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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1595/2024

ATAS/629/2024 du 19.08.2024 ( AI ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1595/2024 ATAS/629/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 19 août 2024

Chambre 6

 

En la cause

 

A______

 

recourante

contre

 

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l'assurée ou la recourante), née le ______ 1970, originaire du Portugal, est arrivée en Suisse le 15 novembre 2016 et est au bénéfice d'une autorisation d'établissement (permis C) depuis le 11 avril 2023. Elle est divorcée et mère de deux enfants nés en 1994 et 2001.

b. Après un court engagement en qualité de dame de compagnie en 2016, l'assurée a bénéficié de l'aide sociale de 2016 à 2018. Du 5 avril au 25 mai 2017, elle a été engagée à temps partiel en qualité de femme de chambre, pour un revenu de CHF 3'075.-. Du 12 février 2018 au 11 février 2020, elle a été employée par l'intermédiaire d'Adecco Ressources Humaines SA en qualité d'opératrice assemblage en horlogerie. Le salaire horaire total prévu selon l'avenant au contrat de mission du 5 février 2020 était de CHF 33.71. Durant sa mission, selon les comptes de salaire, l'assurée a réalisé des salaires annuels bruts de CHF 57'453.70 en 2018, de CHF 73'183.95 en 2019 et de CHF 9'288.10 en 2020 (oscillant mensuellement en 2018 de CHF 3'025.45 à CHF 10'773.65 et en 2019 de CHF 3'902.65 à CHF 11'624.45). Depuis février 2020, les rapports de travail ayant pris fin pour cause de fin de mission, l'assurée s'est trouvée quelques mois au chômage. Le 6 juillet 2020, elle a débuté une mission pour le compte de Manpower en tant qu'opératrice usinage platines en horlogerie, pour un revenu mensuel brut de CHF 4'037.30 (salaire horaire total de CHF 31.66). Elle a été en arrêt de travail dès le 14 juillet 2020 et Manpower a résilié le contrat de travail le 20 juillet 2020 avec effet au 22 juillet 2020.

B. a. L'assurée a déposé une demande de prestations auprès de l'office cantonal de l'assurance-invalidité (ci-après : l'OAI ou l'intimé) en date du 14 décembre 2020, en raison d'une polyarthrite rhumatoïde ayant généré une incapacité de travail de 100% dans toute activité professionnelle dès le 14 juillet 2020, date de péjoration de la maladie.

b. Depuis septembre 2021, l'assurée a été apte à participer à des mesures de réadaptation à un taux de 50%, dans une activité respectant ses limitations fonctionnelles somatiques. Elle a bénéficié de mesures de réadaptation professionnelle du 1er février au 31 décembre 2022 permettant un reclassement professionnel en tant qu'assistante administrative. L'assurée a ensuite été placée à l'essai au sein d'une entreprise du 1er janvier au 31 mars 2023 à un taux de 50%, avant d'être embauchée au même taux par un contrat de travail à durée indéterminée à partir du 1er avril 2023, pour un salaire annuel de CHF 26'400.-.

c. L'OAI a rendu un projet de décision le 23 mars 2023, par lequel il reconnaissait un droit à une rente entière d’invalidité sur la base d'un taux d'invalidité de 100%, du 1er juillet au 30 novembre 2021, puis un droit à une demi-rente sur la base d'un taux d'invalidité de 55% dès le 1er décembre 2021. Dès le 14 juillet 2020 l’assurée était totalement incapable de travailler et dès le 1er septembre 2021 elle présentait une capacité de travail de 50% dans une activité adaptée. Sans atteinte à la santé, l'assurée aurait réalisé en 2020, selon le questionnaire employeur, un salaire de CHF 57'888.-, lequel, actualisé à 2021, était de CHF 58'241.-. Quant au revenu d’invalide, il était de CHF 26'900.- selon le contrat de travail de l’assurée comme assistante administrative, signé le 17 février 2023.

