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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4117/2023

ATAS/505/2024 du 25.06.2024 ( AVS ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4117/2023 ATAS/505/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 25 juin 2024

Chambre 2

 

En la cause

 

A______

 

recourante

contre

 

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION

 

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Par jugement du 23 juin 2020 (ci-après : le jugement de divorce), le Tribunal de première instance du canton de Genève a dissous par le divorce le mariage contracté à Genève (GE) en 2014 par Monsieur B______ (ci-après : l’ex-mari ou l’ex-époux), né en 1962 en France, de nationalité française, domicilié en France selon ledit jugement, et Madame A______ (A______ ; ci-après : l’assurée, l’intéressée ou la recourante) en 1965, de nationalité suisse, domiciliée dans le canton de Genève (ch. 1 du dispositif), lesquels avaient conclu un contrat de mariage en séparation de biens. Il a en outre et compte tenu d’une convention réglant l’ensemble des effets accessoires de leur divorce, notamment, donné acte aux époux de ce qu’ils ne sollicitaient aucune contribution post-divorce l’un de l’autre (ch. 2), attribué à l’épouse les droits et les obligations découlant du contrat de bail conclu par les conjoints et portant sur l'ancien domicile conjugal – et actuel de l’intéressée – sis dans le canton de Genève (ch. 3), donné acte aux époux de ce qu'ils avaient liquidé leurs rapports patrimoniaux et qu'ils n'avaient plus aucune prétention à élever l'un envers l'autre de ce chef (ch. 4), donné acte aux époux de ce qu'ils renonçaient au partage par moitié de leurs prestations de vieillesse acquises pendant le mariage (ch. 5), homologué en tant que de besoin la convention conclue le 14 janvier 2020 par les ex-conjoints, laquelle faisait partie intégrante du présent jugement (ch. 8), condamné, en tant que de besoin, les parties à respecter et à exécuter les dispositions qui précèdent (ch. 9).

b. Par courriel du 26 novembre 2020, l’assurée a informé la CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION (ci-après : la CCGC, la caisse ou l’intimée) de son divorce, qui était entré en force, et de son souhait de reprendre son nom de jeune fille sur tous les documents concernant l’assurance-vieillesse et survivants suisse (ci-après : AVS). Selon elle, « le jugement de divorce [stipulait] qu’il n’y avait pas de partage de [son] AVS ni de [sa] prévoyance professionnelle avec [son] ex-mari qui [n’avait] jamais travaillé en Suisse durant toute la durée de [leur] union ». Elle remerciait la caisse d’apporter ces importantes informations à son dossier et de l’informer quand ceci serait corrigé.

c. Dans le cadre d’un échange de courriels des 14 et 15 juin 2021, un collaborateur du service des comptes individuels (ci-après : CI) et du splitting de la CCGC (ci-après : le collaborateur) a informé l’intéressée que la caisse avait enregistré son changement de nom mais qu’elle avait dû procéder au partage des cotisations AVS de 2015 à 2019. L’assurée a répondu être « sidérée » par ce message, étant donné que son ex-mari n’avait jamais travaillé en Suisse et qu’elle l’avait entretenu pendant toute la durée du mariage alors qu’il touchait frauduleusement des prestations de PÔLE EMPLOI en France « sans mettre un sou dans le ménage ». Le collaborateur a indiqué être navré de ce mécontentement et a précisé que la caisse ne faisait qu’appliquer la loi qui prévoyait le splitting dans une telle situation, précisant notamment : « Effectivement, votre ex-époux n’a pas eu de revenus suisses durant votre période de mariage. Cependant, il a vécu à Genève de 2014 à 2019 selon le contrôle de l’habitant ([office cantonal de la population et des migrations ; ci-après : OCPM] Genève), il était donc couvert à l’AVS et les cotisations doivent être partagées ». L’intéressée s’étant déclarée être « effondrée », le collaborateur a indiqué : « La seule solution est de faire valoir le fait qu’il avait son domicile principal en France durant votre mariage, cela nous permettrait d’annuler le splitting. Mais tant que son adresse officielle de 2014 à 2019 est en Suisse, nous ne pouvons qu’appliquer la loi, toutes nos excuses ». À la suite d’un entretien téléphonique avec l’assurée, il lui a fait savoir que sa situation serait examinée par le service juridique, ce que le collaborateur a en substance confirmé par courriel du 18 juin 2021.

