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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4108/2020

ATAS/355/2024 du 15.05.2024 ( LAA ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4108/2020 ATAS/355/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 15 mai 2024

Chambre 4

 

En la cause

 

A______

représenté par ASSUAS Association suisse des assurés, mandataire

 

 

recourant

contre

 

SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS

 

 

 

intimée


 

EN FAIT

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant) est né le ______ 1967. Il a travaillé pour B______ Sàrl (ci-après :  l’employeuse) comme peintre en bâtiment depuis le 21 mars 2019.

b. Il a subi un accident le 16 mai 2019, sur un chantier. Selon l’annonce d’accident, il avait glissé d’une échelle et s’était cogné une épaule et le dos en tombant, ce qui lui avait causé des tuméfactions.

c. Le 29 mai 2019, la SUVA caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents (ci-après : la SUVA ou l’intimée) a informé l’assuré qu’elle lui allouait ses prestations pour les suites de l’accident du 16 mai 2019.

d. Dans un rapport médical initial LAA du 27 août 2019, la docteure C______, médecine générale, a indiqué que l’assuré l’avait consultée le 16 mai 2019 pour des douleurs au niveau de la colonne CD lombaire et aux épaules depuis le 15 mai 2019, suite à un accident par glissement d’une échelle, avec faux mouvement avec le tronc et coups au dos, aux épaules et à la fesse gauche. Il se plaignait également de maux de tête et de vertiges. Les diagnostics étaient des cervico-dorso-lombalgies aigües sur entorse, des contusions de la colonne CD lombaire et de la fesse gauche, une tendinite post-traumatique à l’épaule gauche et un état d’angoisse post-traumatique.

e. Selon un rapport établi le 30 janvier 2020 par le docteur D______, chef de clinique du service de chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil moteur des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : les HUG), et le docteur E______, l’IRM mettait en évidence une lésion au niveau du sous-épineux, une arthropathie acromio-claviculaire et une possible lésion à l’insertion du long chef du biceps. Devant les douleurs diffuses, la limitation fonctionnelle et les douleurs à la palpation de l’acromio-claviculaire, il avait été proposé à l’assuré une prise en charge chirurgicale par arthroscopie de l’épaule droite avec opération du sus-épineux, ténodèse du long chef du biceps, acromioplastie et résection du centimètre externe. L’intervention chirurgicale était programmée pour le 18 février 2020.

f. L’assuré a demandé les prestations de l’assurance-invalidité le 10 février 2020.

g. Il a été opéré le 18 février 2020 selon un compte rendu opératoire établi le même jour par le Dr D______.

h. Le 13 juillet 2020, le Dr D______ et le docteur F______ ont indiqué avoir revu le jour-même l’assuré à plus de quatre mois post arthroscopie de son épaule gauche. Ils rapportaient une évolution lentement favorable, avec toutefois la persistance d’amplitudes articulaires actives en-dessous de la moyenne attendue et des douleurs au repos ainsi qu’à l’activité. L’assuré cotait ses douleurs jusqu’à 8/10. Il était toujours sous traitement antalgique par Tramal. Il n’y avait pas de nouveau traumatisme et il était en arrêt de travail à 100% pour son métier de peintre en bâtiment. L’IRM réalisée le 27 mai précédent montrait un status post réinsertion du sous-scapulaire, sans nouvelle lésion transfixiante ou rétraction apparente. On notait une stabilité de tendinopathie fissuraire du supra-épineux. Les médecins adressaient l’assuré à leurs collègues de la rééducation pour intensifier et adapter le traitement de physiothérapie. L’assuré serait revu à six mois post opératoires pour juger de l’évolution.