d. Par courrier reçu par l'OAI le 8 mai 2023, l'assurée s'est opposée au projet de décision précité, en contestant le taux de la rente d'invalidité et les chiffres retenus pour la comparaison des revenus. Sur ce dernier point, elle a indiqué que le montant de CHF 58'241.- était inférieur à ses précédents revenus et a conclu à ce qu'un revenu sans invalidité supérieur soit retenu, ce qui modifiait le taux d'invalidité. Si son salaire 2019, qui s'élevait à CHF 73'183.95, était retenu comme revenu sans invalidité, son taux d'invalidité était de 67%. Subsidiairement, si la moyenne des salaires de 2019 et 2020, soit CHF 65'318.85, était retenue comme revenu sans invalidité, son taux d'invalidité était alors de 60%.

e. Le 20 juin 2023, l'OAI a notifié à l’assurée une motivation qui reprenait les conclusions du projet de décision du 23 mars 2023, en précisant que l’ancien système de rente était appliqué et que s'agissant du revenu sans invalidité, sans atteinte à la santé, l'assurée aurait vraisemblablement poursuivi dans le cadre de l'activité pour laquelle elle avait signé un contrat de travail auprès de Manpower le 6 juillet 2020.

f. Par décision du 12 juillet 2023, l'OAI a reconnu à l’assurée un droit à une rente entière sur la base d'un taux d'invalidité de 100% du 1er juillet au 30 novembre 2021 puis, dès le 1er décembre 2021, un droit à une demi-rente sur la base d'un taux d'invalidité de 55%.

g. L'assurée a recouru à l'encontre de cette décision auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice le 15 août 2023. Elle a contesté le revenu sans invalidité retenu par l'OAI. Il fallait prendre en compte son dernier salaire effectivement perçu, soit son salaire 2019 pour Adecco qui s'élevait à CHF 73'183.95, ce qui entrainait un taux d'invalidité de 64%. Subsidiairement, on pouvait effectuer une moyenne des revenus perçus durant deux ans chez Adecco, soit un montant de CHF 67'930.35, de sorte que le taux d'invalidité était de 61%. Enfin, il convenait de prendre en compte ses années de cotisation au Portugal.

h. Par décision du 12 septembre 2023, l'OAI a annulé la décision du 12 juillet 2023 et repris l'instruction du dossier.

i. La chambre de céans a rendu un arrêt le 19 septembre 2023, par lequel elle a constaté que le recours était devenu sans objet et a rayé la cause du rôle.

j. Par arrêt du 13 novembre 2023, la chambre de céans a rejeté la demande de révision de l’arrêt précité interjetée par la recourante.

k. Par projet de décision du 7 décembre 2023, l'intimé a reconnu à l’assurée un droit à une rente entière d’invalidité sur la base d'un taux d'invalidité de 100% du 1er juillet au 30 novembre 2021, un droit à un trois quarts de rente sur la base d'un taux d'invalidité de 64% du 1er décembre 2021 au 31 mars 2023, sous réserve des indemnités journalières versées, et un droit à une rente s'élevant à 59% d'une rente entière d'invalidité dès le 1er avril 2023. L’incapacité de travail était de 100% dans toute activité professionnelle dès le 14 juillet 2020. À l'issue du délai d'attente d'un an, soit au 1er juillet 2021, le taux d'invalidité de l'assurée s'élevait à 100% et ouvrait le droit à une rente entière d'invalidité. L'état de santé de l'assurée s'était amélioré dès le 1er septembre 2021. Dès cette date, sa capacité de travail était de 50% dans une activité adaptée. Le revenu sans invalidité était de CHF 63'749.- et le revenu d’invalide de CHF 22'873.-, de sorte que le degré d’invalidité était de 64.2 %. Le revenu sans invalidité ne pouvait se baser sur les revenus des emplois précédents, fluctuants et disparates, et devait donc être calculé sur la base de l’ESS 2020, tableau TA1, femme, ligne 26, niveau de compétence 2, indexé à l’année 2021. Quant au revenu avec invalidité, il était fondé sur l’ESS 2020, indexé à 2021, tableau TA1, femme, total, niveau 1, pour 41,7 heures de travail par semaine, pour un taux d’activité de 50%, avec un abattement de 15%. L'assurée avait bénéficié d'indemnités journalières du 1er janvier 2022 au 31 mars 2023 pour une mesure d'ordre professionnel. À l'issue de celle-ci, l'assurée était considérée comme formée dans une activité adaptée à son état de santé. Il était procédé à une nouvelle comparaison des gains avec, en 2023, un revenu sans invalidité de CHF 64'515.- (soit le revenu sans invalidité précité indexé à l’année 2023) et un revenu avec invalidité de CHF 26'400.- (selon le contrat de travail signé par l’assurée), de sorte que le degré d’invalidité était de 59%.

l. Le 22 avril 2024, l'OAI a rendu une décision reprenant entièrement le contenu du projet du 7 décembre 2023.

