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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3914/2023

ATAS/347/2024 du 16.05.2024 ( LAA ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3914/2023 ATAS/347/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 16 mai 2024

Chambre 5

 

En la cause

A______
représenté par Me Yann ZOSSO, avocat

 

 

recourant

 

contre

SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l'assuré ou le recourant), né en ______ 1986, domicilié en France, a été employé de la société B______ SA (ci-après : l'employeuse) en qualité de monteur électricien et était à ce titre assuré contre le risque accident auprès de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (ci-après : SUVA ou l'intimée).

b. Le 19 novembre 2019, l'assuré, qui disposait d'une capacité de travail partielle suite à un premier accident du 6 juin 2019 ayant affecté la cheville droite et le poignet gauche, a été victime d'un accident sur son lieu de travail. Selon la déclaration d'accident remplie par l'employeuse, il avait reçu un éclat dans l'œil alors qu'il perforait du béton au plafond. D'autres documents relatent que l'assuré a reçu une brique tombant du plafond au niveau zygomatique gauche.

B. a. L'assuré a réalisé un scanner des sinus le 21 novembre 2019 qui a conclu à une fracture de la lame papyracée de l'orbite gauche avec herniation graisseuse et partielle du muscle droit médial au sein des cellules ethmoïdales. Aucune autre localisation fracturaire n'était mise en évidence, ni de pneumorbite.

b. Lors de la consultation du même jour au sein de l'unité d'urgences ambulatoires des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), l'assuré a rapporté ressentir un tiraillement au coin interne de l'œil gauche, une impression de brillance au niveau du champ visuel gauche, par moment une sensation de tangage dans le regard au loin, de légères céphalées fronto-temporales gauches intermittentes, ainsi qu'une photophobie. L'examen physique neurologique était sans problèmes. Selon l'avis du chirurgien maxillo-facial de garde, l'assuré devait réaliser rapidement un contrôle ophtalmologique. Le traitement était au surplus conservateur.

c. La SUVA a versé des indemnités journalières du 19 novembre 2019 au 20 janvier 2020 pour une incapacité de travail à 100%, en raison des suites de l'accident du 19 novembre 2019.

d. Le 6 février 2020, l'assuré a été admis au service des urgences des HUG pour des céphalées violentes et inhabituelles. L'anamnèse fait état d'une diplopie horizontale gauche, faisant suspecter une paralysie de l'abducteur de l'œil gauche, et de vertiges stables. Sous l'angle neurologique, une très discrète paralysie de l'abducteur gauche était retrouvée. La poursuite du suivi en chirurgie maxillo-faciale était préconisée.

e. L'employeuse a résilié le contrat de travail de l'assuré avec effet au 12 septembre 2021.

f. Par courriel du 15 mai 2022, l'assuré a informé la SUVA que son œil gauche avait mal réagi à des travaux demandant une acuité visuelle intense, réalisés dans le cadre d'un stage médico-professionnel aux établissements publics pour l'intégration (ci-après : EPI). Sa référente avait observé que son maxillo-facial gauche avait gonflé et il était alors allé faire de nouveaux contrôles, dont les comptes rendus ont été transmis à la SUVA le 14 juin 2022, à savoir :

- Certificat du 30 mars 2022 du docteur C______, signé par son remplaçant, le docteur D______, certifiant avoir retrouvé, dans le cadre de son examen du même jour, une altération des troubles de la vision suite à des travaux d'acuité visuelle intense ;

- Scanner des sinus réalisé le 2 mai 2022 constatant une déhiscence de lame papyracée gauche sur 2.2 cm de longueur avec procidence du contenu orbitaire (protrusion de la graisse intra-orbitaire et du muscle droit médial d'aspect discrètement tuméfié) ;

- Examens réalisés par Madame E______, orthoptiste consultée le 16 mai 2022 par l'assuré, concluant à l'absence de limitations de la vision binoculaire, qui était bonne. La gêne de l'œil gauche rapportée par l'assuré, avec douleurs au niveau temporal, n'était pas expliquée par le bilan orthoptique, de sorte qu'elle conseillait un examen ophtalmologique. Dans ses notes, l'orthoptiste mentionnait que l'assuré se plaignait d'une vision floue après 45 minutes, de douleurs au niveau temporal et d'un larmoiement de l'œil gauche au soleil. À son rapport, étaient jointes les images du scanner de la rétine réalisé le 17 mai 2022.