i. Le 5 octobre 2020, le docteur G______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, du service médical de la SUVA, a estimé que l’intervention du 18 février 2020 n’était pas en relation de causalité pour le moins probable avec l’accident du 16 mai 2019. Aucune information concernant un suivi immédiat ne pouvait faire penser que l’événement annoncé était à l’origine de la symptomatologie annoncée par la suite. Sur l’IRM du 8 janvier 2020, l’ensemble des constatations était de nature maladive. La présence d’une fissuration du tiers moyen du supra-épineux d’allure transfixiante ne faisait qu’accompagner l’ensemble des anomalies dégénératives observées sur l’IRM. Dans son rapport, le chirurgien avait noté qu’il s’agissait de maladie et non d’accident. En conclusion, les troubles que l’assuré présentait et son incapacité de travail n’étaient pas en relation de causalité pour le moins probable avec l’événement du 16 mai 2019.

j. Par décision du 27 octobre 2020, la SUVA a considéré qu’il n’y avait pas de lien de causalité certain ou du moins vraisemblable entre l’événement du 16 mai 2019 et les troubles de l’assuré à l’épaule gauche qui avaient nécessité l’opération du 18 février 2020. En conséquence, elle mettait fin au versement à ses prestations au 17 février 2020.

k. Le 28 octobre 2020, l’assuré a formé opposition à la décision de la SUVA, au motif qu’avant son accident, il n’avait jamais eu mal à son épaule gauche.

l. Par décision sur opposition du 4 novembre 2020, la SUVA a rejeté l’opposition de l’assuré, sur la base de l’avis établi le 5 octobre 2020 par le Dr G______, qu’il y avait lieu de suivre, en l’absence d’éléments contraires au dossier. Par ailleurs, selon la jurisprudence, une simple contusion à l’épaule ne pouvait pas entraîner de lésion au niveau de la coiffe des rotateurs.

m. Le 9 novembre 2020, le Dr D______ a indiqué à la SUVA que depuis son accident, l’assuré avait présenté des douleurs qui n’étaient pas présentes auparavant. L’arthroscopie avait mis en évidence une rupture de la partie haute du sous-scapulaire et des fissurations du long chef du biceps. Ces lésions pouvaient tout à fait être le résultat du traumatisme subi par l’assuré. La tendinopathie fissuraire transfixiante du supra-épineux, qui ressortait de l’IRM du 8 janvier 2020 selon la SUVA, n’avait pas été retrouvée lors de l’arthroscopie. Par ailleurs, si un complexe de Buford, des kystes paralabraux et des œdèmes osseux de la glène postérieure au niveau de cette épaule étaient présents auparavant, ils ne créaient pas la symptomatologie de l’assuré, laquelle avait été déclenchée par le traumatisme, ce qui s’expliquait par la déchirure du sous-scapulaire et du long chef du biceps. L’intervention chirurgicale avait donc été bien faite en raison du traumatisme subi par l’assuré. L’arthroscopie qui avait été effectuée après l’IRM du 8 janvier 2020 avait une valeur diagnostique supérieure à cet examen. La SUVA était dès lors invitée à reconsidérer sa décision et à poursuivre la prise en charge de l’assuré.

n. Le 13 novembre 2020, le Dr G______ a rendu une nouvelle appréciation du cas. Il retenait une pathologie dégénérative, ce qui était confirmé par le fait que, selon le rapport opératoire du Dr D______, celui-ci avait réalisé des gestes qui avaient comme visée le traitement d’un problème dégénératif. La fissuration du tiers moyen du supra-épineux qu’il avait décrite dans son appréciation précédente n’était pas à retenir, car l’arthroscopie ne l’avait pas confirmée. Toutefois, il y avait des anomalies au niveau du sous-scapulaire et des fissurations le long du chef du biceps. Le Dr G______ acceptait donc la demande du chirurgien. Les éléments qu’il apportait dans son analyse permettaient d’adhérer à une étiologie traumatique, mais il signalait la présence d’anomalies de type dégénératif. Compte tenu de la mauvaise évolution et de l’absence de reprise d’activité professionnelle à plus de 18 mois de l’événement annoncé, il lui semblait nécessaire de proposer une modification définitive de l’activité professionnelle de l’assuré comme peintre en bâtiment.

