Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/404/2024 du 03.06.2024 ( LAA ) , ADMIS
En droit
rÉpublique et | 1.1canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
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A/1950/2023 ATAS/404/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 3 juin 2024 Chambre 6 |
En la cause
A______
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recourant |
contre
SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS
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intimée |
A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né le ______ 1989, est employé auprès de B______ (ci-après : l’employeur) depuis le 27 mars 2019 comme flight attendant et auprès de C______ SARL depuis le 26 décembre 2020 comme livreur et est assuré à ces titres contre le risque accidents auprès de la SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D’ASSURANCE EN CAS D’ACCIDENTS (ci-après : SUVA).
b. En avril 2017, l’assuré a été victime d’un accident de sport et a subi une ligamentoplastie du genou droit le 19 juin 2017 en France (Paris).
c. L’assuré a déclaré à la SUVA un accident du 8 septembre 2019, laquelle l’a pris en charge. Alors qu’il jouait au football lors d’un tournoi de son ancien employeur, son genou avait tourné sur un mauvais contact. Il avait ressenti une vive douleur et ne pouvait plus étendre la jambe (déclaration d’accident du 19 septembre 2019). Il a consulté la docteure D______, spécialiste FMH en médecine interne générale, laquelle a prescrit un arrêt de travail du 9 au 23 septembre 2019 et des séances de physiothérapie. Le 23 septembre 2019, elle a constaté un épanchement et une limitation à la flexion et à l’extension.
d. Le 11 mars 2022, sur son lieu de travail et alors qu’il marchait, il s’est blessé au genou droit. Il a indiqué dans la déclaration d’accident à la SUVA : « je marchais et j’allais entrer dans le C1 lorsque mon genou s’est tordu sur un mauvais appui ». Il a ressenti une vive douleur, avec une impossibilité de marcher et poser le pied (cf. déclaration d’accident à la SUVA du 14 mars 2022).
B. a. Le 11 mars 2022, la Dre D______ a attesté d’une incapacité de travail totale du 11 au 27 mars 2022 et, le 24 mars 2022, de diagnostics d’entorse du genou droit nécessitant de la physiothérapie et une attelle ainsi que d’une opération du ligament croisé antérieur (LCA) et du ménisque en 2017, suite à un accident. Un avis orthopédique était demandé.
b. Une IRM du genou droit, du 21 mars 2022, a conclu à une déchirure en anse de seau du ménisque médial avec luxation dans l’échancrure, de lésions cartilagineuses superficielles de grade II de la zone portante fémoro-tibiale médiale, d’un statut post plastique du LCA avec intégrité du néo-ligament et statut post réinsertion du tenseur du fascia lata sans anomalie, d’un nodule fibreux de type cyclope 13 x 12 x 11 mm du secteur antérieur de l’échancrure, avec minime infiltration cicatricielle fibreuse de la graisse de Hoffa et d’un épanchement intra-articulaire de faible abondance avec synovite. Sous indication, il est relevé qu’il s’agit d’une récidive de traumatisme en 2019, avec épisodes d’instabilité depuis.
c. Le 24 mars 2022, le docteur E______, spécialiste FMH en orthopédie et traumatologie, a attesté d’un arrêt de travail du 28 au 31 mars 2022.
d. Le 25 mars 2022, l’assuré a rempli un formulaire accident, en indiquant qu’il avait fait un faux pas.
e. Le département de chirurgie des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) a certifié un arrêt de travail du 1er avril 2022 au 27 juin 2022, puis du 1er juillet au 9 septembre 2022.
f. Lors d’une consultation ambulatoire initiale du 28 mars 2022 (rapport du 20 avril 2022), les docteurs F______ et G______, médecins internes du département de chirurgie des HUG, ont posé le diagnostic de lésion en anse de seau du ménisque interne droit et un antécédent de plastie de ligament LCA au DT4 avec vis d’interférence en titane, plastie ALL par gracilis avec suture de anse interne du genou droit le 19 juin 2017. Une indication chirurgicale était retenue. L’assuré était connu pour une plastie du LCA en 2017 qui lui avait permis de reprendre le foot en 2018, puis stoppé secondairement en raison d’une sensation d’instabilité.
g. Le 11 avril 2022, l’assuré a subi une arthroscopie du genou droit (re-plastie du LCA, ténodèse latérale et méniscectomie) par les docteurs H______ et F______ du service de chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil moteur des HUG.
h. Le 7 mai 2022, l’assuré a indiqué à la SUVA que « je marchais et j’allais entrer dans le C1 lorsque mon genou s’est tordu sur un mauvais appui. J’ai ressenti une vive douleur et je ne pouvais plus marcher correctement en posant le pied. Je ne peux plus tendre la jambe entièrement et éprouve des difficultés pour marcher ».
i. La prescription de physiothérapie du département de chirurgie des HUG du 24 juin 2022 mentionne un diagnostic d’insuffisance de la plastie du LCA et récidive d’anse de seau du ménisque interne.
j. Le 12 août 2022, le docteur I______, spécialiste FMH en orthopédie, médecin conseil de la SUVA, a estimé que la lésion était une rechute de l’accident de 2017.
