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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3142/2023

ATAS/613/2024 du 13.08.2024 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3142/2023 ATAS/613/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 13 août 2024

Chambre 15

 

En la cause

A______, enfant mineur, représenté par son père, Monsieur B______

 

 

recourant

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. A______ (ci-après : l’assuré), né le ______ 2012 en Syrie, souffre de nanisme primordial ostéodysplasique microcéphalie MOPD2, appelé également syndrome de Majewski, lequel cause un nanisme sévère avec dysplasie osseuse, une macrocéphalie avec retard de développement sévère, des accidents vasculaires cérébraux suite d’anomalies congénitales des vaisseaux, des anomalies dentaires et dermatologiques.

b. L’assuré est arrivé en Suisse, le 5 août 2016, et vit avec ses parents et son frère aîné à Genève.

c. Il a été mis au bénéfice d’une allocation pour impotence moyenne (du 1er mai 2018 au 30 novembre 2018) et grave (dès le 1er décembre 2018) avec supplément pour soins intenses par décision de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : OAI) du 26 septembre 2019. Cette décision était fondée sur les conclusions d’une enquête réalisée au domicile de l'intéressé (rapport du 29 juillet 2019). Le supplément pour soins intenses se justifiait par un surcroît de temps lié au handicap de l’assuré âgé de 6 ans et 7 mois dans la mesure suivante : 25 minutes pour le poste « se vêtir/se dévêtir », 25 minutes pour le poste « se lever/s’asseoir /se coucher », 5 minutes pour le poste « manger », étant précisé que 75 minutes représentant le temps normal à table était automatiquement déduit de ce poste, 11 minutes pour le poste « faire sa toilette », 25 minutes pour le poste « aller aux toilettes », 91 minutes pour le poste « se déplacer », 31 minutes pour le poste « accompagnement à des visites médicales » et 2 heures pour « la surveillance », soit au total 4 heures et 2 minutes.

d. Compte tenu des 10 ans de l’assuré, l’OAI a engagé une procédure de révision du droit à l'allocation pour impotent. Il a recueilli des documents et ordonné une nouvelle enquête à domicile. La conclusion de l’enquête établissait un surcroît de temps de 3 heures et 26 minutes, ce qui était insuffisant pour justifier un supplément. Le surcroît de temps lié au handicap de l’assuré désormais âgé de 10 ans et 1 mois se détaillait ainsi : 22 minutes pour le poste « se vêtir/se dévêtir », 30 minutes pour le poste « se lever/s’asseoir /se coucher », 0 minutes pour le poste « manger », étant précisé que 75 minutes représentant le temps normal à table était automatiquement déduit de ce poste, 17 minutes pour le poste « faire sa toilette », 15 minutes pour le poste « aller aux toilettes », 84 minutes pour le poste « se déplacer », 2 minutes pour le poste « accompagnement à des visites médicales » et 2 heures pour « la surveillance ». Le temps d’accompagnement à des visites médicales était réduit, car les thérapies avaient désormais lieu à l’école, de sorte que les parents n’étaient plus sollicités pour les trajets.

e. L’OAI a informé l’assuré que, sur la base des conclusions du nouveau rapport d'enquête à domicile du 27 juin 2023, il envisageait de maintenir inchangé son droit à une allocation pour impotent de degré grave, mais de supprimer le supplément pour les soins intenses (projet de décision du 29 juin 2023 et décision du 11 septembre 2023).

