducation des enfants, l'âge de l'assuré, ses qualifications professionnelles, sa formation ainsi que ses affinités et talents personnels (ATF 144 I 28 consid. 2.3 ; 137 V 334 consid. 3.2 ; 117 V 194 consid. 3b ; Pratique VSI 1997 p. 301 ss consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_722/2016 du 17 février 2017 consid. 2.2). Cette évaluation tiendra également compte de la volonté hypothétique de l'assurée, qui comme fait interne ne peut être l'objet d'une administration directe de la preuve et doit être déduite d'indices extérieurs (arrêt du Tribunal fédéral 9C_55/2015 du 11 mai 2015 consid. 2.3 et l'arrêt cité) établis au degré de la vraisemblance prépondérante tel que requis en droit des assurances sociales (ATF 126 V 353 consid. 5b).

Selon la pratique, la question du statut doit être tranchée sur la base de l'évolution de la situation jusqu'au prononcé de la décision administrative litigieuse, encore que, pour admettre l'éventualité de la reprise d'une activité lucrative partielle ou complète, il faut que la force probatoire reconnue habituellement en droit des assurances sociales atteigne le degré de vraisemblance prépondérante (ATF 144 I 28 consid. 2.3 et les références ; 141 V 15 consid. 3.1 ; 137 V 334 consid. 3.2 ; 125 V 146 consid. 2c et les références).

3.5 Chez les assurés travaillant dans le ménage, le degré d'invalidité se détermine, en règle générale, au moyen d'une enquête économique sur place, alors que l'incapacité de travail correspond à la diminution - attestée médicalement - du rendement fonctionnel dans l'accomplissement des travaux habituels (ATF 130 V 97).

L'évaluation de l'invalidité des assurés pour la part qu'ils consacrent à leurs travaux habituels nécessite l'établissement d'une liste des activités que la personne assurée exerçait avant la survenance de son invalidité, ou qu'elle exercerait sans elle, qu'il y a lieu de comparer ensuite à l'ensemble des tâches que l'on peut encore raisonnablement exiger d'elle, malgré son invalidité, après d'éventuelles mesures de réadaptation (ATF 133 V 504 consid. 4.2 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_191/2021 du 25 novembre 2021 consid. 6.2.2 et les références).

3.6 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux

3.6.1 Selon l’art. 54a LAI, les services médicaux régionaux établissent les capacités fonctionnelles de l’assuré qui sont déterminantes pour l’assurance-invalidité en vertu de l’art. 6 LPGA, pour l’exercice d’une activité lucrative raisonnablement exigible ou pour l’accomplissement des travaux habituels (al. 3).

Lors de la détermination des capacités fonctionnelles, la capacité de travail attestée médicalement pour l’activité exercée jusque-là et pour les activités adaptées est évaluée et justifiée en tenant compte, qualitativement et quantitativement, de toutes les ressources et limitations physiques, mentales et psychiques (art. 49 al. 1bis RAI).

3.6.2 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

3.7 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible ; la vraisemblance prépondérante suppose que, d'un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l'exactitude d'une allégation, sans que d'autres possibilités revêtent une importance significative ou entrent raisonnablement en considération (ATF 144 V 427 consid. 3.2 ; 139 V 176 consid. 5.3 et les références).  Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

4.              

4.1 En l’espèce, s’agissant du statut de la recourante, l’intimé l’a considérée comme non active, alors que la recourante a conclu à un statut de personne active à 100%.

4.1.1 La recourante a présenté, depuis son entrée en Suisse, une capacité de travail totale jusqu’au 18 mars 2021. Selon l’extrait de son compte individuel de la caisse cantonale genevoise de compensation, la recourante a exercé une activité lucrative durant deux mois en 1993 (pour un salaire de CHF 1'440.-), d’avril 1997 à avril 1999 pour G______ (pour un salaire total de CHF 12'500.-) et de juillet 1997 à décembre 1998 pour H______ (pour un salaire total de CHF 10'729.-). Entre mai 1999 et octobre 2001, l’assurée était inscrite comme personne sans activité lucrative et dès novembre 2001, elle était inscrite auprès de la caisse cantonale de chômage puis a perçu, de février 2003 à février 2004, un revenu total de CHF 38'376.- de la part de l’OCE. Elle a ensuite perçu des indemnités de chômage jusqu’en octobre 2005, puis était à nouveau inscrite, dès janvier 2006, comme personne sans activité lucrative (hormis une activité en janvier 2018 pour E______ pour un salaire de CHF 594.-).