k. Le 23 août 2022, le Dr I______ a rendu une appréciation médicale. Selon le rapport d’IRM du 21 mars 2022, l’assuré présentait des épisodes d’instabilité chronique depuis 2019. En l’état du dossier, on ne pouvait retenir un lien de causalité entre l’événement de mars 2022 et l’instabilité résiduelle, car l’assuré présentait des épisodes d’instabilité dans un contexte de suture méniscale et plastie ancienne du LCA. Il s’agissait effectivement d’un état antérieur, car l’assuré avait des antécédents de chirurgie, qui aurait pu être décompensé par l’événement du 11 mars 2022 mais un retour à l’état antérieur devrait âtre acté au plus tard trois mois après. Il convenait de demander tous les documents médicaux, dont les rapports de chirurgie avant 2019.
l. Le 30 août 2022, la SUVA a informé l’assuré que l’événement du 11 mars 2022 n’était pas un accident, qu’il n’y avait pas de lésion assimilée à un accident et que les troubles étaient en lien avec l’accident survenu en 2017 et assuré en France.
m. Le 8 septembre 2022, l’assuré a écrit à la SUVA. Le traumatisme du 11 mars 2022 relevait bien d’un accident et était indépendant de l’opération de 2017 et de l’accident de 2019, lequel avait d’ailleurs été pris en charge par la SUVA. Il avait pleinement récupéré depuis son accident de 2019, mais si la SUVA devait considérer qu’il présentait une instabilité chronique depuis 2019, elle devait couvrir le cas. Enfin, le Dr I______ avait sollicité des documents médicaux pour pouvoir se prononcer définitivement.
n. Le 6 octobre 2022, le Dr I______, après avoir pris connaissance du rapport opératoire du 19 juin 2017, a estimé qu’une instabilité du genou droit était présente avant le sinistre de 2019, les HUG indiquant une opération du genou droit en 2018. Il n’y avait pas de lésion assimilée. Les anomalies étaient très probablement la conséquence de l’instabilité chronique suite au sinistre et à l’opération faite à Paris.
o. Le 7 octobre 2022, la SUVA a maintenu sa décision du 8 septembre 2022 (sic).
p. Le 11 octobre 2022, l’assuré a contesté avoir reçu une décision formelle de la SUVA. Il n’avait jamais subi d’opération en 2018. Par ailleurs, le Dr I______ faisait référence à un avis des HUG qui confirmerait une instabilité avant 2019. La SUVA était priée de fournir notamment cet avis.
q. Par décision du 15 novembre 2022, la SUVA a refusé d’allouer à l’assuré des prestations suite à l’événement du 11 mars 2022, au motif que les troubles annoncés étaient imputables à l’accident de 2017, assuré en France.
r. Le 16 novembre 2022, le Dr F______ a rendu une attestation, selon laquelle l’assuré avait pleinement récupéré de son opération de 2017, sans douleurs ni instabilité et que, depuis l’accident de 2019, le genou droit était instable dans la pratique sportive. La distension de la greffe du LCA, entrainant une instabilité du genou droit, découlait vraisemblablement de l’accident de 2019.
s. Le 1er décembre 2022, l’assuré a fait opposition à la décision précitée. L’accident de 2019 était occulté de manière arbitraire par la SUVA, qui l’avait pris en charge, alors que l’instabilité de son genou droit était survenue depuis cet accident.
t. Le 13 avril 2023, le Dr I______ a rendu une appréciation médicale. Le 20 avril 2022, les HUG évoquaient clairement des sensations d’instabilité lors de la reprise du football en 2018. Or, l’attestation du Dr F______ était contradictoire car seul l’accident de 2019 était considéré comme responsable de l’instabilité du genou droit. Il existait donc, selon toute vraisemblance, une instabilité symptomatique avant l’accident de 2019. La déchirure en anse de seau n’était que la conséquence naturelle de l’instabilité résiduelle présente depuis 2018.
u. Par décision du 10 mai 2023, la SUVA a rejeté l’opposition de l’assuré. L’événement du 11 mars 2022 n’était pas un accident et le Dr I______ avait attesté d’une instabilité du genou droit préexistante à l’accident de 2019.
C. a. Le 9 juin 2023, l’assuré a recouru auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice à l’encontre de la décision précitée, en concluant à son annulation et à la prise en charge des conséquences de l’événement du 11 mars 2022. Celui-ci était un accident (faux mouvement effectué suite à une légère glissade). Les avis du Dr F______ n’étaient pas contradictoires mais complémentaires car l’instabilité ressentie après la reprise du football en 2018, était celle liée à l’événement de 2019, lequel avait été considéré par le SUVA comme un nouvel accident.
L’événement du 11 mars 2022 était un accident L’assuré a transmis une attestation de Monsieur J______, maître de cabine, selon laquelle il avait vu l’assuré glisser sur le tapis à l’entrée du C1 le 11 mars 2022.
b. Le 14 août 2023, la SUVA a conclu au rejet du recours.
c. Le 30 août 2023, l’assuré a répliqué.
d. Le 2 janvier 2024, la chambre de céans a entendu les parties en audience de comparution personnelle.
Le recourant a déclaré que suite à l’intervention de juin 2017, il avait pu reprendre une activité sportive (football) qu’il avait débutée en septembre 2018, que lors d’un match il avait été victime d’une torsion du genou droit en septembre 2019 qui avait nécessité de la physiothérapie. Depuis, il ressentait des douleurs en marchant et parfois de petites instabilités. Après l’opération suite à l’événement de mars 2022, son genou était totalement remis.
