Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/921/2023 du 29.11.2023 ( AI ) , PARTIELMNT ADMIS
En droit
rÉpublique et | 1.1 canton de genÈve![endif]>![if> | |
POUVOIR JUDICIAIRE
| ||
A/651/2022 ATAS/921/2023 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 29 novembre 2023 Chambre 4 |
En la cause
A______ représentée par ASSUAS association suisse des assurés, mandataire
| recourante |
contre
OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE | intimé |
A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante) est née le ______ 1971, mariée et mère de deux enfants, nés les ______ 1999 et ______ 2005.![endif]>![if>
b. Elle a demandé des prestations de l’assurance-invalidité le 17 décembre 2015 à l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l'OAI ou l’intimé), faisant valoir qu’elle était atteinte depuis sa naissance d’un trouble de l’attention sans hyperactivité (TDAH) et de dépression.![endif]>![if>
c. Par décision du 17 mars 2020, l’OAI a rejeté la demande de l’assurée.![endif]>![if>
d. Par arrêt du 24 août 2020, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice a déclaré irrecevable le recours interjeté contre la décision précitée. ![endif]>![if>
B. a. L’assurée a déposé une nouvelle demande à l’OAI le 5 février 2021, en raison d’angoisses, d’anxiété, de perte de repères face aux consignes, d’agoraphobie, de troubles de la personnalité, d’impulsivité, de phases dépressives régulières, d’une incontinence et d’une difficulté à gérer les émotions, depuis 2007.![endif]>![if>
b. Par décision du 24 janvier 2022, l’OAI a retenu, sur la base d’un avis du service médical régional de l’assurance-invalidité (ci-après : le SMR) du 20 janvier 2022, qu’à l’issue de l’instruction complémentaire du cas, l’état de santé de l’assurée était superposable à celui de 2019 et qu’il n’y avait pas eu d’aggravation manifeste et durable. En conséquence, sa demande était rejetée. ![endif]>![if>
C. a. L’assurée a formé recours contre la décision précitée auprès de la chambre de céans le 24 février 2022, concluant à ce qu’une nouvelle expertise psychiatrique indépendante soit ordonnée ainsi qu’à l’octroi d’une rente d’invalidité et à des mesures professionnelles.![endif]>![if>
b. Par ordonnance du 16 janvier 2023 (ATAS/8/2023), la chambre de céans a ordonné une expertise psychiatrique de la recourante qu’elle a confiée au docteur B______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie.![endif]>![if>
c. Dans son rapport du 19 juin 2023, l’expert a retenu que l’expertisée présentait une pathologie psychiatrique assez complexe comprenant un déficit de l’attention ainsi qu’une pathologie de la personnalité avec une composante anxieuse significative et polymorphe, dans laquelle l’anxiété sociale était actuellement au premier plan et une fragilité chronique de l’humeur. L’état clinique était stationnaire en dépit du traitement en place depuis juin 2021 et la recourante était depuis lors capable de travailler à 50%.![endif]>![if>
Les limitations fonctionnelles dues aux diverses pathologies se renforçaient mutuellement et justifiaient actuellement une incapacité de l’ordre de 50% dans une activité adaptée aux compétences de l’expertisée.
d. Le 11 juillet 2023, l’intimé a conclu à la reconnaissance d’une aggravation de l’état de santé de la recourante dès juin 2021 avec une capacité de travail de 50% dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles psychiatriques. ![endif]>![if>
e. Le 13 juillet 2023, la recourante a considéré que l’expertise avait une pleine valeur probante.![endif]>![if>
f. Le 12 septembre 2023, elle a constaté que l’intimé avait modifié sa décision, dans le sens où dès juin 2021 une capacité de travail de 50% dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles psychiatriques devait lui être reconnue. Il s’agissait d’un acquiescement du recours, qui devait entraîner la condamnation de l’intimé aux frais et dépens de la procédure. ![endif]>![if>
1. Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).![endif]>![if>
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
2. ![endif]>![if>
2.1 À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.![endif]>![if>
2.2 Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).![endif]>![if>
En cas de changement de règles de droit, la législation applicable est, en principe, celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques, sous réserve de dispositions particulières de droit transitoire (ATF 136 V 24 consid. 4.3 et la référence).
