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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2970/2023

ATAS/568/2024 du 09.07.2024 ( CHOMAG ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2970/2023 ATAS/568/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 9 juillet 2024

Chambre 15

 

En la cause

A______
représenté par l’Association de défense des chômeur-se-s - ADC, mandataire

 

 

recourant

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI

 

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né le ______ 1986, a vu son contrat de travail du 25 février 2019 être résilié par son employeur, le 21 novembre 2022, avec effet au 31 janvier 2023.

b. L’assuré s’est inscrit auprès de l’office régional de placement le 31 janvier 2023 pour retrouver un emploi à plein temps en tant que spécialiste en finance et comptabilité (avec brevet fédéral). Sa date d’aptitude au placement a été fixée au 1er février 2023.

c. Le 20 mars 2023, l’assuré a reçu une assignation pour un poste de « teneur de compte 2 » à plein temps de durée déterminée du 1er juillet 2023 au 31 mars 2024 auprès de l’office cantonal de la détention. L’offre exigeait un CFC.

d. L’assuré a expliqué à son conseiller que ce poste ne tenait pas compte de son niveau d’études et de ses aptitudes. Le conseiller a cependant maintenu l’assignation.

e. L’assuré s’est présenté à un entretien lors duquel il a refusé l’emploi qui lui était proposé.

f. Par décision du 12 juin 2023, le service juridique de l’office cantonal de l’emploi (ci-après : OCE) a suspendu le droit à l’indemnité de chômage de l’assuré pour 37 jours, au motif qu’il avait renoncé à une proposition d’engagement qui lui avait été faite lors d’un entretien d’embauche et que cela était son deuxième manquement.

g. Le 13 juin 2023, l’assuré a conclu un contrat de travail de durée indéterminée en tant que comptable avec brevet fédéral. L’emploi a débuté le 21 juin 2023.

h. L’assuré a fait opposition à cette décision, le 3 juillet 2023, au motif que l’emploi assigné ne tenait pas compte de son niveau d’études et de ses aptitudes. Il s’était rendu à l’entretien, mais avait refusé l’offre. Il avait commencé un nouvel emploi le 21 juin 2023.

i. Par décision sur opposition du 21 juillet 2023, l’OCE a maintenu sa décision en rappelant que le chômeur ne peut pas renoncer à un poste qui lui est proposé pour lequel il est surqualifié. Ce faisant, l’assuré avait commis une faute grave. Le fait qu’il ait signé un contrat de travail le 13 juin 2023 et débuté celui-ci le 21 juin 2023 était postérieur au refus d’emploi. La sanction était proportionnelle à la faute, étant précisé qu’il s’agissait du deuxième manquement de l’assuré.

B. a. Par acte du 14 septembre 2023, l’assuré a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : chambre de céans) d’un recours contre cette décision dont il demandait l’annulation, sous suite de frais et dépens. Cela fait, il concluait à l’allocation du plein de ses indemnités de chômage et, subsidiairement, à ce que la chambre constate que sa faute n’était que légère.

b. Par acte du 10 octobre 2023, l’OCE a maintenu sa décision, concluant ainsi au rejet du recours.

c. La cause a été gardée à l’issue de l’échange d’écritures.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0). Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté dans les formes et délais légaux, suspendus du 15 juillet au 15 août, le recours est recevable.

2.             Le litige porte sur le bien-fondé de la sanction de 37 jours.

3.              

3.1 Le recourant reproche à l’intimé d’avoir mal apprécié les faits en omettant de tenir compte qu’entre le prononcé de la décision de sanction et la décision sur opposition, le recourant avait retrouvé un emploi.

3.2 La chambre de céans constate que la décision de sanction qui a été prononcée le 12 juin 2023 - confirmée sur opposition le 1er juillet 2023 - retient que lorsque le recourant a reçu la proposition d’emploi de « teneur de compte » au mois de mars 2023 et qu’il l’a rejetée, il n’était pas au bénéfice d’autres perspectives d’emploi qui auraient justifié qu’il renonce à l’emploi proposé.

Ce n’est en effet qu’au mois de juin 2023 qu’il a signé son nouveau contrat, de sorte que les faits retenus dans la décision du 12 juin 2023, confirmée le 1er juillet 2023, sont exacts.

La date pertinente pour déterminer si le recourant avait d’autres perspectives d’emploi est bien celle où ce dernier a renoncé à l’offre d’emploi, comportement qui a donné lieu à la sanction, et évidemment pas la date de la décision ou de la décision sur opposition.

Infondé, ce grief doit être rejeté.

 

 

4.              

4.1 Le recourant reproche ensuite à l’intimé d’avoir considéré qu’il aurait dû accepter un contrat de travail de durée déterminée de sept mois pour lequel il était surqualifié et dont il n’aurait pas pu se départir, sauf accord entre les parties ou pour de justes motifs, s’il entendait débuter un emploi correspondant à ses qualifications. Il ajoute que le poste proposé n’était pas convenable au vu de son propre niveau d’études et ses qualités professionnelles. Il estime qu’il était en droit d’y renoncer.

4.2 En règle générale, l’assuré doit accepter immédiatement tout travail en vue de diminuer le dommage. N’est pas réputé convenable et, par conséquent, est exclu de l’obligation d’être accepté, tout travail qui (b.) ne tient pas raisonnablement compte des aptitudes de l’assuré ou de l’activité qu’il a précédemment exercée, (c.) ne convient pas à l’âge, à la situation personnelle ou à l’état de santé de l’assuré, (d.) compromet dans une notable mesure le retour de l’assuré dans sa profession, pour autant qu’une telle perspective existe dans un délai raisonnable (art. 16 al. 1 LACI).