Le représentant de la SUVA a indiqué que l’accident de 2019 était un cas bagatelle, non instruit mais pris en charge par la SUVA.
e. Le 24 janvier 2024, le recourant a produit une feuille personnelle des joueurs à son nom, de l’association suisse de football, l’indiquant comme « actif » du 19 août 2018 au 23 juin 2019 pour le L______.
f. Le 11 mars 2024, le Dr I______ a rendu une appréciation médicale, selon laquelle il était difficile plusieurs années après de considérer que l’événement de mars 2019 puisse être responsable de la symptomatologie ultérieure de ce sinistre. L’instabilité du genou était présente en 2018 selon le rapport des médecins des HUG en 2022. L’instabilité du genou était probablement responsable des symptômes observés lors du match de septembre 2019. Le football avait été stoppé en raison de sensations d’instabilité, lesquelles étaient déjà présentes lors des activités de boxing, ainsi qu’à la descente des escaliers mais sans blocage. La fiche de joueur ne confirmait pas que le recourant puisse réaliser les entrainements, le jeu ou les activités habituelles de footballeur. La contradiction du Dr F______ était assez claire car il évoquait l’instabilité que son patient présentait avant l’épisode de 2019, ressentie en 2018, avant le sinistre assuré par la SUVA. Il s’agissait des conséquences de l’intervention réalisée en France. Les suites de cette chirurgie, qui n’étaient pas favorables, étaient assez clairement établies dans le rapport du 10 avril 2022 des HUG. L’instabilité était la conséquence d’un mauvais résultat de l’intervention chirurgicale réalisée en 2017 ; celle-ci n’avait pas permis d’obtenir une récupération car l’assuré avait dû stopper le football en 2018 en raison de l’instabilité. Il maintenait son avis.
g. Le 13 mars 2024, la SUVA a relevé que l’avis du Dr F______ du 16 novembre 2022 était en porte-à-faux avec son rapport initial du 20 avril 2022 et qu’on pouvait se demander s’il n’avait pas été rédigé pour les besoins de la cause. Le recourant ne pouvait pas se prévaloir du témoignage de J______, dont il n’était pas prouvé qu’il travaillait pour l’employeur.
h. Le 16 avril 2024, le recourant a observé qu’il était difficile de comprendre comment le Dr I______ pouvait affirmer que l’intervention de 2017 était en lien direct avec l’incident de 2022, alors même qu’il indiquait qu’il était difficile d’établir que l’incident de 2019 était responsable du sinistre de 2022.
La SUVA avait pris en charge son accident de 2019 sans réserve. Or, le Dr I______ affirmait maintenant que l’accident de 2019 avait un lien avec l’intervention de 2017. Il maintenait qu’il avait repris une activité sportive après l’opération de 2017 jusqu’à l’incident de 2019. Le Dr F______ avait indiqué que le football, repris en 2018, avait été stoppé secondairement ce qui, contrairement aux affirmation du Dr I______ et de l’intimée, ne voulait pas dire que le football avait été stoppé en 2018. Il avait été stoppé suite à l’incident de 2019. Le rapport du Dr F______ du 16 novembre 2023 ne contredisait pas celui d’avril 2022 puisqu’il disait, dans les deux, que le football avait été repris en 2018 puis interrompu par la suite, soit après l’incident de 2019. Le Dr I______ et l’intimée contestaient sa participation aux entrainements et aux matchs de football, alors que l’incident de septembre 2019 s’était bien produit lors d’un match de football. Enfin, la SUVA remettait en cause l’attestation de J______, de sorte qu’il produisait un courrier de B______ attestant, le 29 janvier 2020, que J______ était maitre de cabine Europe depuis le 16 décembre 2019.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 À teneur de l'art. 1 al. 1 LAA, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-accidents, à moins que la loi n'y déroge expressément.
1.3 Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).
1.4 La modification du 25 septembre 2015 de la LAA est entrée en vigueur le 1er janvier 2017.
1.5 Dans la mesure où l'accident est survenu après cette date, le droit du recourant aux prestations d'assurance est soumis au nouveau droit (cf. dispositions transitoires relatives à la modification du 25 septembre 2015 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_662/2016 du 23 mai 2017 consid. 2.2). Les dispositions légales seront citées ci-après dans leur teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2017.
1.6 Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]). Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 LPGA).
2. Le litige porte sur le bien-fondé du refus de l’intimée de prendre en charge les suites de l’événement du 11 mars 2022.
3.
3.1 Aux termes de l'art. 6 al. 1 LAA, l'assureur-accidents verse des prestations à l'assuré en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle. Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA). La notion d'accident se décompose ainsi en cinq éléments ou conditions, qui doivent être cumulativement réalisés : une atteinte dommageable ; le caractère soudain de l'atteinte ; le caractère involontaire de l'atteinte ; le facteur extérieur de l'atteinte ; enfin, le caractère extraordinaire du facteur extérieur. Il suffit que l'un d'entre eux fasse défaut pour que l'événement ne puisse pas être qualifié d'accident (ATF 142 V 219 consid. 4.31 ; ATF 129 V 402 consid. 2.1 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_159/2023 du 9 novembre 2023 consid. 3.1).