En l’occurrence, la décision querellée date a été rendue après l’entrée en vigueur du nouveau droit, celui-ci s’applique si l’éventuel droit à une rente est né postérieurement au 31 décembre 2021, et l’ancien droit s’applique si ce droit est né avant cette date.
3. Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]). ![endif]>![if>
Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.
4. Le litige porte sur le droit de la recourante aux prestations de l’intimé.![endif]>![if>
5. ![endif]>![if>
5.1 ![endif]>![if>
5.1.1 Lorsque l’administration entre en matière sur une nouvelle demande, après avoir nié le droit à une prestation [cf. art. 87 al. 3 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI – RS 831.201)], l’examen matériel doit être effectué de manière analogue à celui d'un cas de révision au sens de l'art. 17 al. 1 LPGA (ATF 133 V 108 consid. 5 et les références ; ATF 130 V 343 consid. 3.5.2 et les références; ATF 130 V 71 consid. 3.2 et les références; cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_899/2015 du 4 mars 2016 consid. 4.1 et les références). ![endif]>![if>
L’art. 17 al. 1 LPGA dispose que si le taux d’invalidité du bénéficiaire de la rente subit une modification notable, la rente est, d’office ou sur demande, révisée pour l’avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée. Il convient ici de relever que l’entrée en vigueur de l’art. 17 LPGA, le 1er janvier 2003, n’a pas apporté de modification aux principes jurisprudentiels développés sous le régime de l’ancien art. 41 LAI, de sorte que ceux-ci demeurent applicables par analogie (ATF 130 V 343 consid. 3.5).
Tout changement important des circonstances propre à influencer le degré d’invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision selon l’art. 17 LPGA. La rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l’état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important (ATF 134 V 131 consid. 3; ATF 130 V 343 consid. 3.5). Tel est le cas lorsque la capacité de travail s'améliore grâce à une accoutumance ou à une adaptation au handicap (ATF 141 V 9 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 9C_622/2015 consid. 4.1). Il n'y a pas matière à révision lorsque les circonstances sont demeurées inchangées et que le motif de la suppression ou de la diminution de la rente réside uniquement dans une nouvelle appréciation du cas (ATF 141 V 9 consid. 2.3; ATF 112 V 371 consid. 2b; ATF 112 V 387 consid. 1b). Un motif de révision au sens de l'art. 17 LPGA doit clairement ressortir du dossier. La réglementation sur la révision ne saurait en effet constituer un fondement juridique à un réexamen sans condition du droit à la rente (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 111/07 du 17 décembre 2007 consid. 3 et les références). Un changement de jurisprudence n'est pas un motif de révision (ATF 129 V 200 consid. 1.2).
Le point de savoir si un changement notable des circonstances s’est produit doit être tranché en comparant les faits tels qu’ils se présentaient au moment de la dernière révision de la rente entrée en force et les circonstances qui régnaient à l’époque de la décision litigieuse. C’est en effet la dernière décision qui repose sur un examen matériel du droit à la rente avec une constatation des faits pertinents, une appréciation des preuves et une comparaison des revenus conformes au droit qui constitue le point de départ temporel pour l’examen d’une modification du degré d’invalidité lors d’une nouvelle révision de la rente (ATF 133 V 108 consid. 5.4; ATF 130 V 343 consid. 3.5.2).
5.2 À droit à une rente d’invalidité, l’assuré dont la capacité de gain ou la capacité d’accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles, qui a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable et qui, au terme de cette année, est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins (art. 28 al. 1 LAI). ![endif]>![if>
En vertu de l’art. 28b LAI, en vigueur dès le 1er janvier 2022, la quotité de la rente est fixée en pourcentage d’une rente entière (al. 1). Pour un taux d’invalidité compris entre 50 et 69%, la quotité de la rente correspond au taux d’invalidité (al. 2).
