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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/340/2023

ATAS/301/2024 du 02.05.2024 ( AI ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/340/2023 ATAS/301/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 2 mai 2024

Chambre 5

 

En la cause

A______

représenté par Me Yann ZOSSO, avocat

 

 

recourant

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


 

EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né en ______ 1987, dessinateur de bandes dessinées, a déposé une demande de prestations invalidité qui a été reçue, en date du 25 mai 2021, par l’office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI ou l’intimé). Il a indiqué qu’il souffrait de troubles psychiques, à savoir des troubles obsessionnels compulsifs, un TDAH, une dépression et d’autres troubles psychiques, depuis l’enfance. Il était suivi par le docteur B______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie.

b. Dans un résumé d’intervention ambulatoire du département de psychiatrie des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), daté du 27 novembre 2020, le docteur C______, médecin chef de clinique, a décrit une admission de l’assuré, en date du 21 juillet 2020, avec une sortie, en date du 2 novembre 2020, en posant un diagnostic d’épisode dépressif moyen. Le patient décrivait des troubles du comportement avec impulsivité, un isolement social et plusieurs suivis, de six mois à une année, chez plusieurs thérapeutes successifs. La consultation faisait suite à la demande de divorce présentée par l’épouse de l’assuré, ce qui rendait adéquat une admission au programme de crise des soins ambulatoires intensifs. En fin de prise de soins, le patient était décrit comme calme, collaborant, avec une thymie neutre, une absence d’idées suicidaires, tenant un discours clair, cohérent et informatif. Un traitement antidépresseur de Brintellix, à raison de 10 mg par jour, lui était prescrit.

c. Le Dr B______ a fait parvenir un rapport médical à l’OAI, en date du 8 juillet 2021, dont il ressortait les diagnostics de trouble anxieux et dépressif mixte (F 41.2) et de troubles mixtes de la personnalité (F 61.0). Selon le médecin traitant, l’assuré n’avait plus aucune envie d’entreprendre quoi que ce soit depuis que son épouse l’avait quitté et était la proie de troubles anxieux, de troubles de la personnalité, soit l’impulsivité, la méfiance, une anxiété dans les contacts qui avait entraîné un isolement social et affectif. Le patient était décrit comme en retrait dans ses contacts et en proie à une certaine méfiance ; le médecin considérait qu’un stage d’observation pouvait être utile. Sur le plan de la capacité de travail, il l’estimait, dans son activité habituelle, à 40% depuis le début de l’année 2021, avec les limitations fonctionnelles suivantes : anxiété, évitement des contacts sociaux, humeur dépressive, manque d’énergie, perte de motivation, troubles du sommeil, difficultés de concentration, ruminations négatives et méfiance dans les contacts. Dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles, le psychiatre considérait que le pourcentage était le même que dans son activité habituelle, soit 40% depuis début 2021.

d. Dans un avis médical du 10 mai 2022, le service médical régional (ci-après : le SMR) de l’OAI a résumé la situation médicale et s’est déterminé pour la réalisation d’une expertise psychiatrique, en considérant qu’il n’était pas clair de savoir si l’atteinte à la santé psychique dont souffrait l’assuré, dès juillet 2021, était en lien avec un trouble psychique réactionnel suite aux difficultés familiales et professionnelles et/ou avec une décompensation d’un trouble de la personnalité, pour autant que ce dernier soit confirmé.

e. Suite au préavis de son SMR, l’OAI a désigné le docteur D______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, afin d’effectuer une expertise psychiatrique de l’assuré.