C. a. Le 4 mai 2024, l'assurée a déposé un recours auprès de la chambre de céans à l'encontre de la décision précitée. Elle a contesté son revenu sans invalidité. Il fallait prendre en compte son dernier salaire effectivement perçu, soit son salaire 2019 qui s'élevait à CHF 73'183.95, ce qui amenait à un taux d'invalidité de 69% dès le 1er septembre 2021 et de 64% dès le 1er avril 2023, voire la moyenne de ses deux ans de revenus chez Adecco, soit CHF 67'930.35, de sorte que le taux d'invalidité était de 66% dès le 1er septembre 2021 et de 61% dès le 1er avril 2023. La recourante s'est également opposée au calcul de sa rente d'invalidité, dont la non prise en compte de ses années de cotisation au Portugal.

b. Par réponse du 13 juin 2024, l'intimé a expliqué s'être fondé sur les valeurs statistiques de l'ESS pour déterminer le revenu sans invalidité de la recourante dans la branche d'activité de l'horlogerie, activité de référence de l'assurée, ce qui n'était pas contesté. Les revenus réalisés par l'assurée durant sa mission pour Adecco entre février 2018 et février 2020 étaient relativement disparates et fluctuants, raison pour laquelle il ne pouvait en être tenu compte pour déterminer le revenu sans invalidité. De plus, l'assurée n'avait pas travaillé l'année complète en 2018 (onze mois) et en 2020 (deux mois) et seule l'année 2019 était comptabilisée en son entier, raison pour laquelle également les revenus effectivement réalisés par l'assurée ne pouvaient être pris en compte pour déterminer son revenu de valide. Il n'apparaissait en effet pas judicieux d'effectuer une moyenne des revenus sur une période aussi courte (une année complète d'activité). Il n'apparaissait pas non plus approprié de retenir le salaire réalisé au sein de Manpower, puisqu'il ressortait du dossier que l'assurée n'avait accompli qu'une mission d'une durée extrêmement courte pour cette société (soit du 6 au 20 juillet 2020). En outre, au moment de l'atteinte à la santé, soit en juillet 2020, l'assurée se trouvait au chômage et ce depuis février 2020. Ainsi et dans la mesure où le revenu de valide ne pouvait être déterminé avec précision compte tenu de ces éléments, c'était à juste titre que l'OAI s'était fondé sur les valeurs statistiques. L'intimé s’est pour le surplus rallié aux développements et conclusions de la détermination du 5 juin 2024 de la Caisse AVS de la Fédération patronale vaudoise concernant les griefs afférents au montant de la rente et des années de cotisations.

c. Le 21 juin 2024, la recourante a abandonné le grief afférent au calcul du montant de la rente d'invalidité et maintenu sa contestation du revenu sans invalidité. Le revenu de 2019 étant calculé sur une année entière, il aurait dû être retenu. Si une période plus longue devait être retenue, il convenait de prendre en compte la moyenne des deux années de travail chez Adecco. Le revenu sans invalidité pouvait ainsi être déterminé avec précision.

d. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI – RS 831.201 ; RO 2021 706) sont entrées en vigueur.

En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2. et les références).

Si un droit à la rente a pris naissance jusqu’au 31 décembre 2021, un éventuel passage au nouveau système de rentes linéaire s'effectue, selon l'âge du bénéficiaire de rente, conformément aux let. b et c des dispositions transitoires de la LAI relatives à la modification du 19 juin 2020. Selon la let. b al. 1, les bénéficiaires de rente dont le droit à la rente a pris naissance avant l'entrée en vigueur de cette modification et qui, à l'entrée en vigueur de la modification, ont certes 30 ans révolus, mais pas encore 55 ans, conservent la quotité de la rente tant que leur taux d'invalidité ne subit pas de modification au sens de l'art. 17 al. 1 LPGA (arrêt du Tribunal fédéral 9C _499/2022 du 29 juin 2023 consid. 4.1).

