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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2994/2023

ATAS/486/2024 du 21.06.2024 ( PC ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2994/2023 ATAS/486/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 21 juin 2024

Chambre 9

 

En la cause

A______

 

recourante

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l'intéressée), née le ______ 1979, divorcée, mère d'un enfant né le ______ 2012, a été mise, par décision du service des prestations complémentaires (ci-après : SPC) du 31 juillet 2018, au bénéfice de prestations complémentaires familiales (ci-après : PCFam) à hauteur de CHF 1'095.- par mois dès le 1er juin 2018, dont CHF 190.- à titre de subside d'assurance-maladie.

b. Le montant mensuel des PCFam s'est élevé à CHF 1'140.- dès le 1er janvier 2019 (décision du 14 décembre 2018), à CHF 1'146.- dès le 1er janvier 2020 (décision du 3 décembre 2019), à CHF 1'177.- dès le 1er janvier 2021 (décision du 1er décembre 2020), à CHF 1'168.- dès le 1er janvier 2022 (décision du 2 décembre 2021), et à CHF 1'276.- dès le 1er janvier 2023 (décision du 2 décembre 2022).

c. Les plans de calcul joints aux décisions précitées incluaient, au titre de revenu déterminant, un gain d'activité lucrative de CHF 18'896.75 et un revenu hypothétique de CHF 14'172.55.

d. Dans le cadre de la révision périodique du dossier de l'intéressée initiée en janvier 2023, le SPC a invité celle-ci à lui transmettre diverses pièces.

e. Par lettre du 4 février 2023, l'intéressée a expliqué en particulier avoir changé d'employeur en mai 2019, car la société B______, auprès de laquelle elle était employée depuis le 1er juin 2018, avait été liquidée. Elle avait été engagée par la société C______, créée par le « même groupe de personnes », où elle bénéficiait de conditions de travail similaires. Elle a joint entre autres son contrat de travail avec cette dernière société, signé le 1er mai 2019, les certificats de salaires des années 2018-2022 (dont celui de 2021 faisait état d'un salaire brut de CHF 19'900.- et celui de 2022 d'un salaire brut de CHF 20'160.-), et les décomptes de salaire des mois d'octobre 2022 à janvier 2023 (mentionnant un salaire mensuel brut de CHF 1'680.-).

f. Par la suite, l'intéressée a adressé au SPC ses déclarations fiscales 2021 et 2022.

B. a. Par décision du 27 avril 2023, le SPC a recalculé le droit aux prestations avec effet au 1er janvier 2021. Pour la période jusqu'au 30 avril 2023, l'intéressée avait perçu des prestations à tort pour un montant de CHF 28'420.-, dont CHF 6'416.- sous forme de subside. Le plan de calcul retenait, à titre de revenu déterminant, un gain d'activité lucrative de CHF 39'907.75 pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2021, et de CHF 53'317.- dès le 1er janvier 2022. L'intéressée avait droit à des prestations mensuelles de CHF 402.-, sous forme de subside jusqu'au 31 décembre 2021. Pour la période postérieure, elle ne pouvait plus prétendre aux prestations ; son revenu déterminant excédait ses dépenses reconnues.

La lettre d'accompagnement du SPC du 27 avril 2023 informait l'intéressée que la demande de restitution faisait suite aux éléments qu'elle lui avait communiqués, dont les déclarations fiscales 2021 et 2022. Le montant correspondant au subside, soit CHF 6'416.-, ne lui était pas réclamé, mais la somme de CHF 22'004.- restait due.

b. Par courrier du 7 mai 2023, l'intéressée s'est opposée à cette décision, au motif qu'elle avait « maladroitement signalé » au SPC une « rentrée d'C______ ». En réalité, elle n'avait pas touché d'indemnités en 2022 ni en 2023 en raison de la période COVID. Elle a sollicité la remise de l'obligation de restituer, faisant valoir qu'elle avait été de bonne foi et que le remboursement la mettrait dans une situation financière « impossible ».