f. Ce dernier a rendu son rapport d’expertise, en date du 20 octobre 2022. L’expert a relevé une bonne cohérence au niveau de l’anamnèse et de l’examen clinique ainsi que la plausibilité des troubles psychiques, chez un assuré qui n’exagérait pas ses activités de la journée-type. Le psychiatre notait toutefois une discordance entre une capacité de travail nulle ou diminuée pour des raisons psychiatriques, selon le dossier assécurologique, et la journée-type chez un assuré qui gérait sans difficulté son quotidien, le ménage, les courses, préparait les repas, gérait l’administratif, se déplaçait sans difficulté, s’occupait adéquatement de ses enfants quand il en avait la garde, travaillait à temps partiel, sans difficulté objectivable, malgré un isolement social partiel, mais pas total. De surcroît, l’absence d’un traitement antidépresseur, sans hospitalisation psychiatrique depuis plusieurs années, sans traitement spécifique pour le TDAH, avec un suivi psychiatrique bimensuel et non pas hebdomadaire, plaidait aussi indirectement contre un trouble incapacitant, contre une décompensation du trouble de la personnalité et contre des limitations fonctionnelles significatives. L’expert concluait qu’il n’y avait aucun diagnostic avec répercussion sur la capacité de travail, mais qu’il existait des troubles anxieux et dépressifs mixtes, depuis juillet 2020 jusqu’à présent, sans indice de gravité de jurisprudence remplie (F 41.2), un trouble mixte de la personnalité émotionnellement labile de type impulsif et anankastique (F61), actuellement non décompensé, ce qui n’avait pas empêché l’assuré de se former, de gérer son quotidien sans limitations, de travailler dans le passé, et un trouble de l’attention avec hyperactivité durant l’enfance (F90), qui n’avait pas empêché une formation et un travail et ne nécessitait pas de traitement spécifique. L’expert concluait à une pleine capacité de travail dans l’activité habituelle et dans une activité adaptée. Il mentionnait, toutefois, qu’actuellement, l’évolution était stationnaire et le pronostic incertain sur l’évolution de la capacité de travail car la situation n’était pas stabilisée. Il recommandait un suivi psychiatrique régulier pour améliorer le pronostic et l’éventuelle prise d’un antidépresseur, en cas d’aggravation documentée.

g. Le SMR a rendu un rapport médical en date du 14 novembre 2022, considérant que le rapport d’expertise psychiatrique était convaincant et qu’il n’y avait pas de raison de s’en écarter. Il estimait que la capacité de travail de l’assuré était pleine, dans toute activité, dès le mois de juillet 2020.

B. a. Par projet de décision du 18 novembre 2022, l’OAI a informé l’assuré qu’il lui niait le droit à des prestations invalidité, en raison du fait que le SMR estimait que sa capacité de travail était pleine, dans toute activité, dès le mois de juillet 2020.

b. Par courrier du 5 décembre 2022, l’assuré s’est opposé au projet de décision au motif que son médecin traitant et lui-même étaient persuadés qu’il avait droit à des prestations invalidité. Par courrier du 20 décembre 2022 adressé à l’OAI, le psychiatre traitant a manifesté son incompréhension du refus des prestations invalidité, du fait de l’importante atteinte psychique dont son patient souffrait de manière chronique. Il ajoutait vouloir obtenir une copie du rapport d’expertise psychiatrique.

c. Par décision du 11 janvier 2023, l’OAI a confirmé le projet de décision du 18 novembre 2022. Il a mentionné qu’en dépit de l’opposition, l’assuré n’avait apporté aucun élément de fait nouveau et aucune nouvelle pièce médicale probante pouvant conduire à une appréciation différente.

d. Par courrier du 17 janvier 2023, l’assuré a autorisé l’OAI à transmettre le rapport d’expertise à son médecin psychiatre traitant.

C. a. Par courrier du 2 février 2023 adressé à l’OAI, le Dr B______ a fait part de son désaccord avec les conclusions de l’expertise, qui n’étaient pas en adéquation avec ses observations cliniques et ne tenaient pas compte de l’effet incapacitant du grave trouble de la personnalité du patient. Il estimait que la capacité de travail de ce dernier, dans son activité habituelle ou toute autre activité, était de 40%, ce qui tenait compte du fait qu’il était capable de travailler six heures par semaine, dans une activité d’enseignant en arts, dans une classe spécialisée.