L'art. 16 al. 2 LACI énumère exhaustivement les critères d'un emploi non convenable.

Cette disposition vise essentiellement à permettre aux assurés de refuser les postes qui exigent des aptitudes physiques, mentales et professionnelles supérieures à celles qu'ils possèdent. Cette disposition ne protège pas les assurés qui refuseraient des emplois qui exigent moins de qualifications que celles dont ils peuvent se prévaloir (arrêts du Tribunal fédéral des assurances du 6 février 2004 C 130/03 consid. 2.3, 29 octobre 2003 C 133/03 consid. 3.3). Les emplois ne peuvent pas être sélectionnés en fonction du standing désiré par l'assuré (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l'assurance-chômage, année 2014, n° ad art. 16 et les références).

Le caractère temporaire d'un emploi n'empêche pas qu'il soit considéré comme convenable (arrêt du Tribunal fédéral des assurances du 9 juillet 2002 C 311/01 consid. 4).

4.3 En l’espèce, le recourant ne pouvait pas refuser un emploi, au motif qu’il était surqualifié ou qu’il s’agissait d’un contrat de durée déterminée, sans violer son obligation de réduire le dommage, conformément à la jurisprudence précitée.

C’est dès lors à raison que l’intimé a dû prononcer une suspension de son droit aux indemnités de chômage (art. 30 al. 1 let. d LACI).

5.             Les conditions d’une suspension du droit à l’indemnité étant réunies, il convient d'examiner encore la question de la durée de cette sanction.

5.1 La durée de la suspension est proportionnelle à la gravité de la faute et ne peut excéder, par motif de suspension, 60 jours (art. 30 al. 3 LACI). Elle est de 1 à 15 jours en cas de faute légère, de 16 à 30 jours en cas de faute de gravité moyenne et de 31 à 60 jours en cas de faute grave (art. 45 al. 3 OACI). Il y a faute grave lorsque l'assuré abandonne un emploi réputé convenable sans être assuré d'obtenir un nouvel emploi ou lorsqu'il refuse un emploi réputé convenable sans motif valable (art. 45 al. 4 OACI). Cependant, ce motif de suspension ne doit être qualifié de faute grave que si l'assuré ne peut pas faire valoir de motif valable. Par motif valable, il faut entendre un motif qui fait apparaître la faute comme étant de gravité moyenne ou légère. Il peut s'agir, dans le cas concret, d'un motif lié à la situation subjective de la personne concernée ou à des circonstances objectives (ATF 141 V 365 consid. 4.1; 130 V 125 consid. 3.5).

Si les circonstances particulières le justifient, il est donc possible, exceptionnellement, de fixer un nombre de jours de suspension inférieur à 31 jours. Toutefois, les motifs de s'écarter de la faute grave doivent être admis restrictivement (Boris RUBIN, op. cit, 2014, n° 117 ad art. 30 LACI et les références).

5.2 L’intimé a retenu une faute grave à l’encontre du recourant en prononçant une suspension de 37 jours dans son droit à l’indemnité.

Le recourant reproche quant à lui à l’intimé d’avoir prononcé une sanction excessive, dans la mesure où le poste refusé n’était pas convenable et que sa faute devait tout au plus être qualifiée de légère. Il avait fait tous les efforts requis et retrouvé un emploi après quatre mois et demi de chômage.

5.3 L’emploi auquel le recourant a renoncé était convenable (supra consid. 4), de sorte que la faute est réputée grave sur la base de l’art. 45 al. 4 OACI.

Cela étant, le contrat de travail proposé était limité dans le temps (durée de sept mois) et le recourant l’a refusé alors qu’il était au chômage depuis moins de deux mois. Ce motif apparaît objectivement valable pour considérer que le recourant a préféré renoncer à ce contrat tout en recherchant activement un contrat de durée indéterminée dans son domaine d’activité où il existait beaucoup d’offres. Il a à cet égard démontré avoir rapidement retrouvé un emploi dans son domaine avec un contrat de durée indéterminée et être ainsi sorti du chômage en moins de cinq mois. Ces motifs justifient dans ce cas particulier de ne pas retenir une faute grave. Cependant, dans la mesure où au moment où le recourant a renoncé à l’emploi convenable qui lui était proposé, à savoir en mars 2023, il n’avait pas encore la perspective tangible d’un contrat de durée indéterminée, sa faute doit être qualifiée de moyenne.

Une sanction de 30 jours apparaît proportionnée et adéquate à la faute pour les motifs évoqués ci-dessus et compte tenu du fait qu’il s’agissait du deuxième manquement du recourant.

6.             Partant, le recours sera partiellement admis et la décision réformée, en ce sens que la sanction sera réduite de 37 à 30 jours de suspension du droit à l'indemnité du recourant.

Le recourant obtenant partiellement gain de cause, une indemnité de CHF 1'500.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

Pour le surplus, la procédure est gratuite.

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Réforme la décision sur opposition du 21 juillet 2023, en ce sens que la durée de la suspension du droit à l’indemnité est réduite à 30 jours.

4.        Alloue au recourant, à la charge de l’intimé, une indemnité CHF 1’500.- à titre de participation à ses frais et dépens.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

Nathalie KOMAISKI

 

La présidente

 

 

 

Marine WYSSENBACH

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le