L'intéressée a annexé un formulaire préétabli par l'office cantonal des assurances sociales (ci-après : OCAS), que la société C______ a complété le 3 mars 2023 en indiquant que durant l'année citée sous rubrique (2022), elle n'avait pas versé de salaires soumis à cotisations et qu'elle n'emploierait plus de personnel l'année suivante.

c. Le 24 mai 2023, l'intéressée a complété son opposition oralement, dont le contenu a été retranscrit dans un procès-verbal du même jour. Elle a déclaré que l'entreprise C______ qui l'avait engagée à 40% ne l'avait pas payée pour l'année 2022. Elle transmettrait prochainement un certificat de salaire en ce sens. Par ailleurs, une poursuite de l'étranger lui avait été notifiée pour un montant d'environ CHF 150'000.- et elle avait également une dette d'environ CHF 50'000.-. Elle n'était donc pas en mesure de rembourser la somme réclamée.

d. Le 31 mai 2023, le SPC a reçu un certificat de salaire établi par C______ le 15 mars 2023 faisant état de l'absence de salaire versé à l'intéressée en 2022.

e. Le 5 juin 2023, le SPC a invité l'intéressée à répondre à diverses questions et à lui faire parvenir les relevés bancaires détaillés de tous ses comptes bancaires/postaux du 1er janvier 2021 à ce jour, ainsi que ses contrats de travail, fiches de salaire, et certificats de salaire. Passé le délai imparti pour ce faire, il statuerait en l'état du dossier. En particulier, le SPC se demandait pour quel motif l'intéressée ne l'avait pas informé de sa fonction d'associée et gérante de C______ et du fait que plusieurs membres de son entourage (mère, père du fils) y avaient été actifs, ni de l'existence de son activité au sein de la société D______ de laquelle elle était devenue associée et gérante en février 2021 avant la dissolution de celle-ci en septembre 2022, ni encore de l'existence de son activité lucrative auprès de E______.

f. Le 15 juin 2023, l'intéressée a répondu avoir été au chômage pendant de nombreuses années. C______ était alors « une tentative d'amis et famille pour essayer de [la] tirer d'affaire », mais en vain, car la banque bloquait tout (dossier d'ouverture, dépôt du capital), vu le contexte négatif antirusse. Cela avait nécessité un changement des actionnaires (recte : associés) et gérants à maintes reprises. L'étape D______ avait constitué une « brève bouffée d'oxygène ». Il s'agissait d'un « free-lance à distance », très insuffisant en termes de rémunération. La liquidation de cette entité avait eu lieu dès le début de la guerre d'Ukraine. Elle élevait seule son fils de 10 ans et remboursait seule ses crédits (appartement, voiture, carte). Au cours des dix dernières années, elle avait contracté des dettes et faisait l'objet de poursuites importantes. Elle n'aurait pas manqué de signaler à l'autorité sa situation financière si celle-ci était « revenue à un état de fortune et sécurité plus vrai ». Elle travaillait actuellement auprès de E______. Cet employeur serait « peut-être le bon » pour éviter toute aide étatique.

g. Par décision du 8 août 2023, le SPC a rejeté l'opposition et confirmé celle du 27 avril 2023.

Les montants pris en compte à titre de gain d'activité lucrative avaient été rectifiés rétroactivement au 1er janvier 2021, sur la base des documents que l'intéressée lui avait communiqués en février et mars 2023, ainsi que de ses déclarations fiscales 2021 et 2022. Dans le cadre de l'instruction de l'opposition, l'intéressée n'avait pas produit les justificatifs demandés. Le SPC n'était en conséquence pas en mesure de revoir la décision contestée. Il se déterminerait sur la remise de l'obligation de restituer dès l'entrée en force de la décision sur opposition.

C. a. Par acte du 14 septembre 2023, l'intéressée, par l'intermédiaire de son conseil, a recouru contre la décision sur opposition du 8 août 2023 auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, en concluant, principalement, à son annulation et au renvoi de la cause à l'intimé pour nouvelle décision au sens des considérants, et subsidiairement, à la remise de l'obligation de restituer.

Elle a allégué avoir été employée du 1er juin 2018 au 31 mai (recte : 30 avril) 2019 par la société B______, dirigée par des amis de longue date. Son salaire annuel brut s'élevait à CHF 20'160.- pour un taux d'activité de 40%. Le 4 février 2019, cette société avait informé ses employés de sa mise en liquidation. Ensuite, des membres de l'ancienne direction avaient décidé de créer la société C______. La recourante avait accepté de rejoindre cette dernière entité aux mêmes conditions de travail que celles connues auparavant, à savoir un taux d'activité de 40% et un salaire annuel brut de CHF 20'160.-, dès le 1er mai 2019. Elle avait perçu son salaire jusqu'au 31 décembre 2020 seulement. Pour l'année 2021, C______ ne l'avait pas rémunérée malgré le travail effectué. Cette société était par la suite tombée en faillite et avait été placée en liquidation. En novembre 2021, la recourante avait commencé à collaborer pour la société D______ à plein temps, et avait touché un revenu brut de CHF 23'816.- pour les mois de novembre et décembre 2021, dûment déclarés à l'administration fiscale.

