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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1337/2024

ATAS/371/2024 du 24.05.2024 ( LAA )

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1337/2024 ATAS/371/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt incident du 24 mai 2024

Chambre 4

 

En la cause

A______
représenté par Me Dushyantha Janith PIYADIGAMAGE

 

 

recourant

 

contre

SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS

 

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant) est né le ______ 1966 à Genève, de nationalité turque, au bénéfice d’un permis C, marié et père d’une fille née le ______ 2012. Il a été employé en tant qu’ouvrier pour B______ SA et assuré par celle-ci auprès de la SUVA Caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents (ci-après : la SUVA ou l’intimée) contre les accidents professionnels et non-professionnels ainsi que les maladies professionnelles.

B. a. Selon une déclaration d’accidents du 9 septembre 2020, alors qu’il était occupé, le 4 mai 2020, à faire la maintenance en changeant les couteaux d’une machine, l’un deux lui était tombé sur le dessus du pied droit. Il était en incapacité de travail totale depuis le 18 mai 2020.

b. Le 24 février 2022, l’assuré a subi un nouvel accident. En s’encoublant sur une marche d’escaliers, il a chuté et s’est blessé à la cheville gauche. Ce cas a également été annoncé à la SUVA.

c. Par décision du 7 décembre 2023, la SUVA a mis fin à ses prestations d’assurance pour les deux sinistres avec effet au 10 décembre 2023.

d. L’assuré a formé opposition à cette décision le 11 décembre 2023.

e. Par décision sur opposition du 7 mars 2024, la SUVA a rejeté l’opposition et confirmé sa décision du 7 décembre 2023. Pour fonder sa décision, elle s’était référée aux conclusions du docteur C______, spécialiste FMH en orthopédie et médecin-conseil de l'assurance, selon ses appréciations médicales des 25 mars 2022, 23 novembre 2023 et 12 février 2024, lequel concluait que l’accident du 4 mai 2020 avait cessé de déployer ses effets au plus tard le 23 novembre 2023 et que les troubles persistants de l’assuré au-delà de cette date étaient d’origine dégénérative et préexistant à l’événement.

Le Dr C______ avait constaté en particulier que suite à l’accident du 24 février 2022, l’assuré avait développé un SDRC qui avait bien évolué au point que les critères de Budapest n’étaient plus donnés à la fin de son séjour à la CRR. Dans ce contexte, le Dr C______ excluait un lien de causalité entre les accidents et les troubles du recourant au genou droit, ses lombalgies chroniques et l’insuffisance artérielle. Les limitations fonctionnelles présentées par l’assuré au genou gauche n’étaient plus en lien de causalité avec l’accident, le SDRC étant désormais éteint. Force était de constater que les médecins de la CRR allaient dans le même sens que le médecin d’assurance en concluant à un SDRC désormais guéri des deux côtés. Ainsi, dans leur rapport du 1er juin 2023, ils confirmaient que l’accident du 24 février 2022 avait occasionné une probable fracture du tibia gauche évoluant en SDRC. Lors de leurs examens ce syndrome était désormais au décours, les médecins relevant que les critères de Budapest n’étaient plus remplis et estimant qu’une stabilisation médicale devait être attendue dans le délai de trois à six mois. S’agissant du membre supérieur droit, ils indiquaient que l’accident du 4 mai 2020 avait occasionné une contusion qui avait également évolué en SDRC. Lors de leur examen, celui-ci avait néanmoins intégralement régressé.

Le docteur D______ spécialiste FMH en rhumatologie, avait confirmé, le 10 janvier 2024, la stabilisation de l’état de santé de l’assuré.

Tant le Dr D______ que les médecins de la CRR mentionnaient une situation psychique potentiellement invalidante, sans pour autant faire état d’un suivi régulier sur ce plan. En application de la jurisprudence sur le rapport de causalité adéquate entre un accident et des troubles psychiques, il fallait retenir en l’espèce que les accidents devaient être qualifiés de banals ou moyens et que l’on ne pouvait manifestement pas retenir qu’ils avaient eus une influence déterminante dans l’apparition ou le développement des troubles psychiques du recourant, de sorte que la causalité adéquate devait être niée ainsi que la responsabilité de la SUVA sur ce point.

En l’occurrence, il ressortait des explications convaincantes du médecin d’assurance que les accidents avaient cessé de déployer leurs effets à la date de l’examen du médecin d’assurance et que les troubles qui persistaient dès cette date n’étaient plus d’origine accidentelle, mais dégénérative. La SUVA a ainsi rejeté l’opposition et retiré l’effet suspensif à un éventuel recours contre sa décision.

