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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1901/2023

ATAS/435/2024 du 11.06.2024 ( LAMAL ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1901/2023 ATAS/435/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 11 juin 2024

Chambre 15

 

En la cause

A______

 

recourante

 

contre

SERVICE DE L'ASSURANCE-MALADIE

 

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée), née le ______ 2000, a fait une demande de subsides à l’assurance-maladie auprès du service de l'assurance-maladie (ci-après : SAM), le 26 avril 2019, en annonçant un changement de situation économique et familiale à la suite du décès de sa mère (le ______ 2018). Elle avait envoyé les documents nécessaires au calcul de son revenu déterminant unifié (RDU) provisoire, c'est-à-dire ses attestations de revenu, un justificatif d'allocations familiales, l'état de tous ses comptes bancaires au 31 décembre 2018, ainsi que son attestation de propriété immobilière datant du 15 février 2019 avec sa valeur fiscale en page 4.

b. Le SAM a fixé le revenu déterminant pour 2019 à CHF 20'635.- en indiquant s’être fondé sur la documentation transmise et a notifié une décision par laquelle il accordait à l’assurée un subside mensuel provisoire de CHF 241.- par mois pour l'année 2019. La décision indiquait « Par ailleurs, s'il s'avère, lors de la taxation 2019, que votre RDU fiscal est supérieur d’au moins Fr. 10'000.- à votre revenu déterminant actuel, les subsides seront considérés comme indûment perçus et devront être restitués (…) ».

c. Une fois en possession des éléments retenus par l'administration fiscale cantonale (AFC) s’agissant de la situation de l’assurée en 2019, le SAM a constaté que le RDU 2019 s'élevait à CHF 44'056.-, de sorte que l’assurée n’aurait pas dû bénéficier d'un subside pour l'année 2019.

d. Par décision datée du 4 février 2022, le SAM a demandé à l’assurée la restitution des subsides d'assurance-maladie reçus du 1er janvier au 31 décembre 2019 d’un montant de CHF 2'892.-, en indiquant qu’il existait une différence supérieure à CHF 10'000.- entre le RDU provisoire et le RDU définitif 2019. Cette différence était due, selon les termes de la décision, au fait que l’assurée n’avait pas annoncé sa fortune immobilière.

e. Par courrier du 28 février 2022, l’assurée a formé opposition à la décision de restitution, en faisant valoir sa bonne foi et sa situation difficile.

f. Durant le mois de mars 2023, l’assurée a eu un échange téléphonique et par courriel avec Madame B______ du SAM, laquelle lui avait dit avoir bien reçu l’attestation de propriété immobilière lors de la demande de subsides d'assurance-maladie datant du 26 avril 2019. Le SAM retenait uniquement les arguments de bonne foi et d'une situation financière difficile sans prendre en compte le fait qu’elle avait annoncé toute sa fortune immobilière lors de sa demande de subside ou le fait que le SAM avait calculé de manière erronée son RDU 2019.

g. Le SAM a sollicité la production de pièces de l’assurée, laquelle les a transmises par courrier électronique du 13 mars 2023 en confirmant sa volonté de former opposition à la décision de restitution.

h. Par décision sur opposition du 15 mai 2023, le SAM l’a rejetée et a confirmé sa décision. Le RDU pour une personne seule sans charge légale ne devait pas dépasser le montant de CHF 38’000.- pour que celle-ci puisse bénéficier de subsides pour l'année 2019. Le RDU de l’assurée s’étant élevé à CHF 44'056.-, et non à CHF 20'635.-, l’assurée avait reçu à tort des subsides. Quant à la demande de remise, elle était prématurée.

i. L’assurée a indiqué que lors d'un appel téléphonique avec B______, le 23 mai 2023, cette dernière avait confirmé que la personne chargée de calculer son RDU 2019 provisoire avait fait une erreur de calcul et n'avait pas pris en compte sa fortune.