La recourante a contesté le montant retenu à titre de gain d'activité lucrative à hauteur de CHF 39'907.75 pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2021, qui devait être réduit à CHF 26'513.-. Le montant de CHF 39'907.75 se décomposait comme suit : CHF 23'816.- (revenus déclarés au fisc pour l'année 2021 perçus de la société D______), CHF 150.- (pour un travail de traduction), CHF 5'502.- (issu d'un prêt COVID-19 qu'elle avait obtenu lorsqu'elle travaillait pour C______), et CHF 13'394.- (somme comptabilisée à tort, dans la mesure où celle-ci ne lui avait jamais versé de salaire pour 2021). La recourante en voulait pour preuve la déclaration d'impôts 2021 ainsi que l'avis de taxation pour cette année-ci, qu'elle a produit. Par ailleurs, en 2022, elle n'avait pas non plus touché de salaire.

Subsidiairement, elle s'est prévalue de sa bonne foi et de sa situation financière difficile pour ne pas devoir rembourser la somme réclamée.

b. Dans sa réponse du 13 octobre 2023, l'intimé a conclu à ce que la décision entreprise soit réformée au détriment de la recourante (reformatio in peius).

Il a indiqué que le montant de CHF 39'907.75 pris en compte à titre de gains d'activité lucrative dans les calculs de PCFam pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2021 correspondait aux gains réalisés auprès de C______ (CHF 18'896.75) et de D______ (CHF 21'011.-). Cependant, au cours de l'année 2021, la recourante était associée et gérante de C______. Elle décidait donc elle-même de l'organisation de son travail, ne dépendait de personne du point de vue de l'économie de l'entreprise et supportait le risque économique. Elle était ainsi son propre employeur et devait être considérée comme ayant eu le statut d'indépendante. D'ailleurs, dans son recours, elle exposait avoir obtenu un « prêt COVID-19 ». Or, ces prêts n'étaient accordés qu'aux personnes indépendantes. Quant à l'activité déployée auprès de D______, la recourante avait déclaré, dans son courrier du 15 juin 2023, qu'il s'agissait d'un « free-lance à distance », autrement dit d'une activité exercée à titre indépendant. L'intimé en a tiré la conclusion que la recourante n'avait exercé aucune activité salariée, au taux minimal de 40%, durant l'année 2021, et qu'elle n'avait donc pas le droit aux PCFam en 2021.

Enfin, la demande de remise de l'obligation de restituer ne pouvait être examinée qu'une fois la décision de restitution entrée en force.

c. Par lettre du 10 novembre 2023, le conseil de la recourante a informé la chambre de céans qu'il avait cessé d'occuper.

d. Dans sa réplique du 14 novembre 2023, la recourante, agissant en personne, a persisté dans ses conclusions.

Elle a allégué avoir perçu un salaire de CHF 5'502.40 pour l'année 2021 de C______, et non pas un prêt. Ce terme avait été employé par erreur dans son acte de recours. À cet effet, elle a produit un certificat de salaire établi par cette société le 15 janvier 2022 faisant état de ce montant à titre de salaire. Elle a ajouté que dans sa déclaration fiscale 2021, ce montant figurait sous la rubrique « salaires » et non pas « dettes ».

Elle a contesté avoir eu une activité indépendante en 2021, en se référant au contrat de travail qu'elle avait conclu avec C______.

De même, elle avait été employée par D______, et le salaire perçu ressortait de la déclaration fiscale 2021. Elle a également joint un certificat de salaire établi par cette société le 28 janvier 2022 faisant état d'un salaire de CHF 23'816.- en 2021.

Elle en a conclu avoir exercé une activité salariée en 2021, et en conséquence, avoir droit aux PCFam pour cette année.

e. Copie de cette écriture et de ses annexes a été transmise à l'intimé pour information.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 3 let. a de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations cantonales complémentaires du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25) concernant les prestations complémentaires familiales au sens de l’art. 36A LPCC en vigueur dès le 1er novembre 2012.