C. a. Le 22 avril 2024, l’assuré a formé recours contre la décision précitée auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre des assurances sociales) concluant à son annulation et à la condamnation de l’intimée à maintenir les prestations d’assurance au-delà du 10 décembre 2023 jusqu’à cessation des effets de l’accident du 4 mai 2020 ou prise en charge par l’assurance-invalidité, avec suite de frais et dépens. Il demandait la restitution de l’effet suspensif faisant valoir que selon l’art. 70 LPGA, l’ayant droit pouvait demander la prise en charge provisoire de son cas lorsqu’un événement assuré lui donnait droit à des prestations d’une assurance sociale mais qu’il y avait un doute sur le débiteur de ces prestations. Ainsi l’assurance-accidents était tenue de prendre provisoirement le cas à sa charge pour les prestations dont la prise en charge par celle-ci était contestée. Dans le cas d’espèce, la prise en charge était contestée par la SUVA depuis le 23 novembre 2023. Il se justifiait de maintenir les prestations d’assurance auprès de celle-ci aussi longtemps que cette prise en charge demeurait contestée et donc de restituer l’effet suspensif au recours.

Le recourant a fait valoir que l’intimée s’était uniquement référée aux conclusions du Dr C______. Il s’agissait-là d’un avis unique. Les rapports CRR eux-mêmes n’exprimaient pas un SDRC éteint et la situation n’était pas stabilisée pour eux. L’office de l’assurance-invalidité (ci-après : OAI) avait décidé d’analyser plus en profondeur ce cas complexe témoignant donc d’une non-stabilisation. Il était essentiel également de tenir compte des pièces peut-être plus anciennes, car cela permettait de préciser l’évolution du trauma que le recourant avait subi. Il était évident que sa situation médicale fluctuait de manière instable depuis presque quatre ans avec des hauts et des bas. Cela n’enlevait en rien la causalité de l’accident avec son état de santé.

S’agissant de son atteinte psychique, le recourant estimait avoir subi un accident traumatique, car son pied droit s’était fait écraser par une charge de plus de 30 kg. Après avoir perdu toutes possibilités de travailler debout, seule manière de travailler qu’il connaissait, et de prendre soin seul de lui-même, il avait chuté du fait même du manque d’équilibre à cause de l’accident. Cela avait prolongé ses douleurs et son incapacité, soit l’usage complet de ses deux jambes. Cette atteinte avait débuté presque quatre ans auparavant et il était toujours en incapacité de travail. Il était âgé de 60 ans. Avec une infirmité non négligeable et un âge aussi avancé, il n’aurait d’autre choix que de se mettre à l’aide sociale. L’OAI avait révisé son projet de décision du 30 janvier 2024 pour effectuer une nouvelle analyse du dossier. Cette perspective et les atteintes évidentes sur sa santé physique étaient manifestement aptes à provoquer et à entretenir l’atteinte psychique liée à l’accident de 2020.

b. Le 30 avril 2024, l’intimée a conclu au rejet de la requête en restitution de l’effet suspensif en se référant à la jurisprudence en la matière.

 

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance‑accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est prima facie recevable (art. 56 et 60 de la LPGA ; art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [(LPA - E 5 10)].


 

2.              

2.1  

2.1.1 À teneur de l’art. 49 al. 5 LPGA, dans sa décision, l’assureur peut priver toute opposition ou tout recours de l’effet suspensif, même si cette décision porte sur une prestation en espèces.

Ce principe s’applique également aux décisions sur opposition (cf. art. 52 al. 4 LPGA).

Le juge saisi du recours peut restituer l'effet suspensif à un recours auquel l’autorité inférieure l’a retiré. La demande de restitution de l’effet suspensif doit être traitée sans délai, conformément à l'art. 55 al. 3 PA. 

Il incombe à l'autorité appelée à statuer d'examiner si les motifs qui parlent en faveur de l'exécution immédiate de la décision l'emportent sur ceux qui peuvent être invoqués à l'appui de la solution contraire. L'autorité dispose sur ce point d'une certaine liberté d'appréciation. En général, elle se fondera sur l'état de fait tel qu'il résulte du dossier, sans effectuer de longues investigations supplémentaires. En procédant à la pesée des intérêts en présence, les prévisions sur l'issue du litige au fond peuvent également être prises en considération ; il faut cependant qu'elles ne fassent aucun doute (ATF 124 V 82 consid. 6a ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_885/2014 du 17 avril 2015 consid. 4.2).