b. À réception du courrier du Dr B______, l’OAI a considéré qu’il s’agissait d’un recours contre sa décision du 11 janvier 2023 et l’a transmis à la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans), comme objet de sa compétence. Par réponse du 20 mars 2023, l’OAI a conclu au rejet du recours, tout en produisant l’avis médical de son SMR, daté du 7 mars 2023, et qui se prononçait sur le courrier du Dr B______ daté du 2 février 2023. L’appréciation du médecin traitant était écartée au profit des conclusions de l’expert psychiatre.

c. Par réplique du 8 avril 2023, le recourant a décrit les difficultés dans sa vie sociale et professionnelle, son isolement et le fait qu’il ne pouvait exercer qu’une activité partielle de travail, à raison de six heures par semaine. Il concluait à ce que ces éléments soient retenus par la chambre de céans.

d. Par duplique du 25 mai 2023, l’OAI a persisté dans les termes de la décision querellée.

e. Le 31 mai 2023, un avocat s’est constitué pour la défense des intérêts de l’assuré avec élection de domicile en son étude et a demandé à pouvoir compléter son recours après avoir obtenu de l’OAI la transmission du dossier complet de l’assuré. Par déterminations du 14 juillet 2023, il a critiqué le rapport d’expertise, en considérant que les indicateurs d’un trouble de la personnalité dyssociale étaient présents dans le tableau clinique, ce qui n’avait pas été retenu, à tort, par l’expert. Faute de valeur probante de l’expertise, il considérait que l’instruction du dossier devait être reprise par l’OAI et, à titre subsidiaire, concluait à ce qu’une nouvelle expertise psychiatrique soit ordonnée par la chambre de céans.

f. Par observations spontanées du 16 août 2023, l’OAI a critiqué les déterminations du mandataire de l’assuré et considéré qu’il s’agissait d’une simple appréciation différente d’un même état de fait. L’intimé a persisté dans ses précédentes conclusions, considérant que le recours était mal fondé.

g. Par courrier du 29 août 2023, le mandataire de l’assuré a persisté dans ses conclusions, joignant en annexe un rapport psychiatrique du Dr B______, daté du 24 août 2023, dans lequel ce dernier rappelait les difficultés de son patient à entrer en relation avec les autres, ses relations émotionnelles impulsives et souvent négatives, son échec professionnel, non pas par un manque de volonté mais par une importante difficulté à gérer ses émotions, ainsi que ses pensées obsessionnelles centrées sur la saleté et la peur des microbes.

h. Par courrier du 5 octobre 2023, la chambre de céans a informé les parties qu’elle avait l’intention de confier une mission d’expertise psychiatrique au docteur E______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie.

i. Les parties n’ont fait valoir aucun motif de récusation dans le délai qui leur a été imparti. Après réception du projet de mandat d’expertise de la chambre de céans, envoyé en date du 6 novembre 2023, les parties n’ont fait valoir aucune remarque ou proposition de modification.

j. L’expert E______ a rendu son rapport d’expertise psychiatrique en date du 26 mars 2024. Il a retenu les diagnostics suivants avec degré de gravité fonctionnel, par ordre décroissant : un trouble obsessionnel–compulsif de type mixte (avec obsessions et compulsions) F42.2 de gravité sévère ; une phobie sociale F40.1, de gravité sévère ; des troubles mixtes de la personnalité, avec traits impulsifs et dépendants F61.0, de gravité sévère ; une dépendance à l’alcool F10.24, de gravité moyenne, pour le moment, mais avec un pronostic réservé pour le futur et enfin une dysthymie F34.1 de gravité légère.

Selon l’expert, les troubles entraînaient les limitations fonctionnelles suivantes : le trouble obsessionnel–compulsif absorbait beaucoup d’énergie mentale et physique et poussait à l’évitement des stimuli anxiogènes (objets sales ou porteurs potentiels de maladie, y compris les personnes), ce qui contribuait à aggraver l’isolement social massif qui était la limitation fonctionnelle principale de la phobie sociale. Le trouble de la personnalité diminuait la capacité de gérer les émotions et favorisait les réponses impulsives aux situations d’échec ou de frustration. Il inhibait aussi la prise d’initiative en l’absence de personne sur laquelle s’appuyer, ce qui était la situation actuelle depuis la séparation du couple. La consommation excessive d’alcool diminuait les capacités mentales et l’efficacité. Actuellement, l’effet sur les performances était encore limité mais si la prise importante d’alcool devait s’installer dans la durée, le risque de baisse de l’efficacité cognitive deviendrait élevé. Enfin, la dysthymie diminuait légèrement l’énergie disponible, l’estime de soi et l’envie d’entreprendre.