B. a. Par acte du 5 juin 2023, l’assurée a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : chambre des assurances sociales) d’un recours contre cette décision, en concluant à son annulation. En se basant sur les pièces envoyées à l’appui de la demande de subsides d'assurance-maladie du 26 avril 2019, l’assurée calculait un RDU 2019 provisoire fondé sur la somme de ses revenus additionnés au 1/15e de sa fortune totale, soit un RDU 2019 provisoire de CHF 34'912.- et non de CHF 20'635.-. La différence était dès lors de CHF 9'144.- (soit CHF 44'056.- - CHF 34'912.-). La raison principale de cette différence résidait dans le fait que l’assurée avait été engagée chez C______ en août 2019, soit trois mois après avoir soumis sa demande de subsides pour l'année 2019. Cette différence de CHF 9'144.-, donc inférieure à CHF 10'000.-, n’aurait ainsi pas dû donner lieu à une demande de restitution.

b. Par réponse du 4 juillet 2023, le SAM a conclu au rejet du recours.

c. À l’issue de l’échange d’écritures, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 L’art. 36 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 29 mai 1997 (LaLAMal - J 3 05), en matière de subside au prime d’assurance-maladie (par renvoi de l’art. 36 de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 18 mars 1994 [LAMal - RS 832.10]), prévoit que les décisions sur opposition, et celles contre lesquelles la voie de l’opposition n’est pas ouverte, peuvent faire l’objet d’un recours auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice dans un délai de 30 jours à partir de leur notification.

Selon l’art. 36 al. 2 LaLAMal, la procédure devant la chambre de céans est réglée par les art. 89A à 89I de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

1.2 Interjeté devant l’instance compétente, dans les formes prévues par la loi (cf. art. 89B LPA) et dans le délai de recours de 30 jours (art. 36 al. 1 LaLAMal), le recours est recevable.

2.              

2.1 Le 1er janvier 2020, les modifications du 19 mai 2019 des art. 21 et 22 LaLAMal (limites de revenu et montant des subsides) sont entrées en vigueur.

Sur le plan matériel, du point de vue temporel, sous réserve de dispositions particulières de droit transitoire, le droit applicable est déterminé par les règles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et les références ; 132 V 215 consid. 3.1.1 et les références).

2.2 En l’espèce, la décision de restitution du 4 février 2022 porte sur le montant des subsides de l’assurance-maladie pour l’année 2019, de sorte que les dispositions applicables concernant cette question seront citées dans leur teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2019. La modification des art. 21 et 22 LaLAMal du 19 mai 2019, entrée en vigueur le 1er janvier 2020, n'est pas applicable au litige.

3.             L’objet du litige consiste à déterminer si c’est à juste titre que l’intimé a requis de la part de la recourante le remboursement de CHF 2'892.- à titre de subsides d’assurance-maladie indûment perçus, par elle, pour l’année 2019.

4.              

4.1 Selon l’art. 65 al. 1 LAMal, les cantons accordent une réduction de primes aux assurés de condition économique modeste. Ils jouissent d'une grande liberté dans l'aménagement de la réduction des primes, dans la mesure où ils peuvent définir de manière autonome ce qu'il faut entendre par « condition économique modeste ».

À Genève, l’art. 19 LaLAMal prévoit que l’État accorde aux assurés de condition économique modeste des subsides destinés à la couverture totale ou partielle des primes de l’assurance-maladie, conformément aux art. 65 et suivants LAMal (al. 1). Le SAM est chargé notamment du versement des subsides destinés à la réduction des primes (cf. al. 3).

En vertu de l'art. 20 al. 1 LaLAMal, sous réserve des exceptions prévues par l'art. 27 (non réalisées en l’espèce), les subsides sont notamment destinés aux assurés de condition économique modeste (let. a).

Conformément à l'art. 21 al. 1 LaLAMal, sous réserve des assurés visés par l’art. 20 al. 2 et 3 (non applicable en l’espèce), le droit aux subsides est ouvert lorsque le revenu déterminant ne dépasse pas les montants suivants :

a) groupe A,

assuré seul, sans charge légale : CHF 18'000.-

b) groupe B,

assuré seul, sans charge légale : CHF 29'000.-

c) groupe C,

assuré seul, sans charge légale : CHF 38'000.-

Ces limites sont majorées de CHF 6’000.- par charge légale (art. 21 al. 2 LaLAMal).

4.2 Selon l’art. 21 al. 3 LaLAMal, le revenu déterminant est celui résultant de la loi sur le revenu déterminant unifié du 19 mai 2005 (LRDU - J 4 06).