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Selon l’art. 1A al. 2 LPCC, les prestations complémentaires familiales sont régies par les dispositions figurant aux titres IIA et III de la LPCC, les dispositions de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI du 6 octobre 2006 (loi sur les prestations complémentaires ; LPC - RS 831.30) auxquelles la LPCC renvoie expressément, les dispositions d'exécution de la loi fédérale désignées par règlement du Conseil d'État et la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830).

1.3 Interjeté dans la forme (art. 61 let. b LPGA) et le délai (art. 56 al. 1 et 60 LPGA ; art. 43 LPCC) prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais pour la période du 15 juillet au 15 août inclusivement (art. 38 al. 4 let. b LPGA et art. 43B let. b LPCC), le recours est recevable.

2.             Le litige porte sur le bien-fondé de la demande de restitution de CHF 22'004.- à titre de PCFam pour la période du 1er janvier 2021 au 30 avril 2023, singulièrement sur le montant à comptabiliser à titre de gain d'activité lucrative.

3.              

3.1 À teneur de l’art. 1 al. 2 LPCC, les familles avec enfant(s) ont droit à un revenu minimum cantonal d'aide sociale, qui leur est garanti par le versement de prestations complémentaires cantonales pour les familles, appelées prestations complémentaires familiales.

Ont droit aux prestations complémentaires familiales les personnes qui, entre autres conditions cumulatives, exercent une activité lucrative salariée (art. 36A al. 1 let. c LPCC).

3.2 L'art. 36D al. 1 LPCC prévoit que le montant annuel des prestations complémentaires familiales correspond à la part des dépenses reconnues au sens de l'art. 36F LPCC qui excède le revenu déterminant au sens de l'art. 36E LPCC, mais ne doit pas dépasser le montant prévu à l'art. 15 al. 2 LPCC.

Le revenu déterminant est calculé conformément à l'art. 11 LPC moyennant les adaptations suivantes : les ressources en espèces ou en nature provenant de l'exercice d'une activité lucrative sont intégralement prises en compte (art. 36E al. 1 let. a LPCC).

4.             Selon le principe inquisitoire qui régit la procédure en matière d’assurances sociales (art. 43 al. 1 LPGA), il appartient à l’administration ou au juge d'établir d'office les faits déterminants pour la solution du litige et d'administrer, le cas échéant, les preuves nécessaires. En principe, les parties ne supportent ni le fardeau de l'allégation ni celui de l'administration des preuves. Cette maxime doit cependant être relativisée par son corollaire, soit le devoir de collaborer des parties, lequel comprend l'obligation d'apporter, dans la mesure où cela est raisonnablement exigible, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués. Si le principe inquisitoire dispense les parties de l'obligation de prouver, il ne les libère pas du fardeau de la preuve, dans la mesure où, en cas d'absence de preuve, c'est à la partie qui voulait en déduire un droit d'en supporter les conséquences, sauf si l'impossibilité de prouver un fait peut être imputée à la partie adverse (ATF 139 V 176 consid. 5.2 et arrêt du Tribunal fédéral 9C_97/2020 du 10 juin 2020 consid. 3.1). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait dans le doute statuer en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a). Le défaut de preuve va au détriment de la partie qui entendait tirer un droit du fait non prouvé (arrêt du Tribunal fédéral 8C_591/2015 du 19 janvier 2016 consid. 5.3).

5.              

5.1 En l'espèce, la question de savoir si la recourante a exercé une activité indépendante en 2021, auquel cas elle ne peut pas avoir droit aux PCFam (cf. art. 36A al. 1 let. c LPCC a contrario), peut demeurer ouverte, car même dans l'hypothèse où l'on admettait qu'elle avait le statut de salariée, comme elle le prétend, il y a lieu de réformer la décision attaquée à son détriment.

