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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/173/2024

ATAS/85/2024 du 09.02.2024 ( AI )

Recours TF déposé le 18.03.2024, 9C_169/2024
En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/173/2024 ATAS/85/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt incident du 9 février 2024

Chambre

 

En la cause

A______,
représentée par Me Guillaume ETIER

 

 

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L’ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

A.      a. Madame A______, née le ______ 1978, (ci-après : l’assurée) est atteinte de schizophrénie paranoïde et d’anxiété généralisée, depuis 2003.

b. Au bénéfice d’un certificat fédéral de capacité de fleuriste (1995 à 1998), l’assurée a travaillé en cette qualité pour plusieurs employeurs. Après diverses hospitalisations en raison de décompensations aigües (en particulier en 2003, en 2005 et en 2006), elle a occupé, dès 2006, un emploi de fleuriste à un taux de 80% dans une petite entreprise avec cadre structurant de type familial. Craignant de perdre cet emploi en raison de difficultés financières rencontrées par son employeur, l’assurée a adressé, début 2009, une offre spontanée pour un stage d’assistante éducatrice, mais n’a pas été retenue. Il s’en est suivi une décompensation psychotique et une hospitalisation entre le 10 février et le 5 mars 2009, ainsi qu’un arrêt de travail attesté notamment par son médecin traitant, le psychiatre B______.

c. Le Dr B______ a adressé à l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : OAI) un formulaire de détection précoce concernant l’assurée en mai 2009. Il indiquait que le taux de travail de sa patiente n’était pas adapté à son état de santé et que cette dernière était en incapacité de travail totale dès février 2009.

d. Dans le cadre de l’examen du dossier par l’OAI, il avait été relevé que le médecin préconisait soit la réduction du temps de travail inadapté à l’état de santé de sa patiente ou une réorientation professionnelle dans une activité avec moins de contacts avec les gens. L’assurée avait fait un stage dans le « milieu du handicap » qui l’avait beaucoup intéressé.

e. En juillet 2009, l’assurée a sollicité des mesures de l’OAI avec l’aide de son médecin. Elle travaillait à 80%. Son poste de travail avait déjà été adapté au vu de son état de santé (aménagement et adaptation des procédures et de la place de travail). En juillet 2009, le psychiatre de l’assurée attestait une incapacité de travail complète. Dans le cadre de l’instruction de la demande, le Dr B______ a exposé que la charge de travail de sa patiente avait augmenté en 2009 en raison du développement de l’entreprise et de l’augmentation des employés (préalablement petite entreprise familiale). Le stress professionnel était un déclencheur de ses crises psychotiques.

f. En travaillant à 80%, elle avait gagné CHF 49'853.- en 2006, CHF 45'013.- en 2007 et CHF 44'956.- en 2008.

B.       À l’issue de l’instruction, l’assurée a été mise au bénéfice d’une demi-rente d’invalidité, par décision du 11 juillet 2012. L’OAI a reconnu que sa capacité de travail était considérablement restreinte et lui a octroyé une demi-rente, dès le 1er septembre 2011 (un an après le début de l’incapacité de travail), en se fondant sur un degré d’invalidité de 50%. L’OAI n’avait pas établi de calcul du degré d’invalidité, mais avait considéré que la perte de capacité de travail équivalait à la perte de salaire dans le même emploi.