5.3 Lorsque les revenus avec et sans invalidité sont basés sur la même tabelle statistique, il n'est pas nécessaire de les chiffrer précisément, dans la mesure où le taux d'invalidité se confond avec le taux d'incapacité de travail. Même s'il n'est pas indispensable de déterminer avec précision les salaires de références, il n'en demeure pas moins que, dans cette situation, l'évaluation de l'invalidité repose sur des données statistiques. Par conséquent, une réduction supplémentaire du revenu d'invalide (abattement) est possible en fonction des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (arrêt du Tribunal fédéral 9C_842/2018 du 7 mars 2019 consid. 5.1 et les références). ![endif]>![if>
6. En l’espèce, les parties reconnaissent une valeur probante à l’expertise judiciaire. Il convient en conséquence de retenir que l’état de santé de la recourante s’est aggravé dès juin 2021, avec une capacité de travail de 50% dans une activité adaptée à ses limitations.![endif]>![if>
On se trouve dans le cadre d’une nouvelle demande de rente du 5 février 2021, formée suite à une décision de refus de prestations de l’intimé du 17 mars 2020. En conséquence, le droit à la rente ne peut naître qu’un an après le début de l’incapacité de travail durable, soit dès juin 2022, étant relevé que la demande de rente a été déposée en temps utile, plus de six mois avant juin 2022. Il en résulte que ce sont les dispositions de la LAI entrées en vigueur dès le 1er janvier 2022, qui s’appliquent pour établir le droit à la rente de la recourante.
Dans une note du 17 janvier 2019 en lien avec la précédente demande de prestations de la recourante, l’intimé avait retenu un statut d’active et déterminé son degré d’invalidité en tenant compte pour les revenus avec et sans invalidité du même salaire statistique de l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS) 2016 TA1, tous secteurs confondus (total) pour une activité simple et répétitive de niveau 1, soit CHF 54'784.- pour une activité à plein temps, avec un abattement de 10% sur le revenu avec invalidité.
Si l’on s’en tient à ces données qui restent applicables pour déterminer le nouveau taux d’invalidité de la recourante, il y a lieu de retenir, en application de l’art. 28b LAI, que celui-ci est de 55% dès le 1er juin 2022, ce qui lui ouvre le droit à une rente du même taux.
7. Bien que le taux d’invalidité de la recourante dans la sphère professionnelle soit de plus de 20%, elle ne peut se voir reconnaître un droit à un reclassement, au sens de l’art. 17 LAI, dès lors qu’elle était sans formation, outre une maturité commerciale, avant la survenance de l’invalidité et qu’elle ne peut prétendre à une formation d’un niveau supérieur à celui de son ancienne activité.![endif]>![if>
Il ne ressort pas des pièces versées au dossier que la recourante rencontrerait de réelles difficultés pour retrouver une activité lucrative adaptée à ses limitations. Le Tribunal fédéral a considéré, en présence de limitations fonctionnelles, que lorsque le marché du travail offre un éventail suffisamment large d’activités légères, dont un nombre significatif sont adaptées à l’état de santé de la personne assurée et accessibles sans formation particulière, il n’existe guère d’obstacle à l’exercice d’un emploi adapté, de sorte que l’octroi d’une mesure d’orientation professionnelle apparaît superflu (arrêt du Tribunal fédéral 9C_534/2010 du 10 février 2011, consid. 4.3). On rappellera enfin que le « marché du travail » auquel cette jurisprudence se réfère correspond à la notion de marché du travail équilibré, au sens de l’art. 7 LPGA, et que cette disposition a précisément pour but de délimiter les prestations de l’assurance-invalidité de celles de l’assurance-chômage. Ainsi, la recourante ne peut se voir octroyer une mesure d’orientation professionnelle en vertu de l’art. 15 LAI.
Le droit à une aide au placement, au sens de l’art. 18 LAI, doit également lui être dénié, car elle n’est pas entravée par les limitations liées à son état de santé dans ses démarches pour retrouver un emploi.
8. Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis et la décision du 24 janvier 2022 sera annulée. ![endif]>![if>
La recourante obtenant partiellement gain de cause, une indemnité de CHF 2'500.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).
Un émolument de CHF 200.- sera en outre mis à la charge de l’intimé (art. 69 al. 1bis LAI).
Les frais de l’expertise judiciaire seront laissés à la charge de l’État, l’intimé n’ayant pas procédé à une instruction présentant des lacunes ou des insuffisances caractérisées (ATF 137 V 210 consid. 4.4.2).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.![endif]>![if>
Au fond :
2. L’admet partiellement.![endif]>![if>
3. Dit que la recourante a droit à une rente d’invalidité de 55% dès le 1er juin 2022.![endif]>![if>
4. Lui alloue une indemnité de CHF 2'500.- à titre de dépens, à la charge de l’intimé.![endif]>![if>
5. Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.![endif]>![if>
6. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.![endif]>![if>
La greffière
Isabelle CASTILLO |
| La présidente
Catherine TAPPONNIER |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le