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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2910/2023

ATAS/320/2024 du 07.05.2024 ( CHOMAG ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2910/2023 ATAS/320/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 7 mai 2024

Chambre 15

 

En la cause

A______
représenté par Me Francesco LA SPADA, avocat

recourant

contre

CAISSE DE CHÔMAGE UNIA

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’employé ou le requérant), de nationalité espagnole, né le ______ 1960, était au bénéfice d’un permis de séjour à compter du 24 mai 2018, converti en permis d’établissement, avec effet au 22 juin 2023.

b. Le groupe B______ est l’un des fournisseurs de solutions de facilitation du commerce. Il est actif dans plusieurs pays, entre autres en République de Guinée, où il est représenté par la société C______ SA (ci-après : C______ ; cf. site internet de B______).

c. Lors d’une séance qui s’est tenue le 31 mars 2019, le conseil d’administration de C______ a nommé A______ directeur général adjoint de la société à Conakry pour une durée de deux ans.

d. Par courrier du 30 mai 2019, D______ (ci-après : D______), société sise à Dubaï, a informé A______ qu’elle entendait l’engager en tant que directeur général adjoint (Deputy General Manager) de C______, à compter du 1er juillet 2019. L’engagement devait se faire par le biais, d’une part, d’un contrat de travail local, de durée indéterminée, conclu avec C______ et, d’autre part, d’un contrat de travail temporaire de douze mois, renouvelable, conclu avec E______ SA (ci-après : E______), une société anonyme inscrite au registre du commerce de Genève, active notamment dans le placement privé de personnel, et avec laquelle D______ allait conclure un contrat de location de services (Employment Service contract). Selon la compréhension de D______, E_______ opérait conformément à la législation suisse applicable en matière de portage salarial en tant qu’intermédiaire et service de paiement (payroll service company). L’employeur était par conséquent E______, qui allait facturer à D______ le salaire convenu. E______, en tant qu’employeur, allait ensuite déduire du salaire ses frais de service, ainsi que toute cotisation, contribution, taxe ou autre frais d’assurance obligatoires selon le droit suisse et verser au requérant un salaire net.

Le salaire était versé comme suit :

o   USD 7'500.- allaient être versés, par C______, directement à l’employé, en partie en monnaie locale et en partie en USD.

o   USD 8'368.- allaient être versés par D______ à E______ conformément au contrat de location de service. E______ allait déduire USD 418.- pour ses frais de service et USD 450.-, à changer en CHF, pour couvrir les primes de l’assurance-maladie obligatoire, sur le montant précité avant d’en verser le solde à l’employé.

e. Parallèlement, les 7 et 12 juin 2019, E______ et D______ ont conclu un contrat de location de services, dont il ressort que l’employé était envoyé en mission à Conakry, République de Guinée, du 1er juillet 2019 au 30 juin 2020, pour un salaire mensuel de USD 8'368.- versé par D______ à E______. Ce montant incluait notamment les cotisations sociales.

f. Le contrat de location de services et la mission de l’employé ont été prolongés jusqu’au 30 juin 2021 (avenant du 18 mai 2020, extension n° 1), puis jusqu’au 31 décembre 2021 (avenant du 9 juin 2021, extension n° 2) et enfin jusqu’au 31 décembre 2022 (avenant du 6 décembre 2021, extension n° 3).

g. Le 26 janvier 2021, le contrat de location de service a également été modifié, en ce sens que D______ allait désormais verser un montant en CHF 8'289.-, à E______ (amendement n° 1).

h. Par courrier du 28 novembre 2022, C______ a mis un terme au contrat de travail de l’employé avec effet au 31 janvier 2023.

B. a. Le requérant s’est annoncé, en date du 9 février 2023, auprès de l’office cantonal de l’emploi (OCE) et a choisi UNIA (ci-après : UNIA, la caisse ou l’intimée) en tant que caisse de chômage.

b. Par courriel du 12 février 2023, le requérant a exposé que pendant les deux années précédentes, il avait été expatrié en Guinée, pour le compte d’une société de Dubaï. De ce fait, il avait conclu deux contrats. Afin de maintenir sa résidence fiscale en Suisse, il était passé par une société de portage salarial [E______], laquelle avait conclu un contrat de services avec son employeur, pour les salaires versés à l’étranger.

c. Le requérant a transmis à la caisse, à la demande de celle-ci, ses fiches de salaire des 24 derniers mois, établis par E______ et a répondu à un questionnaire, dont il ressort notamment que du 1er au 5 février 2023, il avait été absent de Suisse, en raison de son « déménagement international depuis le poste d’expatriation ». Selon le questionnaire en question, le lieu de travail du requérant était en Guinée jusqu’au 31 janvier 2023.

d. Par décision du 2 mars 2023, la caisse a rejeté la demande d’indemnités de chômage du 9 février 2023, considérant qu’il ressortait des fiches de salaire établies par E______ que les charges patronales n’avaient pas été versées par l’employeur, mais qu’elles avaient été entièrement prélevées sur le salaire du requérant. Par conséquent, ce dernier n’exerçait pas d’activité salariée pour le compte de E______, mais une activité indépendante. Il n’avait donc accumulé aucun mois de cotisation pendant le délai-cadre de cotisation et ne pouvait bénéficier d’aucun motif de libération.