g. Dans un courrier du 8 juillet 2022, la SUVA a demandé à l'assuré de faire le nécessaire auprès de son employeur actuel, afin que celui-ci déclare la rechute de l'accident du 19 novembre 2019, dans la mesure où il avait sollicité une aide médicale pour un problème de santé qu'elle avait couvert dans le passé.

h. Après que la SUVA eut relancé l'assuré aux fins d'obtenir la déclaration demandée le 8 juillet 2022, celui-ci a contesté, par courrier du 10 novembre 2022 de son ancien conseil, qu'il s'agissait d'une rechute, relevant que le cas n'avait pas été clos, aucune décision ou acte de clôture du dossier n'ayant été rendus. Au surplus, son ancien employeur l'avait invité à s'adresser directement à la SUVA, dans la mesure où son contrat avait été résilié.

i. Par courriel du 1er décembre 2022, la SUVA a indiqué que le cas avait été clos au 30 juin 2020, de sorte que la facture pour le remboursement des traitements devait être adressée à l'assurance-maladie de l'assuré.

j. À la suite d'échanges avec le conseil de l'assuré, la SUVA a demandé la transmission des renseignements médicaux postérieurs au dernier rapport de consultation des HUG de 2020. Le scanner du 2 mai 2022 et les examens de l'orthoptiste, qui figuraient déjà au dossier, lui ont alors été remis.

k. Dans un avis du 27 janvier 2023, le docteur F______, médecin d'arrondissement de la SUVA et spécialiste FMH en ophtalmologie, a indiqué que les plaintes invoquées au niveau de l'œil gauche n'étaient pas imputables au degré de vraisemblance prépondérante au sinistre du 19 novembre 2019. Aucune problématique ophtalmologique n'était en effet retrouvée, mis à part les douleurs. Les conclusions Heiss-Weiss de l'orthoptiste, ainsi que le scanner maculaire des deux yeux, étaient sans particularités.

l. Par courrier du 28 février 2023, la SUVA, se référant à l'avis de son médecin d'arrondissement, a refusé la demande de prise en charge du traitement médical pour les troubles ophtalmologiques de l'assuré, aucun lien de causalité certain, ou du moins vraisemblable, n'existant entre ces troubles et l'évènement du 19 novembre 2019.

m. Le 29 juin 2023, le nouveau conseil de l'assuré a sollicité que la SUVA reprenne l'instruction du dossier et mette, cas échéant, en œuvre une expertise, car l'avis de son médecin d'arrondissement, vide de tout contenu et rendu en dépit des rapports médicaux attestant d'atteintes en concordance avec les plaintes de l'assuré, était impropre à fonder un refus de prestations. À défaut, une décision formelle de refus de prestations était sollicitée.

n. Interrogé par la SUVA, le Dr F______ a renvoyé, le 21 juillet 2023, à sa précédente appréciation. Il ne pouvait apporter aucune autre précision que celles mentionnées dans son appréciation du 27 janvier 2023, à défaut de nouvel élément médical. L'avocat de l'assuré citait ses réponses, sans pour autant mentionner ses considérations médicales.

o. Par décision du 27 juillet 2023, la SUVA a refusé de verser des prestations d'assurance, pour les mêmes motifs que ceux exprimés dans son courrier du 28 février 2023.

p. Le 25 août 2023, l'assuré s'est opposé à la décision et a relevé que, selon son ancien conseil, la SUVA allait lui remettre un questionnaire détaillé qu'il pourrait transmettre à un ophtalmologue lors de sa prochaine consultation, en vue de disposer d'informations plus précises.

q. Sous la plume de son conseil, en date du 13 septembre 2023, l'assuré a encore formé opposition à la décision du 27 juillet 2023, soutenant que le lien de causalité entre l'accident du 19 novembre 2019 et ses troubles devait être admis, a fortiori sous l'angle de la vraisemblance prépondérante.