En parallèle, par lettre au titre « rassemblement des extraits de vos [CI] » du 15 juin 2021, la CCGC a transmis à l’assurée les extraits de tous ses CI tenus à son nom auprès des différentes caisses de compensation, dont il ressortait qu’entre 2015 et 2019 ses revenus annuels totaux (de l’ordre de CHF 100'000.- environ) se voyaient réduits de moitié par une « part de revenu destinée à l’ex-conjoint ».

Par pli du même 15 juin 2021 intitulé « votre demande de partage des revenus en cas de divorce (splitting) », la caisse a informé l’intéressée que la procédure de partage des revenus (cotisations AVS) en cas de divorce était maintenant terminée. Néanmoins, « comme vu au téléphone, nous allons voir ce qu’il est possible de faire pour annuler le splitting, mais ces courriers vous permettront déjà d’avoir une vue d’ensemble de la situation AVS ». Étaient remis un extrait de ses rassemblements de CI et un mémento explicatif.

d. Le 17 juin 2021, l’assurée a fait parvenir à la CCGC le jugement de divorce, puis, le 21 juin 2021, les documents suivants :

-     un courrier du 3 février 2020 de PÔLE EMPLOI à l’ex-mari à une adresse en France dont la localité était la même que celle indiquée dans l’en-tête du jugement de divorce, accompagné d’un décompte et montrant EUR 6'079.- versés en 2019 ;

-     des avis d’impôt de la Direction générale des finances publiques française relatifs à la taxe d’habitation, à la contribution à l’audiovisuel public et à l’impôt sur les revenus, et portant sur les années 2015 à 2019 ;

-     des avis de taxation de l’administration fiscale cantonale genevoise (AFC) concernant les impôts cantonaux et communaux (ICC) 2015 et 2016 et montrant notamment des « salaires bruts » du « contribuable » - l’ex-époux – de respectivement CHF 6'331.- et CHF 6'488.-, à propos desquels est précisé de manière manuscrite le nom de l’ex-mari et PÔLE EMPLOI France ;

-     un écrit manuscrit de l’ex-époux « fait à Genève le 25.11.2019 » et destiné au « tribunal de Genève », faisant part notamment de son souhait de divorcer de l’assurée et de « renoncer à toutes formes de partages de prestations de prévoyance professionnelle (LPP, AVS, pension) car mon épouse a assumé entièrement tous les frais communs et dépenses du ménage lors de notre union ».

e. Dans un échange de courriels entre les 22 et 25 juin 2021, le responsable du service des CI et du splitting de la CCGC a fait savoir à l’assurée que le jugement de divorce n’empêchait pas un partage de l’AVS et ne pouvait au demeurant pas le faire, et a annoncé que le service allait consulter l’OCPM pour examiner de près les périodes de séjour en Suisse de l’ex-mari.

Lors d’un échange de courriels des 27 et 28 juin 2021, le collaborateur a rappelé notamment : « La loi ne prévoit pas d’annulation du partage des cotisations et un juge ne peut donc pas décider de l’annuler, ni un consentement mutuel, malheureusement pour votre cas ». Selon lui, l’intéressée pourrait faire valoir auprès de l’OCPM le problème de double séjour en Suisse et en France de son ex‑époux, la caisse ayant en outre « décidé de faire les démarches pour [elle] auprès de [l’OCPM] pour tenter de faire annuler l’information de son séjour afin d’annuler le splitting ». Toujours d’après le collaborateur, concrètement, le splitting affecterait très légèrement la rente AVS de l’assurée à la baisse et permettrait à son ex-mari d’avoir une toute petite rente s’il en faisait la demande ; qu’il fasse cette demande ou non ne changerait rien aux droits de l’intéressée.

f. Par écrit du 28 juin 2021, l’assurée a contesté la décision de la CCGC concernant ses cotisations AVS et le partage avec son ex-mari, splitting dont elle demandait l’annulation. Notamment, elle avait travaillé et assuré toutes les dépenses du couple, s’était endettée et épuisée ; « [son ex-époux n’avait] jamais voulu travailler et [n’avait] pas cherché d’emploi en Suisse ni en France d’ailleurs ». Elle ajoutait entre autres : « Mon ex-mari m’a brutalement quittée d’un jour à l’autre et il a déserté le domicile. Lorsque je lui ai dit que je ne pouvais plus assurer cette situation, il a trouvé un autre « nid » et recommence ailleurs son même fonctionnement ».