En l’occurrence, le droit à la rente est né antérieurement au 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. En outre, dans la mesure où la recourante avait, au 1er janvier 2022, 51 ans, la quotité de sa rente subsiste tant que son taux d’invalidité ne subit pas de modification au sens de l’art. 17 al. 1 LPGA.

1.3 Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

2.             Le litige porte sur le degré d’invalidité de la recourante dès le 1er décembre 2021, singulièrement sur le montant de son revenu sans invalidité.

3.              

3.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

3.2 En vertu de l’art. 28 al. 2 aLAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

3.3 Chez les assurés actifs, le degré d'invalidité doit être évalué sur la base d'une comparaison des revenus. Pour cela, le revenu que l'assuré aurait pu réaliser s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 8 al. 1 et art. 16 LPGA).

La comparaison des revenus s'effectue, en règle ordinaire, en chiffrant aussi exactement que possible les montants de ces deux revenus et en les confrontant l'un avec l'autre, la différence permettant de calculer le taux d'invalidité (méthode générale de comparaison des revenus ; ATF 128 V 29 consid. 1 ; 104 V 135 consid. 2a et 2b).

Pour procéder à la comparaison des revenus, il convient de se placer au moment de la naissance du droit à la rente ; les revenus avec et sans invalidité doivent être déterminés par rapport à un même moment et les modifications de ces revenus susceptibles d'influencer le droit à la rente survenues jusqu'au moment où la décision est rendue doivent être prises en compte (ATF 129 V 222 et 128 V 174).

3.3.1 Pour fixer le revenu sans invalidité, il faut établir ce que l'assuré aurait – au degré de la vraisemblance prépondérante – réellement pu obtenir au moment déterminant s'il n'était pas invalide (ATF 139 V 28 consid. 3.3.2 ; 135 V 297 consid. 5.1). Ce revenu doit être évalué de manière aussi concrète que possible si bien qu’il convient, en règle générale, de se référer au dernier salaire que l'assuré a obtenu avant l'atteinte à la santé, en tenant compte de l'évolution des circonstances au moment de la naissance du droit à la rente et des modifications susceptibles d'influencer ce droit survenues jusqu'au moment où la décision est rendue (ATF  144 I 103 consid. 5.3 ; 139 V 28 consid. 3.3.2). Le salaire réalisé en dernier lieu comprend tous les revenus d'une activité lucrative (y compris les gains accessoires, la rémunération des heures supplémentaires effectuées de manière régulière) soumis aux cotisations à l'assurance-vieillesse et survivants. À cet effet, on se fondera en principe sur les renseignements fournis par l'employeur (arrêt du Tribunal fédéral 9C_434/2023 du 30 novembre 2023 consid. 3 et la référence).

Il est toutefois possible de s’écarter du dernier salaire que l’assuré a obtenu avant l’atteinte à la santé quand on ne peut pas l’évaluer sûrement. Ainsi, lorsque le revenu avant l’atteinte à la santé a été soumis à des fluctuations importantes à relativement court terme, il y a lieu de se baser sur le revenu moyen réalisé pendant une période assez longue (arrêt du Tribunal fédéral 8C_157/2023 du 10 août 2023 consid. 3.2 et la référence). Selon la jurisprudence, la période de référence pour calculer le revenu moyen est généralement de cinq ans (arrêts du Tribunal fédéral 9C_868/2009 du 22 avril 2010, consid. 2.3 et 2.4 ; 8C_576/2008 du 10 février 2009 consid. 6.2 et 6.3 ; I 316/04 du 23 décembre 2004 consid. 5.1.2 ; I 504/99 du 28 février 2000 consid. 5a).

Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières qu'il peut se justifier qu'on s'écarte du dernier salaire réalisé et qu'on recoure aux données statistiques résultant de l’ESS éditée par l'Office fédéral de la statistique (arrêts du Tribunal fédéral I 201/06 du 14 juillet 2006 consid. 5.2.3 et I 774/01 du 4 septembre 2002). Tel sera le cas lorsqu'on ne dispose d'aucun renseignement au sujet de la dernière activité professionnelle de l'assuré ou si le dernier salaire que celui-ci a perçu ne correspond manifestement pas à ce qu'il aurait été en mesure de réaliser, selon toute vraisemblance, en tant que personne valide ; par exemple, lorsqu'avant d'être reconnu définitivement incapable de travailler, l'assuré était au chômage ou rencontrait d'ores et déjà des difficultés professionnelles en raison d'une dégradation progressive de son état de santé ou encore percevait une rémunération inférieure aux normes de salaire usuelles. On peut également songer à la situation dans laquelle le poste de travail de l'assuré avant la survenance de l'atteinte à la santé n'existe plus au moment déterminant de l'évaluation de l'invalidité (arrêts du Tribunal fédéral I 168/05 du 24 avril 2006 consid. 3.3 et B 80/01 du 17 octobre 2003 consid. 5.2.2).

3.3.2 Quant au revenu d'invalide, il doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de l'intéressé (ATF 135 V 297 consid. 5.2). Lorsque l'assuré n'a pas repris d'activité, ou aucune activité adaptée lui permettant de mettre pleinement en valeur sa capacité de travail résiduelle, contrairement à ce qui serait raisonnablement exigible de sa part, le revenu d'invalide peut être évalué sur la base de données statistiques, telles qu'elles résultent de l’ESS (ATF 143 V 295 consid. 2.2 et la référence ; 135 V 297 consid. 5.2 et les références). Dans ce cas, il convient de se fonder, en règle générale, sur les salaires mensuels indiqués dans la table TA1 de l’ESS, à la ligne « total secteur privé » (ATF 124 V 321 consid. 3b/aa), étant précisé que, depuis l'ESS 2012, il y a lieu d'appliquer le tableau TA1_skill_ level (ATF 142 V 178). On se réfère alors à la statistique des salaires bruts standardisés, en se fondant toujours sur la médiane ou valeur centrale (ATF 126 V 75 consid. 3b/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_58/2021 du 30 juin 2021 consid. 4.1.1). La valeur statistique - médiane - s'applique alors, en principe, à tous les assurés qui ne peuvent plus accomplir leur ancienne activité parce qu'elle est physiquement trop astreignante pour leur état de santé, mais qui conservent néanmoins une capacité de travail importante dans des travaux légers. Pour ces assurés, ce salaire statistique est suffisamment représentatif de ce qu'ils seraient en mesure de réaliser en tant qu'invalides dès lors qu'il recouvre un large éventail d'activités variées et non qualifiées (branche d'activités), n'impliquant pas de formation particulière, et compatibles avec des limitations fonctionnelles peu contraignantes (cf. arrêts du Tribunal fédéral 9C_603/2015 du 25 avril 2016 consid. 8.1 et 9C_242/2012 du 13 août 2012 consid. 3). Il convient de se référer à la version de l'ESS publiée au moment déterminant de la décision querellée (ATF 143 V 295 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_655/2016 du 4 août 2017 consid. 6.3).

4.             En l'occurrence, il convient de calculer le degré d'invalidité de la recourante dès le 1er décembre 2021 et, singulièrement, de fixer ses revenus sans et avec invalidité.

4.1 Il ressort du curriculum vitae de la recourante qu'au Portugal elle a travaillé en tant que gestionnaire service caisses dans un supermarché de 1995 à 1998, puis en tant qu'assembleuse de pièces automobiles de 1998 à 2003 et enfin en tant que vendeuse en magasin de 2006 à 2015. En Suisse, elle a travaillé brièvement en tant que dame de compagnie en 2016, puis moins de deux mois en tant que femme de chambre en 2017. Du 12 février 2018 au 11 février 2020, l'assurée a été employée par l'intermédiaire d'Adecco en qualité d'opératrice assemblage en horlogerie. Durant sa mission, elle a réalisé des salaires bruts avec treizième salaire allant en 2018 de CHF 3'025.45 à CHF 10'773.65 et en 2019 de CHF 3'902.65 à CHF 11'624.45. Depuis février 2020, les rapports de travail ayant pris fin pour cause de fin de mission, l'assurée s'est trouvée quelques mois au chômage. Dès le 6 juillet 2020, elle a été employée pour le compte de Manpower Suisse en tant qu'opératrice usinage platines en horlogerie et a réalisé un salaire brut de CHF 4'037.30, activité qui a pris en fin en raison de la résiliation du contrat par l’employeur le 22 juillet 2020.