e. Le requérant s’est opposé à la décision précitée par courrier du 7 mars 2023, expliquant que le choix du portage salarial avait été motivé par le fait que son employeur, depuis 2019, n’était pas domicilié en Suisse. Or, il souhaitait continuer à cotiser à l’AVS et à l’assurance-chômage pendant cette période. Le portage salarial existait précisément pour ce type de situations, son employeur, E______, confirmant au surplus qu’il était dans ses droits, son statut étant celui d’un salarié et non d’un indépendant. Enfin, il souhaitait que son dossier soit transféré auprès de la caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après : la CCGC).

f. Par courrier du 8 mars 2023, la caisse a refusé de transférer le dossier à la CCGC, expliquant que cette pratique n’était pas admise. Aussi, c’était elle qui lui notifierait une décision sur opposition.

g. Par courrier du 27 mars 2023, la caisse a posé plusieurs questions au requérant.

h. Le 11 avril 2023, l’assuré a persisté à solliciter le transfert de son dossier à la CCGC, cette pratique étant possible comme cela ressortait d’un courriel du 10 mars 2023 du secrétariat d’État à l’économie (SECO), joint.

i. Constatant que la CCGC avait ouvert un délai-cadre d’indemnisation à partir du 9 février 2023 également, alors qu’elle avait, pour sa part, rejeté la demande d’indemnités à compter de cette même date, UNIA a invité la CCGC à annuler ledit délai-cadre afin qu’elle puisse se prononcer sur l’opposition élevée à l’encontre de sa décision du 2 mars 2023.

j. Étant donné que son opposition à la décision de refus était toujours pendante, le requérant a répondu, par courrier du 13 avril 2023, aux questions posées le 27 mars 2023, expliquant qu’il était retourné en Suisse au moins trois fois par an, aux frais de la société, les autres voyages étant payés par lui-même. Il avait conservé son domicile en Suisse, où résidait d’ailleurs également sa famille. Pendant toute la durée de la mission, il avait payé ses impôts en Suisse. Il était considéré comme un expatrié et afin d’être en conformité avec la législation locale, ses activités et obligations avaient été spécifiées dans un contrat de travail local. Son poste imposait de suivre les directives de la société, de respecter la voie hiérarchique établie et de respecter scrupuleusement le cahier des charges. Tous les outils de travail étaient fournis par la société, qui lui avait attribué une carte de crédit corporative, pour tous les frais de déplacement professionnel.

k. Par courriel du 17 avril 2023, la CCGC a confirmé à UNIA avoir annulé le droit ouvert au 9 février 2023.

l. À la demande de la caisse, E______ lui a transmis les autorisations qui lui avaient été délivrées pour pratiquer la location de services et le placement privé de personnel ainsi que le contrat de location de service et ses différents avenants, conclus avec D______.

m. Le 2 août 2023, UNIA a écarté l’opposition du 7 mars 2023 et confirmé sa décision du 2 mars 2023, considérant que le requérant travaillait pour C______ en Guinée en qualité d’expatrié. C’était cette dernière société qui l’employait et non E______, dont le rôle se limitait à l’encaissement et au paiement des salaires, après déduction des cotisations sociales et autres frais. Par ailleurs, dès lors que D______ n’existait pas en Suisse, il ne pouvait pas non plus être considéré comme une personne détachée en Guinée par un employeur suisse. Le fait que E______ possédait une autorisation de pratiquer la location de services à l’étranger n’y changeait rien. Aussi, la question de savoir si l’activité que le requérant avait exercée auprès de C______ devait être qualifiée de dépendante ou d’indépendante pouvait rester indécise, dès lors que le requérant avait travaillé en qualité d’expatrié pour un employeur non européen, le contrat de travail applicable à la période du 1er juillet 2021 au 31 janvier 2023, soumis à la loi guinéenne, ne permettant pas de comptabiliser des périodes de cotisation en Suisse sur la base de la législation suisse. Le statut de salarié d’un employeur suisse, fixé par les autorités d’application de l’AVS compte tenu des contrats conclus avec E______, était manifestement erroné puisque le requérant exerçait une activité en Guinée, soumise à la loi guinéenne. Par ailleurs, le fait d’avoir recours au portage salarial pour déclarer, en Suisse, les salaires perçus en Guinée afin de pouvoir rester affilié au système de sécurité sociale suisse n’y changeait rien. Il en allait de même de l’adresse conservée en Suisse, du paiement des impôts en Suisse et de l’affiliation à une assurance-maladie en Suisse. Enfin, même à considérer que l’employé était effectivement un expatrié, il ne pouvait invoquer aucun motif de libération du versement des cotisations, dès lors qu’à l’époque, il n’était pas titulaire d’un permis d’établissement, mais d’un permis de séjour et qu’il ne pouvait quoi qu’il en soit pas justifier de six mois de cotisations en Suisse.