Étaient annexés la « convention en vue d’un divorce et de ses conséquences » signée le 14 janvier 2020 par les ex-conjoints (ci-après : la convention de divorce), de même que trois témoignages écrits de tiers en mai 2020 concernant les relations et tâches respectives entre l’intéressée et son ex-époux.

g. Le 28 juin 2021 également, l’assurée a adressé à la CCGC une « demande de calcul d’une rente future ».

Le 12 juillet 2021, la caisse lui a remis une « communication de calcul prévisionnel de votre future rente AVS », indiquant une rente – simple – ordinaire de vieillesse à partir du 1er juillet 2029 (âge légal) de CHF 2'180.-, sur la base d’une « prise en compte des revenus de vous-même et votre conjoint », à savoir un revenu annuel moyen de CHF 70'266.-, une durée de cotisations prise en compte de 42 années et 7 mois ainsi que d’une échelle de rente applicable de 44 (complète).

h. Par décision sur opposition rendue le 9 novembre 2023, la CCGC a rejeté l’opposition formée le 28 juin 2021 contre l’extrait de CI qu’elle lui avait remis le 15 juin 2021.

En effet, pour l’AVS, la loi ne permettait pas de renoncer au partage des revenus en cas de divorce, de sorte que la déclaration de renonciation de l’ex-époux était nulle sur ce point. En outre, s’agissant du grief de l’intéressée en lien avec le domicile principal de l’ex-mari, il apparaissait que celui-ci, bien que touchant des prestations de chômage en France, était bien domicilié en Suisse, pays dans lequel il vivait avec l’assurée ; il était, pour ce faire, titulaire d’une autorisation d’établissement (permis C) et au bénéfice d’une assurance-maladie selon la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10), et il apparaissait également dans la déclaration fiscale du couple. Enfin, les revenus réalisés par l’intéressée entre 2015 et 2019 avaient concrètement été correctement partagés.

B. a. Par acte daté du 7 décembre 2023 et expédié le lendemain, l’assurée a, auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre des assurances sociales ou la chambre de céans), interjeté recours contre cette décision sur opposition, en reprenant les conclusions, allégations et arguments contenus dans son écrit du 28 juin 2021, en ajoutant notamment que son ex-mari avait durant l’union conjugale deux domiciles principaux (un en France pour pouvoir toucher le chômage et un en Suisse en étant marié), ce qui était selon elle illégal, et en demandant à la chambre de céans de reconsidérer sa situation particulière en faisant preuve d’empathie et surtout de justice.

Était produite une attestation d’une psychiatre et psychothérapeute FMH du 18 mai 2020, indiquant suivre l’intéressée depuis le 19 décembre 2019 « suite à la dégradation massive de son état psychique dans le contexte d’une séparation vécue comme très violente, effondrée par l’attitude méprisante de son mari et la trahison dont elle [avait] été victime », la patiente souffrant d’un état dépressif qui ne s’était amélioré que très discrètement.

b. Par réponse du 5 janvier 2024, l’intimée a conclu au rejet du recours.

c. Par trois écritures du 31 janvier 2024 (dont deux manuscrites), la recourante a persisté dans ses conclusions et griefs de recours et produit un document rédigé par ses soins, intitulé « Total dépenses [l’assurée] pour le couple […] – Novembre 2013 à novembre 2019 », y compris celles liées à la résidence secondaire en France achetée par l’intéressée, et arrivant à une somme totale de CHF 1'148'324.50.

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 À teneur de l’art. 1 al. 1 LAVS, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’AVS réglée dans la première partie, à moins que la présente loi ne déroge expressément à la LPGA.

1.3 Interjeté dans la forme et le délai – de trente jours – prévus par la loi, l'acte de recours est recevable (art. 56 ss LPGA et 62 ss de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

2.             Un assuré peut demander à la caisse de compensation compétente – ici l’intimée – en matière de cotisations ou à une autre caisse de rassembler des extraits de tous les IC que les caisses de compensation tiennent pour lui (art. 141 al. 1bis du règlement sur l'assurance-vieillesse et survivants du 31 octobre 1947 [RAVS - RS 831.101]). L’assuré peut, dans les trente jours suivant la remise de l’extrait de compte, exiger de la caisse de compensation la rectification de l’inscription. La caisse de compensation se prononce dans la forme d’une décision (art. 141 al. 2 RAVS), ce que la caisse a en l’occurrence fait par la décision sur opposition présentement querellée.