La brièveté de l’activité exercée par la recourante pour Manpower (environ deux semaines) ne permet pas de prendre le salaire en résultant comme revenu de référence, ce que la recourante ne prétend d’ailleurs pas. Par ailleurs, le salaire perçu auprès d'Adecco ne peut pas non plus être considéré comme revenu pertinent dans la mesure où les rapports de travail se sont terminés le 11 février 2020 et que ce n'est pas l'activité qu'elle a exercée en dernier lieu. Dans ces conditions, et à l'aune de la jurisprudence précitée, il conviendrait de procéder à une moyenne des salaires sur les cinq dernières années, ce qui n'est cependant pas possible en l'espèce, l'assurée n'ayant travaillé en Suisse qu’entre fin 2016 et juillet 2020.

En conséquence, c'est à bon droit que l'intimé a recouru aux valeurs statistiques de l'ESS pour établir le revenu sans invalidité de la recourante à CHF 63'749.-.

Quoi qu’il en soit, même si le revenu de la recourante le plus favorable était retenu, soit celui obtenu auprès d'Adecco en 2019 de CHF 73'183.95, le degré d'invalidité serait de 69% (67% avec la prise en compte du revenu d’invalide tel que calculé ci-après), ce qui n'ouvre pas le droit à une rente d'invalidité supérieure à un trois quarts de rente.

4.2 Concernant le revenu avec invalidité, c’est à juste titre que l’intimé l’a calculé en se fondant sur le salaire issu de l’ESS 2020.

4.2.1 S'agissant de l'abattement qui peut être appliqué au revenu d'invalide issu des ESS, il est régi par l'art. 26bis RAI, entré en vigueur le 1er janvier 2022, puis modifié le 1er janvier 2024 (déduction forfaitaire ; RO 2023 635).

En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (ATF 148 V 174 consid. 4.1 et les références). Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente.

En l’occurrence, le litige porte sur la quotité de la rente d’invalidité de la recourante dès le 1er décembre 2021, la recourante ayant bénéficié d'une rente entière d'invalidité du 1er juillet au 30 novembre 2021, de sorte que l'art. 26bis RAI n'est pas applicable.

Cela dit, selon la jurisprudence récente du Tribunal fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 8C_823/2023 du 8 juillet 2024), nonobstant l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2022, de l'art. 26bis al. 3 RAI, demeure applicable la jurisprudence développée par le Tribunal fédéral antérieurement au 1er janvier 2022 concernant les critères justifiant un abattement sur le salaire d'invalide issu des statistiques.

Il convient en l'espèce de se référer à cette jurisprudence, laquelle prévoit que la mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent être réduits, dépend de l'ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie d'autorisation de séjour et taux d'occupation) et résulte d'une évaluation dans les limites du pouvoir d'appréciation. Une déduction globale maximum de 25% sur le salaire statistique permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d'une activité lucrative (ATF 148 V 174 consid. 6.3 et les références ; 135 V 297 consid. 5.2 ; 134 V 322 consid. 5.2 et les références). Il n'y a pas lieu de procéder à des déductions distinctes pour chacun des facteurs entrant en considération ; il faut bien plutôt procéder à une évaluation globale, dans les limites du pouvoir d'appréciation, des effets de ces facteurs sur le revenu d'invalide, compte tenu de l'ensemble des circonstances du cas concret (ATF 148 V 174 consid. 6.3 et les références). D'éventuelles limitations liées à la santé, déjà comprises dans l'évaluation médicale de la capacité de travail, ne doivent pas être prises en compte une seconde fois dans l’appréciation de l’abattement, conduisant sinon à une double prise en compte du même facteur (ATF 148 V 174 consid. 6.3 et les références ; 146 V 16 consid. 4.1 et ss. et les références). L'étendue de l'abattement justifié dans un cas concret relève du pouvoir d'appréciation (ATF 132 V 393 consid. 3.3). Bien que l'âge soit inclus dans le cercle des critères déductibles depuis la jurisprudence de l'ATF 126 V 75 – laquelle continue de s'appliquer (arrêt du Tribunal fédéral 9C_470/2017 du 29 juin 2018 consid. 4.2) – il ne suffit pas de constater qu'un assuré a dépassé la cinquantaine au moment déterminant du droit à la rente pour que cette circonstance justifie de procéder à un abattement. En outre, on rappellera que la nationalité ne justifie pas d'abattement sur le salaire statistique pour un assuré titulaire d’une autorisation d'établissement en Suisse (permis C) (arrêt du Tribunal fédéral 9C_855/2014 du 7 août 2015 consid. 5). Dans un arrêt récent, le Tribunal fédéral a ainsi retenu un taux d’abattement de 10% dans le cas d’une assurée, âgée de 50 ans au moment déterminant de la comparaison des revenus et de surcroît absente depuis de nombreuses années du marché du travail, qui présentait des limitations fonctionnelles objectives d'ordre psychique, lesquelles n’étaient nullement compensées par d'autres éléments personnels ou professionnels tels que la formation ou l'expérience professionnelle (arrêt du Tribunal fédéral 9C_341/2023 du 29 janvier 2024 consid. 6.2.3).