B. a. Le 4 décembre 2020, l’assuré, représenté par ASSUAS, a formé recours contre la décision de la SUVA du 4 novembre 2020 auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans), concluant à son annulation et à ce qu’il soit dit qu’il avait droit aux prestations de l’assurance-accidents, avec suite de frais et dépens.

b. Dans un rapport du 6 avril 2022, le Dr G______ a constaté qu’il avait été imprécis dans l’anamnèse de ses appréciations précédentes. Pour se prononcer à nouveau, il avait demandé un consilium au docteur H______, également médecin-conseil de l’intimée, pour diminuer toute source d’erreur de jugement. L’absence d’une limitation immédiate justifiant une prise en charge par orthopédiste chez un assuré qui connaissait bien les douleurs de la rupture aiguë de tendons de la coiffe des rotateurs, ayant des antécédents chargés à l’épaule droite, ne permettait pas d’adhérer à une lésion susceptible d’être à l’origine d’une rupture aiguë du tendon sous scapulaire lors du sinistre annoncé en mai 2019. Cette évolution faisait plutôt penser à une lésion chronique dégénérative et pas accidentelle. Selon un article cité de la Haute Autorité de santé française, les ruptures aiguës sur tendons entièrement sains étaient rares.

Le tendon supra-épineux et le tendon du biceps ne présentaient pas de rupture ni de cicatrisation après plusieurs mois d’évaluation entre la première IRM de janvier 2020 et celle de mai 2020. Si la lésion du supra-épineux avait été traumatique, on aurait pu s’attendre à une modification progressive, soit avec une rupture définitive soit avec une amélioration de la lésion cicatricielle, ce que les IRM ne montraient pas. Cela permettait de conclure que l’atteinte du tendon du supra-épineux était de type dégénératif.

c. Le 18 mai 2022, l’intimée a informé la chambre de céans que le Dr G______ avait examiné le recourant, avec le Dr H______. Ils avaient conclu, dans leur rapport du 6 avril 2022, que l’opération du 18 février 2020 n’était pas en relation de causalité pour le moins probable avec l’accident du 16 mai 2019.

d. Le 31 août 2022, le recourant a demandé à la chambre de céans de faire procéder à une expertise médicale orthopédique ou de procéder à l’audition du docteur I______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, des HUG.

e. Le 21 septembre 2022, l’intimée s’en est rapportée à justice quant à la pertinence d’une expertise judiciaire.

f. Par ordonnance du 6 juillet 2023, la chambre de céans a confié une expertise au professeur J______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur. Elle a relevé que les dernières conclusions du Dr G______, annoncées comme étant faites de façon consensuelle avec le Dr H______, n’avaient pas été contresignées ni complétées par une appréciation de celui-ci et que le rapport du Dr G______ ne mentionnait même pas la spécialisation du Dr H______, ni en quoi son apport était nécessaire et utile.

Les explications justifiant le changement d’avis du Dr G______ depuis son rapport du 13 novembre 2020 étaient en outre peu convaincantes et à tout le moins suffisamment remises en cause par l’appréciation du Dr D______, qui avait considéré, dans son rapport du 9 novembre 2020, que l’arthroscopie avait mis en évidence une rupture de la partie haute du sous-scapulaire et des fissurations du long chef du biceps, qui pouvaient tout à fait être le résultat du traumatisme subi par le recourant, précisant que l’arthroscopie avait une valeur diagnostique supérieure à l’IRM.

Il se justifiait en conséquence de faire procéder à une expertise par un chirurgien orthopédique indépendant.