r. Une nouvelle fois interrogé par la SUVA, le Dr F______ a indiqué, le 20 octobre 2023, que le dernier rapport du service d'ophtalmologie des HUG du 16 et 17 mai 2023 [recte : 2022] constatait un état ophtalmologique et orthoptique absolument dans la norme ; aucune restriction de la mobilité des yeux n'avait en particulier été retrouvée, laquelle aurait pu être une conséquence de l'accident du 19 novembre 2019 qui avait entraîné une fracture d'une partie de l'orbite. Les troubles rapportés (douleurs en temporal, vision floue après 45 minutes et larmoiement de l'œil gauche au soleil) ne pouvaient être mis en relation de causalité avec l'accident, car il n'y avait « aucune pathologie retrouvée lors de l'examen clinique qui pourrait être mise en relation de causalité avec l'accident qui nous occupe ici ». La déhiscence de la lame papyracée gauche avec procidence de contenu orbitaire était une lésion en causalité avec l'accident et aurait tout à fait pu conduire à une restriction de la motilité de l'œil du côté concerné et ainsi mener à une diplopie, ce qui n'avait toutefois pas été le cas chez l'assuré, raison pour laquelle les médecins traitants avaient d'ailleurs choisi de n'entreprendre aucune intervention chirurgicale, la situation s'étant normalisée spontanément. Les problèmes exprimés par l'assuré lors de la consultation ophtalmologique en « mai 2023 » ne pouvaient, par ailleurs, être mis en relation avec la procidence de graisse orbitale visible au scanner. Ces douleurs et larmoiements étaient probablement un symptôme d'un œil desséché de nature maladive. Le Dr F______ proposait néanmoins de prendre en charge les examens réalisés jusqu'alors à titre de mesures d'instruction.

s. Par décision sur opposition du 23 octobre 2023 notifiée le 25 octobre 2023, la SUVA, se fondant sur les conclusions de son médecin d'arrondissement, a rejeté l'opposition et accepté de prendre en charge, à bien plaire, les examens réalisés jusqu'alors à titre de mesures d'instruction.

C. a. Par acte du 24 novembre 2023, sous la plume de son mandataire, l'assuré a interjeté recours à l'encontre de la décision du 23 octobre 2023, concluant, sous suite de dépens, principalement, à son annulation, à ce qu'il soit dit que les lésions à son œil gauche étaient en relation de causalité naturelle et adéquate avec l'accident du 19 novembre 2019 et à ce que la cause soit renvoyée à l'intimée pour qu'elle procède en ce sens. Subsidiairement, il a requis qu'une expertise médicale portant sur la question de la causalité soit ordonnée.

Le recourant s'est prévalu du fait que le Dr F______ avait statué en l'état du dossier, sans l'avoir examiné et en n'ayant à sa disposition que des impressions de l'imagerie. Il n'avait, par ailleurs, pas tenu compte du fait que l'examen aux HUG le 6 février 2020 faisait état d'une diplopie. L'accident avait donc causé, à tout le moins, une partie des troubles observés, de sorte que l'on pouvait présumer que les autres troubles lui étaient aussi imputables. En tout état de cause, l'appréciation du médecin d'arrondissement était insuffisamment motivée pour se voir reconnaître la moindre force probante. Il lui appartenait, en particulier, de détailler les raisons qui lui permettaient d'exclure que la fracture et la protrusion orbitaire objectivées soient à l'origine d'autres atteintes, ce qu'il n'avait pas fait. Or, dès lors que des lésions importantes de la cavité orbitale à même d'expliquer ses plaintes avaient été objectivées, la causalité devait être admise sous l'angle de la vraisemblance prépondérante. Par souci de célérité et d'obtention d'un résultat probant, une expertise médicale devait être ordonnée par la chambre de céans, si celle-ci ne devait, par impossible, pas souscrire à cette appréciation.

À l'appui de son écriture, le recourant a produit un certificat médical du Dr C______ du 21 novembre 2023, aux termes duquel il présentait de façon récurrente des infections des sinus, du nez et de l'œil gauche depuis son accident du travail le 19 novembre 2019 et la fracture occasionnée de la lame papyracée de l'orbite gauche. Le médecin certifiait en outre que le recourant était atteint d'une diplopie horizontale gauche.

b. Dans son mémoire de réponse du 19 décembre 2023, l'intimée a conclu au rejet du recours. L'appréciation du Dr F______ était fondée sur un dossier complet et avait pleine valeur probante. De plus, si une diplopie avait été constatée en 2020, tel n'était plus le cas en 2022, aucun trouble oculaire n'ayant alors été relevé. Aucun examen ophtalmologique n'avait par ailleurs été réalisé postérieurement à ceux de mai 2022, ce qui démontrait que le cas était stabilisé.