L’objet du litige porte sur les montants des revenus de la recourante rassemblés dans l’extrait de CI que l’intimée lui a remis le 15 juin 2021, pour les années 2015 à 2019, l’intéressée contestant uniquement le partage par moitié avec son ex-mari (splitting) des revenus qu’elle a, selon ses allégations, réalisés seule durant leurs années de mariage.

C’est par rapport au montant de sa rente future que l’assurée conteste le splitting dans son cas particulier.

3.              

3.1 Aux termes de l’art. 21 LAVS – tel qu’en vigueur depuis le 1er janvier 2024 (AVS 21) –, les personnes qui ont 65 ans révolus (âge de référence) ont droit à une rente de vieillesse, sans réduction ni supplément (al. 1, étant relevé que, selon la let. a des dispositions transitoires de la modification du 17 décembre 2021 [AVS 21], l’âge de référence est de 65 ans pour les femmes nées en 1964 ou ultérieurement). Le droit à la rente prend naissance le premier jour du mois qui suit celui au cours duquel l’assuré atteint l’âge de référence. Il s’éteint par le décès de l’ayant droit (al. 2).

3.2 En vertu de l’art. 29bis LAVS – dans sa version en vigueur dès le 1er janvier 2024 (AVS 21) –, le calcul de la rente s’effectue au moment où l’assuré atteint l’âge de référence (al. 1). Le calcul de la rente est déterminé par les années de cotisation, les revenus provenant d’une activité lucrative ainsi que les bonifications pour tâches éducatives ou pour tâches d’assistance entre le 1er janvier qui suit la date à laquelle l’ayant droit a eu 20 ans révolus et le 31 décembre qui précède la réalisation du risque assuré (âge de référence ou décès ; al. 2).

3.3 Concernant le revenu annuel moyen, l’art. 29quater LAVS – au titre « principe » - prévoit que la rente est calculée sur la base du revenu annuel moyen. Celui-ci se compose: des revenus de l’activité lucrative (let. a) ; des bonifications pour tâches éducatives (let. b) ; des bonifications pour tâches d’assistance (let. c).

3.3.1 Selon l’art. 29quinquies LAVS – tel qu’en vigueur depuis le 1er janvier 1997 (10ème révision AVS) –, sont pris en considération les revenus d’une activité lucrative sur lesquels des cotisations ont été versées (al. 2). Les cotisations des personnes sans activité lucrative sont multipliées par 100, puis divisées par le double du taux de cotisation prévu à l’art. 5 al. 1 LAVS ; elles sont comptées comme revenu d’une activité lucrative (al. 2).

Avant l’entrée en vigueur le 1er janvier 2024 de l’AVS 21, l’al. 3 de l’art. 29quinquies LAVS prescrivait : Les revenus que les époux ont réalisés pendant les années civiles de mariage commun sont répartis et attribués pour moitié à chacun des époux. La répartition est effectuée lorsque : les deux conjoints ont droit à la rente (let. a) ; une veuve ou un veuf a droit à une rente de vieillesse (let. b) ; le mariage est dissous par le divorce (let. c). À partir du 1er janvier 2024, les situations entraînant la répartition sont : les deux conjoints ont atteint l’âge de référence (let. a) ; la veuve ou le veuf atteint l’âge de référence (let. b) ; le mariage est dissous par le divorce (let. c) ; les deux conjoints ont droit à une rente de l’assurance-invalidité (let. d), ou que l’un des conjoints a droit à une rente de l’assurance-invalidité et l’autre atteint l’âge de référence (let. e).