C.      a. En 2022, l’assurée a sollicité la révision de sa rente et a transmis à l’OAI un contrat de travail qu’elle avait signé avec E______, en tant que paire praticienne en santé mentale à 50% dès le 1er septembre 2022, pour un revenu de CHF 2'931.55 brut par mois, versé 13 fois l’an, soit CHF 38'110.15 par an.

b. Le 25 janvier 2023, l’employeur a augmenté son salaire à CHF 3'001.90 bruts par mois, soit CHF 39'024.70 par an. L’assurée avait suivi une formation professionnelle et obtenu le titre de paire praticienne. Elle souffrait des genoux et du dos en travaillant en tant que fleuriste et avait réussi à poursuivre sa formation en emploi au détriment de sa santé psychique cependant.

c. Il ressort de son compte individuel (ci-après : CI) qu’elle a perçu les revenus bruts suivants :

2011 (12 mois) : CHF 45'276.-

2012 (12 mois) : CHF 38'312.-

2013 (10 mois) : CHF 25'468.-

2014 (12 mois) : CHF 31'100.-

2015 (12 mois) : CHF 29'296.-

2016 (12 mois) : CHF 27'600.-

2017 (12 mois) : CHF 27'600.-

2018 (12 mois) : CHF 28'800.-

2019 (12 mois) : CHF 30'000.-

2020 (12 mois) : CHF 29'395.-

2021 (12 mois) : CHF 30'260.-

2022 (4 mois à la Fondation E______) : CHF 12'703.-

d. L’OAI a été amené à déterminer si l’état de santé de l’assurée avait connu une amélioration notable dans le cadre de la première procédure de révision initiée à la demande de l’assurée. Le médecin du SMR, se fondant sur l’avis des médecins traitants de l’assurée, a conclu, par avis du 7 mars 2023, qu’il n’y avait pas d’amélioration de l’état de santé qui restait fragile. Sa capacité de travail demeurait de 50% dans l’activité de pair praticienne.

e. L’OAI a déterminé le degré d’invalidité, le 17 juillet 2023, comme suit, en partant du salaire effectivement réalisé en 2010 pour un 100% (soit [CHF 3'623.- x100/80 x 13] = CHF 58'874.- /indice de l’année 2010, soit 100.00, multiplié par l’indice de l’année 2022, soit 111.5 = CHF 65'645.-) :

 

 

Comparaison des revenus effectifs sans indexation

 

« Degré d’invalidité (sic) »

CHF 65'645.00

Salaire avec invalidité

CHF 38'110.00

Perte de gain

CHF 27'535.00

Degré d’invalidité

41.95%

f. Selon une information demandée par l’OAI à l’employeur ayant employé l’assurée entre 2013 et 2015 (C______ SA), un fleuriste gagnait en général un salaire mensuel brut de CHF 4'500.- (100%) et ne percevait pas de 13ème salaire (CHF 54'000.-).

L’OAI a également requis cette information du dernier employeur de l’assurée (D______). Il ne ressort pas du dossier que ce dernier aurait répondu, mais les extraits de CI de l’assurée indiquent qu’elle a en dernier lieu reçu de cet employeur un revenu annuel brut de CHF 30'260.- en 2021.

g. Le 13 octobre 2023, l’OAI a établi une nouvelle détermination du degré d’invalidité comme suit :

Comparaison des revenus effectifs sans indexation

 

« Degré d’invalidité (sic) »

CHF 59'116.00

Salaire avec invalidité

CHF 38'110.00

Perte de gain

CHF 21'006.00

Degré d’invalidité

35.53%

 

h. Par ailleurs, le dossier contient des demandes adressées par l’OAI à deux employeurs ayant employé la recourante entre septembre 2012 et septembre 2015 (C______ SA) et octobre 2015 à fin 2021 (D______) dont le premier a répondu par téléphone (CHF 4'500.- par mois à 100% sans 13ème salaire) et le second par courrier (en 2023, l’assurée aurait gagné CHF 30'000.-). Sur les extraits de CI, il apparaît que la recourante gagnait en dernier lieu CHF 30'260.- par an, dans son dernier emploi.

i. Le 16 octobre 2023, l’OAI a adressé un projet de décision à l’assurée pour l’informer qu’il entendait supprimer sa demi-rente.

j. Après opposition de l’assurée, l’OAI a maintenu sa décision le 29 novembre 2023.