g. Dans son rapport du 29 décembre 2023, le Prof. J______ a conclu que l’état de santé du recourant était stabilisé depuis le 19 août 2015. Son épaule gauche présentait de multiples atteintes vérifiées par l’IRM, la radiologie, l’ultra-sonographie et surtout l’arthroscopie. Il s’agissait d’une déchirure de l’insertion supérieure du tendon sous-scapulaire, d’une fissuration du tendon du long chef du biceps, d’une tendinopathie du sus-épineux et d’une arthrose acromio-claviculaire. Le rachis présentait des altérations dégénératives multi-étagées et la contusion avait temporairement aggravé l’état douloureux. La tendinopathie du sus-épineux était de nature possiblement traumatique, mais plus probablement dégénérative, au vu de la longue anamnèse d’épaule douloureuse et de scapulalgies sur conflit sous-acromial. Il en était de même pour la déchirure du sous-scapulaire, partie supérieure, car le mécanisme du traumatisme subi n’était pas de nature à causer une déchirure de ce tendon et donc cette déchirure n’était que possiblement de nature traumatique. La fissuration du tendon du long biceps accompagnait la lésion du sous-scapulaire et pouvait aussi être considérée comme probablement dégénérative. Par contre, l’arthrose acromio-claviculaire préexistante avait certainement été aggravée par la chute, qui avait causé non seulement une contusion du moignon de l’épaule mais aussi et surtout une compression violente et douloureuse aggravant l’état arthrosique de l’acromio-claviculaire gauche. La contusion du rachis était en lien certain avec la chute du 16 mai 2019. L’épaule gauche était restée douloureuse au jour de l’expertise. Néanmoins, l’intervention par arthroscopie du 18 février 2020 avait traité les lésions en présence. L’arthrose acromio-claviculaire avait été traitée par excision du centimètre externe de la clavicule. La rupture de la partie supérieure du tendon du sous-scapulaire avait été refixée. Les fissurations du tendon du long biceps avaient été traitées par ténodèse (soit par excision de la partie abîmée du tendon et refixation du moignon tendineux dans la gouttière). La tendinopathie du sus-épineux avait été traitée par acromioplastie allégeant de ce fait le conflit tendon-acromion. On pouvait raisonnablement estimer qu’après une année, le 17 février 2021, la situation de l’épaule était revenue à l’état précédant immédiatement l’accident (statu quo sine). La contusion du rachis avait exercé son effet sur une période de trois mois au 16 août 2019 (statu quo sine).

h. Le 31 janvier 2024, le recourant a fait valoir que le rapport d’expertise devait se voir reconnaître une valeur probante et que l’intimée devait prendre en charge les séquelles traumatiques jusqu’au 17 février 2021.

i. Le 27 février 2024, l’intimée a considéré que c’était à juste titre qu’elle avait refusé la prise en charge de l’intervention du 18 février 2020 et ses suites. On ne pouvait conclure autrement en se référant à l’arthrose acromio-claviculaire, qui était préexistante à l’accident du 16 mai 2019 et pas même mentionnée par le médecin opérateur comme raison de l’intervention chirurgicale litigieuse. En effet, le Dr D______ avait motivé l’opération uniquement pour le traitement de la rupture de la partie haute du sous-scapulaire et des fissurations du long chef du biceps, lésions confirmées par l’expert sans rapport causal avec l’accident du 16 mai 2019. C’était dire si la prétendue aggravation de l’arthrose acromio-claviculaire préexistante avait joué un rôle minime au stade de l’intervention du 18 février 2020, le centimètre externe de la clavicule retiré n’ayant d’ailleurs que paru arthrosique selon le rapport opératoire. Par conséquent, l’intimée persistait à conclure au rejet du recours.

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

3.             Le litige porte sur le droit du recourant aux prestations de l’intimée au-delà du 17 février 2020.

4.              

4.1  

4.1.1 Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle. Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA ; ATF 129 V 402 consid. 2.1 ; ATF 122 V 230 consid. 1 et les références).

4.1.2 La responsabilité de l’assureur-accidents s’étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle (ATF 119 V 335 consid. 1 ; ATF 118 V 286 consid. 1b et les références) et adéquate avec l’événement assuré (ATF 125 V 456 consid. 5a et les références).

Le droit à des prestations découlant d'un accident assuré suppose d'abord, entre l'événement dommageable de caractère accidentel et l'atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette condition est réalisée lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière. Il n'est pas nécessaire que l'accident soit la cause unique ou immédiate de l'atteinte à la santé : il suffit qu'associé éventuellement à d'autres facteurs, il ait provoqué l'atteinte à la santé, c'est-à-dire qu'il apparaisse comme la condition sine qua non de cette atteinte (ATF 142 V 435 consid. 1).