L’expert a considéré que les limitations fonctionnelles étaient massives et lui paraissaient totalement incompatibles avec l’exercice d’une activité professionnelle, quelle qu’elle soit. En se fondant sur le résumé d’intervention du département de psychiatrie des HUG du 27 novembre 2020, l’incapacité de travail totale pouvait être datée de novembre 2020. S’agissant de perspectives thérapeutiques, l’expert a estimé qu’à l’heure actuelle, la seule voie thérapeutique possible était celle choisie par le médecin traitant, le psychiatre B______, à savoir un soutien bienveillant et non intrusif, en espérant qu’avec le temps, le niveau d’anxiété baisserait et permettrait à l’expertisé de récupérer une certaine capacité d’interaction sociale.

Le Dr E______ s’est écarté de l’expertise du Dr D______ du 20 octobre 2022, considérant que ce dernier avait méconnu l’existence et les répercussions fonctionnelles sévères du trouble obsessionnel–compulsif et sous-estimé l’impact du trouble de la personnalité ainsi que de la gravité des atteintes cliniques constatées, dont la réalité était corroborée par de multiples pièces du dossier.

k. Par courrier du 17 avril 2024, l’OAI, en se fondant sur l’avis médical de son SMR du 9 avril 2024, a considéré que l’expertise du Dr E______ était convaincante et plus détaillée (que celle du Dr D______), de sorte qu’une incapacité de travail totale devait être retenue depuis novembre 2020.

l. Par courrier de son mandataire du 18 avril 2024, le recourant a récapitulé ses conclusions et considéré que l’expertise du Dr E______ emportait sa conviction.

m. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

 

EN DROIT

1.        Conformément à l’art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        À teneur de l’art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’assurance-invalidité, à moins que la loi n’y déroge expressément.

3.        Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

4.        Le 1er janvier 2022 sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste, en principe, celle en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits et le juge se fonde, en règle générale, sur l'état de fait réalisé à la date déterminante de la décision litigieuse (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; ATF 132 V 215 consid. 3.1.1 et les références).

En l’occurrence, la décision querellée se fonde sur un complexe de fait antérieur au 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

5.        Le délai de recours est de 30 jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté par le médecin traitant de l’assuré, en qualité de mandataire de ce dernier, dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

6.        Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de refus de prestations invalidité de l’OAI, du 11 janvier 2023.

7.        Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28 al. 2 LAI).

8.         

8.1 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté ; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c ; ATF 102 V 165 consid. 3.1 ; VSI 2001 p. 223 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanant d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; ATF 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1 ; ATF 130 V 396 consid. 5.3 et 6).

8.2 Dans l’ATF 141 V 281, le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d'évaluation de la capacité de travail, respectivement de l'incapacité de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d'affections psychosomatiques comparables. Il a notamment abandonné la présomption selon laquelle les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 141 V 281 consid. 3.4 et 3.5) et introduit un nouveau schéma d'évaluation au moyen d'un catalogue d'indicateurs (ATF 141 V 281 consid. 4). Le Tribunal fédéral a ensuite étendu ce nouveau schéma d'évaluation aux autres affections psychiques (ATF 143 V 418 consid. 6 et 7 et les références). Aussi, le caractère invalidant d'atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 143 V 409 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2019 du 17 mars 2020 consid. 3 et les références).

Le Tribunal fédéral a en revanche maintenu, voire renforcé la portée des motifs d'exclusion définis dans l'ATF 131 V 49, aux termes desquels il y a lieu de conclure à l'absence d'une atteinte à la santé ouvrant le droit aux prestations d'assurance, si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'une exagération des symptômes ou d'une constellation semblable, et ce même si les caractéristiques d'un trouble au sens de la classification sont réalisées. Des indices d'une telle exagération apparaissent notamment en cas de discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, de grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psycho-social intact (ATF 141 V 281 consid. 2.2.1 et 2.2.2 ; ATF 132 V 65 consid. 4.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_16/2016 du 14 juin 2016 consid. 3.2).