c. Par réplique du 9 janvier 2024, le recourant a persisté dans ses conclusions, relevant que l'intimée contestait désormais l'existence des troubles rapportés, notamment la diplopie, alors que son médecin d'arrondissement ne les remettait pas en cause et avait uniquement contesté le lien de causalité. Or, les atteintes et les limitations dont il souffrait étaient d'actualité et étaient documentées. L'intimée était, au surplus, malvenue de se prévaloir de l'absence de contrôles postérieurs à 2022 pour en conclure que son état se serait stabilisé. Il avait en effet diminué les démarches investigatoires et la recherche de traitements en raison du refus de leur prise en charge par la SUVA. Le recourant produisait, par ailleurs, les notes de suites du 17 mai 2022 de la docteure G______, du service ophtalmologique des HUG, faisant état, pour l'œil gauche, de « quelques KPS en inf », d'un petit nævus choroïdien au niveau de l'arcade inférieure, d'un léger astigmatisme et d'une légère sécheresse oculaire.

d. Le 19 janvier 2024, l'intimée a répliqué et persisté dans ses conclusions, soulignant que les notes de suites produites ne faisaient que confirmer l'appréciation médicale de son médecin d'arrondissement selon lesquelles les plaintes du recourant étaient probablement un symptôme d'un œil desséché de nature maladive.

e. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

f. Les autres faits et informations, seront mentionnés, en tant que de besoin, dans la partie « en droit » du présent arrêt.

 

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence matérielle pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Aux termes de l'art. 58 al. 1 LPGA, en liaison avec l'art. 1 al. 1 LAA, le tribunal des assurances compétent pour connaître d'un recours contre une décision en matière d'assurance-accidents obligatoire est celui du canton de domicile de l'assuré ou d'une autre partie au moment du dépôt du recours. Selon l'al. 2, si l'assuré ou une autre partie sont domiciliés à l'étranger, le tribunal des assurances compétent est celui du canton de leur dernier domicile en Suisse ou celui du canton de domicile de leur dernier employeur suisse ; si aucun de ces domiciles ne peut être déterminé, le tribunal des assurances compétent est celui du canton où l'organe d'exécution a son siège.

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, il y a lieu d'admettre l'existence d'un for au lieu de la succursale – en tant que domicile du dernier employeur suisse – s'il constitue pour le litige un point de rattachement prépondérant. Tel est le cas lorsque l'assuré a travaillé pour la succursale d'une société, dans un canton différent du siège principal (ATF 144 V 313 consid. 6.5).

En l'occurrence, le recourant est domicilié en France et n'a jamais élu de domicile en Suisse à teneur des informations au dossier. Il a néanmoins travaillé en Suisse, son dernier employeur connu étant la société B______ SA, dont le siège principal se situe dans le canton de Vaud et qui dispose de plusieurs succursales dans toute la Suisse, dont une à Genève, plus particulièrement à Plan-les-Ouates, et antérieurement à Perly. Or, à teneur de son contrat de mission du 18 avril 2019, le recourant a été engagé par la succursale de Perly et affecté sur un chantier à Carouge.

Ainsi, la compétence locale de la chambre de céans est aussi donnée, le for au lieu de la succursale de Genève devant être admis.

2.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LAA, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-accidents, à moins que la loi n'y déroge expressément.

3.             Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

4.             Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

5.             Le litige porte sur l'existence d'un lien de causalité entre les troubles de l'œil gauche présentés par le recourant et l'accident du 19 novembre 2019.

6.             À titre liminaire, il sied de se prononcer sur la procédure utilisée par l'intimée pour rendre la décision litigieuse.

6.1 Conformément à l'art. 49 al. 1 LPGA, l'assureur doit rendre par écrit les décisions qui portent sur des prestations, créances ou injonctions importantes ou avec lesquelles l'intéressé n'est pas d'accord. L'art. 51 LPGA, laisse toutefois la possibilité à l'assureur de traiter les prestations, créances ou injonctions qui ne sont pas visées à la disposition susmentionnée selon une procédure simplifiée, l'assuré pouvant néanmoins exiger qu'une décision soit rendue. La prise de position de l'assureur selon la procédure simplifiée reste écrite, le plus souvent sous la forme d'un relevé ou d'un décompte (Valérie DÉFAGO GAUDIN in Commentaire romand, Loi sur la partie générale des assurances sociales, 2018, n. 7 ad. art. 51 LPGA).