C. a. Le 14 septembre 2023, sous la plume de son conseil, le requérant a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : chambre de céans) d’un recours contre la décision sur opposition du 2 août 2023, concluant sous suite de frais et dépens à son annulation et à l’admission de son droit au chômage dès le 9 février 2023, subsidiairement, à l’annulation de la décision querellée et au renvoi de la cause à la caisse, pour nouvelle décision au sens des considérants. À l’appui de sa position, il a notamment considéré qu’en tant que personne domiciliée en Suisse, il avait cotisé à l’assurance-chômage, remplissant ainsi la condition de la période de cotisation. Il se trouvait en réalité dans une situation à cheval entre la notion de « faux frontalier » et celle de salarié dont l’employeur n’est pas tenu de cotiser (ANOBAG ou ANoBAG - Arbeitnehmer ohne beitragspflichtigen Arbeitgeber).

b. Les 19 et 26 septembre 2023, le recourant a encore transmis à la chambre de céans les courriels de l’office fédéral des assurances sociales (OFAS) des 18 et 19 septembre 2023, dans lesquels cet office a décrit la situation juridique concernant les ANoBAG et les « sociétés de portage salarial ».

c. La caisse a produit sa réponse en date du 29 septembre 2023, concluant au rejet du recours et à la confirmation de la décision attaquée. Après avoir rappelé la teneur de sa décision, l’intimée a considéré qu’il ne lui appartenait pas de décider si une personne pouvait se prévaloir du statut d’ANoBAG, le recourant ne s’étant au demeurant pas déclaré en tant que tel. Quant à la notion de « faux frontalier », elle était liée au Règlement CE n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (ci-après : règlement n° 883/2004 – RS 0.831.109.268.1), lequel ne s’appliquait pas à la Guinée.

d. Par courrier du 13 novembre 2023, le recourant a persisté dans ses conclusions, renonçant à un deuxième échange d’écritures.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 À teneur de l'art. 1 al. 1 LACI, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’assurance-chômage obligatoire et à l’indemnité en cas d’insolvabilité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

1.3 Le délai de recours est de trente jours (art. 60 al. 1 LPGA ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais pour la période du 15 juillet au 15 août inclusivement (art. 38 al. 4 let. b LPGA et art. 89C let. b LPA), le recours est recevable.

2.             Le litige porte sur le droit du recourant à des indemnités de chômage à compter du 9 février 2023, singulièrement sur la réalisation de la condition de la période de cotisation.

3.             Dès lors que le cas d’espèce a un caractère transfrontalier, il convient en premier lieu de rappeler les règles de coordination applicables.

3.1  

Dans les relations entre la Suisse et les Etats tiers, la situation dépend de l’existence d’une convention bilatérale de sécurité sociale conclue entre les deux Etats.

Les conventions bilatérales de sécurité sociale conclues par la Suisse reposent sur le principe de l’assujettissement à la législation du pays d’emploi (critère de la lex loci laboris). En cas de détachement, ces instruments prévoient que le travailleur demeure soumis à la législation de son État de provenance. La durée maximale du détachement oscille, selon les conventions, entre 12 et 60 mois. Cependant, étant donné que les conventions bilatérales ne concernent généralement pas toutes les branches d’assurances sociales, les intéressés sont susceptibles d’être assurés dans l’un et/ou l’autre État, selon le régime d’assurance concerné (pas d’unicité du droit applicable). Durant la période de détachement, le travailleur n’est donc libéré de son obligation d’assurance dans le pays d’emploi, que dans la mesure où le régime d’assurance concerné s’inscrit dans le champ d’application matériel de la convention (PERRENOUD, La couverture maladie et maternité en cas de détachement des travailleurs, in RSAS 2017, p. 278).

En cas de détachement entre la Suisse et un État tiers, en l’absence de convention bilatérale, la couverture sociale d’une personne se détermine en application du droit interne des États concernés. Des cas de double assurance, en Suisse et dans l’État tiers, ne sont donc pas exclus (PERRENOUD, op. cit., p. 282).

3.2 On parle de détachement lorsqu'un travailleur quitte son pays habituel d'emploi (État d'envoi) pour exercer son activité durant un temps limité sur le territoire d'un autre pays (État d'emploi) tout en restant au service de son employeur (ATF 141 V 43 consid. 4).

En principe, le travailleur reste lié contractuellement avec son employeur, un contrat de travail n'est pas conclu avec la société (du groupe) qui l'accueille, le droit de donner des directives est délégué, le rapport contractuel reste soumis au droit de l'État de provenance, le détachement intervient pour une durée limitée et le travailleur reste affilié au régime de sécurité sociale de l'État d'origine (arrêt de la Chambre des prud’hommes de la Cour de justice CAPH/136/2016 du 27 juillet 2016 consid. 4.1.4 et la référence), étant précisé qu'il convient d'examiner de cas en cas si un accord multilatéral ou une convention bilatérale de sécurité sociale s'applique au détachement considéré (WYLER/HEINZER, Droit du travail, 2019, p. 1164).

3.3 Le droit suisse ne connaît pas la notion de groupe de sociétés que l’on peut définir comme un ensemble de sociétés juridiquement indépendantes placées sous une direction économique unique. Le groupe de sociétés n’a pas la personnalité juridique et en tant que tel n’a pas non plus la qualité d’employeur. Néanmoins, un travailleur peut être amené à fournir sa prestation de travail à plusieurs sociétés du groupe. Il n’est donc pas toujours aisé de déterminer avec quelle société le contrat de travail est conclu. Est employeur la personne physique ou morale qui, en vertu d'un contrat de travail, a droit aux prestations du travailleur, est habilité à lui donner des directives, et assume tous les droits et obligations découlant de ce rapport contractuel. Selon une conception traditionnelle, les rapports de travail ne sont en principe noués qu’avec un seul employeur et donc qu’avec une seule société du groupe (arrêt de la Chambre des prud’hommes de la Cour de justice CAPH/136/2016 du 27 juillet 2016 consid. 4.1.3).