8.3 L'organe chargé de l'application du droit doit, avant de procéder à l'examen des indicateurs, analyser si les troubles psychiques dûment diagnostiqués conduisent à la constatation d'une atteinte à la santé importante et pertinente en droit de l'assurance-invalidité, c'est-à-dire qui résiste aux motifs dits d'exclusion tels qu'une exagération ou d'autres manifestations d'un profit secondaire tiré de la maladie (cf. ATF 141 V 281 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 5.2.2 et la référence).

9.        Selon la jurisprudence, en cas de troubles psychiques, la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée, en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs incapacitants et, d'autre part, des potentiels de compensation (ressources) (ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). L'accent doit ainsi être mis sur les ressources qui peuvent compenser le poids de la douleur et favoriser la capacité d'exécuter une tâche ou une action (arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2016 du 19 juillet 2016 consid. 7 et la référence). 

Il y a lieu de se fonder sur une grille d’analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4).

-          Catégorie « Degré de gravité fonctionnel » (ATF 141 V 281 consid. 4.3)

A.    Complexe « Atteinte à la santé » (consid. 4.3.1)

Expression des éléments pertinents pour le diagnostic (consid. 4.3.1.1), succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à cet égard (consid. 4.3.1.2), comorbidités (consid. 4.3.1.3).

B.     Complexe « Personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles ; consid. 4.3.2) 

C.     Complexe « Contexte social » (consid. 4.3.3)

-          Catégorie « Cohérence » (aspects du comportement ; consid. 4.4) 

Limitation uniforme du niveau d'activité dans tous les domaines comparables de la vie (consid. 4.4.1), poids des souffrances révélé par l'anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation (consid. 4.4.2).

Les indicateurs appartenant à la catégorie « degré de gravité fonctionnel » forment le socle de base pour l’évaluation des troubles psychiques (ATF 141 V 281 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2).

10.    Selon la jurisprudence, une dysthymie (F34.1) est susceptible d'entraîner une diminution de la capacité de travail lorsqu'elle se présente avec d'autres affections, à l'instar d'un grave trouble de la personnalité. Pour en évaluer les éventuels effets limitatifs, ces atteintes doivent en principe faire l'objet d'une procédure probatoire structurée selon l'ATF 141 V 281 (arrêt du Tribunal fédéral 9C_599/2019 du 24 août 2020 consid. 5.1 et la référence).

11.    Des traits de personnalité signifient que les symptômes constatés ne sont pas suffisants pour retenir l’existence d’un trouble spécifique de la personnalité. Ils n'ont, en principe, pas valeur de maladie psychiatrique et ne peuvent, en principe, fonder une incapacité de travail en droit des assurances au sens des art. 4 al. 1 LAI et 8 LPGA (arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2019 du 17 mars 2020 consid. 5.3 et les références).

12.     

12.1 Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1). La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. Dans le cas des maladies psychiques, les indicateurs sont importants pour évaluer la capacité de travail, qui - en tenant compte des facteurs incapacitants externes d’une part et du potentiel de compensation (ressources) d’autre part -, permettent d’estimer la capacité de travail réellement réalisable (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_286/2020 du 6 août 2020 consid. 4 et la référence).

12.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3). Il faut en outre que le médecin dispose de la formation spécialisée nécessaire et de compétences professionnelles dans le domaine d’investigation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_555/2017 du 22 novembre 2017 consid. 3.1 et les références).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

12.3 Le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 143 V 269 consid. 6.2.3.2 et les références ; ATF 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/aa et les références).

12.4 Le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d'un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l'assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l'objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l'égard de l'assuré. Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l'impartialité d'une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Étant donné l'importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l'impartialité de l'expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).