D.      a. Par acte du 15 janvier 2024, l’assurée a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : chambre des assurances sociales) d’un recours contre cette décision en concluant à son annulation et à titre préalable à la restitution de l’effet suspensif.

b. L’OAI s’est opposé à la restitution de l’effet suspensif et a produit son dossier.

EN DROIT

1.        Conformément à l’art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        À teneur de l’art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’assurance-invalidité, à moins que la loi n’y déroge expressément.

Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, le recours est par conséquent soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est prima facie recevable (art. 56 et 60 de la LPGA; art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA-GE - E 5 10]).

3.        À teneur de l’art. 49 al. 5 LPGA, en vigueur depuis le 1er janvier 2021, dans sa décision, l’assureur peut priver toute opposition ou tout recours de l’effet suspensif, même si cette décision porte sur une prestation en espèces. Les décisions ordonnant la restitution de prestations versées indûment sont exceptées.

Ces principes s’appliquent également aux décisions sur opposition (cf. art. 52 al. 4 LPGA entré en vigueur le 1er janvier 2021).

Selon le message du Conseil fédéral du 2 mars 2018 concernant la modification de la LPGA (FF 2018 1597), l’art. 49 al. 5 LPGA correspond à l’ancien art. 97 de la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10), en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020, qui s’appliquait par analogie à l’assurance-invalidité et aux prestations complémentaires (cf. art. 66 LAI et 27 de la loi fédérale sur les prestations complémentaires du 6 octobre 2006 [LPC – RS 831.30] dans leur teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020), et selon la jurisprudence, également par analogie à l’assurance-chômage et à l’assurance-maladie. Il était alors possible, par une application étendue de l’art. 55 al. 2 de la loi du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA - RS 107.021) en relation avec l’art. 55 al. 1 LPGA, de priver de l’effet suspensif tout recours éventuel contre une décision qui ne portait pas sur une prestation en espèces. De plus, conformément à la jurisprudence et à la majorité de la doctrine, mais contrairement à la lettre de la loi, seule une décision qui engageait son destinataire à une prestation en espèces était considérée comme une décision portant sur une prestation en espèces. Par conséquent, les décisions d’octroi de prestations des assurances sociales ne constituaient pas des décisions portant sur une prestation en espèces au sens de la PA. Si une prestation en espèces (durable ou non) était interrompue ou réduite, l’effet suspensif pouvait donc être retiré. Le Conseil fédéral a estimé que pour prévenir tout flou juridique dans ce domaine – puisqu’il est courant, dans les assurances sociales, de qualifier de prestations en espèces des prestations comme les rentes, les indemnités journalières, l’allocation pour impotent, etc. (cf. à ce sujet la définition des prestations en espèces à l’art. 15 LPGA) –, il était nécessaire d’élaborer une base légale claire pour toutes les assurances sociales soumises à la LPGA. La nouvelle réglementation assure ainsi la sécurité juridique et elle est essentielle, notamment en lien avec la règle relative à la suspension des prestations à titre provisionnel prévue par le nouvel art. 52a LPGA, entré en vigueur le 1er janvier 2021. La pratique fondée sur l’ATF 130 V 407, qui n’autorise pas le retrait de l’effet suspensif en cas de créances en restitution de prestations indûment perçues, n’est en revanche pas modifiée en vertu de cette harmonisation de la LPGA (cf. art. 49 al. 5 2ème phrase LPGA).

Les dispositions de la PA continuent à s’appliquer pour les questions liées à l’effet suspensif qui ne sont pas réglées par l’art. 49 al. 5 LPGA (cf. art. 55 al. 1 LPGA). Le juge saisi du recours peut restituer l’effet suspensif à un recours auquel l’autorité inférieure l’avait retiré ; la demande de restitution de l’effet suspensif étant traitée sans délai, conformément à l’art. 55 al. 3 PA. 