3.2 Suivant la définition même de l'accident, le caractère extraordinaire de l'atteinte ne concerne pas les effets du facteur extérieur, mais seulement ce facteur lui-même. Dès lors, il importe peu que le facteur extérieur ait entraîné des conséquences graves ou inattendues. Pour admettre la présence d’un accident, il ne suffit pas que l’atteinte à la santé trouve sa cause dans un facteur extérieur. Encore faut-il que ce facteur puisse être qualifié d’extraordinaire. Cette condition est réalisée lorsque le facteur extérieur excède le cadre des événements et des situations que l'on peut objectivement qualifier de quotidiens ou d'habituels, autrement dit des incidents et péripéties de la vie courante (ATF 134 V 72 consid. 1 ; ATF 129 V 402 consid. 2.1). Pour des lésions dues à l'effort (soulèvement, déplacement de charges notamment), il faut examiner de cas en cas si l'effort doit être considéré comme extraordinaire, en tenant compte de la constitution physique et des habitudes professionnelles ou autres de l'intéressé (arrêt du Tribunal fédéral 8C_827/2017 du 18 mai 2018 consid. 2.1). Il n'y a pas d'accident, au sens de ce qui précède, lorsque l'effort en question ne peut entraîner une lésion qu'en raison de facteurs maladifs préexistants, car c'est alors une cause interne qui agit, tandis que la cause extérieure – souvent anodine – ne fait que déclencher la manifestation du facteur pathologique (ATF 116 V 136 consid. 3b).
3.3 Selon la jurisprudence, le critère du facteur extraordinaire extérieur peut résulter d'un « mouvement non coordonné ». Lors d'un mouvement corporel, l'exigence d'une incidence extérieure est en principe remplie lorsque le déroulement naturel d'un mouvement corporel est influencé par un empêchement « non programmé », lié à l'environnement extérieur. Dans le cas d'un tel mouvement non coordonné, l'existence du facteur extérieur doit être admise, parce que le facteur extérieur – la modification entre le corps et l'environnement extérieur – constitue en même temps le facteur extraordinaire en raison du déroulement non programmé du mouvement (ATF 130 V 117 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_159/2023 du 9 novembre 2023 consid. 3.2 et les références). On peut ainsi retenir à titre d'exemples de facteurs extérieurs extraordinaires le fait de trébucher, de glisser ou de se heurter à un objet (RAMA 2004 n° U 502 p. 184 consid. 4.1 ; RAMA 1999 n° U 345 p. 422 consid. 2b). Le Tribunal fédéral a, dans un arrêt récent, nié le facteur extraordinaire chez un assuré qui avait monté un petit escalier normal en tenant quelque chose à la main (arrêt du Tribunal fédéral 8C_24/2022 du 20 septembre 2022, in SVR 2023 UV n° 13 p. 40).
À titre d’exemples, le Tribunal fédéral a jugé que si le geste de desserrer un écrou bloqué peut, en raison de la résistance présentée, entraîner une sollicitation générant une tension musculaire élevée, un mouvement de serrage n’excède en principe pas ce qui est physiologiquement normal et psychologiquement contrôlé dans les gestes de la vie courante (arrêt du Tribunal fédéral 8C_399/2014 du
22 mai 2015). Il a également nié le facteur extraordinaire chez un assuré qui avait monté un petit escalier normal en tenant quelque chose à la main (arrêt du Tribunal fédéral 8C_24/2022 du 20 septembre 2022, in SVR 2023 UV n° 13
p. 40).
4.
4.1 Aux termes de l’art. 6 al. 2 LAA dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2017, l’assurance alloue aussi ses prestations pour les lésions corporelles suivantes, pour autant qu'elles ne soient pas dues de manière prépondérante à l'usure ou à une maladie : les fractures (let. a) ; les déboîtements d'articulations (let. b) ; les déchirures du ménisque (let. c) ; les déchirures de muscles (let. d) ; les élongations de muscles (let. e); les déchirures de tendons (let. f) ; les lésions de ligaments (let. g) ; les lésions du tympan (let. h).
On précisera que l’art. 6 al. 2 LAA, dans sa version en vigueur jusqu’au 31 décembre 2016, conférait au Conseil fédéral la compétence d’étendre la prise en charge par l’assurance-accidents à des lésions assimilables à un accident. L’ancien art. 9 al. 2 de l'ordonnance sur l'assurance-accidents (OLAA - RS 832.202), adopté sur la base de cette disposition, contenait la liste exhaustive des lésions corporelles assimilées à un accident pour autant qu’elles ne fussent pas manifestement imputables à une maladie ou à des phénomènes dégénératifs. La liste des lésions énumérées par l’art. 6 al. 2 LAA dans sa nouvelle teneur est identique à celle auparavant contenue dans l’art. 9 al. 2 aOLAA.
4.2 Selon la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 9 al. 2 aOLAA, pour que des lésions corporelles puissent être qualifiées de semblables aux conséquences d’un accident, seul le caractère extraordinaire de l’accident pouvait faire défaut, mais l’existence d’une cause extérieure était en revanche indispensable (ATF 139 V 327 consid. 3.1). Dans son Message à l’appui de la révision de l’art. 6 al. 2 LAA, le Conseil fédéral a relevé que cette jurisprudence avait été source de difficultés pour les assureurs-accidents et d’insécurité pour les assurés. C’est pourquoi une nouvelle réglementation faisant abstraction de l’existence d’une cause extérieure a été proposée, conformément à la volonté du législateur à l’époque du message de 1976 à l’appui de la LAA. En cas de lésion corporelle figurant dans la liste, il y a désormais présomption que l’on est en présence d’une lésion semblable aux conséquences d’un accident, qui doit être prise en charge par l’assureur-accidents. Ce dernier pourra toutefois se libérer de son obligation s’il apporte la preuve que la lésion est manifestement due à l’usure ou à une maladie (Message du Conseil fédéral relatif à la modification de la loi fédérale sur l’assurance-accidents du 30 mai 2008, FF 2008 4893).