Le 30 avril 2012, la recourante s’est inscrite auprès de l’OCE, pour un taux d’activité à 100%. Elle a fourni des RPE de février 2012 à avril 2014. Son dossier a été annulé par l’ORP le 30 avril 2014, aucun emploi n’ayant été trouvé. Le 8 mai 2014, la recourante s’est réinscrite à l’OCE, pour un taux d’activité à 100%. Elle a fourni des RPE de mai 2014 à juillet 2020. Le 23 juillet 2020, l’ORP a annulé le dossier de la recourante. La recourante s’est réinscrite le 7 septembre 2020 et a fourni des RPE de septembre 2020 à mars 2021. Elle a présenté ensuite une incapacité de travail totale dès le 13 avril 2021 et son dossier a été annulé le 13 mai 2021.

4.1.2 Au vu de ce qui précède, il apparait que postérieurement à son emploi à un taux de 100% pour la Fondation F______, exercé par le biais de l’OCE, probablement, au vu de l’extrait de son compte individuel (CI) de février 2003 à février 2004 plutôt que, comme allégué par la recourante en 2005/2006, la recourante n’a plus exercé d’activité lucrative et n’a pas cherché à retravailler. Son statut était à cette époque celui de non-active.

En revanche, dès avril 2012, la recourante s’est réinscrite auprès de l’OCE, à un taux de 100%, dès lors que la situation financière de la famille s’était péjorée, son époux ne bénéficiant plus que d’une demi-rente d’invalidité au lieu d’une rente entière. Ce motif ressort également des procès-verbaux d’entretien de conseil de l’OCE des 3 et 14 mai 2012, mentionnant que la recourante se présente à la demande du SPC, car son époux touche l’AI à 50%, qu’elle est femme au foyer depuis sept ans et qu’elle s’est inscrite par obligation.

Au vu de ses recherches d’emploi et de ses déclarations quant à sa volonté, depuis avril 2012, de retravailler à un taux de 100%, il y a lieu de conclure, depuis cette date, à un statut d’active de la recourante.

La recourante a en effet régulièrement effectué des RPE depuis son inscription au chômage, soit depuis avril 2012 jusqu’en mars 2021, date à laquelle elle a présenté une incapacité de travail totale. Elle a postulé pour des emplois à un taux de 100%, ce qui correspond au taux indiqué lors de chacune de ses inscriptions à l’OCE. Le 7 décembre 2015, elle a requis de l’ORP le financement d’un cours de couturière, qui lui a été refusé (procès-verbal d’entretien de conseil du 7 décembre 2015 - pièce 68 dossier OCE), ce qui démontre une réelle volonté de retravailler. Les procès-verbaux des entretiens de conseil font cependant état d’une difficulté à trouver un emploi, une perspective d’embauche très difficile car la recourante n’a pas de formation et pas d’expérience, la présence d’une petit réseau, la recourante ne maitrisant de surcroit presque pas le français écrit (procès-verbaux de l’ORP des 8 janvier et 28 mai 2014 ‑ pièces 31 et 41 dossier OCE) et présentait une distance à l’emploi importante car elle était restée six ans sans emploi (procès-verbal d’entretien de conseil du 14 juin 2012 - pièce 10 dossier OCE). La recourante a postulé dans plusieurs secteurs de l’économie, également dans plusieurs agences par internet (procès-verbal d’évaluation du 5 novembre 2014 - pièces 50 et 55 dossier OCE et d’entretien de conseil du 12 février 2015) et a proposé ses services aussi pour du temps partiel ou pour des remplacements, en poursuivant ses recherches avec sérieux mais en ne parvenant pas à décrocher des entretiens malgré ses efforts (procès-verbal d’entretien de conseil des 17 avril, 17 juillet et 17 octobre 2013 - pièces 22, 25 et 28 dossier OCE). Il est relevé que l’assurée a énormément de peine à trouver un travail (procès-verbal d’entretien de conseil du 1er juin 2015 - pièce 63 dossier OCE) bien qu’elle effectue le nombre de RPE demandées (procès-verbal d’entretien de conseil du 4 avril 2016 ‑ pièce 73 dossier OCE).