4.2.2 En l’espèce, l'intimé a retenu une déduction de 15% qu'il n'a pas motivée. Or, en application de la jurisprudence précitée, seule une déduction de 10% se justifie en raison d'une activité seule possible à un taux de 50%, les limitations fonctionnelles de la recourante ayant été prises en compte dans le taux d'activité partiel exigible, et aucun autre critère d'abattement n'entrant en considération (âge, permis de séjour et années de service). Ainsi, le revenu d’invalide est de CHF 24'218.55 comparé au revenu sans invalidité de CHF 63'749.-, la perte de gain est de 62% et non pas de 64%, ce qui donne toujours droit à un trois quarts de rente d’invalidité.

5.             Selon l’art. 17 al. 1 LPGA, entré en vigueur le 1er janvier 2022, la rente d’invalidité est, d’office ou sur demande, révisée pour l’avenir, à savoir augmentée, réduite ou supprimée, lorsque le taux d’invalidité de l’assuré subit une modification d’au moins cinq points de pourcentage (let. a), ou atteint 100% (let. b).

Selon l'art. 28b LAI – entré en vigueur le 1er janvier 2022 –, la quotité de la rente est fixée en pourcentage d'une rente entière (al. 1). Pour un taux d'invalidité compris entre 50 et 69%, la quotité de la rente correspond au taux d'invalidité (al. 2). Pour un taux d'invalidité supérieur ou égal à 70%, l'assuré a droit à une rente entière (al. 3). Pour un taux d'invalidité inférieur à 50%, la quotité de la rente est la suivante : tableau, avec un taux d'invalidité d'au minimum 40% donnant droit à une rente – la plus basse – de 25%, jusqu'à un taux d'invalidité de 49% donnant droit à une rente de 47,5 % (al. 4).

En l'espèce, à partir du 1er avril 2023, un degré d'invalidité de 59% a été retenu, lequel peut être confirmé. Il n'y a cependant pas 5 points de différence entre un degré d’invalidité de 59% et un degré d'invalidité de 62%, de sorte que la recourante a toujours droit à un trois quarts de rente d'invalidité.

6.             Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis et la décision litigieuse réformée dans le sens que la recourante a droit à une rente entière d’invalidité du 1er juillet au 30 novembre 2021et à un trois quarts de rente d'invalidité depuis le 1er décembre 2021.

Non représentée, la recourante n’a pas droit à des dépens. Étant donné que depuis le 1er juillet 2006, la procédure n'est plus gratuite (art. 69 al. 1bis LAI), il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.-.


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet partiellement.

3.        Réforme la décision de l'intimé du 22 avril 2024 dans le sens que la recourante a droit à une rente entière d'invalidité du 1er juillet au 30 novembre 2021 et à un trois quarts de rente d'invalidité dès le 1er décembre 2021.

4.        Met un émolument de CHF 200 .- à charge de l'intimé.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le