En effet, le dossier contient des informations contradictoires en ce qui concerne la perception ou non par la recourante d'un salaire de la société C______ durant la période litigieuse de janvier 2021 à avril 2023. La recourante a allégué que cette société avait été mise en faillite, puis placée en liquidation. Or, selon les données figurant sur le registre du commerce du canton de Genève, cette société n'a pas été dissoute par suite de faillite. En janvier 2024, après le prononcé de la décision attaquée, celle-ci a changé de raison sociale et de but seulement. Ceci étant précisé, la recourante a, dans un premier temps, annoncé avoir reçu de C______ un salaire brut de CHF 19'900.- en 2021 et de CHF 20'160.- en 2022. Cela ressort du certificat de salaire établi par cette société le 15 janvier 2022, respectivement le 15 janvier 2023. Le montant de CHF 20'160.- concorde du reste avec celui du salaire mensuel brut (CHF 1'680.- [× 12]) indiqué sur les décomptes de salaire des mois d'octobre à décembre 2022. Ces cinq documents étaient joints à une lettre de la recourante du 4 février 2023. À la suite de la décision de restitution du 27 avril 2023, la recourante a affirmé, de manière discordante, ne pas avoir touché de salaire ni en 2021 ni en 2022 en dépit du travail qu'elle avait effectué pour C______, puis avoir commencé à collaborer avec D______ depuis novembre 2021. Elle a annexé à son courrier du 7 mai 2023 un formulaire signé le 3 mars 2023 à l'attention de l'OCAS dans lequel C______ mentionnait ne pas avoir versé de salaires soumis à cotisations. Ce document vient toutefois contredire le certificat de salaire du 15 janvier 2023, ainsi qu'avec les décomptes de salaire d'octobre à décembre 2022 précités, qui avaient été établis antérieurement à la signature dudit formulaire. Par ailleurs, dans son acte de recours, la recourante a relevé que le montant de CHF 5'502.- inscrit dans sa déclaration fiscale 2021 provenait d'un prêt COVID-19 qu'elle avait obtenu alors qu'elle travaillait pour C______. Après que l'intimé ait fait remarquer que ces prêts n'étaient accordés qu'aux personnes indépendantes, la recourante a déclaré avoir perçu un salaire (sic) de CHF 5'502.- de C______ en 2021 (sic).

Au vu de ces informations divergentes, le 5 juin 2023, l'intimé a invité la recourante à répondre notamment aux questions suivantes : « qui établissait ses fiches de salaire et ses certificats de salaire ? Pour quelle raison C______ avait établi un certificat de salaire le 15 janvier 2023 mentionnant lui avoir versé un salaire de CHF 18'860.- (net) en 2022, puis un autre le 15 mars 2023 indiquant une somme de CHF 0.- à ce titre en 2022 ? Pour quelle raison, n'avait-elle perçu aucun salaire en 2022 et 2023 ? Quelles démarches avait-elle entreprises contre cette société ? Quand son contrat de travail avait pris fin ? ». L'intimé lui demandait également de lui transmettre une attestation de C______ certifiant la fin des rapports contractuels, ses contrats de travail avec les différentes sociétés en cause, y compris E______, toutes ses fiches de salaire et certificats de salaire, ainsi que ses relevés bancaires détaillés de tous ses comptes bancaires/postaux de janvier 2021 à juin 2023.

Or, la recourante n'a répondu à aucune de ces questions, ni produit l'attestation, le contrat de travail avec E______ et les relevés bancaires/postaux requis, ce que l’intimé a relevé dans sa réponse du 13 octobre 2023. Dans sa réplique du 14 novembre 2023, la recourante n’a pas davantage produit de justificatif, ni répondu aux questions en suspens. Dans ces circonstances, il convient d’accorder la préférence aux premières déclarations de la recourante, faites alors qu’elle en ignorait peut-être les conséquences juridiques, les explications nouvelles pouvant être – consciemment ou non – le fruit de réflexions ultérieures (ATF 121 V 47 consid. 2a ; ATF 115 V 143 consid. 8c). Ainsi, la chambre de céans retiendra que la recourante a perçu de C______ un revenu brut de CHF 19'900.- en 2021 et de CHF 20'160.- en 2022.

Pour 2021, le salaire de CHF 19'900.-, ajouté à ceux non contestés de CHF 23'816.- et de CHF 150.- (reçus de D______, respectivement de l'État de Genève), laisse apparaître un gain d'activité lucrative de CHF 43'866.-, lequel est supérieur à celui comptabilisé dans le plan de calcul joint à la décision de restitution, soit CHF 39'907.75. Dans ce cas, le total du revenu déterminant (CHF 70'283.- selon ledit plan de calcul) se monte à CHF 74'241.25 (70'283 - 39'907.75 + 43'866). Dans la mesure où le revenu déterminant de la recourante excédait ses dépenses reconnues en 2021 (CHF 73'034.-), elle ne pouvait prétendre aux PCFam (cf. art. 36D al. 1 LPCC a contrario).