4.        Selon la jurisprudence, le retrait de l’effet suspensif est le fruit d’une pesée des intérêts qui s’inscrit dans l’examen général du principe de la proportionnalité, lequel exige qu’une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l’aptitude) et que ceux-ci ne puissent pas être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité). En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et il exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 142 I 76 consid. 3.5.1 et la référence).

La possibilité de retirer ou de restituer l’effet suspensif au recours n’est pas subordonnée à la condition qu’il existe, dans le cas particulier, des circonstances tout à fait exceptionnelles qui justifient cette mesure. Il incombe bien plutôt à l’autorité appelée à statuer d’examiner si les motifs qui parlent en faveur de l’exécution immédiate de la décision l’emportent sur ceux qui peuvent être invoqués à l’appui de la solution contraire. L’autorité dispose sur ce point d’une certaine liberté d’appréciation. En général, elle se fondera sur l’état de fait tel qu’il résulte du dossier, sans effectuer de longues investigations supplémentaires. En procédant à la pesée des intérêts en présence, les prévisions sur l’issue du litige au fond peuvent également être prises en considération ; il faut cependant qu’elles ne fassent aucun doute (ATF 124 V 82 consid. 6a ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_885/2014 du 17 avril 2015 consid. 4.2).

L’intérêt de la personne assurée à pouvoir continuer à bénéficier des prestations qu’elle percevait jusqu’alors n’est pas d’une importance décisive, tant qu’il n’y a pas lieu d’admettre que, selon toute vraisemblance, elle l’emportera dans la cause principale. Ne saurait à cet égard constituer un élément déterminant la situation matérielle difficile dans laquelle se trouve la personne assurée depuis la diminution ou la suppression des prestations. En pareilles circonstances, l’intérêt de l’administration apparaît généralement prépondérant, puisque dans l’hypothèse où l’effet suspensif serait accordé et le recours serait finalement rejeté, l’intérêt de l’administration à ne pas verser des prestations paraît l’emporter sur celui de la personne assurée ; il serait effectivement à craindre qu’une éventuelle procédure en restitution des prestations versées à tort ne se révèle infructueuse (ATF 119 V 503 consid. 4 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 9C_207/2014 du 1er mai 2014 consid. 5.3 et les références). La jurisprudence a également précisé que le retrait de l’effet suspensif prononcé dans le cadre d’une décision de diminution ou de suppression de rente à la suite d’une procédure de révision couvrait également la période courant jusqu’à ce qu’une nouvelle décision soit rendue après le renvoi de la cause par le tribunal cantonal des assurances pour instruction complémentaire, pour autant que la procédure de révision n’a pas été initiée de façon abusive (ATF 129 V 370 consid. 4 ; voir également arrêts du Tribunal fédéral 9C_846/2018 du 29 novembre 2019 consid. 7.1 et 9C_207/2014 du 1er mai 2014 consid. 5.3).

5.        En ce qui concerne tout d'abord le revenu sans invalidité, on rappellera qu'est déterminant le salaire qu'aurait effectivement réalisé l'assuré sans atteinte à la santé, selon le degré de la vraisemblance prépondérante. En règle générale, on se fonde sur le dernier salaire réalisé avant l'atteinte à la santé, compte tenu de l'évolution des circonstances à l'époque où est né le droit à la rente. Au regard des capacités professionnelles de l'assuré et des circonstances personnelles le concernant, on prend en considération ses chances réelles d'avancement compromises par le handicap, en posant la présomption que l'assuré aurait continué d'exercer son activité sans la survenance de son invalidité. Des exceptions ne sauraient être admises que si elles sont établies au degré de la vraisemblance prépondérante (ATF 139 V 28 consid. 3.3.2 p. 30; 135 V 58 consid. 3.1 p. 59 et la référence).