Savoir si l'événement assuré et l'atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait, que l'administration ou, le cas échéant, le juge examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d'ordre médical, et qui doit être tranchée en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l'appréciation des preuves dans l'assurance sociale. Ainsi, lorsque l'existence d'un rapport de cause à effet entre l'accident et le dommage paraît possible, mais qu'elle ne peut pas être qualifiée de probable dans le cas particulier, le droit à des prestations fondées sur l'accident assuré doit être nié (ATF 129 V 177 consid. 3.1 ; ATF 119 V 335 consid. 1 ; ATF 118 V 286 consid. 1b et les références).

Le fait que des symptômes douloureux ne se sont manifestés qu'après la survenance d'un accident ne suffit pas à établir un rapport de causalité naturelle avec cet accident (raisonnement « post hoc, ergo propter hoc » ; ATF 119 V 335 consid. 2b/bb ; RAMA 1999 n° U 341 p. 408, consid. 3b). Il convient en principe d'en rechercher l'étiologie et de vérifier, sur cette base, l'existence du rapport de causalité avec l'événement assuré.

4.1.3 En vertu de l'art. 36 al. 1 LAA, les prestations pour soins, les remboursements de frais ainsi que les indemnités journalières et les allocations pour impotent ne sont pas réduits lorsque l'atteinte à la santé n'est que partiellement imputable à l'accident. Lorsqu'un état maladif préexistant est aggravé ou, de manière générale, apparaît consécutivement à un accident, le devoir de l'assurance-accidents d'allouer des prestations cesse si l'accident ne constitue pas la cause naturelle (et adéquate) du dommage, soit lorsque ce dernier résulte exclusivement de causes étrangères à l'accident. Tel est le cas lorsque l'état de santé de l'intéressé est similaire à celui qui existait immédiatement avant l'accident (statu quo ante) ou à celui qui existerait même sans l'accident par suite d'un développement ordinaire (statu quo sine). A contrario, aussi longtemps que le statu quo sine vel ante n'est pas rétabli, l'assureur-accidents doit prendre à sa charge le traitement de l'état maladif préexistant, dans la mesure où il s'est manifesté à l'occasion de l'accident ou a été aggravé par ce dernier (ATF 146 V 51 consid. 5.1 et les références). En principe, on examinera si l'atteinte à la santé est encore imputable à l'accident ou ne l'est plus (statu quo ante ou statu quo sine) sur le critère de la vraisemblance prépondérante, usuel en matière de preuve dans le domaine des assurances sociales (ATF 129 V 177 consid. 3.1 et les références), étant précisé que le fardeau de la preuve de la disparition du lien de causalité appartient à la partie qui invoque la suppression du droit (ATF 146 V 51 précité consid. 5.1 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_606/2021 du 5 juillet 2022 consid. 3.2).

4.1.4 Le droit à des prestations de l'assurance-accidents suppose en outre l'existence d'un lien de causalité adéquate entre l'accident et l'atteinte à la santé. La causalité est adéquate si, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s'est produit, la survenance de ce résultat paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance (ATF 129 V 177 consid. 3.2 et ATF 125 V 456 consid. 5a et les références). En présence d'une atteinte à la santé physique, le problème de la causalité adéquate ne se pose toutefois guère, car l'assureur-accidents répond aussi des complications les plus singulières et les plus graves qui ne se produisent habituellement pas selon l'expérience médicale (ATF 118 V 286 consid. 3a et ATF 117 V 359 consid. 5d/b b; arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 351/04 du 14 février 2006 consid. 3.2).

4.2 Le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 125 V 351 consid. 3b/aa et les références).

4.3 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

5.             En l’espèce, la chambre de céans relève le fait que l’arthrose acromio-claviculaire était préexistante à l’accident du 16 mai 2019 ne remet pas en cause les conclusions de l’expert, celui-ci ne le contestant pas, retenant seulement que cette atteinte avait certainement été aggravée par la chute du recourant.