B. a. L’assuré, soit pour lui ses parents, a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : chambre de céans) d’un recours contre cette décision qu’il contestait, car il avait toujours besoin d’une aide pour soins intenses au vu de son état de santé actuel, l’équipe médicale suivant l’assuré confirmant la nécessité d’un surcroît d’aide d’au moins quatre heures par jour. Était jointe une attestation des docteurs C______ et D______ à teneur de laquelle outre la nécessité d’une aide pour toutes les activités de la vie quotidienne, l’agitation psychomotrice majeure de l’enfant imposait une vigilance constante et très importante de la part des parents.

b. Par réponse du 25 octobre 2023, l’OAI a conclu au rejet du recours en exposant que l’enquête avait permis d’établir que le temps effectif que lui consacrait ses parents était de 3 heures 26 minutes, de sorte qu’il n’avait plus droit à un supplément pour soins intenses pour l’avenir. Il précisait que les thérapies ayant désormais lieu à l’école, le surcroît de temps pour l’accompagnement était passé de 31 minutes à 2 minutes pour ce poste.

c. Les parents de l’assuré ont été invités à consulter le dossier et à répliquer s’ils le souhaitaient, ce qu’ils n’ont pas fait.

d. La cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté dans les formes et délai légaux, le recours est recevable.

2.             Le litige porte sur le droit à un supplément pour soins intenses.

3.              

3.1 À teneur de art. 9 LPGA est réputée impotente toute personne qui, en raison d’une atteinte à sa santé, a besoin de façon permanente de l’aide d’autrui ou d’une surveillance personnelle pour accomplir des actes élémentaires de la vie quotidienne. Ces actes ordinaires de la vie se divisent en six catégories: « se vêtir, se dévêtir », « se lever, s'asseoir, se coucher », « manger », « faire sa toilette », « aller aux w.-c. » et « se déplacer à l'intérieur et à l'extérieur, établir des contacts sociaux avec l'entourage » (cf. ATF 127 V 94 consid. 3c p. 97). Le degré d'impotence se détermine en fonction du nombre d'actes (associés éventuellement à une surveillance personnelle permanente ou à un accompagnement durable pour faire face aux nécessités de la vie) pour lesquels l'aide d'autrui est nécessaire (cf. art. 37 RAI). L'évaluation du besoin d'aide pour accomplir les actes ordinaires de la vie constitue donc une appréciation fonctionnelle ou qualitative de la situation (cf. arrêt 9C_666/2013 du 25 février 2014 consid. 8.1 in: SVR 2014 IV n° 14 p. 55).

3.2 L’art. 37 al. 1 et 4 RAI, l’impotence est grave lorsque l’assuré est entièrement impotent. Tel est le cas s’il a besoin d’une aide régulière et importante d’autrui pour tous les actes ordinaires de la vie et que son état nécessite, en outre, des soins permanents ou une surveillance personnelle. Dans le cas des mineurs, seul est pris en considération le surcroît d’aide et de surveillance que le mineur handicapé nécessite par rapport à un mineur du même âge et en bonne santé.

3.3 L’art. 42 al. 1 et 2 LAI prévoit que les assurés impotents (art. 9 LPGA) qui ont leur domicile et leur résidence habituelle (art. 13 LPGA) en Suisse ont droit à une allocation pour impotent. L’art. 42bis est réservé. L’impotence peut être grave, moyenne ou faible.

3.4 Un supplément pour soins intenses peut être ajouté à l'allocation pour impotent lorsque celle-ci est servie à un mineur qui a en outre besoin d'un surcroît de soins dont l'accomplissement atteint le seuil minimum quotidien de quatre heures (cf. art. 36 al. 2 RAI, art. 42ter al. 3 LAI et 39 al. 1 RAI).

3.5 N’est pris en considération dans le cadre des soins intenses, que le surcroît de temps apporté au traitement et aux soins de base tel qu’il existe par rapport à un mineur du même âge et en bonne santé. N’est pas pris en considération le temps consacré aux mesures médicales ordonnées par un médecin et appliquées par du personnel paramédical ni le temps consacré aux mesures pédagogiques thérapeutiques (art. 39 al. 2). Lorsqu’un mineur, en raison d’une atteinte à la santé, a besoin en plus d’une surveillance permanente, celle-ci correspond à un surcroît d’aide de deux heures. Une surveillance particulièrement intense liée à l’atteinte à la santé est équivalente à quatre heures (art. 39 al. 3).