4.             En droit suisse, la situation est la suivante en matière de chômage.

4.1 En vertu de l’art. 8 al. 1er LACI, l’assuré a droit à l’indemnité de chômage s’il est sans emploi ou partiellement sans emploi (let. a), s’il a subi une perte de travail à prendre en considération (let. b), s’il est domicilié en Suisse (let. c), s’il a achevé sa scolarité obligatoire, qu’il n’a pas encore atteint l’âge donnant droit à une rente AVS et ne touche pas de rente de vieillesse de l’AVS (let. d), s’il remplit les conditions relatives à la période de cotisation ou en est libéré (let. e), s’il est apte au placement (let. f) et s’il satisfait aux exigences du contrôle (let. g).

Ces conditions sont cumulatives (ATF 124 V 218 consid. 2). Elles sont précisées par plusieurs dispositions de la LACI et de l'ordonnance sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 31 août 1983 (OACI - RS 837.02), ainsi que - dans les limites d'admissibilité de telles directives administratives (ATF 144 V 202 consid. 3 et 4 ; ATF 144 V 195 consid. 4 ; ATAS/1191/2014 du 18 novembre 2014 consid. 4 p. 5 s. et doctrine et jurisprudence citées) - par les instructions édictées par le SECO en sa qualité d'autorité de surveillance de l'assurance-chômage chargée d'assurer une application uniforme du droit (art. 110 LACI), notamment par le biais du Bulletin relatif à l'indemnité de chômage (Bulletin LACI / IC).

4.2 Conformément à l’art. 13 al. 1 LACI, qui porte sur la période de cotisation au sens de l’art. 8 al. 1 let. e LACI, celui qui, dans les limites du délai-cadre prévu à cet effet (art. 9 al. 3) a exercé durant douze mois au moins une activité soumise à cotisation remplit les conditions relatives à la période de cotisation.

À teneur de l’art. 9 LACI, des délais-cadres de deux ans s’appliquent aux périodes d’indemnisation et de cotisation, sauf disposition contraire de la présente loi (al. 1). Le délai-cadre applicable à la période de l’indemnisation commence à courir le premier jour où toutes les conditions dont dépend le droit à l’indemnité sont réunies (al. 2). Le délai-cadre applicable à la période de cotisation commence à courir deux ans plus tôt (al. 3).

4.2.1 Pour qu'un assuré remplisse les conditions relatives à la période de cotisation au sens de l'art. 13 al. 1 LACI, il faut qu'il ait eu le statut de travailleur et qu'il puisse démontrer avoir exercé une activité soumise à cotisation pendant douze mois au moins durant le délai-cadre relatif à la période de cotisation (RUBIN ad art. 13, Commentaire de la loi sur l'assurance-chômage, 2014 n° 8). Cette disposition se rapporte à l'obligation de cotiser et implique donc, par principe, l'exercice d'une activité en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 188/01 du 28 mars 2002 consid. 3b).

4.2.2 La notion de travailleur salarié correspond au statut défini à l'art. 2 al. 1 let. a LACI, à savoir le travailleur au sens de l’art. 10 LPGA, assuré en vertu de la loi fédérale du 20 décembre 1946 sur l’assurance-vieillesse et survivants (LAVS) et qui doit payer des cotisations sur le revenu d’une activité salariée en vertu de cette loi.

Le statut défini par les organes de l'AVS est déterminant, sauf erreur manifeste (RUBIN, op. cit., n° 9).

4.2.3 Selon l’art. 10 LPGA, est réputé salarié celui qui fournit un travail dépendant et qui reçoit pour ce travail un salaire déterminant au sens des lois spéciales.

Ainsi, est réputé salarié, d'une manière générale, celui qui dépend d'un employeur quant à l'organisation du travail et du point de vue de l'économie de l'entreprise, et ne supporte pas le risque économique encouru par l'entrepreneur (arrêt du Tribunal fédéral 8C_38/2019 du 12 août 2020 consid. 3.2).

4.2.4 À teneur de l’art. 1a al. 1 LAVS, sont assurés conformément à la LAVS :

a. les personnes physiques domiciliées en Suisse ;

b. les personnes physiques qui exercent en Suisse une activité lucrative ;

c. les ressortissants suisses qui travaillent à l’étranger : 1. au service de la Confédération, 2. au service d’organisations internationales avec lesquelles le Conseil fédéral a conclu un accord de siège et qui sont considérées comme employeurs au sens de l’art. 12, 3. au service d’organisations d’entraide privées soutenues de manière substantielle par la Confédération en vertu de l’art. 11 de la loi fédérale du 19 mars 1976 sur la coopération au développement et l’aide humanitaire internationales.

En particulier, est réputée obtenir un revenu du travail en Suisse toute personne exerçant sur sol helvétique soit une activité salariée, soit une activité indépendante (p. ex. comme titulaire d’une raison individuelle ou comme associé d’une société de personnes) dans l’industrie, le commerce, l’artisanat, l’agriculture ou dans des professions libérales (ch. 1035 des Directives sur l’assujettissement aux assurances AVS et AI [DAA]).

De la combinaison des art. 2 al. 1 let. a LACI et 1a a1. 1 let. b LAVS, il ressort que tous les salariés travaillant en Suisse ont l'obligation de cotiser, et ce quelle que soit leur nationalité (RUBIN, op. cit., n° 3 ad Art. 2 LACI).