Le dossier de l’OCE témoigne d’une recherche active d’un emploi de la part de la recourante jusqu’à son incapacité de travail, en mars 2021, toutefois en vain, hormis une courte activité en janvier 2018. Ce parcours conforte les déclarations de la recourante selon lesquelles, en bonne santé, elle aurait travaillé à un taux de 100%. À cet égard, l’intimé, après avoir pris connaissance du dossier de la recourante à l’OCE, n’a plus contesté le statut d’active de la recourante mais a indiqué que, quel que soit le statut de celle‑ci, elle n’a, au vu de sa capacité de travail dès le 1er novembre 2021, droit à aucune rente d’invalidité.

4.1.3 En conséquence, il convient de retenir, que dès avril 2012, le statut de la recourante est celui d’active, au sens de la jurisprudence précitée et de l’art. 24septies al. 2 let. a RAI, en vigueur dès le 1er janvier 2022. En conséquence, la valeur probante de l’enquête ménagère n’a pas besoin d’être examinée.

4.2 S’agissant de la capacité de travail de la recourante, l’intimé a retenu une capacité de travail nulle du 18 mars au 31 octobre 2021 et totale dès le 1er novembre 2021, en se fondant sur l’avis de la Dre D______.

Cependant, celle-ci a indiqué le 8 février 2023, qu’elle avait établi des arrêts de travail jusqu’au 31 octobre 2021 et que pour la période subséquente, il fallait voir avec la médecin traitante. Or, la Dre C______ a attesté d’une incapacité de travail de 70% dès le 1er novembre 2021 (rapport du 26 août 2024).

L’intimé, suivant l’avis du SMR, a estimé le 17 juin 2024 que l’avis de la Dre C______ ne pouvait être suivi car il ne fournissait pas d’éléments nouveaux objectifs en faveur d’une aggravation.

Cependant, la Dre D______, en estimant que pour la période au-delà du 31 octobre 2021, c’est la médecin traitante qui est à même d’évaluer la capacité de travail, n’a pas attesté d’une capacité de travail recouvrée au 1er novembre 2021 mais a jugé qu’elle n’était plus à même d’effectuer cette évaluation. Dans ces conditions, il n’incombait pas à la Dre C______ d’établir une aggravation de l’état de santé de la recourante, comme exigé par le SMR. Cela dit, au vu du rapport médical succinct de la Dre C______ du 26 août 2024, la capacité de travail de 30% attestée par celle-ci ne saurait être retenue. Faute d’appréciation médicale au dossier, il incombe à l’intimé d’instruire le cas afin de déterminer si, au-delà du 31 octobre 2021, la recourante a présenté une incapacité de travail et, cas échéant, de quelle ampleur.

5.             Au vu de ce qui précède, il convient d’admettre partiellement le recours dans le sens des considérants, d’annuler la décision litigieuse et de renvoyer la cause à l’intimé pour instruction médicale complémentaire et nouvelle décision.

La recourante, qui n’est pas représentée en justice et qui n’a pas allégué avoir déployé des efforts dépassant la mesure de ce que tout un chacun consacre à la gestion courante de ses affaires, n’a pas droit à des dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l’intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1 bis LAI).

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule la décision de l’intimé du 4 septembre 2023.

4.        Renvoie la cause à l’intimé pour instruction médicale complémentaire et nouvelle décision, dans le sens des considérants.

5.        Met un émolument de CHF 200.- à charge de l’intimé.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le