Contrairement à ce qu’allègue l’intimée, le Dr D______ a mentionné cette atteinte comme motif de son intervention du 18 février 2020, puisqu’il a indiqué le 30 janvier 2020 qu’elle avait été proposée au recourant, notamment en raison de douleurs à la palpation de l’acromio-claviculaire. L’expert a expliqué que l’intervention avait traité les lésions en présence et, notamment, l’arthrose acromio-claviculaire, par excision du centimètre externe de la clavicule. En conséquence, l’intervention avait au moins partiellement pour but de traiter une atteinte à la santé, qui était en lien de causalité avec l’événement assuré par l’intimée. Cela suffit, en vertu de l'art. 36 al. 1 LAA, pour justifier sa prise en charge par l’intimée, les frais médicaux n’étant pas réduits lorsque l'atteinte à la santé n'est que partiellement imputable à l'accident. Aussi longtemps que le statu quo sine vel ante n'est pas rétabli, l'assureur-accidents doit prendre à sa charge le traitement de l'état maladif préexistant, dans la mesure où il s'est manifesté à l'occasion de l'accident ou a été aggravé par ce dernier.

Le Dr D______ a constaté l’arthrose acromio-claviculaire à l’arthroscopie et l’a traitée par excision du centimètre externe de la clavicule, selon la technique habituelle. L’expert a pris en compte le fait que les examens cliniques n’étaient pas tous concordants s’agissant de cette atteinte. Cela étant, il a indiqué que de façon générale, l’arthrose acromio-claviculaire se trouvait chez bon nombre de patients et qu’elle était le plus souvent asymptomatique et souvent surtraitée lors de geste arthroscopique sur la coiffe des rotateurs. Dans le cas d’espèce, la nature du traumatisme, soit un choc direct sur le moignon de l’épaule gauche, avait aggravé une arthrose préexistante et justifié le geste d’excision de la clavicule distale pratiquée. L’expert a fixé le statu quo sine au 17 février 2021 et l’intimée ne remet pas sérieusement en cause cette conclusion par son argumentation.

5.1 En conclusion, l’expertise judiciaire doit se voir reconnaître une pleine valeur probante et, sur cette base, il convient de retenir que l’intimée doit prendre en charge les suites de l’accident en cause jusqu’au 17 février 2021.

6.              

6.1 Le recours est ainsi bien fondé et la décision sur opposition du 4 novembre 2020 sera réformée, dans le sens que le recourant a droit aux prestations de l’intimée pour les suites de son accident du 16 mai 2019 jusqu’au 17 février 2021.

6.2 Conformément à la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, l’art. 45 al. 1 LPGA constitue une base légale suffisante pour mettre les coûts d’une expertise judiciaire à la charge de l’assureur (ATF 143 V 269 consid. 6.2.1 et les références), lorsque les résultats de l'instruction mise en œuvre dans la procédure administrative n'ont pas une valeur probatoire suffisante pour trancher des points juridiquement essentiels et qu'en soi un renvoi est envisageable en vue d'administrer les preuves considérées comme indispensables, mais qu'un tel renvoi apparaît peu opportun au regard du principe de l'égalité des armes (ATF 139 V 225 consid. 4.3).

Cette règle ne saurait entraîner la mise systématique des frais d'une expertise judiciaire à la charge de l'autorité administrative. Encore faut-il que l'autorité administrative ait procédé à une instruction présentant des lacunes ou des insuffisances caractérisées et que l'expertise judiciaire serve à pallier les manquements commis dans la phase d'instruction administrative.

En l’espèce, les frais de l’expertise judiciaire seront mis à la charge de l’intimée, car elle s’est fondée sur une instruction manifestement insuffisante.

6.3 Le recourant obtenant gain de cause, une indemnité de CHF 2'500.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

6.4 Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA).

 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

A la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Réforme la décision sur opposition du 8 décembre 2020, dans le sens que le recourant a droit aux prestations de l’intimée pour ses troubles de l’épaule gauche en lien de causalité avec son accident du 16 mai 2019 jusqu’au 17 février 2021.

4.        Met les frais de l’expertise judiciaire, à hauteur de CHF 9'250.-, à la charge de l’intimée.

5.        Alloue au recourant une indemnité de CHF 2'500.- à titre de dépens, à la charge de l’intimée.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le