La notion de « soins intenses » de l'art. 42ter al. 3 LAI comprend non seulement le surcroît de temps consacré au traitement et aux soins de base évoqué à l'art. 39 al. 2 RAI, mais aussi la surveillance permanente mentionnée à l'art. 39 al. 3 RAI (cf. arrêt 9C_666/2013 du 25 février 2014 consid 8.2 in: SVR 2014 IV n° 14 p. 55). Cette surveillance ne se confond ni avec l'aide apportée pour réaliser les actes ordinaires de la vie ni avec le surcroît de temps consacré au traitement et aux soins de base, mais constitue une surveillance 24h/24h, nécessitée par l'invalidité soit pour une raison médicale (p.ex. risques de crises d'épilepsie) soit en raison d'un handicap mental particulier ou en cas d'autisme (cf. arrêts 9C_666/2013 du 25 février 2014 consid 8.2 in : SVR 2014 IV n° 14 p. 55 ; 9C_608/2007 du 31 janvier 2008 consid. 2.2.1 ; Commentaire des modifications du RAI du 21 mai 2003 in : Pratique VSI 2003 p. 317 ss ; ad art. 39 al. 3 RAI p. 336).  

3.6 Le besoin de surveillance « ordinaire » (tel qu'il est défini pour le droit à une allocation pour impotence faible [art. 37 al. 3 let. b RAI]) doit être pondéré par deux heures de soins. Une intensité de surveillance particulièrement élevée, à pondérer par quatre heures, est par exemple à supposer dans les cas graves d'autisme, où un enfant ne peut pas être quitté des yeux pendant cinq minutes et où les parents doivent intervenir en permanence. La délimitation entre besoin de surveillance ordinaire et besoin de surveillance particulièrement intense doit encore être précisée au niveau des circulaires (cf. arrêts du Tribunal fédéral du 17 juillet 2018, 8C_741/2017, consid. 3.3.1, et du 8 janvier 2019, 8C_573/2018, consid. 3.1.2).

4.             Il convient de comparer les circonstances qui existaient au moment de la décision du 26 septembre 2019 et celles observées lors de la décision litigieuse du 11 septembre 2023.

4.1 La première enquête a été réalisée alors que le recourant avait 6 ans et 7 mois, de sorte que le temps pour chaque poste dépendait des besoins indiqués par les parents sous déduction des durées usuelles pour les enfants du même âge sans handicap dans les mêmes activités.

Le supplément pour soin intense était, respectivement en 2019 et 2023, pour les postes :

·         « se vêtir/se dévêtir » : 25 minutes contre 22 minutes

·         « se lever/s’asseoir /se coucher » : 25 minutes contre 30 minutes

·         « manger » : 5 minutes contre 0 minute

·         « faire sa toilette » : 11 minutes contre 17 minutes

·         « aller aux toilettes » : 25 minutes contre 15 minutes

·         « se déplacer » : 91 minutes contre 84 minutes

·         « accompagnement à des visites médicales » : 31 minutes contre 2 minutes

·         « la surveillance » 2 heures : inchangé.

4.2 Ces différences s’expliquent par le fait que le recourant a trois ans de plus et est désormais dans une nouvelle structure, soit E______, quatre jours par semaine et, dès la rentrée 2023, le mercredi matin également (transport organisé à 7h30 et retour à 16h30, le repas de midi étant pris à l’école) et qu’il suit ses différentes thérapies à l’école, ce qui a de facto réduit le temps de l’acte « se déplacer » et de l’acte « accompagnement à des visites médicales ». Quant à l’acte « se vêtir/se dévêtir » 3 minutes ont été retranchées, dans la mesure où les parents ont exposé que cet acte ne leur prenait désormais plus que 10 minutes par jour. Leur fils se montrait parfois récalcitrant, mais pas tous les jours et n’avait plus à être changé durant la journée par les parents puisqu’il était à l’école. Ont été ajoutées à ce poste 12 minutes pour la mise d’attelles conformément aux explications des parents.

Dans la mesure où l’enquêtrice s’est fondée sur les dires des parents et les éléments objectifs du dossier, ce poste ne prête pas flanc à la critique.

Il en va de même du poste « se lever/s’asseoir /se coucher » qui a été augmenté de 10 minutes sur la base des explications des parents (rituel d’endormissement).

Le poste « manger » est passé de 5 minutes à 0 minute pour ce poste sur la base du temps estimé par les parents, à savoir 75 minutes. Il faut préciser que dans les deux cas, 75 minutes représentant le temps normal à table ont été automatiquement déduites, de sorte qu’il ne peut pas être tenu compte d’un surcroît de temps.

Le poste « faire sa toilette » a été augmenté de 11 minutes à 17 minutes, car dans le cas des enfants sans handicap, l’aide des parents n’est plus nécessaire dès 10 ans. Aussi, l’entier du temps annoncé par les parents a été pris en compte. Il en est de même du poste « aller aux toilettes » réduit de 25 minutes à 15 minutes sur la base des explications de la mère du recourant.

Le poste « se déplacer » est passé de 91 minutes à 84 minutes et le temps d’accompagnement à des visites médicales a été réduit, car les thérapies ont désormais lieu à l’école, de sorte que les parents ne sont plus sollicités pour les trajets. Ces réductions sont dès lors fondées.

Enfin, la surveillance a été fixée à 2 heures comme préalablement retenu, ce qui n’a pas été contesté par les parents lors de la première enquête. Cette durée est conforme à la durée à retenir en cas de surveillance d’un mineur qui a besoin d’une surveillance permanente, en raison d’une atteinte à la santé.

Lors de la précédente enquête, le recourant présentait une agitation psychomotrice la majorité du temps durant la journée, n’était pas capable de reconnaître les dangers et d’obéir aux consignes des adultes. Il avait besoin de la surveillance d’un adulte en permanence. À la crèche, une éducatrice spécialisée s’occupait exclusivement de lui. La situation est semblable aujourd’hui. Le recourant est très mobile et présente une agitation motrice importante et est constamment en mouvement. Les parents et les éducateurs peuvent difficilement le laisser seul, mais sont pas constamment à ses côtés. En outre, il ressort de l’enquête que l’enfant peut également rester concentré 30 minutes et participer à des activités telles que des ateliers cuisine/bricolage. Il peut jouer seul, mais revient régulièrement vers l’adulte pour demander de l’attention. À son arrivée à l’école, il va seul au vestiaire où il enlève son sac et sa veste. Il joue également dans le préau avec les autres enfants sans surveillance particulière et écoute bien les consignes des éducateurs lors des balades.

Le besoin de surveillance décrit dans ces lignes correspond à un besoin de surveillance permanente, ce qui justifie un surcroît d’aide de deux heures et non de quatre heures.

En effet, malgré le handicap du recourant et l’attestation médicale produite, l’on ne se trouve pas dans le cas d’une surveillance particulièrement intense, 24h/24h, liée à l’atteinte à la santé qui justifierait de prendre en compte quatre heures au sens de l’art. 39 al. 3 RAI, contrairement à un enfant qui ferait des crises d’épilepsie imprévisibles malgré une médication ou un enfant qui aurait un comportement auto-agressif notamment.

Il n'y a en conclusion pas de motif de s'écarter des 3 heures et 26 minutes admises par l’intimé sur la base du rapport d’enquête au titre de temps supplémentaire consacré aux soins intenses, ni de revenir sur la suppression du supplément pour soins intenses puisque le temps supplémentaire mentionné n'atteint pas le seuil minimal de quatre heures, au sens de l'art. 39 al. 1 RAI.

5.             Le recours ne peut qu’être rejeté, la décision attaquée devant être confirmée.

6.             Un émolument de CHF 200.- sera mis à la charge du recourant.


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge du recourant.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie KOMAISKI

 

La présidente

 

 

 

 

Marine WYSSENBACH

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le