Conformément à l’al. 4 de l’art. 29quinquies LAVS, seuls sont soumis au partage et à l’attribution réciproque les revenus réalisés : entre le 1er janvier de l’année suivant celle durant laquelle la personne a atteint 20 ans révolus et le 31 décembre qui précède l’ouverture du droit à la rente du conjoint qui le premier peut y prétendre (let. a), dans sa version en vigueur avant l’entrée en vigueur le 1er janvier 2024 de l’AVS 21), et durant les périodes où les deux conjoints ont été assurés auprès de l’AVS (let. b). À compter du 1er janvier 2024, la teneur de la let a est la suivante : entre le 1er janvier de l’année qui suit celle au cours de laquelle la personne a eu 20 ans révolus et le 31 décembre précédant le jour où le risque assuré survient pour le conjoint qui a le premier droit à la rente, exception faite des cas dans lesquels il y a versement anticipé de la rente (art. 40 LAVS).

L’art. 29quinquies LAVS dispose ensuite que l’al. 4 n’est pas applicable pendant les années civiles au cours desquelles le mariage est conclu ou dissous (al. 5). Le Conseil fédéral règle la procédure. Il désigne en particulier la caisse de compensation chargée de procéder au partage des revenus (al. 6).

3.3.2 Sur la base de cet al. 6, le Conseil fédéral a adopté les art. 50c à 50h RAVS, qui traitent notamment de de la procédure de demande de partage des revenus lors du divorce ou de l’annulation du mariage, ainsi que de la caisse de compensation compétente.

Aux termes de l’art. 50h RAVS – « effet du partage des revenus » -, le revenu provenant d’une activité lucrative inscrit au CI en raison du partage des revenus est considéré comme un revenu propre lors du calcul des rentes qui prennent naissance ultérieurement.

Il est précisé que si aucun des ex-conjoints divorcés ne demande le partage des revenus, les caisses de compensation effectueront le splitting au plus tard au moment du calcul de la rente (cf. Centre d’information AVS/AI, 1.02 Généralités, Splitting en cas de divorce, édition novembre 2023, ch. 4, « https://www.ahv-iv.ch/p/1.02.f », accessible sur internet notamment le site « https://www.ocas.ch/avs/avs-votre-compte/partage-des-revenus-splitting »)

3.3.3 Selon la jurisprudence, sous réserve de l'ancien art. 52f al. 2bis RAVS (prise en compte de bonifications pour tâches éducatives dans le cas de parents divorcés ou non mariés qui exercent l'autorité parentale conjointement), les prescriptions sur le calcul des rentes de l'AVS sont de droit impératif. Le renoncement réciproque des époux à des prestations d'entretien au-delà de la dissolution du mariage ou à des prestations pour la prévoyance-vieillesse dans le cadre du 2ème pilier n'a pas pour effet que les rentes devraient être calculées sans la répartition des revenus au moment de la survenance du cas d'assurance (vieillesse ou décès). À défaut de conventions internationales prévoyant le contraire, cela vaut également s'agissant de conventions de divorce qui n'ont pas été conclues en Suisse ou qui ne sont pas soumises au droit suisse (ATF 131 V 1 consid. 1.1 ; Michel VALTERIO, Droit de l’assurance-vieillesse [AVS] et de l’assurance-invalidité [AI], Commentaire thématique, 2011, n. 946).

Par ailleurs, l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) a émis la circulaire concernant le splitting en cas de divorce (CSD), valable dès le 1er janvier 1997. Selon son ch. 4001, en principe, tous les revenus inscrits au CI de la personne assurée sont partagés par moitié pendant les années de mariage. Toutes les inscriptions se rapportant à une année de cotisations donnée sont additionnées et le total ou le montant net ainsi obtenu est partagé. Si le partage n’aboutit pas à des francs entiers, il faut arrondir au prochain franc entier immédiatement supérieur.

 

4.              

4.1 En l’espèce, aucune règle ou circonstance particulière ne permet de déroger au principe selon lequel les revenus que les époux ont réalisés pendant les années civiles de mariage commun sont répartis et attribués pour moitié à chacun d’eux (splitting), en cas de divorce (art. 29quinquies al. 3 LAVS, dont le changement législatif au 1er janvier 2024 est en l’occurrence en tout état de cause non déterminant, puisque la let. c [« le mariage est dissous par le divorce »] demeure).

4.1.1 L’intention de l’ex-époux de « renoncer à toutes formes de partages de prestations de prévoyance professionnelle (LPP, AVS, pension) car mon épouse a assumé entièrement tous les frais communs et dépenses du ménage lors de notre union », manifestée dans son écrit manuscrit « fait à Genève le 25.11.2019 » et destiné au « tribunal de Genève », n’y change rien, comme rappelé par l’ATF 131 V 1.

Le jugement de divorce ne pourrait pas non plus déroger à la règle splitting et il ne le fait du reste pas ; en effet, le ch. 5 de son dispositif, à teneur duquel il est donné acte aux époux de ce qu'ils renoncent au partage par moitié de leurs prestations de vieillesse acquises pendant le mariage, ne concerne pas l’AVS, étant donné que sa motivation ne traite pas de celle-ci mais uniquement de la prévoyance professionnelle, avec références aux art. 122 et 124b du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) ; au demeurant, la convention de divorce ne prévoit rien de particulier concernant l’AVS et, en matière de prestations de vieillesse, la seule renonciation de l’ex-mari mentionnée est celle à « tout droit sur la prévoyance professionnelle de son épouse » (sous les ch. 20 à 22, let. H « En ce qui concerne les fonds de prévoyance des époux »).

4.1.2 Par ailleurs, dans l’hypothèse où l’allégation d’un domicile principal de l’ex-époux en France durant les années de mariage pourrait être ici pertinente – ce qui peut demeurer indécis –, il n’en demeurerait pas moins que, comme retenu par la caisse dans sa décision sur opposition, celui-là, bien que bénéficiant de prestations de chômage en France, était durant ladite période domicilié en Suisse, pays dans lequel il vivait avec l’assurée, comme le montre le fait qu’il était en titulaire d’une autorisation d’établissement (permis C) et au bénéfice d’une assurance-maladie selon la LAMal et qu’il apparaissait également dans la déclaration fiscale du couple.

Du reste, la recourante n’exclut aucunement un « domicile principal » en Suisse de son ex-mari, mais fait seulement valoir qu’il avait aussi un second « domicile principal » en France, ce alors que l’art. 23 al. 2 CC dispose que nul ne peut avoir en même temps plusieurs domiciles.

Quoi qu’il en soit, d’une part, en vertu de l’art. 162 CC, les époux choisissent ensemble la demeure commune.

D’autre part, les allégations de l’intéressée elle-même ainsi que les trois témoignages écrits de tiers émis en mai 2020 impliquent que l’ex-époux faisait ménage commun avec elle au domicile de celle-ci dans le canton de Genève et était donc domicilié en Suisse. Notamment, selon les explications de la recourante, son ex-mari s’est, dès le début de leur relation, installé à son domicile, et il restait sur le canapé devant la télévision pendant qu’elle travaillait ; elle a payé toutes les dépenses du couple pendant toute la durée de leur union (cf. réplique du 31 janvier 2024) ; l’assurée allègue en outre : « Lorsque j’ai dit à mon ex-mari qu’il fallait que cela change, qu’il travaille, qu’il participe à l’entretien du ménage, et que je lui ai dit que je ne pouvais plus assurer indéfiniment cette situation, il a cherché un autre nid et m’a brusquement quittée pour s’installer en France avec sa maîtresse » (cf. recours p. 2).

Ce qui précède implique de surcroît – si tant est que cela puisse être pertinent – que le mariage n’a en tout état de cause pas été fictif ou inexistant dans les faits, quand bien même il s’est révélé à la fin grevé de tromperie et de déception pour la recourante.

4.2 Pour le reste, l’intimée apparaît avoir correctement partagé les revenus (splitting) dans l’extrait des CI qu’il a adressé le 15 juin 2021 à l’assurée, ce que celle-ci ne conteste pas car ses griefs portent uniquement sur le principe même du partage.

En particulier, la caisse n’a pas procédé au partage des revenus réalisés durant le mariage (splitting) pour les années civiles au cours desquelles le mariage a été conclu (2014) puis dissous (2020), conformément à l’art. art. 29quinquies al. 4 et 5 LAVS.

4.3 Vu ce qui précède, quand bien même on comprend les souffrances et le sentiment d’injustice de la recourante, la décision sur opposition querellée est conforme au droit.

5.             Le recours est en conséquence rejeté.

6.             La procédure est gratuite (art. 89H al. 1 LPA et vu l'art. 61 let. fbis LPGA).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Christine RAVIER

 

Le président

 

 

 

 

Blaise PAGAN

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le