6.        Dans la procédure de révision, à la différence de la procédure initiale à l'issue de laquelle le droit à la rente est déterminé pour la première fois, le parcours professionnel effectivement suivi entre-temps par la personne assurée est connu. Celui-ci permet éventuellement - à la différence toujours de l'octroi initial de la rente - de faire des déductions (supplémentaires) quant à l'évolution professionnelle et salariale hypothétique sans atteinte à la santé. Pour examiner alors ce que la personne assurée aurait atteint sur le plan professionnel et salarial sans atteinte à la santé ou de quelle manière son salaire se serait développé, il faut tenir compte de l'ensemble des circonstances survenues jusqu'au moment de la révision (ATF 139 V 28 consid. 3.3.3.2 i. f. p. 31 ; arrêt 8C_564/2013 du 17 octobre 2013 consid. 6.1 et les références).

7.        Selon la jurisprudence, il est aussi possible de tirer du parcours professionnel de la personne invalide des conséquences quant à l'évolution hypothétique qui serait survenue sans l'atteinte à la santé lorsque la personne assurée a continué à exercer la même activité après l'événement invalidant. On ne saurait toutefois, sans autres raisons, déduire du succès d'une carrière professionnelle poursuivie après l'invalidité, singulièrement d'une amélioration effective des revenus, que l'assuré aurait aussi occupé une position semblable sans invalidité dans le domaine professionnel habituel. Une telle évolution positive peut en effet résulter de circonstances favorables indépendantes des compétences professionnelles de l'assuré. Ce qui est déterminant, c'est l'ensemble des circonstances jusqu'au moment de la révision. Si depuis la décision initiale de rente la personne assurée a démontré des qualifications professionnelles particulières, que ce soit en raison d'une formation continue ou d'un engagement important et que cela a eu des répercussions sur le salaire d'invalide, il s'agit d'un indice important que l'assuré qui a continué à exercer la même activité après l'atteinte à la santé aurait connu une évolution équivalente s'il était resté en bonne santé (RAMA 2005 n° U 533 p. 40 [U 339/03] ; arrêts I 47/04 du 6 décembre 2004 consid. 1.2.2 et 9C_607/2012 du 17 avril 2013 consid. 3 ; voir aussi arrêt 8C_255/2010 du 16 novembre 2010 consid. 2).

8.        En l’espèce, l’intimé a privé la recourante de sa rente par décision du 29 novembre 2023 en indiquant qu’un éventuel recours n’aurait pas d’effet suspensif.

La recourante fait grief à l’intimé d’avoir appliqué les dispositions finales de la modification du 18 mars 2011 qui ne serait pas applicables à son cas. Elle lui reproche également d’avoir procédé à une comparaison des revenus en se fondant sur un revenu de fleuriste et non celui de paire praticienne et d’avoir modifié le revenu de fleuriste pris en compte pour calculer le degré d’invalidité sans motif, entre la détermination de juillet 2023 (revenu de CHF 65'645.- et degré d’invalidité de 41.95%) et celle d’octobre 2023 (revenu d’invalidité de CHF 59'116.- et degré d’invalidité de 35.53%).

S’agissant des chances de succès, le premier grief invoqué apparaît prima facie fondé, dans la mesure où les dispositions finales s’appliquent aux rentes octroyées en raison d’un syndrome sans pathogenèse ni étiologie claires et sans constat de déficit organique, lesquelles doivent être réexaminées dans un délai de trois ans à compter de l’entrée en vigueur de la modification du 18 mars 2011 (6e révision de l’AI, premier volet), alors que dans le cas de la recourante, le diagnostic de schizophrénie ne fait aucun doute.

Cela étant, la prise d’un nouvel emploi peut être un motif de révision au sens de l’art. 17 LPGA, de sorte que la décision attaquée, si elle remplit les conditions de cette disposition pourrait fonder une révision.

L’effet suspensif ne saurait dès lors être accordé pour ce motif.