Le droit aux subsides est ouvert pour l'année civile à venir (art. 23 al. 2 LaLAMal).

L’art. 13B RaLAMal prévoit que les assurés non bénéficiaires de subsides et les assurés bénéficiant de subsides en application de l’art. 21 al. 5 LaLAMal, dont la situation économique s’est durablement et notablement aggravée entre l’année de référence pour l’octroi des subsides et l’année d’ouverture du droit aux subsides peuvent solliciter l’octroi de ces derniers par une demande écrite adressée au SAM. Lorsque l’aggravation est considérée comme durable et notable (cf. art. 13B al. 2 et 3 RaLAMal), le droit aux subsides est calculé sur la base du revenu déterminant actualisé du groupe familial, établi conformément à la LRDU. Il naît le 1er janvier de l’année d’ouverture du droit aux prestations. Les limites de revenus fixées à l’art. 21 de la LaLAMal s’appliquent (art. 13B al. 4 RaLAMal).

Selon l’art. 13E al. 2 RaLAMal, lorsqu’il s’avère que le revenu déterminant de l’année d’octroi des subsides, calculé en application de la LRDU, […] dépasse les limites de revenus fixées par l’art. 21 de la LaLAMal et qu’il est supérieur d’au moins CHF 10'000.- au revenu calculé selon l’art. 13B al. 4 RaLAMal […], les subsides sont considérés comme indûment touchés. Le service en demande la restitution conformément à l’art. 33 LaLAMal.

5.             En l’espèce, à la suite d’une modification de la situation familiale et financière de la recourante, celle-ci s’est vue allouer par l’intimé un subside de CHF 241.- par mois en 2019.

L’intimé a calculé le RDU provisoire à CHF 20'635.-, sur la base des informations fournies par l’intéressée, en omettant cependant de prendre en compte le 1/15e de la fortune immobilière dont le montant ressortait d’une attestation de fortune jointe par la recourante à sa demande.

Force est ainsi de constater, et cela n’est pas contesté, que le RDU a été fixé de façon erronée à CHF 20'635.- alors qu’il aurait dû être arrêté à CHF 34'912.- sur la base de pièces produites par la recourante.

La recourante n’était pas en mesure de contester le montant erroné ou d’attirer l’attention de l’intimé sur son erreur puisque le courrier qu’elle a reçu du SAM indiquait que ce dernier s’était fondé sur les pièces produites par elle. Le SAM indiquait avoir de cette façon fixé le revenu déterminant pour 2019 à CHF 20'635.-, sans détailler les éléments pris en compte dans le calcul. Le courrier ne comportait pas d’annexe dans laquelle le montant aurait été expliqué. Dans ces circonstances, l’on ne saurait faire supporter à la recourante l’erreur commise par l’intimé au moment de fixer le droit provisoire aux subsides.

Le RDU a été, par la suite, fixé définitivement à CHF 44'056.-. La recourante explique, sans que cela ne soit contesté, que la différence entre CHF 34'912.- et CHF 44'056.- est due au fait qu’elle a eu un emploi durant quelques mois en 2019, après la demande de subsides.

En conséquence, si le RDU provisoire avait été établi initialement conformément à la LRDU, en tenant compte de la fortune immobilière de la recourante, cette dernière aurait perçu des subsides calculés sur la base d’un RDU de CHF 34’912.- en 2019.

Une fois le RDU définitif fixé à CHF 44’056.-, l’intimé aurait constaté que ce montant n’était pas supérieur d’au moins CHF 10'000.- au revenu calculé selon l’art. 13B al. 4 RaLAMal à CHF 34'912.-.

Dans ces circonstances, les subsides ne peuvent pas être considérés comme indûment touchés.

L’intimé n’est pas fondé à en demander la restitution sur la base de l’art. 33 LaLAMal.

Pour ces motifs, le recours est bien fondé et la décision de restitution sera annulée.

Pour le surplus, la procédure est gratuite.


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision de restitution du 15 mai 2023.

4.        Dit que la procédure est gratuite.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie KOMAISKI

 

La présidente

 

 

 

 

Marine WYSSENBACH

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le