12.5 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

12.6 En ce qui concerne l'évaluation du caractère invalidant des affections psychosomatiques et psychiques, l'appréciation de la capacité de travail par un médecin psychiatre est soumise à un contrôle (libre) des organes chargés de l'application du droit à la lumière de l'ATF 141 V 281 (ATF 145 V 361 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_585/2019 du 3 juin 2020 consid. 2 et les références). Il peut ainsi arriver que les organes d'application du droit se distancient de l'évaluation médicale de la capacité de travail établie par l’expertise sans que celle-ci ne perde sa valeur probante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_128/2018 du 17 juillet 2018 consid. 2.2 et les références). Du point de vue juridique, il est même nécessaire de s’écarter de l’appréciation médicale de la capacité de travail si l’évaluation n’est pas suffisamment motivée et compréhensible au vu des indicateurs pertinents, ou n’est pas convaincante du point de vue des éléments de preuve instaurés par l’ATF 141 V 281. S’écarter de l’évaluation médicale est alors admissible, du point de vue juridique, sans que d’autres investigations médicales ne soient nécessaires (arrêt du Tribunal fédéral 9C_832/2019 du 6 mai 2020 consid. 2.2). Toutefois, lorsque l’administration ou le juge, au terme de son appréciation des preuves, parvient à la conclusion que le rapport d'expertise évalue la capacité de travail en fonction des critères de médecine des assurances établis dans l'ATF 141 V 281 et qu’il satisfait en outre aux exigences générales en matière de preuves (ATF 134 V 231 consid. 5.1), il a force probante et ses conclusions sur la capacité de travail doivent être suivies par les organes d'application de la loi. Une appréciation juridique parallèle libre en fonction de la grille d'évaluation normative et structurée ne doit pas être entreprise (cf. ATF 145 V 361 consid. 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_213/2020 du 19 mai 2020 consid. 4.3 et les références).

En fin de compte, la question décisive est toujours celle des répercussions fonctionnelles d'un trouble. La preuve d'une incapacité de travail de longue durée et significative liée à l’état de santé ne peut être considérée comme rapportée que si, dans le cadre d’un examen global, les éléments de preuve pertinents donnent une image cohérente de l’existence de limitations dans tous les domaines de la vie. Si ce n'est pas le cas, la preuve d'une limitation invalidante de la capacité de travail n'est pas rapportée et l'absence de preuve doit être supportée par la personne concernée (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_423/2019 du 7 février 2020 consid. 3.2.2 et les références).

13.     

13.1 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

13.2 Si l’administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d’office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d’administrer d’autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 145 I 167 consid. 4.1 et les références ; ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 et les références). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu selon l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101 ; SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b ; ATF 122 V 157 consid. 1d).

14.    Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4 ; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

15.     

15.1 Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, l’art. 45 al. 1 LPGA constitue une base légale suffisante pour mettre les coûts d’une expertise judiciaire à la charge de l’assureur (ATF 143 V 269 consid. 6.2.1 et les références), lorsque les résultats de l'instruction mise en œuvre dans la procédure administrative n'ont pas une valeur probatoire suffisante pour trancher des points juridiquement essentiels et qu'en soi un renvoi est envisageable en vue d'administrer les preuves considérées comme indispensables, mais qu'un tel renvoi apparaît peu opportun au regard du principe de l'égalité des armes (ATF 139 V 225 consid. 4.3).