Quant aux autres griefs, l’on doit constater que l’intimé, en cherchant à déterminer le degré d’invalidité actuel, s’est fondé sur un revenu brut de CHF 3'623.-, équivalent, selon les informations annotées sur le feuille de détermination du 17 juillet 2023, à un travail à 80% avec un treizième salaire (soit à 100% CHF 65'645.- par an) et selon les annotations d’octobre 2023 à un travail à 82% sans treizième salaire (soit CHF 59'116.-).

Ces premiers chiffres ont ainsi été modifiés sans qu’il ne soit possible de déterminer quel était le salaire réellement perçu à l’époque de l’invalidité. Le dossier ne contient pas les CI 2009 et 2010. Cela étant, l’on sait qu’en 2009, l’assurée a été en incapacité de travail durant plusieurs mois et a été hospitalisée. Son employeur s’était développé et la petite structure familiale dans laquelle l’assurée avait un poste alors en partie adapté à son état de santé ne l’était plus, de sorte qu’elle a fait une décompensation psychiatrique. L’on ignore le salaire auquel elle aurait eu droit en 2009, sans l’incapacité de travail. Il ressort de certains éléments médicaux au dossier que le taux de travail aurait passé de 80% à 60% en 2010 (lettre du Dr B______, document 40). Il n’est pas davantage possible de savoir en l’état du dossier si l’assurée a perçu des indemnités de l’assureur-maladie plafonnées à 80% du salaire (de 80%) à la place d’un salaire versé par l’employeur. Si les extraits de CI 2011 indiquent que la recourante a, par la suite, perçu un revenu de CHF 45'276.- alors que sa capacité de travail n’était pas entière, ce montant était potentiellement le salaire versé pour un travail à un taux réduit à 60% ou à 50% (dès le 27 septembre 2010 ; document 43). Si ce montant était le revenu d’un taux de 80%, alors le salaire à plein temps était de CHF 56'595.-, lequel se monterait, une fois actualisé, à CHF 63'103.-. La perte de salaire serait alors de CHF 24'792.- et le taux d’invalidité de 40% (CHF 63'103.- - 38'311.- = 24'792.- ; 39.28% arrondi à 40%).

Les revenus ressortant des CI pour les années suivantes, en particulier le salaire annoncé en 2012 (CHF 38'312.-) versé par le même employeur, pour un emploi vraisemblablement à 50%, laissent penser que le salaire pertinent, si l’on retient l’activité de fleuriste, et non celle de paire praticienne comme le souhaite la recourante, était supérieur au salaire de CHF 59'116.- retenu dans la décision attaquée et s’élèverait pour un plein temps, en 2012, à CHF 76'624.-.

Ainsi sur la base d’un examen sommaire du dossier, les chiffres retenus pour établir le degré d’invalidité depuis que la recourante a changé de profession ne peuvent pas être confirmés. La recourante veut que le calcul du degré d’invalidité soit réalisé sur la base d’un salaire de paire praticienne et non sur son salaire de fleuriste, puisqu’elle a été atteinte dans sa santé très jeune et a toujours affirmé qu’elle se serait formée dans le domaine social, en l’absence d’invalidité. Si ce point doit faire l’objet d’un examen approfondi, l’on peut d’ores et déjà constater que, dans ce cas particulier, les calculs proposés par l’intimé pour déterminer le degré d’invalidité seront modifiés. Ainsi, les chances de succès, en tant qu’elle porte sur le droit à tout le moins à un quart de rente d’invalidité, apparaissent suffisamment vraisemblables pour qu’il se justifie de restituer l’effet suspensif au recours afin de maintenir le versement d’un quart de rente.


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant selon l’art. 21 al. 2 LPA-GE

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Restitue l’effet suspensif à la décision en tant qu’elle supprime la rente entière, un quart de rente devant être versé à la recourante jusqu’à la fin de la procédure de recours.

3.        Réserve la suite de la procédure.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) aux conditions de l’art. 93 al. 1 LTF ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi.

 

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie KOMAISKI

 

La présidente

 

 

 

 

Marine WYSSENBACH

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le