Aux termes de l'art. 124 let. b de l'ordonnance sur l'assurance-accidents du 20 décembre 1982 (OLAA - RS 832.202), les assureurs doivent communiquer par écrit les décisions concernant la réduction ou le refus de prestations d'assurance.

Au surplus, selon la jurisprudence, la suspension du traitement médical et de l'indemnité journalière dans le cadre d'une liquidation du cas doit être décidée formellement. L'importance d'une suppression de prestations temporaires (indemnité journalière, traitement médical) ne se mesure pas à la durée du versement de ces prestations, car ce qui est important ne réside pas dans la fin de la période d'indemnisation – qu'elle ait été longue ou courte –, mais dans la liquidation du cas ex nunc et pro futuro puisque les personnes assurées ne peuvent plus compter sur aucune prestation (ATF 132 V 412). Par ailleurs, celui qui entend contester le refus (total ou partiel) de prestations communiqué à tort par l'assurance-accidents selon une procédure simplifiée, sans décision formelle, doit en principe le déclarer dans un délai d'une année. L'assureur doit alors rendre une décision formelle, contre laquelle la procédure d'opposition est ouverte. À défaut de réaction dans le délai utile, le refus entre en force comme si la procédure simplifiée prévue par l'art. 51 al. 1 LPGA avait été appliquée à juste titre (ATF 134 V 145).

6.2 En l'occurrence, il sied de constater que l'intimée, alors qu'elle avait accordé des indemnités journalières des suites de l'accident du 19 novembre 2019 et pris en charge les frais médicaux, n'a pas informé le recourant de la fin de ses prestations, ni au moyen d'une décision formelle, ni même de manière informelle par le biais d'une simple communication. Ce n'est, en effet, que lorsque le recourant a contesté que les nouvelles difficultés oculaires rencontrées à l'occasion de son stage aux EPI devaient faire l'objet d'une déclaration de rechute, tel que sollicité par l'intimée, que cette dernière s'est prévalue de ce que le cas aurait été clos au 30 juin 2020 (courriel du 1er décembre 2022). Par la suite, le 28 février 2023, l'intimée a rendu une décision informelle de refus de prise en charge des prestations et, à la suite de la demande du recourant d'obtenir une décision formelle susceptible de contestation, a rendu une telle décision, en date du 27 juillet 2023.

À juste titre, l'intimée ne se prévaut pas de ce que la demande du recourant d'obtenir une décision formelle sujette à opposition aurait été élevée sans délai. Il apparaît, au contraire, que ce dernier a requis une telle décision dans l'année qui a suivi la communication informelle du 28 février 2023, étant précisé que l'éventuelle clôture antérieure du cas au 30 juin 2020 ne saurait lui être opposée, à défaut de communication à cet égard. Ainsi, les explications données par téléphone du 13 décembre 2022 au premier conseil du recourant, selon lesquelles il arriverait à l'intimée de clôturer des dossiers à la fin du traitement médical sans décision, n'apparaissent pas compatibles avec les principes juridiques développés ci-dessus. S'il est possible que cette procédure ait, dans le cas d'espèce, été suivie en raison de l'accident antérieur du 6 juin 2019 qui, à teneur des maigres informations au dossier du second accident, semblait toujours être en cours d'instruction, il n'en demeure pas moins que l'intimée devait rendre une décision formelle de fin de versement des indemnités journalières et de fin de prise en charge du traitement médical pour les suites de l'évènement du 19 novembre 2019.

Il découle de ce qui précède que le cas – qui n'a jamais été formellement clos – ne doit pas être appréhendé sous l'angle de la rechute ou de la séquelle tardive, au sens de l'art. 11 OLAA, ce que ne prétend du reste plus l'intimée.

7.             Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle.

La responsabilité de l’assureur-accidents s’étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle (ATF 119 V 335 consid. 1 ; 118 V 286 consid. 1b et les références) et adéquate avec l’événement assuré (ATF 125 V 456 consid. 5a et les références).

Le droit à des prestations découlant d'un accident assuré suppose d'abord, entre l'événement dommageable de caractère accidentel et l'atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette condition est réalisée lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière (ATF 148 V 356 consid. 3 ; 148 V 138 consid. 5.1.1). Il n'est pas nécessaire que l'accident soit la cause unique ou immédiate de l'atteinte à la santé : il suffit qu'associé éventuellement à d'autres facteurs, il ait provoqué l'atteinte à la santé, c'est-à-dire qu'il apparaisse comme la condition sine qua non de cette atteinte (ATF 142 V 435 consid. 1).