4.2.5 Aux termes de l'art. 11 LPGA, est réputé employeur celui qui emploie des salariés.

La qualification juridique en droit du travail n'est pas décisive. Il peut également arriver, à titre exceptionnel, que l'entité qui verse le salaire déterminant ne puisse être considérée comme l'employeur, notamment lorsqu'elle le fait sur mandat de la personne qui occupe les salariés (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_456/2010 du 3 août 2010 consid. 4.3).

4.3 À teneur de l’art. 14 al. 3 LACI, seul susceptible d’entrer en considération en l’espèce, les Suisses de retour au pays après un séjour de plus d’un an dans un pays non membre de la Communauté européenne ou de l’Association européenne de libre-échange (AELE) sont libérés des conditions relatives à la période de cotisation durant une année, à condition qu’ils justifient de l’exercice d’une activité salariée à l’étranger et qu’ils aient exercé pendant au moins six mois une activité salariée soumise à cotisation en Suisse. Il en va de même des ressortissants des États membres de la Communauté européenne ou de l’AELE dont l’autorisation d’établissement n’est pas échue. Le Conseil fédéral détermine en outre à quelles conditions les étrangers non-ressortissants d’un État membre de la Communauté européenne ou de l’AELE dont l’autorisation d’établissement n’est pas échue sont libérés des conditions relatives à la période de cotisation après un séjour à l’étranger de plus d’un an.

5.              

5.1 Le portage salarial est défini comme le fait, pour un indépendant (le porté), de déléguer à un tiers (le porteur), moyennant rémunération, l'encaissement de ses honoraires et l'acquittement de charges sociales sur ceux-ci. Le solde est ensuite versé en mains du porté (Fuld/Michel, Le portage salarial : analyse en droit du travail et des assurances sociales suisses, in : Jusletter 22 octobre 2012, n° 6). Selon les auteurs précités, une qualification de la relation de portage en contrat de travail au sens des art. 319 et suivants CO est envisageable, mais il faut alors qu'un lien de subordination existe, ce qui posera souvent problème. En particulier, un contrat de travail n'est pas conclu si le seul but des parties est de soumettre le porté au régime des assurances sociales réservé au salarié (Fuld/Michel, op. cit., n° 54 et 55).

Si certains droits étrangers, notamment le droit français (loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 portant sur la modernisation du marché du travail), ont clairement intégré le portage salarial dans leur code du travail, et ainsi obligé les autorités en charge de la sécurité sociale à prendre en compte le revenu ainsi généré par le porté comme du salaire soumis à contributions sociales, l'absence de législation spécifique en droit suisse sur ce mode de fonctionnement entraîne de nombreuses problématiques tant au regard du droit du travail qu'au regard de la législation sociale. Cependant, en l'état, contrairement à la solution retenue par les juridictions françaises, les portés, à l'aune des critères suisses, pourraient ne pas avoir droit aux prestations de chômage, faute d'avoir la qualité de salarié au sens de la législation sociale suisse (FULD/MICHEL, op. cit. p. 10ss).

5.2 Le portage salarial se distingue du payrolling. Dans ce dernier cas, une entreprise (première entreprise) veut recourir à la force de travail d’une personne salariée, mais ne souhaite pas l’engager elle-même. Elle demande à une autre entreprise (deuxième entreprise) de l’engager et de la mettre à sa disposition. La première entreprise exerce alors le droit de donner des instructions au travailleur. La deuxième entreprise assume les fonctions d’employeur telles que le versement du salaire, le décompte et le paiement des cotisations aux assurances sociales, ainsi que, dans le cas de travailleurs étrangers, l’inscription auprès des autorités fiscales et de migration. Une telle situation doit être qualifiée de location de services, la première entreprise étant l’entreprise locataire de services, la seconde le bailleur de services (Informations sur le portage salarial, Office fédéral des assurances sociales, juin 2022).

La location de services comprend le travail temporaire, la mise à disposition de travailleurs à titre principal (travail en régie) et la mise à disposition occasionnelle de travailleurs (art. 27 al. 1 de l’Ordonnance sur le service de l’emploi et la location de services ; Ordonnance sur le service de l’emploi, OSE ; RS 823.111)

Les éléments suivants sont communs aux trois formes de location de services (Directives et commentaires du SECO relatifs à la LSE et à l’OSE, p. 67) :

-          Le bailleur de services engage des travailleurs et cède leurs services pour une durée limitée à des entreprises locataires de services (entreprises de mission), étant précisé qu’il est indifférent que les travailleurs soient engagés principalement ou accessoirement en vue d’une cession de leurs services.

-          L’entreprise de mission ne devient pas juridiquement l’employeur du travailleur dont les services ont été cédés mais détient cependant une part essentielle des pouvoirs de direction et assume un devoir de surveillance et de diligence à son égard.

5.3 L’art. 6 LAVS concerne les salariés dont l’employeur n’est pas tenu de cotiser (ANOBAG ou ANoBAG).

Selon cette disposition, les salariés dont l’employeur n’est pas tenu de payer des cotisations versent des cotisations de 8.7% sur leur salaire déterminant (al. 1). Les cotisations des assurés dont l’employeur n’est pas tenu de payer des cotisations peuvent être perçues conformément à l’art. 14 al. 1, si l’employeur y consent. Le taux de cotisation s’élève alors à 4.35% du salaire déterminant pour chacune des parties (al. 2).

À teneur du ch. 1042 des Directives sur la perception des cotisations dans l’AVS, AI et APG (DP), sont des salariés dont l’employeur n’est pas tenu de cotiser les salariés :

-          dont l’employeur n’a ni domicile, ni siège, ni établissement stable en Suisse et n’est pas tenu de cotiser en vertu de l’Accord avec l’Union européenne (UE) ou de la Convention de l’AELE (art. 12 al. 2 et 3 LAVS) ;

-          dont l’employeur est libéré de l’obligation de cotiser conformément aux art. 12 al. 3 LAVS et 33 RAVS (p. ex. représentations d’États étrangers en Suisse) ;

-          qui sont domiciliés en Suisse, mais ne sont pas assurés en raison d’une convention internationale, et adhèrent à l’assurance conformément à l’art. 1a al. 4 LAVS.

6.             La procédure est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par le juge, mais ce principe n'est pas absolu, sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à l'instruction de l'affaire (art. 61 let. c LPGA). Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V 195 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 I 183 consid. 3.2). Le devoir du juge de constater les faits pertinents ne dispense donc pas les parties de collaborer à l'administration des preuves en donnant des indications sur les faits de la cause ou en désignant des moyens de preuve (ATF 130 I 184 consid. 3.2 et ATF 128 III 411 consid. 3.2).

Autrement dit, si la maxime inquisitoire dispense les parties de l'obligation de prouver, elle ne les libère pas du fardeau de la preuve. En cas d'absence de preuve, c'est à la partie qui voulait en déduire un droit d'en supporter les conséquences (ATF 117 V 264 consid. 3), sauf si l'impossibilité de prouver un fait peut être imputée à son adverse partie (ATF 124 V 375 consid. 3). Dès lors, c'est à l'assuré qu'il appartient de rendre vraisemblable qu'il réside en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 73/00 du 19 septembre 2000 consid. 2c).

7.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b, 125 V 195 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

Par ailleurs, il convient en général d'accorder la préférence aux premières déclarations de l'assuré, faites alors qu'il en ignorait peut-être les conséquences juridiques, les explications nouvelles pouvant être - consciemment ou non - le fruit de réflexions ultérieures (ATF 121 V 47 consid. 2a ; ATF 115 V 143 consid. 8c).

8.              

8.1 En l’espèce, par décision du 2 mars 2023, confirmée sur opposition le 2 août 2023, l’intimée a rejeté la demande de prestations du recourant, considérant qu’il ne remplissait pas la condition relative à la période de cotisation, dès lors qu’il avait travaillé en qualité d’expatrié pour un employeur guinéen, selon un contrat de travail soumis à la loi guinéenne. En l’absence de convention de sécurité sociale conclue avec la Guinée, les périodes de cotisations acquises dans ce pays ne pouvaient être prises en considération en Suisse. Le fait d’avoir recours au portage salarial dans le but de soumettre le salaire aux charges suisses n’y changeait rien. Il en allait de même de l’adresse conservée en Suisse.

Pour sa part, le recourant conteste la position de l’intimée, considérant qu’« aussi bien son assujettissement que l’accumulation d’une période de cotisation [devaient] être admises par le maintien de son domicile en Suisse et le paiement des cotisations en Suisse, peu importe qu’elles soient payées directement [par le recourant] ou indirectement par une société de portage salarial ». En réalité, il se trouvait dans une situation à cheval entre la notion de « faux frontalier » et celle d’« ANoBAG » (recours du 14 septembre 2023 p. 8).

8.2 Compte tenu des éléments d’extranéité présentés par le présent litige (nationalité espagnole du recourant, activité lucrative exercée sur sol guinéen, contrats de travail conclus avec E______ – une société sise à Genève – et C______ – une société sise à Conakry, Guinée), il convient, en premier lieu, de déterminer le droit applicable en cas de chômage, lequel dépend notamment de l’employeur du recourant.

En l’espèce, les pièces du dossier et le site internet de B______ permettent de retenir que B______ est un groupe de sociétés, dont la société-mère est domiciliée à Dubaï, avec des sociétés-filles dans les différents pays dans lesquels le groupe est actif, et notamment en Guinée.

Le 31 mars 2019, le conseil d’administration de C______ a décidé de nommer le recourant en qualité de directeur général adjoint, pour une durée de deux ans (cf. annexe 5 à la pièce 31, int.).

Le recourant était lié à C______ par un contrat de travail local, soumis au droit guinéen. Le contrat initial ne figure pas au dossier. Cependant un nouveau contrat de travail a été signé le 1er juillet 2021. Il en ressort que le salaire était de USD 7'500.-, payé, en partie en USD sur un compte bancaire à l’étranger et en partie en Francs Guinéens sur un compte bancaire local. Le recourant devait « servir » (sic !) en Guinée, où il allait exercer la fonction de directeur général adjoint de C______ (pièce 7, int.). Le recourant devait en outre en rapporter au directeur général de C______ en ce qui concerne les actions quotidiennes et les sujets locaux et au directeur exécutif, financier, légal et RH, ainsi qu’au directeur adjoint des ventes de D______ en ce qui concerne la politique générale et les instructions (pièce 4, int.). Parallèlement, le recourant était également lié à E______ par un contrat de travail. Le contrat initial ne figure pas au dossier au contraire de l’extension n° 2, laquelle a été produite par l’intimée sous pièce 6. D______ et E______ étaient quant à elles liées par un contrat de location de services (pièces 5 et 36, int.).

Selon le courrier 30 mai 2019 de la société-mère D______, E______ intervenait en réalité en tant qu’intermédiaire et société de service de paiement (intermediary and payroll service company). Un montant de USD 8'368.- était versé au recourant, par le biais de E______, à titre de salaire (pièce 4, int.). Dès le 1er février 2021, le montant était versé en CHF (pièce 36, int.).

Au vu de la fonction exercée – directeur général adjoint de C______ – le recourant était effectivement occupé par C______ et non par E______. En effet, avant même de contracter avec E______, le recourant a été nommé par C______. C’est à cette dernière et à D______ qu’il devait rendre des comptes et non à E______. E______ s’est limitée à verser le salaire, pour le compte de C______, intervenant par-là en tant que société de portage salarial, comme intermédiaire. Ce qui précède est notamment corroboré par les fiches de salaire (cf. pièce 19, int.), sur lesquelles le montant de CHF 8'289.-, versé par D______ apparaît. Or, de ce montant, ont ensuite été déduits les frais d’administration de CHF 414.45 et les charges patronales, de CHF 2'328.70. En réalité, à aucun moment E______ n’a versé des cotisations sociales en les prélevant sur ses propres fonds, contrairement à ce qu’un employeur est légalement tenu de faire. Ce rôle d’intermédiaire de paiement ressort également de l’engagement du 30 mai 2019 (cf. pièce 4, int.), d’un courriel du recourant du 12 février 2023, dans lequel il a lui-même admis avoir souhaité maintenir un domicile fiscal en Suisse, raison pour laquelle il est passé par E______ (cf. pièce 2, int.) et de son opposition du 7 mars 2023 (pièce 24, int.)

Le fait que le recourant et E______ aient signé un contrat de travail, qui ne figure d’ailleurs pas au dossier, n’y change rien. En effet, le juge ne doit pas s'arrêter aux dénominations utilisées par les parties pour déguiser la nature véritable de la convention. Ici, le recourant et E______ ne souhaitaient pas entrer dans une relation de travail effective. En réalité, le recourant souhaitait uniquement rester assujetti aux assurances sociales suisses et conserver un domicile fiscal en Suisse. On se trouve ainsi précisément dans le cas envisagé par la doctrine où les parties, alors qu'aucun rapport de subordination n'existe, paraphent un contrat de travail dans le seul but de bénéficier de certains régimes légaux propres aux relations de travail (voir l’arrêt de la Chambre des prud’hommes de la Cour de justice CAPH/49/2017 du 28 mars 2017 consid. 3.3.1, dans lequel cette juridiction a considéré que le prétendu contrat de travail était simulé, donc nul).

Il ne s’agit pas non plus d’une location de services, dès lors qu’un contrat de travail a été simultanément signé avec C______ pour la même activité en Guinée. Dans le cas d’une location de service, l’entreprise de mission ne devient pas l’employeur du travailleur dont les services ont été cédés. Or, dans le cas d’espèce, le recourant a formellement signé un contrat de travail avec C______.

En conclusion, le recourant a été engagé par C______, une société guinéenne, pour travailler en Guinée. E______ ne faisait qu’intervenir comme intermédiaire de paiement.

Par conséquent, quand bien même le recourant est ressortissant d’un État membre de l’UE, à savoir l’Espagne, l’ALCP et les règlements 883/2004 et 988/2009 ne s’appliquent pas, la prestation de travail ayant été fournie en Guinée, État non membre de l’UE, pour un employeur, avec siège en Guinée et sans établissement stable en Suisse. Par ailleurs, aucune convention bilatérale n’a été signée entre la Suisse et la République de Guinée.

Ainsi, conformément aux règles de coordination en matière internationale, dans de telles circonstances, le droit aux prestations du recourant s’examine au regard du droit suisse uniquement (cf. consid. 4.1 supra).

8.3 Or, selon le droit suisse, pour pouvoir prétendre à une indemnité de chômage, l’assuré doit rendre vraisemblable qu’il remplit les conditions cumulatives énoncées à l’art. 8 al. 1 LACI et notamment celle relative à la période de cotisation (let. e), à savoir l’exercice, durant douze mois au moins, d’une activité soumise à cotisation (art. 13 al. 1 LACI) ou la libération de conditions relatives à la période de cotisation (art. 14 LACI). Concrètement, il doit pouvoir rendre vraisemblable que durant le délai-cadre de cotisation de deux ans (art. 9 LACI), il a exercé, en Suisse, une activité lucrative dépendante pendant au moins douze mois (cf. art. 2 al. 1 let. a LACI et art. 1a al. 1 let. b LAVS) ou qu’il a été libéré des conditions relatives à la période de cotisation (art. 14 LACI).

Comme il a été constaté ci-dessus, le recourant a déployé son activité sur sol guinéen, ce qu’il admet d’ailleurs dans son courriel du 12 février 2023 et dans son opposition du 7 mars 2023, dans lesquels il évoque un employeur guinéen pour lequel il était expatrié d’une société sise à Dubaï.

Il n’a donc pas exercé d’activité lucrative en Suisse durant la période de cotisation comme l’a relevé à juste titre la caisse intimée dans la décision sur opposition querellée, de sorte que l’une des conditions du droit aux prestations de chômage fait de toute évidence défaut.