Dans un arrêt de principe du 24 septembre 2019 (ATF 146 V 51), le Tribunal fédéral a précisé que selon l’interprétation de l’art. 6 al. 2 LAA, l’application de cette disposition ne présuppose aucun facteur extérieur et donc aucun événement accidentel ou générant un risque de lésion accru au sens de la jurisprudence relative à l'art. 9 al. 2 aOLAA. Cependant, la possibilité pour l’assureur-accidents de rapporter la preuve prévue par l’art. 6 al. 2 LAA impose de distinguer la lésion corporelle assimilée, d’une lésion corporelle figurant dans la liste due à l'usure et à la maladie à charge de l’assurance-maladie. Dans ce contexte, la question d'un événement initial reconnaissable et identifiable est également pertinente après la révision de la LAA – notamment en raison de l'importance d'un lien temporel (couverture d'assurance ; compétence de l'assureur-accidents; calcul du gain assuré ; questions juridiques intertemporelles). Par conséquent, dans le cadre de son devoir d’instruction (cf. art. 43 al. 1 LPGA), l'assureur-accidents doit clarifier les circonstances exactes du sinistre à l’annonce d’une lésion selon la liste. Si celle-ci est imputable à un événement accidentel au sens de l'art. 4 LPGA, l'assureur-accidents est tenu de verser des prestations jusqu'à ce que l'accident ne représente plus la cause naturelle et suffisante, c'est-à-dire que l’atteinte à la santé est fondée uniquement et exclusivement sur des causes autres qu’accidentelles (voir consid. 5.1 et 8.5). Si, en revanche, tous les critères de la définition de l'accident au sens de l'art. 4 LPGA ne sont pas remplis, l'assureur-accidents est généralement responsable pour une lésion selon la liste selon l'art. 6 al. 2 LAA dans la version en vigueur depuis le 1er janvier 2017, à moins qu’il puisse prouver que la lésion est principalement due à une usure ou maladie (consid. 9.1).
Si aucun événement initial ne peut être établi, ou si seul un événement bénin ou anodin peut être établi, cela simplifie de toute évidence la preuve de la libération pour l'assureur-accident. En effet, l'ensemble des causes des atteintes corporelles en question doit être pris en compte dans la question de la délimitation, qui doit être évaluée avant tout par des médecins spécialistes. Outre l'état antérieur, les circonstances de la première apparition des troubles doivent également être examinées plus en détails (par exemple, un bilan traumatologique du genou est une aide utile pour l'évaluation médicale des blessures au genou, publié in BMS 2016 p. 1742 ss). Les différents indices qui parlent en faveur ou en défaveur de l'usure ou de la maladie doivent être pondérés d'un point de vue médical. L'assureur-accidents doit prouver, sur la base d'évaluations médicales probantes – au degré de la vraisemblance prépondérante – que la lésion en question est due de manière prépondérante à l'usure ou à la maladie, c'est-à-dire à plus de 50% de l’ensemble des facteurs en cause. Si la « palette des causes » se compose uniquement d'éléments indiquant une usure ou une maladie, il s'ensuit inévitablement que l'assureur-accidents a apporté la preuve de la « libération » et qu’il n’est pas nécessaire d’apporter des clarifications supplémentaires (consid. 8.6).
4.3 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références ; ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).
4.4 Les explications d'un assuré sur le déroulement d'un fait allégué sont au bénéfice d'une présomption de vraisemblance. Il peut néanmoins arriver que les déclarations successives de l'intéressé soient contradictoires avec les premières. En pareilles circonstances, selon la jurisprudence, il convient de retenir la première affirmation, qui correspond généralement à celle que l'assuré a faite alors qu'il n'était pas encore conscient des conséquences juridiques qu'elle aurait, les nouvelles explications pouvant être, consciemment ou non, le produit de réflexions ultérieures (ATF 143 V 168 consid. 5.2.2 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_662/2016 consid. 4.3).
5. Les prestations d'assurance sont également allouées en cas de rechutes et de séquelles tardives (art. 11 de l’ordonnance sur l'assurance-accidents, du 20 décembre 1982 - OLAA ; RS 832.202). Selon la jurisprudence, les rechutes et les séquelles tardives ont ceci en commun qu'elles sont attribuables à une atteinte à la santé qui, en apparence seulement, mais non dans les faits, était considérée comme guérie. Il y a rechute lorsque c'est la même atteinte qui se manifeste à nouveau. On parle de séquelles tardives lorsqu'une atteinte apparemment guérie produit, au cours d'un laps de temps prolongé, des modifications organiques ou psychiques qui conduisent souvent à un état pathologique différent (ATF 123 V 137 consid. 3a ; 118 V 293 consid. 2c et les références).