Savoir si l'événement assuré et l'atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait, que l'administration ou, le cas échéant, le juge examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d'ordre médical, et qui doit être tranchée en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l'appréciation des preuves dans l'assurance sociale. Ainsi, lorsque l'existence d'un rapport de cause à effet entre l'accident et le dommage paraît possible, mais qu'elle ne peut pas être qualifiée de probable dans le cas particulier, le droit à des prestations fondées sur l'accident assuré doit être nié (ATF 129 V 177 consid. 3.1 ; 119 V 335 consid. 1 et 118 V 286 consid. 1b et les références).

Le fait que des symptômes douloureux ne se sont manifestés qu'après la survenance d'un accident ne suffit pas à établir un rapport de causalité naturelle avec cet accident (raisonnement « post hoc, ergo propter hoc » ; ATF 119 V 335 consid. 2b/bb ; RAMA 1999 n° U 341 p. 408 consid. 3b). Il convient en principe d'en rechercher l'étiologie et de vérifier, sur cette base, l'existence du rapport de causalité avec l'événement assuré.

Une fois que le lien de causalité naturelle a été établi au degré de la vraisemblance prépondérante, l’obligation de prester de l’assureur cesse lorsque l'accident ne constitue pas (plus) la cause naturelle et adéquate du dommage, soit lorsque ce dernier résulte exclusivement de causes étrangères à l'accident. Tel est le cas lorsque l'état de santé de l'intéressé est similaire à celui qui existait immédiatement avant l'accident (statu quo ante) ou à celui qui serait survenu tôt ou tard même sans l'accident par suite d'un développement ordinaire (statu quo sine) (RAMA 1994 n° U 206 p. 328 consid. 3b ; RAMA 1992 n° U 142 p. 75 consid. 4b). En principe, on examinera si l’atteinte à la santé est encore imputable à l’accident ou ne l’est plus (statu quo ante ou statu quo sine) selon le critère de la vraisemblance prépondérante, usuel en matière de preuve dans le domaine des assurances sociales (ATF 126 V 360 consid. 5b ; 125 V 195 consid. 2 ; RAMA 2000 n° U 363 p. 46).

Le droit à des prestations de l'assurance-accidents suppose en outre l'existence d'un lien de causalité adéquate entre l'accident et l'atteinte à la santé. La causalité est adéquate si, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s'est produit, la survenance de ce résultat paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance (ATF 148 V 356 consid. 3 ; 143 II 661 consid. 5.1.2 ; 139 V 156 consid. 8.4.2). En présence d'une atteinte à la santé physique, le problème de la causalité adéquate ne se pose toutefois guère, car l'assureur-accidents répond aussi des complications les plus singulières et les plus graves qui ne se produisent habituellement pas selon l'expérience médicale (ATF 118 V 286 consid. 3a et 117 V 359 consid. 5d/bb ; arrêt du Tribunal fédéral U 351/04 du 14 février 2006 consid. 3.2).

8.              

8.1 La plupart des éventualités assurées (par exemple la maladie, l'accident, l'incapacité de travail, l'invalidité, l'atteinte à l'intégrité physique ou mentale) supposent l'instruction de faits d'ordre médical. Or, pour pouvoir établir le droit de l'assuré à des prestations, l'administration ou le juge a besoin de documents que le médecin doit lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1).

8.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux (ATF 125 V 351 consid. 3b).

8.3 Le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d'un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l'assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l'objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l'égard de l'assuré. Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l'impartialité d'une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Étant donné l'importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l'impartialité de l'expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).

Lorsqu'un cas d'assurance est réglé sans avoir recours à une expertise dans une procédure au sens de l'art. 44 LPGA, l'appréciation des preuves est soumise à des exigences sévères : s'il existe un doute même minime sur la fiabilité et la validité des constatations d'un médecin de l'assurance, il y a lieu de procéder à des investigations complémentaires (ATF 145 V 97 consid. 8.5 et les références ; 142 V 58 consid. 5.1 et les références ; 139 V 225 consid. 5.2 et les références ; 135 V 465 consid. 4.4 et les références). En effet, si la jurisprudence a reconnu la valeur probante des rapports médicaux des médecins-conseils, elle a souligné qu'ils n'avaient pas la même force probante qu'une expertise judiciaire ou une expertise mise en œuvre par un assureur social dans une procédure selon l'art. 44 LPGA (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références).