L'intérêt de la personne assurée à pouvoir continuer à bénéficier des prestations qu'elle percevait jusqu'alors n'est pas d'une importance décisive, tant qu'il n'y a pas lieu d'admettre que, selon toute vraisemblance, elle l'emportera dans la cause principale. Ne saurait à cet égard constituer un élément déterminant la situation matérielle difficile dans laquelle se trouve la personne assurée depuis la diminution ou la suppression des prestations. En pareilles circonstances, l'intérêt de l'administration apparaît généralement prépondérant, puisque dans l'hypothèse où l'effet suspensif serait accordé et le recours serait finalement rejeté, l'intérêt de l'administration à ne pas verser des prestations paraît l'emporter sur celui de la personne assurée ; il serait effectivement à craindre qu'une éventuelle procédure en restitution des prestations versées à tort ne se révèle infructueuse (ATF 119 V 503 consid. 4 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_207/2014 du 1er mai 2014 consid. 5.3 et les références). La jurisprudence a également précisé que le retrait de l'effet suspensif prononcé dans le cadre d'une décision de diminution ou de suppression de rente à la suite d'une procédure de révision couvrait également la période courant jusqu'à ce qu'une nouvelle décision soit rendue après le renvoi de la cause par le tribunal cantonal des assurances pour instruction complémentaire, pour autant que la procédure de révision n'a pas été initiée de façon abusive (ATF 129 V 370 consid. 4 ; voir également arrêts du Tribunal fédéral 9C_ 846/2018 du 29 novembre 2019 consid. 7.1 et 9C_207/2014 du 1er mai 2014 consid. 5.3).

2.1.2 Selon l’art. 70 al. 1 LPGA, l’ayant droit peut demander la prise en charge provisoire de son cas lorsqu’un événement assuré lui donne droit à des prestations d’une assurance sociale, mais qu’il y a doute sur le débiteur de ces prestations.

Selon l’al. 2 let. c de cette disposition, est tenue de prendre provisoirement le cas à sa charge l’assurance-accidents, pour les prestations dont la prise en charge par l’assurance-accidents ou l’assurance militaire est contestée.

La prise en charge provisoire présuppose le droit à des prestations d’assurances sociales. Un tel droit doit exister à l’égard de l’assureur qui apparaît comme prioritaire en application de l’al. 2. Si cet assureur conteste l’existence de ce droit (p. ex., en raison d’un défaut de couverture), il doit rendre une décision, sujette à opposition. La prise en charge provisoire est ensuite subordonnée à un prononcé définitif et exécutoire. A contrario, si le droit à des prestations de l’assureur tenu de faire l’avance n’existe pas, il n’y a pas matière à prise en charge provisoire (CR LPGA-Frésard-Fellay/Frésard, art. 70 N 8).

2.2  

2.2.1 En l’espèce, le recourant a fait valoir que l’intimée s’était uniquement référée aux conclusions du Dr C______ et qu’il s’agissait-là d’un avis unique. Les rapports CRR eux-mêmes n’exprimaient pas un SDRC éteint et la situation n’était pas stabilisée pour eux. Il était évident que sa situation médicale fluctuait de manière instable depuis presque quatre ans avec des hauts et des bas. Cela n’enlevait en rien la causalité de l’accident avec son état de santé. Il ne ressort pas de cette motivation, ni des pièces du dossier, que la situation du recourant apparaît si claire qu’il serait possible d’admettre d’emblée que, selon toute vraisemblance, son recours sera admis au fond.

Il en est de même s’agissant de l’appréciation du lien de causalité adéquate entre son atteinte psychique et son accident du 4 mai 2020.

En conséquence, les conditions permettant de restituer l’effet suspensif au recours ne sont pas réalisées.

2.2.2 Les conditions de la prise en charge provisoire du cas du recourant par l’intimée, au sens de l’art. 70 LPGA, ne sont pas non plus réalisées puisqu’il n’est pas établi, à ce stade de la procédure, qu’il a droit aux prestations qu’il demande. La restitution de l’effet suspensif ne peut donc être ordonnée sur la base de l’art. 70 LPGA.

2.3 En conséquence, la requête en restitution de l’effet suspensif doit être rejetée.

La suite de la procédure sera réservée.


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant selon l’art. 21 al. 2 LPA-GE

 

1.        Rejette la demande en restitution de l’effet suspensif.

2.        Réserve la suite de la procédure.

3.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) aux conditions de l’art. 93 al. 1 LTF ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Christine RAVIER

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties.