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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2243/2022

ATAS/332/2024 du 15.05.2024 ( LCA ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2243/2022 ATAS/332/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 15 mai 2024

Chambre 8

 

En la cause

A______

représentée par Me Serge FASEL, avocat

 

demanderesse

contre

ALLIANZ SUISSE SOCIÉTÉ D’ASSURANCES SA

représentée par Me Sara GIARDINA, avocate

 

défenderesse


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la demanderesse), née le
______ 1972, a travaillé en qualité de comptable au service de la B______ SA à Genève (ci-après : l’employeur) du 16 novembre 2020 au 30 juin 2021, date à laquelle son contrat de travail a pris fin suite à la résiliation de ce dernier par l’employeur. En sa qualité d’employée, elle était assurée à titre collectif auprès de ALLIANZ SOCIETE SUISSE D’ASSURANCES SA (ci-après : l’assureur ou la défenderesse) via une assurance collective d’indemnités journalières en cas de maladie, soumise à la loi sur le contrat d’assurance et prévoyant le versement d’indemnités journalières durant 730 jours au maximum, sous déduction d’un délai d’attente de 30 jours.

b. En dernier lieu, son revenu s’élevait à CHF 6'473.85 bruts, pour un plein temps.

B. a. En mai 2021, l’employeur a fait parvenir à l’assureur une déclaration de maladie. À celle-ci étaient joints deux certificats médicaux établis par le
Docteur C______, médecin spécialiste en médecine interne, attestant une incapacité de travail totale du 12 avril au 31 mai 2021.

b. À compter du 19 mai 2021, l’arrêt de travail a été prolongé alternativement par le Dr C______ et par la Docteure D______, médecin spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, laquelle faisait état d’une incapacité de travail entière.

c. Dans un rapport à l’assureur du 21 juin 2021, le Dr C______ a mentionné un état dépressif, une anhédonie, une anorexie et une insomnie depuis avril 2021. Le traitement consistait en la prise d’un antidépresseur et un suivi psychothérapeutique.

d. La Dre D______, quant à elle, a diagnostiqué un trouble de l’adaptation réaction mixte anxieuse et dépressive (ICD 10 F 43.22). Les symptômes avaient débuté durant le premier trimestre 2021 jusqu’à perturber significativement le fonctionnement de l’assurée, justifiant une incapacité de travail totale. Le récent licenciement l’avait également très fortement affectée. L’évolution était très légèrement favorable depuis le début de la prise en charge par ses soins. L’incapacité de travail était fondée par des difficultés majeures de concentration et une importante fatigue. Il n’existait pas de raisons médicales qui influaient sur la capacité de travail. L’assurée vivait actuellement repliée sur elle-même à son domicile, n’ayant que très peu de contacts avec son environnement social (questionnaire du 19 juin 2021).

e. Donnant suite à une convocation de l’assureur, l’assurée s’est rendue le
15 juillet 2021 auprès du Docteur E______, spécialiste en psychiatrie, aux fins de se soumettre à une expertise. Dans son rapport du 16 juillet 2021, ce médecin a considéré que, si le diagnostic de trouble de l’adaptation sur facteur de stress identifié comme étant un surmenage professionnel n’était pas remis en question, il n’était plus d’actualité. La capacité de travail devait être considérée comme entière depuis la dernière évolution positive décrite par le psychiatre traitant, soit le 15 juin 2021. Le médecin a détaillé l’absence de divers critères diagnostic selon le DSM-V, notamment des symptômes émotionnels cliniquement significatifs dans le sens d’une souffrance marquée, plus importante qu’il n’était attendu en réaction à ce facteur de stress. Seule une colère vis-à-vis de l’employeur, justifiée du point de vue de l’assurée et bien argumentée, était présente. Cette colère ne concernait aucun autre domaine de la vie. Une altération significative du fonctionnement était également absente. Le médecin a en revanche mis en évidence des signes objectifs pouvant refléter une fatigue chronique (bougeotte motrice, discours impulsif, légère irritabilité). L’assurée se plaignait également de manière cohérente de distractibilité inhabituelle. Ni la fatigue, ni la distractibilité n’étaient spécifiques d’un trouble psychiatrique, ni ne s’inscrivaient dans un tableau psychiatrique plus large et cohérent. C’est ainsi que le médecin a exposé qu’il fallait rechercher la combinaison de facteurs somatiques pouvant les expliquer. À ce titre, il a notamment cité la carence en fer (dont la compensation n’avait pas encore été contrôlée), le syndrome de la ménopause (non traité), un éventuel trouble intrinsèque du sommeil (qui n’avait pas été exclu), ainsi que l’insuffisante et mauvaise hygiène du sommeil. Le traitement antidépresseur prescrit n’avait pas d’indication, même rétrospectivement pour l’hypothèse diagnostique d’un trouble de l’adaptation.

f. Par courrier du 20 juillet 2021, l’assureur s’est référé au dossier complété par son service médical et a considéré que la capacité de travail de l’assurée était de 100% dès le 15 juin 2021. Compte tenu de la date d’envoi de son courrier, l’assureur a déclaré mettre un terme au versement des indemnités journalières le 31 juillet 2021, étant précisé que les indemnités versées du 15 juin au 31 juillet 2021 l’étaient sans reconnaissance d’incapacité de travail.

g. Dans un rapport du 10 août 2021, le Dr C______ a mentionné les diagnostics d’état dépressif, d’anémie ferriprive et de troubles du sommeil. Il a fait part d’une évolution lentement favorable, de limitations au niveau psychologique, d’une asthénie et d’une insomnie (peut-être sur apnées du sommeil). L’indemnisation devait se poursuivre, les investigations médicales n’étant pas terminées.

h. L’assureur a soumis ce rapport à son médecin-conseil, qui a estimé dans un avis du 18 août 2021 que l’évaluation effectuée par le Dr E______ demeurait d’actualité s’agissant de la sphère psychiatrique, dans laquelle il n’y avait aucune incapacité de travail. La justification de l’incapacité de travail devait être examinée par un spécialiste en médecine interne.

i. Sur invitation de l’assureur, l’assurée a déposé une demande de prestations auprès de l’assurance-invalidité le 21 septembre 2021.

j. Dans un rapport du 8 août 2021, le Docteur F______, médecin-adjoint du service de pneumologie des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), a exclu un trouble respiratoire significatif, de même que des mouvements anormaux durant le sommeil après examen polysomnographique. L’assurée avait déclaré avoir un bon sommeil et être moins fatiguée depuis qu’elle avait reçu une seconde perfusion de fer.

k. Le 28 novembre 2021, le Dr C______ a fait état d’une mauvaise évolution, sa patiente présentant tristesse, anhédonie et asthénie. C’est cette dernière qui limitait la capacité de travail.

l. Interpellé, le service médical de l’assureur a considéré le 7 décembre 2021 qu’il n’y avait pas de raison somatique justifiant une incapacité de travail : le sommeil était satisfaisant et le manque de fer corrigé. Pour l’aspect psychiatrique, il convenait de se référer à l’expertise du Dr E______.

m. L’assureur a mis définitivement un terme aux prestations au 31 juillet 2021 par lettre du 9 décembre 2021. Il a renoncé à solliciter le remboursement des indemnités journalières versées d’août à novembre 2021.

n. Dans un rapport du 16 septembre 2021, le Docteur G______, spécialiste en neurologie, a fait état d’un examen neurologique somatique dans les limites de la norme et d’une IRM cérébrale sans anomalie significative.

o. Le bilan neuropsychologique réalisé le 7 septembre 2021 par H______, spécialiste en neuropsychologie, montrait un bilan dans les normes, à l’exception d’un fléchissement attentionnel caractérisé par un défaut d’attention sélective visuelle. Une fatigabilité cognitive marquée n’était pas observée. L’assurée ne relevait ni tristesse, ni angoisse, indiquait avoir progressivement moins besoin de sommeil et se fatiguer moins rapidement.

p. La Dre D______, quant à elle, a maintenu son diagnostic et a évoqué les troubles de concentration, la fatigue et l’aboulie persistantes qui entravaient l’assurée dans ses capacités intellectuelles dans le cadre de son métier de comptable. Elle mentionnait par ailleurs un réseau social faible, mais de qualité, des activités sociales restreintes, mais relativement conservées. La situation s’était améliorée depuis le début du suivi, mais n’évoluait plus depuis juillet 2021 malgré une thymie neutre (rapport du 27 septembre 2021).

q. Le 24 décembre 2021, le Dr C______ a rendu un rapport à l’attention de l’assurance-invalidité. Outre les diagnostics et autres remarques déjà mentionnés par ce médecin et relatés ci-avant, il s’est référé à l’expertise du Dr E______ s’agissant du déroulement d’une journée type de l’assurée. Il a déclaré que l’atteinte à la santé n’avait pas d’impact sur la vie privée. Enfin, parmi les raisons justifiant l’incapacité de travail, il a mentionné l’asthénie, l’anhédonie et le conflit avec l’assureur perte de gain chez une personne très motivée à reprendre le travail, mais manquant d’énergie pour le faire.

r. Suite à la contestation de la position de l’assureur par le mandataire de l’assurée, le Docteur I______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, a été sollicité par l’assureur pour se prononcer sur les récents rapports joints au dossier. Ce médecin a confirmé l’avis du Dr E______ s’agissant du trouble de l’adaptation. La clinique évoquée dans les différents rapports ne permettait pas de retenir un état dépressif et la prescription d’un antidépresseur n’était donc pas justifiée. La psychiatre traitante mentionnait un état stable depuis juillet 2021, soit au moment de l’expertise du Dr E______. En l’absence d’aggravation, l’évaluation de l’expert ne saurait être remise en question. L’absence d’impact des plaintes dans la vie privée (mentionnée par le
Dr C______) était en totale contradiction avec le maintien d’une incapacité de travail de haut degré (absence d’uniformité des limitations fonctionnelles). L’examen neuropsychologique confirmait l’amélioration et l’absence de plaintes cognitives. Les difficultés présentées étaient peu spécifiques et circonscrites à un seul domaine, ce qui n’était clairement pas suffisant pour justifier d’une incapacité de travail totale. La prolongation de l’incapacité de travail n’était donc pas justifiée.

s. L’assurance a maintenu sa position par courrier du 16 mai 2022.

C. a. Agissant par son mandataire, l’assurée a déposé une demande en paiement à l’encontre de la défenderesse le 6 juillet 2022. Elle a conclu, sous suite de frais et dépens, à ce que la défenderesse soit condamnée à lui verser la somme de
CHF 40'448.60 avec intérêts à 5% l’an dès le 15 février 2022, sous réserve d’amplification. À titre préalable, elle a sollicité l’audition de ses médecins traitants, les Drs C______ et D______, ainsi que la mise en œuvre d’une expertise judiciaire.

À l’appui de sa demande, elle a notamment produit un courriel de J______, hypnothérapeute, qu’elle a consulté dans le cadre de sa demande de prestations de l’assurance-invalidité. Le thérapeute a expliqué avoir fait répondre la demanderesse à un questionnaire sur les neurotransmetteurs créé par le Professeur K______, de la « Faculté des neurosciences à Miami ». Il résultait de ce test déclaratif que la demanderesse présentait un taux de Gaba déficitaire de 60%, un taux de dopamine déficitaire de 50% et des taux de sérotonine et d’acétylcholine déficitaires de 10% par rapport à un taux optimal. La demanderesse considérait que ces carences étaient cohérentes avec le trouble anxio-dépressif mentionné par ses médecins.

En substance, la demanderesse – dont l’incapacité totale de travail avait perduré jusqu’au 31 avril 2022, avant de passer à 80% du 1er mai au 30 juin 2022, puis à 50%, selon certificats médicaux de ses médecins traitants – a fait valoir que les conclusions des Drs E______ et I______ ne sauraient remettre en cause celles des Dr C______ et D______. Le Dr E______ avait exclu toute incapacité de travail pour raisons psychiques sans contester ses plaintes, qu’il avait considéré relever de problématiques physiques. Or, les examens qu’elle avait subis avaient exclu une atteinte physique permettant d’expliquer ses limitations fonctionnelles. En l’absence d’une cause physique, son incapacité de travail était donc liée à une cause psychique et l’incapacité de travail retenue par sa psychiatre devait être validée. Le Dr G______ relevait d’ailleurs que le tableau clinique rapporté par la demanderesse pouvait évoquer une dysthymie. Elle a enfin mentionné qu’il paraissait évident que le conflit avec son assureur perte de gain ralentissait son évolution positive.

b. Par mémoire du 5 septembre 2022, la défenderesse a conclu au rejet de la demande en paiement, se référant principalement à l’appréciation du Dr E______, mais également aux déclarations de la demanderesse faite à ce médecin, ainsi qu’aux constatations figurant dans le rapport du Dr F______ ou ceux de la
Dre D______.

c. Dans sa réplique du 4 novembre 2022, la demanderesse a amplifié ses conclusions en paiement à hauteur de CHF 41'378.60. Elle a requis, outre les mesures d’instruction déjà sollicitées, l’audition du Dr G______, de la neuropsychologue H______ et de la Docteure L______.

En complément aux faits déjà exposés, elle a indiqué être inscrite au chômage depuis mai 2022, en ayant transmis ses certificats médicaux d’incapacité de travail à 80%, puis à 50% dès juillet 2022. Elle a perçu des indemnités de l’assurance-chômage correspondant à un taux d’activité de 100% (pièce 34 demanderesse). Depuis le mois de juillet 2022, elle travaillait quelques heures par mois dans le cadre d’un contrat de mandat d’administration et de gestion pour la société M______ Sàrl. Dès la fin de l’année 2022, elle allait reprendre une partie de la clientèle de l’entreprise N______, O______. Depuis de nombreux mois, elle effectuait des exercices pour pallier ses déficits de mémoire et de concentration. Toutefois, chaque élément retenu était immédiatement oublié ou mémorisé de manière très parcellaire. Elle avait également suivi une psychothérapie pour travailler sur ses émotions, en particulier sur ses élans de colère. Ce travail se poursuivait actuellement avec un hypnothérapeute, P______. Elle a expliqué que, jusqu’en avril-mai 2022, soit pendant une année, elle n’avait pu se concentrer plus de 30 minutes d’affilée pour la simple lecture d’un livre sans complexité et que sa mémorisation avait été très aléatoire et parcellaire. Cette capacité s’était progressivement améliorée pour atteindre quatre heures, avec des pauses. Une consultation neurologique était prévue en décembre 2022 aux HUG. Enfin, elle a fait savoir être suivie par la
Dre L______ qui avait diagnostiqué une candidose, encore en cours d’investigation, et dont les symptômes avaient débuté à fin mai 2021.

d. La défenderesse a dupliqué le 30 novembre 2022. Elle y a indiqué que la demanderesse était devenue, selon extrait du registre du commerce, associée gérante de la société M______ Sàrl, en remplacement de O______ avec reprise du siège social à son domicile, en juillet 2022.

e. Le 9 juin 2023, la demanderesse a maintenu ses demandes d’auditions. Elle a par ailleurs exposé que ses troubles de fatigabilité, de concentration et de distractibilité persistaient à ce jour, l’empêchant d’exercer une activité professionnelle à plein temps. Elle était notamment encore prise de fatigues chroniques importantes durant plusieurs jours de suite, ce qui l’obligeait à suspendre ses activités, annuler ses engagements et rester allongée. Une tentative d’arrêt de la supplémentation en Gaba s’était conclue par un échec, sa concentration s’étant détériorée et ses élans de nervosité et de colère ayant repris. Le médicament « Terranova » a donc été réintroduit. Elle a finalement produit son décompte d’heures supplémentaires du 16 octobre 2020 au 9 avril 2021, établissant un total de 141.16 heures supplémentaires.

f. Une audience de débats principaux et d’instruction s’est tenue le 26 février 2024. À cette occasion, les parties ont indiqué persister dans leurs conclusions. La demanderesse a précisé ne plus avoir eu d’activité indépendante de mi-2021 à juillet 2022, moment à partir duquel elle a exercé à hauteur de 5 à 10% en tant que gérante de M______ jusqu’à la fin de son délai-cadre de chômage en novembre 2022. Dès ce moment, elle a augmenté son taux d’activité à 50%, sous la raison sociale Q______, en sus de quoi elle avait conservé le mandat de gérante de M______. Sa pharmacie n’ayant plus pu lui fournir sa supplémentation Gaba depuis novembre 2023, sa santé s’était dégradée et elle s’était retrouvée en arrêt de travail du 1er janvier au
15 février 2023. Elle prenait toujours le traitement antidépresseur initialement prescrit par la Dre D______, ainsi qu’un second antidépresseur prescrit par le
Dr C______. Elle n’était plus en psychothérapie, la Dre D______ ayant considéré que cela n’était plus nécessaire. Concernant ses accès de colère, elle a précisé qu’ils n’étaient pas limités à son employeur, mais qu’elle était devenue colérique de façon aléatoire, incontrôlée et sans justification. Si elle avait récupéré une capacité de travail partielle, c’était au moment où elle avait eu une opportunité professionnelle. Elle voyait aussi régulièrement un coach – mandaté par l’assurance-invalidité – et n’était plus seule avec ses médecins. Cette assurance lui avait notifié une décision de refus de rente qu’elle n’avait pas contestée et l’assurance-chômage ne l’avait pas soumise à un examen médical.

Entendue le même jour, la Dre D______ a déclaré avoir suivi la demanderesse de mai 2021 à début 2023. Elle a confirmé le diagnostic de trouble de l’adaptation avec réaction mixte anxieuse et dépressive. Les critères diagnostics étaient selon elle réunis. Elle avait constaté un émoussement affectif, des perturbations émotionnelles et quelques symptômes anxieux qui s’étaient rapidement résorbés, une anhédonie, une aboulie et une certaine perturbation cognitive. Ces dernières avaient perduré, comme la fatigue. L’intensité des symptômes dépressifs n’était pas suffisante pour justifier un diagnostic d’épisode dépressif majeur. Les critères relatifs à la sphère anxieuse et thymique s’étaient amendés à fin juin, début juillet 2021, mais la fluctuation de l’énergie et le manque de concentration avaient persisté. L’antidépresseur avait été prescrit à demi-dose spécifiquement pour son action sur les troubles cognitifs. S’agissant des troubles du sommeil, la praticienne a exposé que la demanderesse ne souffrait pas d’insomnie, mais d’hypersomnie. Sur question, elle a déclaré avoir fait une erreur de frappe en écrivant dans son rapport médical à l’attention de la défenderesse qu’il n’existait pas de raison médicale influant sur la capacité de travail. Il fallait lire qu’il n’existait pas de raison non-médicale. S’agissant des perturbations émotionnelles, elles avaient consisté en une indifférence affective, une oppression thoracique ainsi que les autres symptômes anxio-dépressifs déjà mentionnés. Elles s’étaient rapidement résorbées. Quant à la colère, elle était justifiée et congruente aux éléments vécus. La poursuite du traitement psychothérapeutique avait été dédiée aux troubles de la concentration et à la fatigue, la Dre D______ ayant concrètement aidé la demanderesse en ce qui concernait la sphère nutritionnelle. Elle a précisé ne pas avoir mis en évidence les difficultés de concentration de la demanderesse durant les entretiens, ces difficultés résultant des descriptions faites par sa patiente dont elle n’avait pas de raison de douter. Selon la praticienne, les deux symptômes présentés par la demanderesse étaient des persistances du trouble de l’adaptation. Concernant la vie sociale de la demanderesse, si elle avait été impactée au début, les perturbations de ce type avaient rapidement disparu. Il n’était toutefois pas possible pour le témoin de dire si la demanderesse avait récupéré la totalité des aspects de sa vie sociale ou seulement une grande partie. Questionnée sur les conséquences d’un défaut de taux de Gaba, la Dre D______ a indiqué que cette question était discutée en recherche médicale et qu’il n’y avait pas de protocole médical validé pour une supplémentation mis à part en ce qui concernait la sérotonine et la dopamine, via les anti-dépresseurs. Concernant la persistance des troubles de concentration et de la fatigue, ils s’expliquaient par d’autres problématiques que le diagnostic posé au-delà d’un délai de quatre à six mois. La Dre D______ a considéré qu’à fin 2021, une incapacité de travail pouvait difficilement être justifiée d’un point de vue purement psychiatrique.

Le Dr C______, médecin traitant de la demanderesse, a déclaré que l’anémie ferriprive était compensée positivement par des injections, mais sans effet sur la clinique. Concernant la persistance des troubles de concentration et de la fatigue, le médecin a exposé que les symptômes d’un trouble de l’adaptation pouvaient être ravivés ou prolongés par la réactivation de l’élément déclencheur du trouble en question. En l’occurrence, le licenciement et la longue procédure contre l’assureur perte de gain constituaient des facteurs de réactivation. Le médecin a précisé avoir personnellement constaté chez sa patiente une humeur dépressive, de l’anxiété, de la fatigue, une souffrance disproportionnée entravant les compétences professionnelles et sociales, ainsi qu’une amplification des plaintes. Selon lui, ces symptômes étaient encore présents, mais dans une moindre mesure. S’agissant de la récupération de la capacité de travail à 50% en juillet 2022, il a mentionné comme facteurs les projets de la demanderesse, les explications de l’intéressée qui disait travailler à mi-temps, mais plus lentement, ainsi qu’une motivation financière en l’absence de prestations d’assurance. Il a conclu en se disant optimiste. Un trouble de l’adaptation s’amendant généralement dans un délai de six mois, la fin de la procédure judiciaire devait permettre une récupération complète dans les six mois qui suivront.

g. La Dre L______, spécialiste en médecine interne, a confirmé avoir diagnostiqué une candidose chez la demanderesse en octobre 2022, pathologie qui n’engendrait pas d’incapacité de travail. Durant son suivi qui remontait à 2017, elle n’avait pas posé de diagnostic qui aurait une incidence sur la capacité de travail. La praticienne a déclaré savoir que sa patiente était sous traitement médicamenteux pour un état anxio-dépressif, mais tout état de ce type ne se traduisait pas forcément par une incapacité de travail.

h. Le 4 mars 2024, la recourante a indiqué renoncer à l’audition du Dr G______, lequel ne s’était pas présenté à l’audience du 26 février 2024, bien que dûment convoqué.

i. La demanderesse a produit sur réquisition de la chambre de céans, le 18 mars 2024, la décision de l’assurance-invalidité du 31 janvier 2023, par laquelle cet assureur a nié le droit à une rente et à des mesures professionnelles, au motif que l’intéressée ne présentait pas d’atteinte à la santé invalidante. Elle a également fait parvenir ses déclarations fiscales 2021 et 2022, ainsi que les états de comptes des sociétés Q______ et M______. Les éléments pertinents suivants ressortent desdits documents. La demanderesse a fait valoir CHF 12'000.- de frais de formation professionnelle en 2021, et mentionné n'avoir eu qu’un seul client dans le cadre de son activité indépendante pour un chiffre d’affaires de CHF 770.-. Dans sa déclaration fiscale 2022, la demanderesse a mentionné ne plus percevoir d’indemnités perte de gain de la part de son assureur perte de gain privé, GROUPE MUTUEL, depuis décembre 2021. Elle a précisé être indépendante sous la raison sociale Q______ depuis 2022 et avoir un mandat salarié chez M______ Sàrl depuis le 1er juillet 2022. Les données relatives à l’activité indépendante démontrent un chiffre d’affaires de CHF 18'324.- pour l’année 2022 et des acquisitions de matériel dès le 25 février 2022.

j. Cette écriture a été transmise à la défenderesse et la cause gardée à juger.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 7 du Code de procédure civile suisse du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272) et à l'art. 134 al. 1 let. c de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations relatives aux assurances complémentaires à l’assurance-maladie sociale prévue par la LAMal, relevant de la loi fédérale sur le contrat d'assurance, du 2 avril 1908 (loi sur le contrat d’assurance, LCA - RS 221.229.1).

Selon la police d’assurance, le contrat est régi par la LCA.

La compétence de la chambre de céans à raison de la matière pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.              

2.1 La LCA a fait l’objet d’une révision entrée en vigueur le 1er janvier 2022 (modification du 19 juin 2020 ; RO 2020 4969 ; RO 2021 357).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste, en principe, celle qui était en vigueur lors de réalisation de l’état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques, sous réserve de dispositions particulières de droit transitoire (ATF 136 V 24 consid. 4.3 et la référence).

Selon la disposition transitoire relative à cette modification, seules les prescriptions en matière de forme (let. a) et le droit de résiliation au sens des art. 35a et 35b (let. b) s’appliquent aux contrats qui ont été conclus avant l’entrée en vigueur de cette modification. S’agissant des autres dispositions de la LCA, elles s’appliquent uniquement aux nouveaux contrats (Message concernant la révision de la loi fédérale sur le contrat d’assurance, FF 2017 4812).

En l'occurrence, le contrat entre la défenderesse et l’ancien employeur de la demanderesse a été conclu avant le 1er janvier 2022 et l’objet du litige n’entre pas dans le champs d’application de la disposition transitoire précitée, de sorte que les dispositions de la LCA applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

2.2 L'art. 46a LCA prescrit que le for se définit selon la loi du 24 mars 2000 sur les fors (LFors) qui a été abrogée au 1er janvier 2011 par l’entrée en vigueur du CPC, auquel il convient désormais de se référer. Sauf disposition contraire de la loi, pour les actions dirigées contre une personne physique/personne morale, le for est celui de son domicile/de son siège (art. 10 al. 1 let. a/b CPC), étant précisé que l’art. 17 al. 1 CPC consacre la possibilité d’une élection de for écrite.

En l’occurrence, l’art. 29 des Conditions générales pour l’assurance maladie collective (édition 07.2020) (ci-après : CGA) prévoit que pour les actions dirigées par des employés assurés contre l’assureur sont compétents au choix les tribunaux du siège de ce dernier ou ceux du lieu de travail des premiers.

La demanderesse ayant travaillé en dernier lieu à Genève, la chambre de céans est compétente à raison du lieu pour connaître de la présente demande.

3.              

3.1 La loi fédérale sur la surveillance des entreprises d’assurance du 17 décembre 2004 (LSA - RS 961.01) ne contient pas de règles spécifiques concernant les délais relatifs aux contestations de droit privé qui s’élèvent entre les entreprises d’assurance et les assurés.

3.2 Les litiges relatifs aux assurances complémentaires à l'assurance-maladie ne sont pas soumis à la procédure de conciliation préalable de l'art. 197 CPC lorsque les cantons ont prévu une instance cantonale unique selon l'art. 7 CPC (ATF 138 III 558 consid. 4.5 et 4.6; ATAS/577/2011 du 31 mai 2011), étant rappelé que le législateur genevois a fait usage de cette possibilité (art. 134 al. 1 let. c LOJ).

3.3 S’agissant de la forme de la demande, selon l’art. 244 al. 1 let. a CPC, celle-ci doit contenir la désignation des parties.

3.4 L’action en paiement d’une somme d’argent doit être chiffrée, conformément à l’art. 84 al. 2 CPC. Le chiffrement des actions en paiement d’une somme d’argent compte parmi les conditions de recevabilité, que le juge doit examiner d’office (arrêt du Tribunal fédéral 4S_235/2016 du 7 mars 2017 consid. 2.1).

Aux termes de l’art. 227 al. 1 CPC, la demande peut être modifiée si la prétention nouvelle ou modifiée relève de la même procédure et que l'une des conditions suivantes est remplie : la prétention nouvelle ou modifiée présente un lien de connexité avec la dernière prétention (let. a), la partie adverse consent à la modification de la demande (let. b).

3.5 Selon l’art. 87 LCA, l'assurance collective contre les accidents ou la maladie donne au bénéficiaire, dès qu'un accident ou une maladie est survenu, un droit propre contre l'assureur.

Un contrat collectif d'indemnités journalières selon la LCA, couvrant les employés pour le risque de perte de gain en cas de maladie, est une assurance au profit de tiers (cf. art. 18 al. 3 LCA), qui confère un droit propre au bénéficiaire (soit le travailleur) contre l'assureur en vertu de l'art. 87 LCA (arrêt du Tribunal fédéral 4A_179/2007 du 12 septembre 2007 consid. 4.2). Un employé a ainsi la légitimation active pour agir contre l’assureur (arrêt du Tribunal fédéral 5C.42/2005 du 21 avril 2005 consid. 3).

3.6 La demande, qui satisfait aux exigences de forme fixées par le droit fédéral, est recevable.

La demanderesse a amplifié ses conclusions en cours de procédure. Les conditions de l’art. 227 al. 1 CPC sont présentement réalisées, la défenderesse ne s’étant en particulier pas opposée à l’amplification des conclusions qui sont à l’évidence en lien de connexité avec la demande initiale, de sorte que les conclusions de la demande dans leur version modifiée sont recevables.

4.             Le litige, tel que délimité par les conclusions de la demande, porte sur le droit de la demanderesse au versement d’indemnités journalières au-delà du 30 novembre 2021.

5.             La procédure simplifiée s'applique aux litiges portant sur des assurances complémentaires à l’assurance-maladie sociale au sens de la LAMal (art. 243 al. 2 let. f CPC) et la chambre de céans établit les faits d'office (art. 247 al. 2 let. a CPC).

La jurisprudence applicable avant l'introduction du CPC, prévoyant l'application de la maxime inquisitoire sociale aux litiges relevant de l'assurance-maladie complémentaire, reste pleinement valable (ATF 127 III 421 consid. 2). Selon cette maxime, le juge doit établir d'office les faits, mais les parties sont tenues de lui présenter toutes les pièces nécessaires à l'appréciation du litige. Ce principe n'est pas une maxime officielle absolue, mais une maxime inquisitoire sociale. Le juge ne doit pas instruire d'office le litige lorsqu'une partie renonce à expliquer sa position. En revanche, il doit interroger les parties et les informer de leur devoir de collaboration et de production des pièces ; il est tenu de s'assurer que les allégations et offres de preuves sont complètes uniquement lorsqu'il a des motifs objectifs d'éprouver des doutes sur ce point. L'initiative du juge ne va pas au-delà de l'invitation faite aux parties de mentionner leurs moyens de preuve et de les présenter. La maxime inquisitoire sociale ne permet pas d'étendre à bien plaire l'administration des preuves et de recueillir toutes les preuves possibles (ATF 125 III 231 consid. 4a).

Lorsque la maxime inquisitoire sociale trouve application, le juge n’est en revanche pas lié par les allégations et les offres de preuve des parties (ATF 142 III 402 consid. 2.1 ; 139 III 457 consid. 4.4.3.2). Des allégués et offres de preuve peuvent être produits par les parties jusqu’aux délibérations en application de l’art. 229 al. 3 CPC (ATF 142 III 402 consid. 2.1).

6.              

6.1 La maxime inquisitoire sociale ne modifie pas la répartition du fardeau de la preuve (arrêt du Tribunal fédéral 4C.185/2003 du 14 octobre 2003 consid. 2.1). Pour toutes les prétentions fondées sur le droit civil fédéral, l'art. 8 du Code civil suisse, du 10 décembre 1907 (CC; RS 210), en l'absence de règles contraires, répartit le fardeau de la preuve et détermine, sur cette base, laquelle des parties doit assumer les conséquences de l'échec de la preuve (ATF 133 III 323 consid. 4.1 non publié; ATF 130 III 321 consid. 3.1; ATF 129 III 18 consid. 2.6; ATF 127 III 519 consid. 2a). En conséquence, l'ayant droit est tenu de prouver les faits relatifs à la "justification de ses prétentions" (selon la note marginale de l'art. 39 LCA), à savoir l'existence d'un contrat d'assurance, la survenance du cas d'assurance et l'étendue de ses prétentions, tandis que le fardeau de la preuve relatif aux faits supprimant le droit, respectivement l’empêchant, incombe à la partie qui affirme la perte du droit ou qui conteste son existence ou son étendue. Ces principes, qui sont également applicables dans le domaine du contrat d'assurance, impliquent qu'il incombe à l'ayant droit d'alléguer et de prouver notamment la survenance du sinistre (cf. ATF 148 III 105 consid. 3.3.1;
ATF 130 III 321 consid. 3.1). L’art. 8 CC ne prescrit cependant pas quelles sont les mesures probatoires qui doivent être ordonnées (cf. ATF 122 III 219
consid. 3c; ATF 119 III 60 consid. 2c). Elle n'empêche pas le juge de refuser une mesure probatoire par une appréciation anticipée des preuves (ATF 121 V 150 consid. 5a). L'art. 8 CC ne dicte pas comment le juge peut forger sa conviction (ATF 122 III 219 consid. 3c; ATF 119 III 60 consid. 2c; ATF 118 II 142
consid. 3a). En tant que règle sur le fardeau de la preuve, il ne s'applique que si le juge, à l'issue de l'appréciation des preuves, ne parvient pas à se forger une conviction dans un sens positif ou négatif (ATF 132 III 626 consid. 3.4 et
ATF 128 III 271 consid. 2b/aa). Ainsi, lorsque l'appréciation des preuves le convainc de la réalité ou de l'inexistence d'un fait, la question de la répartition du fardeau de la preuve ne se pose plus (ATF 128 III 271 consid. 2b/aa). Le degré de preuve ordinaire s'applique à l'incapacité de travail alléguée en lien avec la survenance du cas d'assurance. Par conséquent, la preuve est apportée lorsque le tribunal, en se fondant sur des éléments objectifs, est convaincu de l'exactitude d'une allégation de fait. Il suffit qu'il n'y ait plus de doutes sérieux quant à l'existence du fait allégué ou que les doutes qui subsistent éventuellement paraissent légers (ATF 148 III 105 consid. 3.3.1).

6.2 En vertu de l’art. 8 CC, chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu’elle allègue pour en déduire son droit. En conséquence, la partie qui fait valoir un droit doit prouver les faits fondant ce dernier, tandis que le fardeau de la preuve relatif aux faits supprimant le droit, respectivement l’empêchant, incombe à la partie qui affirme la perte du droit ou qui conteste son existence ou son étendue. Cette règle de base peut être remplacée par des dispositions légales de fardeau de la preuve divergentes et doit être concrétisée dans des cas particuliers (ATF 128 III 271 consid. 2a/aa avec références). Ces principes sont également applicables dans le domaine du contrat d’assurance (ATF 130 III 321 consid. 3.1).

6.3 La partie qui n’a pas la charge de la preuve a le droit d’apporter une contre-preuve. Elle cherchera ainsi à démontrer des circonstances propres à faire naître chez le juge des doutes sérieux sur l’exactitude des allégations formant l’objet de la preuve principale. Pour que la contre-preuve aboutisse, il suffit que la preuve principale soit ébranlée, de sorte que les allégations principales n’apparaissent plus comme les plus vraisemblables (ATF 130 III 321 consid. 3.4). Le juge doit procéder à une appréciation d’ensemble des éléments qui lui sont apportés et dire s’il retient qu’une vraisemblance prépondérante a été établie (ATF 130 III 321 consid. 3.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_61/2011 du 26 avril 2011 consid. 2.1.1).

7.                   

7.1 L’art. 8 CC ne régit pas l’appréciation des preuves, de sorte qu’il ne prescrit pas quelles sont les mesures probatoires qui doivent être ordonnées (ATF 127 III 519 consid. 2a), ni ne dicte au juge comment forger sa conviction (ATF 128 III 22 consid. 2d; 127 III 248 consid. 3a, consid. 2a) ; cette disposition n’exclut pas non plus que le juge puisse, sur la base d’une appréciation anticipée des preuves déjà disponibles, refuser l’administration d’une preuve supplémentaire au motif qu’il la tient pour impropre à modifier sa conviction (ATF 131 III 222
consid. 4.3;129 III 18 consid. 2.6).

7.2 Le principe de la libre appréciation des preuves est ancré à l’art. 157 CPC, qui dispose que le tribunal établit sa conviction par une libre appréciation des preuves administrées. Malgré ce qui précède, l’art. 168 al. 1 CPC énumère les moyens de preuve admissibles : il s’agit du témoignage, des titres, de l’inspection, de l’expertise, des renseignements écrits, de l’interrogatoire et de la déposition de partie. Cette énumération est exhaustive.

Le juge apprécie librement la force probante des preuves administrées en fonction des circonstances concrètes, sans être lié par des règles légales et sans être obligé de suivre un schéma précis (arrêt du Tribunal fédéral 5A_113/2015 du 3 juillet 2015 consid. 3.2). L’obligation du tribunal de motiver son appréciation des preuves, c’est-à-dire d’indiquer les raisons pour lesquels il considère un fait ou la conclusion d’une expertise comme établi, découle de l’obligation de motiver liée au droit d’être entendu (arrêt du Tribunal fédéral 5A_663/2015 du 7 mars 2015 consid. 3.1). Il n’a toutefois pas l’obligation d’exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à l’examen des questions décisives pour l’issue du litige (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1).

7.3 Le principe de la libre appréciation des preuves s’applique lorsqu’il s’agit de se prononcer sur des prestations en matière d’assurance sociale. Rien ne justifie de ne pas s’y référer également lorsqu’une prétention découlant d’une assurance complémentaire à l’assurance sociale est en jeu (arrêt du Tribunal fédéral 4A_5/2011 du 24 mars 2011 consid. 4.2). Le principe de la libre appréciation des preuves signifie que le juge apprécie librement les preuves, sans être lié par des règles formelles, en procédant à une appréciation complète et rigoureuse des preuves. Dès lors, le juge doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu’en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de statuer sur le droit litigieux (arrêt du Tribunal fédéral 4A_253/2007 du 13 novembre 2007 consid. 4.2). En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l’affaire sans apprécier l’ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L’élément déterminant pour la valeur probante d’un rapport médical n’est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il convient que les points litigieux importants aient fait l’objet d’une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu’il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l’expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3).

L’expertise, en tant que moyen de preuve admis au sens de l’art. 168 al. 1 let. d CPC (cf. ci-dessus : consid. 6.2), ne vise que l’expertise judiciaire au sens de l’art 183 al. 1 CPC.

Une expertise privée n’est en revanche pas un moyen de preuve mais une simple allégation de partie (ATF 141 III 433 consid. 2.5.2 et 2.5.3).

Les allégations précises de l’expertise privée – contestées de manière globale – peuvent apporter la preuve de leur véracité si elles sont appuyées par des indices objectifs (arrêt du Tribunal fédéral 4A_318/2016 du 3 août 2016 consid. 3.1 et 3.2). Si elles ne sont pas corroborées par de tels indices, elles ne peuvent être considérées comme prouvées en tant qu’allégations contestées (arrêt du Tribunal fédéral 4A_626/2015 du 24 mai 2016 consid. 2.5). Les mêmes principes s’appliquent mutatis mutandis aux allégations précises résultant du rapport d’un médecin traitant (cf. arrêt du Tribunal fédéral 4A_42/2017 du 29 janvier 2018, consid. 3.3.3 non publié à l’ATF 144 III 136).

8.                   

8.1 Depuis l'entrée en vigueur de la LAMal, le 1er janvier 1996, les assurances complémentaires à l'assurance-maladie sociale au sens de cette loi sont soumises au droit privé, plus particulièrement à la LCA (ATF 124 III 44 consid. 1a/aa). Comme l'art. 100 al. 1 LCA renvoie au CO pour tout ce que la LCA ne règle pas elle-même, la jurisprudence en matière de contrats est applicable. D'après celle-ci, les conditions générales font partie intégrante du contrat. Les dispositions contractuelles préformulées sont en principe interprétées selon les mêmes règles que les clauses contractuelles rédigées individuellement (ATF 133 III 675 consid. 3.3; ATF 122 III 118 consid. 2a; ATF 117 II 609 consid. 6c). La LCA ne comporte pas de dispositions particulières à l'assurance d'indemnités journalières en cas de maladie ou d'accident, de sorte qu'en principe, le droit aux prestations se détermine exclusivement d'après la convention des parties (ATF 133 III 185 consid. 2). Le droit aux prestations d'assurances se détermine donc sur la base des dispositions contractuelles liant l'assuré et l'assureur, en particulier des conditions générales ou spéciales d'assurance (arrêt du Tribunal fédéral 5C.263/2000 du 6 mars 2001 consid. 4a).

8.2 En l’espèce, la police d’assurance (n° U46.2.024.933) prévoit une indemnité journalière en cas de maladie s’élevant à 80% du salaire assuré, versée pendant 730 jours au maximum, après un délai d’attente de 30 jours.

Selon l’art. 4 al. 1 1er paragraphe des CGA, auxquelles renvoie la police d’assurance précitée, « est considérée comme maladie toute atteinte à la santé physique, mentale ou psychique qui n’est pas due à un accident et qui exige un examen ou un traitement médical ou provoque une incapacité de travail ».

Selon l’al. 4 de la même disposition, « est considérée comme incapacité de travail toute perte, totale ou partielle, de l’aptitude de la personne assurée à accomplir dans sa profession ou son domaine d’activité le travail qui peut raisonnablement être exigé d’elle, si cette perte résulte d’une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique. En cas de durée plus longue, et au plus tard après six mois, l’activité qui peut raisonnablement être exigée dans une autre profession ou un autre domaine d’activité sur le marché du travail équilibré est également prise en considération. Pour juger de la présence d’une incapacité de travail, sont exclusivement prises en compte les conséquences de l’atteinte à la santé. Les facteurs étrangers à la maladie ne sont pas pris en compte. De plus, il n’y a incapacité de travail que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable ».

9.                   

9.1 En l’occurrence, la défenderesse a versé des indemnités journalières à la demanderesse sur la base des certificats d’arrêt de travail et des rapports établis par les Drs C______, médecin traitant, et D______, psychiatre traitante, pour la période du 12 mai au 15 juin 2021, puis, sans reconnaissance d’une incapacité de travail, jusqu’au 30 novembre 2021. Elle a cessé de prester en se référant aux rapports de ses médecins-conseils, ainsi que de celui du Dr E______, qu’elle avait mandaté pour examiner l’assurée.

9.2 La demanderesse, pour sa part, conclut au paiement des indemnités journalières auxquelles elle prétend avoir droit à 100% du 1er décembre 2021 au 30 juin 2022 et à 50% du 1er juillet 2022 au 4 novembre 2022, en se référant notamment aux avis de ses médecins traitants précités, et en contestant la valeur probante du rapport du Dr E______.

9.3 Le rapport du Dr E______, établi en pleine connaissance du dossier, se fonde sur une anamnèse détaillée, un examen clinique de la demanderesse et tient compte des plaintes rapportées par cette dernière. Le vocabulaire utilisé par le médecin n’a pas pour but d’orienter vers ses conclusions, contrairement à ce que soutient la demanderesse, mais apparaît approprié pour décrire des faits et rapporter les constatations médicales de l’examinateur, desquelles découlent des conclusions qu’il a dument motivées. La seule éventuelle mention erronée du mode de transport utilisé par la demanderesse pour se rendre à son cabinet n’est pas suffisante pour remettre en question les conclusions du rapport, dans la mesure où non seulement la question de la capacité à conduire un véhicule à moteur n’est pas déterminante en l’espèce, mais que de surcroît la demanderesse n’a pas nié conduire à l’époque concernée, seule cette occasion précise étant litigieuse. Le terme « appréhension » utilisé par le médecin pour qualifier le sentiment exprimé par la demanderesse en lien avec la reprise d’un emploi est, contrairement à ce que prétend l’intéressée, choisi à bon escient, puisqu’une anxiété persistante à ce sujet est écartée par le spécialiste. Cette conclusion est d’ailleurs corroborée par la psychiatre traitante.

Le Dr E______ a exposé les différents critères diagnostics permettant de retenir un trouble de l’adaptation, réaction mixte anxieuse et dépressive et a expliqué de manière détaillée pour quels motifs la plupart desdits critères n’étaient pas remplis. La Dre D______, lors de son audition par la chambre de céans, ne l’a d’ailleurs pas contredit, reconnaissant que seuls subsistaient, déjà à l’été 2021, des troubles de la concentration, ainsi qu’une importante fatigue. Il a expliqué de manière convaincante que ces symptômes n’étaient à eux seuls constitutifs d’aucune pathologie psychiatrique reconnue et qu’en conséquence, aucune incapacité de travail ne pouvait être retenue au titre d’affection psychique. Cette considération est par ailleurs renforcée par la remarque du Dr C______, lequel – tout en se référant au rapport du Dr E______ s’agissant de la description d’une journée-type – mentionnait l’absence d’impact des symptômes sur la vie privée de sa patiente.

La possible dysthymie évoquée par le Dr G______, neurologue, est impropre à ébranler les conclusions du Dr E______. En effet, non seulement la jurisprudence retient qu’une dysthymie n’est susceptible d'entraîner une diminution de la capacité de travail que lorsqu'elle se présente avec d'autres affections faisant défaut au cas d’espèce (ATF 143 V 418 et arrêt du Tribunal fédéral 9C_146/2015), mais surtout ce diagnostic ne saurait entrer en considération en présence d’une thymie neutre confirmée par la psychiatre traitante depuis juillet 2021 (rapport du 27 septembre 2021). La Dre D______ avait d’ailleurs prescrit l’antidépresseur à demi-dose et spécifiquement pour son action sur les troubles cognitifs, ce qui vient corroborer l’absence de symptômes de la lignée dépressive à tout le moins depuis l’été 2021. Dans cette mesure, les psychiatres se rejoignent, à quelques jours près, sur le moment à partir duquel les symptômes incapacitants de nature psychiatrique se sont amendés. Le fait que le Dr E______ retienne une récupération de la capacité de travail, d’un point de vue psychiatrique exclusivement, le 15 juin 2021, plutôt que le 30 ou le 15 juillet 2021 n’est dès lors pas déterminant pour juger de la valeur probante de son rapport, ce d’autant que cela s’est finalement révélé sans conséquence sur la suppression des prestations par l’intimée, celle-ci ayant continué à verser les indemnités journalières jusqu’au 30 novembre 2021. Or, cette date correspond à la fin de l’incapacité de travail retenue par la psychiatre traitante elle-même du point de vue de sa seule spécialité.