Pour 2022, l'intimé a tenu compte d'un gain d'activité lucrative de CHF 53'317.-. Le revenu brut de CHF 20'160.- perçu de C______ en 2022 d'après le certificat de salaire du 15 janvier 2023 additionné à celui obtenu de CHF 32'500.- de E______ selon la déclaration fiscale 2022 aboutit à un gain d'activité lucrative de CHF 52'660.-. Le total du revenu déterminant (CHF 76'639.- selon le plan de calcul), qui se monte alors à CHF 75'982.- (76'639 - 53'317 + 52'660), est supérieur aux dépenses reconnues (CHF 72'791.-). Ainsi la recourante n'avait-elle pas non plus droit auxdites prestations en 2022.

Il en va de même pour 2023. Selon ce plan de calcul, le total du revenu déterminant (CHF 76'771.-), qui comprend un gain d'activité lucrative de CHF 53'317.-, est supérieur aux dépenses reconnues (CHF 74'221.-). Vu le défaut de collaboration de la recourante et l'absence de justificatifs produits, comme relevé supra, même à retenir un revenu déterminant total de CHF 76'114.- pour 2023 (76'771 - 53'317 + 52'660), ce dernier reste supérieur aux dépenses reconnues.

Au vu de ce qui précède, les prestations versées du 1er janvier 2021 au 30 avril 2023 à hauteur de CHF 33'244.- l'avaient été à tort. En déduisant de ce montant le subside de CHF 6'416.- que l'intimé ne réclame pas (cf. courrier du 27 avril 2023), la somme à restituer s'élève à CHF 26'828.-, ce qui conduit à la reformatio in peius (cf. art. 61 let. d LPGA) de la décision querellée qui exigeait le remboursement de CHF 22'004.-. Il sera souligné que la chambre de céans, par pli du 17 octobre 2023, a donné l'occasion à la recourante de se prononcer à ce sujet, en attirant son attention sur le fait que l'intimé concluait à la reformatio in peius de cette décision. Or, la recourante a maintenu sa position.

6.              

6.1 Selon l'art. 25 al. 1 1re phrase LPGA, applicable aux PCFam par renvoi de l’art. 1A al. 2 let. c LPCC, les prestations indûment touchées doivent être restituées.

Cela implique que soient réunies les conditions d'une reconsidération (art. 53 al. 2 LPGA) ou d'une révision procédurale (art. 53 al. 1 LPGA) de la décision par laquelle les prestations ont été accordées (ATF 130 V 318 consid. 5.2).

En vertu de l'art. 25 al. 2 phr. 1 LPGA (dans sa teneur en vigueur à compter du 1er janvier 2021), le droit de demander la restitution s'éteint trois ans après le moment où l'institution d’assurance a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation.

6.2 En l'occurrence, l'intimé a recalculé le droit aux PCFAm de la recourante pour la période de janvier 2021 à avril 2023, après avoir réceptionné certaines pièces requises dans le cadre de la révision périodique du dossier initiée en janvier 2023, sur la base desquelles il a mis à jour le montant du gain d'activité lucrative. En demandant la restitution du trop-perçu le 27 avril 2023 et en faisant rétroagir sa décision au 1er janvier 2021, il a respecté les délais de péremption de l'art. 25 al. 2 LPGA.

Il est vrai que selon l'art. 25 al. 1 2e phrase LPGA, la restitution ne peut être exigée lorsque l’intéressé était de bonne foi et qu’elle le mettrait dans une situation difficile. Il s'agit toutefois là de deux conditions concernant la remise de l'obligation de restituer, laquelle ne pourra être traitée qu'une fois la décision de restitution entrée en force (cf. art. 4 al. 4 de l'ordonnance sur la partie générale du droit des assurances sociales du 11 septembre 2002 [OPGA - RS 830.11]). À ce stade, il n'est donc pas possible d'examiner ces deux conditions (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_118/2022 du 9 août 2022 consid. 4.3.2).

7.             Au vu de ce qui précède, le recours, mal fondé, sera rejeté et la décision dont est recours réformée dans le sens des considérants.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Réforme la décision sur opposition du 8 août 2023 en défaveur de la recourante en ce sens que cette dernière doit restituer un montant de CHF 26'828.- à l'intimé à titre de prestations complémentaires familiales indûment perçues pour la période du 1er janvier 2021 au 30 avril 2023.

4.        Dit que la procédure est gratuite.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Sylvie CARDINAUX

 

La présidente

 

 

 

 

Eleanor McGREGOR

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le