Dans une procédure portant sur l'octroi ou le refus de prestations d'assurances sociales, lorsqu'une décision administrative s'appuie exclusivement sur l'appréciation d'un médecin interne à l'assureur social et que l'avis d'un médecin traitant ou d'un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes même faibles quant à la fiabilité et la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l'un ou sur l'autre de ces avis et il y a lieu de mettre en œuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l'art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 139 V 225 consid. 5.2 et les références ; 135 V 465 consid. 4).

8.4 Une appréciation médicale, respectivement une expertise médicale établie sur la base d'un dossier n’est pas en soi sans valeur probante. Une expertise médicale établie sur la base d'un dossier peut avoir valeur probante pour autant que celui-ci contienne suffisamment d'appréciations médicales qui, elles, se fondent sur un examen personnel de l'assuré (RAMA 2001 n° U 438 p. 346 consid. 3d). L’importance de l’examen personnel de l’assuré par l’expert n’est reléguée au second plan que lorsqu’il s’agit, pour l’essentiel, de porter un jugement sur des éléments d’ordre médical déjà établis et que des investigations médicales nouvelles s’avèrent superflues. En pareil cas, une expertise médicale effectuée uniquement sur la base d’un dossier peut se voir reconnaître une pleine valeur probante (arrêt du Tribunal fédéral 8C_681/2011 du 27 juin 2012 consid. 4.1 et les références).

8.5 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a ; 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

9.             Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, les autorités administratives et les juges des assurances sociales doivent procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raison pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Ils ne peuvent ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, ils doivent mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 283 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4 ; SVR 2010 IV n. 49 p. 151 consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

De plus, il appartient en premier lieu à l'assureur-accidents de procéder à des instructions complémentaires pour établir d'office l'ensemble des faits déterminants et, le cas échéant, d'administrer les preuves nécessaires avant de rendre sa décision, en vertu de l'art. 43 al. 1 LPGA (ATF 132 V 368 consid. 5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_696/2022 du 2 juin 2023 consid. 4.5 et les références).

10.         En l'espèce, se fondant sur l'appréciation médicale du Dr F______, l'intimée a considéré que la condition du lien de causalité entre l'accident du 19 novembre 2019 et les troubles du recourant n'était pas remplie.

Il s'agit donc de déterminer si l'évaluation du médecin précité peut se voir accorder une pleine valeur probante.

À ce titre, la chambre de céans observe que le médecin d'arrondissement s'est exprimé à trois reprises au sujet du cas. Dans son premier avis du 27 janvier 2023, il a brièvement indiqué que le lien de causalité n'était pas donné, car aucune problématique ophtalmologique n'était retrouvée, à l'exception de douleurs. Cette première prise de position n'est pas suffisamment détaillée pour permettre de comprendre le raisonnement du spécialiste. En effet, il n'explique pas en quoi des douleurs oculaires ne seraient pas un problème ophtalmologique, ni n'examine si les autres troubles dont le recourant se plaignait en mai 2022 (vision floue après 45 minutes et larmoiement de l'œil gauche au soleil) pourraient être une conséquence, ou non, de l'accident. Par ailleurs, dans son deuxième avis du 21 juillet 2023, le médecin d'arrondissement s'est contenté de renvoyer à sa précédente appréciation, quand bien même des doutes à son sujet avaient déjà été élevés par le conseil du recourant. Ce n'est que le 20 octobre 2023, à la suite de l'opposition du recourant, que le Dr F______ a quelque peu développé son raisonnement. Néanmoins, son appréciation reste relativement sommaire et peu claire. S'il semble se dégager de cet avis qu'une restriction de la motilité de l'œil gauche aurait pu être admise, en tant que conséquence de l'accident et que tel ne serait pas le cas des douleurs en temporal, d'une vision floue et d'un larmoiement au soleil, le médecin d'arrondissement n'explique cependant pas pourquoi l'étiologie de ces deux types de séquelles serait différente. À défaut d'autres explications, on ne discerne pas, en particulier, les raisons pour lesquelles des douleurs en temporal pourraient être causées par un œil desséché, étant rappelé qu'il est admis que l'accident a causé une fracture de l'orbite gauche. Le Dr F______ mentionne, en outre, que la situation se serait normalisée spontanément, ce qui, au vu du fait qu'il ne disposait d'aucune indication médicale allant dans ce sens, paraît péremptoire, et s'avère au surplus erroné au vu des pièces produites dans le cadre de la présente procédure de recours (certificat du Dr C______ du 21 novembre 2023, notes de suites du 17 mai 2022). Au surplus, alors qu'il revient à l'intimée d'instruire la situation en tant qu'assureur-accidents, le Dr F______ n'a pas jugé utile de faire réaliser d'autres examens ophtalmologiques au recourant, ou de l'examiner personnellement, quand bien même l'orthoptiste soulignait la nécessité d'un tel contrôle et qu'au moins une année s'était écoulée depuis les derniers examens. Le médecin-conseil ne se prononce pas non plus sur l'éventuelle incidence qu'un usage accru des yeux pourrait avoir sur les symptômes du recourant, lequel s'est plaint de douleurs et d'atteintes après avoir de nouveau été confronté à un environnement professionnel, à l'occasion de son stage aux EPI.