8.4 Le recourant est toutefois d’avis qu’en raison de son domicile en Suisse et du fait d’avoir cotisé, par l’intermédiaire d’E______, il remplissait la condition de la période de cotisation. Il estime par ailleurs que sa situation se trouve à cheval entre la notion de faux frontalier et celle d’ANoBAG.

Force est de constater, en premier lieu, que les art. 8 al. 1 let. e et 13 al. 1 LACI n’exigent pas de l’assuré d’avoir versé des cotisations durant le délai-cadre de cotisation mais d’avoir exercé une activité soumise à cotisation. Or, conformément aux art. 2 al. 1 let. a LACI et 1a al. 1 let. b LAVS, seule une activité dépendante exercée en Suisse remplit cette condition. Le fait d’être domicilié en Suisse et de cotiser, à ce titre, à l’AVS, n’est donc pas suffisant. Les explications données par l’OFAS, dans un courriel daté du 18 septembre 2023, n’y changent rien, dès lors que celles-ci concernent la situation en matière de cotisations AVS/AI et non de chômage.

Ensuite, s’agissant des statuts de faux frontaliers et d’ANoBAG, il y a lieu de rappeler ce qui suit.

On parle de faux frontalier lorsqu'une personne est active dans un État et qu'elle réside dans un autre État où elle ne retourne pas au moins une fois par semaine. Cette catégorie de personnes n'effectue pas les voyages pendulaires (quotidiens ou hebdomadaires) qui permettraient de la qualifier de vraie frontalière (cf. ch. A29 du règlement n° 883/2004 ; voir également ATAS/56/2020 du 30 janvier 2020 consid. 8a). Or, comme cela a été relevé ci-dessus, l’ALCP et les règlements 883/2004 et 988/2009 ne sont pas applicables dans le cas d’espèce, le recourant ayant travaillé en République de Guinée, conformément à un contrat de travail conclu avec un employeur guinéen, en lien donc avec un État non membre de l’UE. Partant, le recourant ne peut rien tirer de la notion de faux frontalier laquelle est exclusivement liée à l’ALCP et au règlement 883/2004.

S’agissant ensuite du statut d’ANoBAG, il est également lié à des conventions internationales, telles que l’ALCP ou des conventions bilatérales.

Or, vu l’inapplicabilité de l’ALCP et du règlement n° 883/2004 à son cas, le recourant ne saurait invoquer un statut d’ANoBAG en application de la première hypothèse du ch. 1042 des DP. Par ailleurs, dans la mesure où aucune convention internationale en matière de sécurité sociale n’a été conclue entre la Suisse et la République de Guinée, le recourant ne peut pas non plus invoquer un statut d’ANoBAG fondé sur les deux autres hypothèses visées par le ch. 1042 DP.

En réalité, tant la notion de faux frontalier que celle d’ANoBAG résultent de conventions internationales négociées et signées par la Suisse et de tels statuts ne sauraient être invoqués – directement ou par analogie – en l’absence d’une telle convention.

Dans un souci d’exhaustivité, la chambre de céans relèvera encore que le recourant ne peut pas non plus invoquer un motif de libération de la condition relative à la période de cotisation, fondé sur l’art. 14 al. 3 LACI. En effet, comme l’a relevé à juste titre la caisse intimée dans sa décision sur opposition querellée, d’une part, le recourant était au bénéfice d’une autorisation de séjour et non d’une autorisation d’établissement et, d’autre part, il n’a exercé aucune activité professionnelle en Suisse durant la période de cotisation de deux ans.

8.5 En conclusion, le recourant a été engagé par une société établie en République de Guinée, à la demande d’une société établie à Dubaï, pour travailler en Guinée, selon un contrat de travail local, soumis au droit guinéen. Il n’a en d’autres termes à aucun moment été détaché en Guinée par une société suisse.

Le recourant l’a d’ailleurs exposé, dans un courriel du 12 février 2023, dans les termes suivants « pendant les 2 dernières années, j’ai été détaché en expatriation par mon employeur, une société de Dubaï. De ce fait, j’avais 2 contrats de travail. Afin de maintenir ma résidence fiscale en Suisse, j’ai utilisé une société de portage salarial, qui avait un contrat de services avec mon employeur pour le salaire payé à l’étranger » (pièce 2, int.) ou encore dans son opposition du 7 mars 2023 dans laquelle il a écrit « le choix du portage salarial était motivé [par le] fait que mon employeur depuis 2019 n’était pas domicilié en Suisse et que je souhaitais continuer à cotiser à l’AVS et au chômage pendant cette période d’emploi. De ce fait, j’ai bien cotisé au chômage, comme je l’ai fait sans interruption depuis 1980. Le portage salarial existe précisément pour ce genre de situations ».

Partant, c’est à juste titre que la caisse intimée a considéré que le recourant ne remplissait pas la condition de la période de cotisation et qu’elle a nié son droit aux indemnités de chômage. C’est le lieu de rappeler que le portage salarial n’est pas reconnu par le droit suisse comme il l’est par le droit français et que, malgré les termes employés, un contrat de travail n’est pas conclu si le seul but est de soumettre la personne au régime des assurances sociales réservé au salarié actif en Suisse.

Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

9.             Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie KOMAISKI

 

La présidente

 

 

 

 

Marine WYSSENBACH

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le