Les rechutes et suites tardives se rattachent donc par définition à un événement accidentel effectif. Corrélativement, elles ne peuvent faire naître une obligation de l'assureur-accidents (initial) de verser des prestations que s'il existe un lien de causalité naturelle et adéquate entre les nouvelles plaintes de l'intéressé et l'atteinte à la santé causée à l'époque par l'accident assuré (ATF 118 V 296 consid. 2c et les références ; RAMA 2006 n° U 570 p. 74 consid. 1.5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral U 80/05 du 18 novembre 2005 consid.1.1).
Il incombe à l'assuré d'établir, au degré de vraisemblance prépondérante, l'existence d'un rapport de causalité naturelle entre la nouvelle atteinte et l'accident. À cet égard, la jurisprudence considère que plus le temps écoulé entre l'accident et la manifestation de l'affection est long, et plus les exigences quant à la preuve, au degré de la vraisemblance prépondérante, du rapport de causalité naturelle doivent être sévères (arrêt du Tribunal fédéral 8C_302/2023 du 16 novembre 2023 consid. 6.1 et les références).
6.
6.1 La plupart des éventualités assurées (par exemple la maladie, l'accident, l'incapacité de travail, l'invalidité, l'atteinte à l'intégrité physique ou mentale) supposent l'instruction de faits d'ordre médical. Or, pour pouvoir établir le droit de l'assuré à des prestations, l'administration ou le juge a besoin de documents que le médecin doit lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1).
6.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. A cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3).
Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux (ATF 125 V 351 consid. 3b).
6.3 Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).
6.4 Le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d'un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l'assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l'objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l'égard de l'assuré. Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l'impartialité d'une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Étant donné l'importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l'impartialité de l'expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).
Lorsqu'un cas d'assurance est réglé sans avoir recours à une expertise dans une procédure au sens de l'art. 44 LPGA, l'appréciation des preuves est soumise à des exigences sévères : s'il existe un doute même minime sur la fiabilité et la validité des constatations d'un médecin de l'assurance, il y a lieu de procéder à des investigations complémentaires (ATF 145 V 97 consid. 8.5 et les références ; ATF 142 V 58 consid. 5.1 et les références ; ATF 139 V 225 consid. 5.2 et les références ; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références). En effet, si la jurisprudence a reconnu la valeur probante des rapports médicaux des médecins-conseils, elle a souligné qu'ils n'avaient pas la même force probante qu'une expertise judiciaire ou une expertise mise en œuvre par un assureur social dans une procédure selon l'art. 44 LPGA (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références).
Dans une procédure portant sur l'octroi ou le refus de prestations d'assurances sociales, lorsqu'une décision administrative s'appuie exclusivement sur l'appréciation d'un médecin interne à l'assureur social et que l'avis d'un médecin traitant ou d'un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes même faibles quant à la fiabilité et la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l'un ou sur l'autre de ces avis et il y a lieu de mettre en œuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l'art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 139 V 225 consid. 5.2 et les références ; 135 V 465 consid. 4).
Selon une jurisprudence constante, les médecins d'arrondissement ainsi que les spécialistes du centre de compétence de la médecine des assurances de la CNA sont considérés, de par leur fonction et leur position professionnelle, comme étant des spécialistes en matière de traumatologie, indépendamment de leur spécialisation médicale (arrêt du Tribunal fédéral 8C_626/2021 du 19 janvier 2022 consid. 4.3.1 et les références).
6.5 Une appréciation médicale, respectivement une expertise médicale établie sur la base d'un dossier n’est pas en soi sans valeur probante. Une expertise médicale établie sur la base d'un dossier peut avoir valeur probante pour autant que celui-ci contienne suffisamment d'appréciations médicales qui, elles, se fondent sur un examen personnel de l'assuré (RAMA 2001 n° U 438 p. 346 consid. 3d). L’importance de l’examen personnel de l’assuré par l’expert n’est reléguée au second plan que lorsqu’il s’agit, pour l’essentiel, de porter un jugement sur des éléments d’ordre médical déjà établis et que des investigations médicales nouvelles s’avèrent superflues. En pareil cas, une expertise médicale effectuée uniquement sur la base d’un dossier peut se voir reconnaître une pleine valeur probante (arrêt du Tribunal fédéral 8C_681/2011 du 27 juin 2012 consid. 4.1 et les références).
6.6 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).
6.7 On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; SVR 2008 IV n. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 8C_755/2020 du 19 avril 2021 consid. 3.2 et les références).
7.
7.1 En l’occurrence, le recourant a décrit l’événement du 11 mars 2022 dans la déclaration d’accident comme suit : « je marchais et j’allais entrer dans le C1 lorsque mon genou s’est tordu sur un mauvais appui ». Il a aussi indiqué qu’il avait fait un faux pas (formulaire du 25 mars 2022). Le recourant a précisé, lors de l’audience de comparution personnelle du 22 janvier 2024, qu’il avait glissé sur le tapis plastifié de l’entrée du terminal. Numa KOPP, maitre de cabine, a également attesté qu’il avait vu, le 11 mars 2022, le recourant glisser sur un tapis à l’entrée du C1.
Au vu de la jurisprudence précitée, c’est avec raison que l’intimée a exclu la survenance d’un accident, le fait de ressentir une torsion du genou à la marche ne pouvant être qualifié de facteur extérieur extraordinaire, un mouvement non-coordonné n’étant, en particulier, pas présent. À cet égard, le fait que le recourant et son collègue aient mentionné une glissade ne saurait, au vu des premières déclarations probantes du recourant, qui ne l’a pas mentionnée, être retenu. Finalement, aucun trébuchement ou glissade ne s’étant produit, ni aucun mouvement non programmé ou non maitrisé, le caractère accidentel de l’événement du 11 mars 2022 ne peut être admis.