Enfin, l'intimée ne s'exprime pas (ou que partiellement) sur les éléments médicaux produits à l'occasion du recours, à savoir sur le certificat du Dr C______ du 21 novembre 2023 et sur les résultats du contrôle ophtalmologique du 17 mai 2022. Ces documents n'ont, en particulier, pas été soumis à son service médical. Or, à teneur de ceux-ci, le recourant présente de façon récurrente, depuis l'accident, des infections des sinus, du nez et de l'œil gauche et est atteint d'une diplopie ; il présente en outre « quelques KPS en inf » (probablement des kératites ponctuées superficielles, soit une atteinte de la cornée). Dans le même temps, les notes de suite du 17 mai 2022 font aussi état d'éléments qui, a priori, ne sont pas d'origine traumatique (léger astigmatisme et sécheresse oculaire au niveau de l'œil gauche, petit nævus choroïdien au niveau de l'arcade inférieure).

Au vu des éléments au dossier, la chambre de céans n'est pas en mesure d'apprécier si le lien de causalité entre l'accident du 19 novembre 2019 et les troubles du recourant est ou non donné. Les prises de position du Dr F______ ne remplissent, en effet, pas les principes jurisprudentiels pour que leur force probante soit admise, étant rappelé que lorsqu'un cas n'a pas fait l'objet d'une expertise au sens de l'art. 44 LPGA, il y a lieu de poser des exigences sévères quant à l'appréciation des preuves ; des doutes même minimes sur la fiabilité et la validité des constatations d'un médecin de l'assurance doivent conduire à des investigations complémentaires (cf. consid. 8 ci-dessus). Compte tenu de la faiblesse de l'argumentation du médecin d'arrondissement et des éléments médicaux mis en avant par les médecins traitants du recourant, il se justifie, en conséquence, de poursuivre l'instruction du dossier et d'ordonner une expertise ophtalmologique du recourant, au sens de l'art. 44 LPGA.

Contrairement à ce que requiert le recourant, la cause sera néanmoins renvoyée à l'intimée afin qu'elle mette en œuvre cette expertise, dans la mesure où il lui appartient, en premier lieu, d'instruire le cas avant de rendre sa décision (cf. consid. 9 ci-dessus). Le renvoi paraît d'autant plus justifié que si, par hypothèse, le lien de causalité venait à être admis, l'intimée devrait non seulement statuer sur la prise en charge du traitement médical, mais également examiner si d'autres prestations d'assurance devraient être accordées au recourant, singulièrement se prononcer sur une éventuelle diminution de sa capacité de travail en raison des atteintes ophtalmologiques.

11.         Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis et la décision du 23 octobre 2023 sera annulée.

La cause sera renvoyée à l'intimée pour instruction complémentaire au sens des considérants, puis nouvelle décision.

12.         Le recourant obtenant partiellement gain de cause et étant assisté d’un avocat, une indemnité de CHF 2'500.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

13.         Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet partiellement.

3.        Annule la décision de l'intimée du 23 octobre 2023.

4.        Renvoie la cause à l'intimée pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision.

5.        Condamne l'intimée à verser au recourant une indemnité de CHF 2'500.- à titre de dépens.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

C______ KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le