Quant à l’avis du Dr C______ sur l’aptitude de la demanderesse à accomplir ses tâches professionnelles, il n’est pas non plus de nature à faire douter des conclusions du Dr E______. En effet, ce médecin, dont la spécialité n’est pas la psychiatrie, a déclaré à la chambre de céans que la persistance des troubles de la concentration et de la fatigue étaient, de son point de vue, à mettre en lien avec le licenciement et le conflit opposant la demanderesse à l’intimée. Or, il s’agit là de facteurs étrangers dont la défenderesse n’a pas à répondre (cf. art. 4 al. 4 CGA).

Enfin, la persistance des perturbations émotionnelles alléguée par la demanderesse sous forme d’accès de colère est démentie tant par le Dr E______ que par la
Dre D______.

Il suit de ce qui précède que les conclusions du rapport du Dr E______, au demeurant confirmées par le Dr I______, emportent conviction et qu’il convient de retenir que la demanderesse ne présentait plus, à la date de suppression des prestations, d’incapacité de travail du point de vue psychiatrique.

9.4 Le Dr E______ a en revanche réservé une incapacité de travail justifiée par une pathologie d’ordre somatique, mentionnant notamment une anémie ferriprive, un syndrome de la ménopause et un trouble intrinsèque du sommeil.

À ce propos, il sied de relever que les troubles du sommeil supposés ont été écartés par un examen polysomnographique effectué en août 2021. À cette occasion, la demanderesse a d’ailleurs déclaré au Dr F______ avoir un bon sommeil.

Le Dr C______, qui a confirmé la compensation de l’anémie ferriprive par les injections du point de vue biologique, a nié l’effet de ces dernières sur la clinique. Or, ce même médecin a aussi relaté une amplification des plaintes de la demanderesse (audience du 26 février 2024), ce qui relativise les propos tenus par l’intéressée à son médecin traitant et à sa psychiatre, ce d’autant qu’elle avait exposé une amélioration de sa fatigue au Dr F______ en août 2021.

Les autres investigations n’ont pas permis de mettre en évidence une quelconque pathologie incapacitante.

En particulier, l’ensemble des examens neurologiques s’est révélé dans la norme. Les tests neuropsychologiques de septembre 2021 n’ont mis en évidence qu’un défaut d’attention sélective visuelle. Des problèmes cognitifs importants ont été écartés, singulièrement s’agissant de la mémoire, de la fatigabilité et de la concentration. À ce dernier propos, les limitations fonctionnelles décrites par la Dre D______ l’ont été sur la seule base des déclarations de sa patiente, sans qu’elle n’ait elle-même constaté de difficultés de ce type lors des multiples entretiens qu’elle a eus avec elle, et sont valablement contredites par les tests spécialisés réalisés.

Les déficits allégués en neurotransmetteurs ne sont pas démontrés. Ils reposent sur un questionnaire déclaratif – soit sur les seules allégations de la demanderesse – effectué par un hypnothérapeute, sans vérification par un médecin, ni attestation d’incapacité de travail médicale expressément liée à cette prétendue carence. La question du défaut de neurotransmetteurs est un objet de recherche médicale
(cf. déclarations de la Dre D______ à l’audience du 26 février 2024), et ne fait donc pas (encore) l’objet d’un consensus médical. Selon la psychiatre précitée, il n’existe d’ailleurs pas de protocole validé pour une supplémentation, à l’exception de la sérotonine et de la dopamine via les antidépresseurs. Dans ces circonstances, une éventuelle influence du défaut de neurotransmetteurs sur la capacité de travail n’a pas à être investiguée plus avant, faute de pouvoir obtenir un avis reconnu scientifiquement.

Quant au syndrome de la ménopause, le médecin traitant n’en a pas fait état dans ses rapports à la défenderesse. Entendu par la chambre de céans, il a mentionné comme ayant une influence sur la capacité de travail exclusivement des symptômes liés au trouble de l’adaptation (outre des facteurs externes). Dans cette mesure, l’hypothèse mentionnée par le Dr E______ n’est pas confirmée et cette affection ne saurait se voir reconnaître une quelconque influence déterminante sur l’aptitude de la demanderesse à accomplir son travail.

Enfin, la Dre L______ a clairement signifié que la candidose diagnostiquée par ses soins n’entraînait aucune incapacité de travail.

9.5 Il suit de ce qui précède qu’il n’est pas nécessaire de procéder aux mesures d’instruction offertes, et en particulier à l’expertise multidisciplinaire requise par la demanderesse, le dossier permettant de statuer sur le droit litigieux. Ces mesures ne pourraient amener la chambre de céans à modifier son appréciation (appréciation anticipée des preuves ; ARD 138 III 374 consid. 4.3.2)

9.6 Pour l’ensemble des motifs exposés, il convient de débouter la demanderesse de sa conclusion tendant au paiement d’indemnités journalières au-delà du
30 novembre 2021, l’intéressée ayant pleinement recouvré sa capacité de travail à cette date.

Cette conclusion est au demeurant celle à laquelle sont parvenus les organes de l’assurance-invalidité et de l’assurance-chômage, les premiers ayant estimé que la demanderesse ne présentait aucune atteinte à sa santé invalidante et les seconds l’ayant considérée comme apte au placement à plein temps. La demanderesse ne s’est pas opposée à ces décisions, de manière contradictoire avec la position adoptée vis-à-vis de la défenderesse.

10.         La demande doit dès lors être rejetée.

Pour le surplus, il n'est pas alloué de dépens à la charge de la demanderesse
(art. 22 al. 3 let. b de la loi d'application du code civil suisse et d’autres lois fédérales en matière civile du 11 octobre 2012 [LaCC - E 1 05]), ni perçu de frais judiciaires (art. 114 let. e CPC).

 

***


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare la demande recevable.

Au fond :

2.        La rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile (Tribunal fédéral suisse, avenue du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14), sans égard à sa valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. b LTF). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoqués comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Pascale HUGI

 

La présidente suppléante

 

 

 

 

Laurence PIQUEREZ

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) par le greffe le