7.2 En revanche, en tant que le recourant a présenté une déchirure du ménisque, il s’agit d’une lésion assimilée à un accident (art. 6 al. 2 let. c LAA), à charge de l’intimée, à moins que celle-ci apporte la preuve que la lésion est due principalement à l’usure ou à la maladie.
7.2.1 L’intimée se rallie aux conclusions du Dr I______, lequel, dans son dernier avis du 11 mars 2024, estime que la lésion du 11 mars 2022 est une suite de l’accident de 2017 et de l’intervention chirurgicale qui s’en est suivie, laquelle a entrainé une instabilité du genou (déstabilisation de la suture méniscale), elle-même responsable de la lésion du 11 mars 2022.
Les explications du Dr I______ excluent ainsi toute cause maladive ou liée à l’usure de la lésion du 11 mars 2022. Ce constat rejoint aussi l’avis des médecins traitants du recourant (département de chirurgie des HUG des 20 avril, 24 juin et 16 novembre 2022). Ainsi, tous les médecins s’accordent pour dire que la lésion en cause a une origine traumatique.
Dans ces conditions, la lésion assimilée est en principe à charge de l’intimée.
Celle-ci fait cependant valoir que cette lésion est une rechute ou séquelle tardive de l’accident de 2017, qu’elle n’a pas couvert, ce qui exclurait sa responsabilité.
À cet égard, l’art. 100 al. 3 OLAA prévoit qu’en cas de rechute ou de séquelles tardives du fait d’une pluralité d’accidents assurés, l’assureur tenu de verser les prestations pour le dernier accident prend en charge les soins médicaux et le remboursement des frais selon les art. 10 à 13 LAA, ainsi que les indemnités journalières. En l’occurrence, l’intimée, qui a versé des prestations pour le dernier accident de 2019, doit en principe prendre en charge la rechute ou séquelle tardive litigieuse, à la condition toutefois que l’accident d’avril 2017 soit qualifié d’accident assuré au sens de l’art. 100 al. 3 OLAA (à cet égard ATAS/576/2023 du 27 juillet 2023).
Cela dit, cette question peut quoi qu’il en soit rester ouverte, la rechute ou séquelle tardive étant en lien, comme il sera exposé ci-après, avec l’accident de septembre 2019 et non pas celui d’avril 2017.
7.2.2 Le Dr I______ estime que l’instabilité du genou était présente en 2018, selon le rapport des médecins des HUG du 20 avril 2022 (avis du Dr I______ du 11 mars 2024). Or, ce constat résulte d’une interprétation du Dr I______ qui n’est fondée sur aucun élément du dossier. En particulier, dans leur avis du 20 avril 2022, les Drs F______ et G______ ont indiqué que l’intervention chirurgicale pratiquée en 2017 avait permis au recourant de reprendre le football en 2018, stoppé secondairement en raison d’une sensation d’instabilité, actuellement toujours présente lors des activités de boxing et à la descente des escaliers.
Aucun rapport médical des médecins des HUG n’indique que le recourant a présenté, en 2018, une instabilité de son genou droit. Le rapport subséquent du 24 juin 2022 du Dr F______ se borne à relever une insuffisance de la plastie du LCA et récidive d’anse de seau du ménisque interne. Quant à celui du 16 novembre 2022 des Drs F______ et K______, médecin interne, il précise que les suites postopératoires de l’intervention de 2017 avaient montré une excellente évolution avec une reprise du football, de la boxe et du fitness, sans douleurs ni instabilité. C’était postérieurement et en raison du traumatisme de 2019, avec torsion du genou droit lors d’une partie de football, que des douleurs associées à une instabilité étaient apparues. La lésion de 2022 découlait vraisemblablement de l’accident de 2019.
On peine à comprendre comment l’intimée, à la suite du Dr I______, estime que le Dr F______ s’est contredit dans ses rapports. En effet, le Dr F______ n’a fait que préciser, le 16 novembre 2022, la date de survenance des douleurs et de l’instabilité du genou droit, soit dès l’accident de septembre 2019, étant relevé que celle-ci est en cohérence avec les faits indiqués dans son premier rapport du 20 avril 2022, puisqu’il y mentionnait que le recourant avait repris le football en 2018 et avait ensuite dû le stopper en raison d’une sensation d’instabilité. L’avis du Dr F______ est en outre conforté par l’indication figurant dans le rapport d’IRM du 21 mars 2022, soit qu’il s’agit d’une récidive d’un traumatisme de 2019, avec épisodes d’instabilité depuis. Cette mention a d’ailleurs été reprise par le Dr I______ dans son appréciation du 23 août 2022 sans toutefois qu’il ne la discute, étant encore relevé que le rapport d’IRM, qui mentionne la présence d’instabilité seulement dès 2019, a été rendu avant que la question de la date de la survenance de l’instabilité ne soit litigieuse et doit donc être considéré comme un élément pertinent probant.