15.2 Cette règle ne saurait entraîner la mise systématique des frais d'une expertise judiciaire à la charge de l'autorité administrative. Encore faut-il que l'autorité administrative ait procédé à une instruction présentant des lacunes ou des insuffisances caractérisées et que l'expertise judiciaire serve à pallier les manquements commis dans la phase d'instruction administrative. En d'autres mots, il doit exister un lien entre les défauts de l'instruction administrative et la nécessité de mettre en œuvre une expertise judiciaire (ATF 137 V 210 consid. 4.4.2). Tel est notamment le cas lorsque l'autorité administrative a laissé subsister, sans la lever par des explications objectivement fondées, une contradiction manifeste entre les différents points de vue médicaux rapportés au dossier, lorsqu’elle aura laissé ouverte une ou plusieurs questions nécessaires à l'appréciation de la situation médicale ou lorsqu'elle a pris en considération une expertise qui ne remplissait manifestement pas les exigences jurisprudentielles relatives à la valeur probante de ce genre de documents. En revanche, lorsque l'autorité administrative a respecté le principe inquisitoire et fondé son opinion sur des éléments objectifs convergents ou sur les conclusions d'une expertise qui répondait aux réquisits jurisprudentiels, la mise à sa charge des frais d'une expertise judiciaire ordonnée par l'autorité judiciaire de première instance, pour quelque motif que ce soit (à la suite par exemple de la production de nouveaux rapports médicaux ou d'une expertise privée), ne saurait se justifier (ATF 139 V 496 consid. 4.4 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_580/2019 du 6 avril 2020 consid. 5.1).

16.    En l’espèce, il est rappelé que le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné.

Or, les appréciations médicales de l’expert E______ remplissent les conditions susmentionnées ; l’anamnèse est complète, les diagnostics sont clairement expliqués ainsi que les limitations fonctionnelles dont souffre l’expertisé et dont les contours sont clairement détaillés. L’expert a également expliqué les raisons pour lesquelles il s’écartait des conclusions de l’expert mandaté par l’OAI, étant rappelé que la chambre de céans a ordonné une expertise judiciaire en raison de ses doutes quant à la valeur probante de l’expertise administrative du Dr D______.

L’intimé reconnaît que l’expertise du Dr E______ est plus complète et plus précise que celle du Dr D______ et se rallie à ses conclusions, de même que le recourant.

La chambre de céans considère que le rapport d’expertise du 25 mars 2024 présente une pleine valeur probante et fait siennes les conclusions de l’expert E______ selon lesquelles le recourant à une capacité de travail nulle, dans toute activité, depuis le mois de novembre 2020.

16.1 Partant, le recours est admis, la décision annulée et la cause renvoyée à l’OAI, pour nouvelle décision au sens des considérants et calcul de la rente.

S’agissant des frais d’expertise, il apparaît que le rapport d’expertise administrative du Dr D______, dont les conclusions ont été retenues par l’OAI pour rendre sa décision contestée, était incomplet et imprécis, ce qui a conduit la chambre de céans à ordonner une expertise judiciaire. Partant, les défauts de l'instruction administrative ont rendu nécessaire la mise en œuvre d’une expertise judiciaire (ATF 137 V 210 consid. 4.4.2).

16.2 À l’aune de ce qui précède, il y a lieu de constater que l’instruction était insuffisante, car fondée sur une expertise lacunaire ; dès lors, les conditions sont réunies pour que l’OAI soit condamné à prendre à sa charge tout ou partie des frais de l’expertise judiciaire. Selon la libre appréciation de la chambre de céans, l’OAI sera donc condamné à rembourser la moitié des frais d’expertise judiciaire, selon note d’honoraires du Dr E______ datée du 25 mars 2024, pour un total de CHF 4'500.-, ce qui représente une quote-part de CHF 2’250.- à la charge de l’intimé.

17.    Le recourant, assisté par un mandataire professionnellement qualifié et obtenant gain de cause, a droit à une indemnité à titre de participation à ses frais et dépens, que la chambre de céans fixera à CHF 4'000.- (art. 61 let. g LPGA ; art. 89H al. 3 LPA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - RS E 5 10.03]).

18.    Étant donné que, depuis le 1er juillet 2006, la procédure n'est plus gratuite (art. 69 al. 1bis LAI), au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.-.

 

 

 

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision du 11 janvier 2023 et renvoie la cause à l'intimé, pour nouvelle décision au sens des considérants et calcul de la rente.

4.        Met la moitié des frais de l’expertise judiciaire, d’un montant total de CHF 4’500.-, selon la facture du 25 mars 2024 du docteur E______, à la charge de l’intimé.

5.        Alloue au recourant, à la charge de l’intimé, une indemnité de CHF 4’000.- à titre de participation à ses frais et dépens.

6.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le