De plus, et comme relevé par le recourant, c’est lors d’un match de football que l’accident de septembre 2019 s’est produit, ce qui n’est contesté ni par le Dr I______, ni par l’intimée. Ceux-ci n’expliquent dès lors pas comment ils retiennent simultanément que le recourant aurait stoppé la pratique du football en 2018 (avis du Dr I______ du 11 mars 2024) et qu’il aurait été victime d’un accident lors d’un match de football en septembre 2019. Ainsi, il est établi que le recourant n’a pas cessé la pratique du football en 2018 puisqu’il a encore participé à un match de football en septembre 2019. Cette participation, qui n’est, à nouveau, pas contestée par l’intimée, permet de conclure que celui-ci pratiquait à ce moment-là effectivement une activité de footballeur et permet d’écarter les suppositions du Dr I______, qui semble contester que le recourant, malgré la production de sa fiche de joueur et ses déclarations cohérentes concernant son implication au L______, aurait réellement pratiqué ce sport entre septembre 2018 et septembre 2019.
À cet égard, le recourant a expliqué de façon convaincante, lors de l’audience de comparution personnelle du 24 janvier 2024, qu’il avait repris une activité de footballeur en septembre 2018, attestée par la fiche de joueur qu’il a produite, avec une inscription au L______, à raison de deux entrainements par semaine et d’un match le week-end, et qu’il l’avait cessée en mars 2019, au moment où il avait débuté une activité de steward. Il avait alors continué de pratiquer le football une à deux fois par mois, avec des amis, et c’était lors d’un tournoi de football organisé par son ancien employeur, en septembre 2019, qu’il avait subi une torsion du genou droit pendant ledit match. Depuis, il avait dû arrêter tous les sports de pivot, dont le football, et avait présenté des douleurs et des instabilités au genou droit.
Au demeurant, il convient d’admettre, au degré de la vraisemblance prépondérante, que le recourant a, suite à l’intervention chirurgicale de 2017, été à même de reprendre la pratique sportive, en particulier le football, dès septembre 2018 et qu’il a dû cesser complètement cette pratique suite à l’accident de septembre 2019.
Le Dr I______ émet encore l’hypothèse, sur la base du dossier, que l’intervention chirurgicale de 2017 aurait connu une suite défavorable, entrainant une instabilité, preuve de son mauvais résultat et qu’elle n’aurait pas permis d’obtenir une récupération car le recourant avait dû stopper le football en 2018 en raison de cette instabilité. Cette hypothèse n’est cependant fondée sur aucun élément objectif. Tout d’abord, et comme il a été exposé ci-avant, le recourant n’a pas cessé la pratique du football en 2018 mais postérieurement au match de football de septembre 2019. Ensuite, les Drs F______ et K______ ont attesté, le 16 novembre 2022, que les suites opératoires de l’intervention de 2017 avaient montré une excellente évolution, avec la reprise des activités sportives, dont le football, ce qui va à l’encontre de l’avis du Dr I______ quant au prétendu mauvais résultat de cette intervention. À cet égard, le compte rendu opératoire de cette intervention ne mentionne d’ailleurs aucune complication et prévoit un contrôle radio-clinique à quatre semaines. Enfin, le recourant a indiqué qu’il avait vu son chirurgien trois mois après l’intervention chirurgicale de 2017 et qu’il n’avait plus jamais consulté de médecin pour un problème au genou droit jusqu’à l’accident de septembre 2019, ce qui n’est pas contesté par l’intimée et le Dr I______. L’intimée ne prétend en particulier pas que le recourant aurait consulté pour des douleurs ou une instabilité du genou droit antérieurement à septembre 2019.
Dans ces conditions, l’hypothèse du Dr I______ selon laquelle la cessation de la pratique du football en 2018 permet de conclure à la présence d’une instabilité du genou droit dès 2018, preuve du mauvais résultat de l’intervention chirurgicale de 2017, est erronée et ne tient en particulier pas compte du rapport d’IRM du 21 mars 2022, lequel atteste d’instabilité dès 2019 et non pas antérieurement, du fait que le recourant jouait encore un match de football en septembre 2019 et de l’absence d’élément attestant d’un mauvais résultat de l’intervention chirurgicale de 2017 et d’une instabilité survenue avant l’accident de septembre 2019.
7.2.3 En conclusion, aucun élément au dossier ne permet d’établir une instabilité du genou droit antérieurement à l’accident de septembre 2019, pris en charge par l’intimée.
Au demeurant, la lésion survenue le 11 mars 2022 est, au degré de la vraisemblance prépondérante, une suite (rechute ou séquelle tardive) de l’accident de septembre 2019, comme l’ont souligné les médecins traitants du recourant, et non pas de celui d’avril 2017. Dans la mesure où l’accident de septembre 2019 a été pris en charge par l’intimée, celle-ci ne contestant pas le bien-fondé de cette prise en charge, la rechute ou séquelle tardive du 11 mars 2022 est également à sa charge.
8. Partant, le recours sera admis, la décision litigieuse annulée et il sera dit que l’intimée doit prendre en charge les suites de l’événement du 11 mars 2022.
Le recourant, qui n’est pas représenté en justice et qui n’a pas allégué avoir déployé des efforts dépassant la mesure de ce que tout un chacun consacre à la gestion courante de ses affaires, n’a pas droit à des dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).
Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. L’admet.
3. Annule la décision de l’intimée du 10 mai 2013.
4. Dit que l’intimée doit prendre en charge les suites de l’événement du 11 mars 2022.
5. Dit que la procédure est gratuite.
6. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Adriana MALANGA |
| La présidente
Valérie MONTANI |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le