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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4350/2022

ATAS/888/2023 du 16.11.2023 ( AI ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1   canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4350/2022 ATAS/888/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 16 novembre 2023

Chambre 5

 

En la cause

A______

représenté par l’APAS-Association pour la permanence de défense des patients et des assurés, soit pour elle Roman SEITENFUS, mandataire

 

recourant

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


 

EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né en 1971, a travaillé en qualité d’agent de sécurité avant d’être indemnisé par l’assurance-chômage. À ce titre, il était assuré contre les accidents auprès de la SUVA Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (ci-après : la SUVA).

b. Le 30 juin 2018, l’assuré a été victime d’un accident en allumant un barbecue ; il versait du liquide accélérateur de feu lorsqu’il y avait eu un coup de vent et les flammes étaient arrivées sur lui ; il avait alors lâché le liquide, qui lui était tombé sur les pieds. Son épouse avait éteint le feu et l’assuré avait été héliporté au centre hospitalier universitaire vaudois, où il avait été pris en charge aux soins intensifs, puis au service de médecine intensive adulte, dès le 30 juin 2018. Le traitement avait consisté en douches, débridements puis applications de cellules fœtales, et en greffe de peau prise au niveau du dos.

c. Le 7 août 2018, l’assuré a été transféré aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), où il a séjourné dans plusieurs services, avant de regagner son domicile le 12 octobre 2018.

La docteure B______, médecin au service de réadaptation des HUG, a retenu dans son rapport du 14 août 2018 les diagnostics suivants : status après brûlures de 21% TBSA (total body surface area) de degrés 2 profond et 3, lesquelles avaient touché les deux jambes et la face postérieure des cuisses. Les problèmes secondaires étaient un déconditionnement physique global sur alitement prolongé, une bronchopneumonie, un pied tombant droit d’origine indéterminée, une dénutrition protéino-calorique, une hyponatrémie, un état anxieux post-traumatique, une rétinopathie de l’œil droit, une hypovitaminose D et une cholestase hépatique. Les indications à la rééducation étaient les suivantes : stabilisation du manteau cutané, changement des pansements tous les deux jours, suivi par les chirurgiens plasticiens, bilan nutritionnel, physiothérapie, ergothérapie et antalgie.

Dans le rapport de sortie du 15 octobre 2018, les médecins du service de réadaptation des HUG ont, en sus des autres diagnostics, rapporté un fécalome sur fissure anale, traité le 29 août 2018, une polyneuropathie périphérique axonale sensitive et une neuropathie des soins intensifs probable, ainsi qu’une anémie normochrome. À la sortie, l’assuré se déplaçait avec une attelle antistep au membre inférieur droit. Il pouvait parcourir 350 m au test des six minutes et monter et descendre deux étages d’escaliers. Sur le plan cutané, il avait bénéficié de soins très réguliers durant le séjour, avec une bonne évolution. À la sortie, il ne restait plus qu’une petite zone de fibrines et de peau morte au niveau de la face latérale du pied droit. Sur le plan psychique, il avait été évalué à plusieurs reprises par les psychiatres, lesquels avaient retenu un état anxio-dépressif post traumatique. Après de multiples discussions avec l’assuré, une médication avait été introduite sur ce plan. Le suivi à la sortie devait consister en physiothérapie et en contrôles cliniques. Il convenait de prévoir un suivi annuel en ophtalmologie et un suivi du poids, et il y avait lieu de réévaluer l’indication à un suivi psychiatrique. Le traitement durant l’hospitalisation avait consisté en physiothérapie et ergothérapie, et plusieurs autres contrôles et examens.

d. Dans un rapport du 1er octobre 2018, les médecins du service de neurologie des HUG ont relaté les résultats de l’examen électrophysiologique. Ils ont conclu à une atteinte du nerf fibulaire commun droit avec une perte axonale sévère de plus de 90%. Le pronostic était réservé et dépendrait principalement de la repousse à partir du site lésionnel. L’examen montrait par ailleurs des signes de polyneuropathie axonale sensitive et motrice. Bien qu’une neuropathie des soins intensifs fût la cause la plus probable, une étiologie carentielle devait être examinée.

e. En date du 12 décembre 2018, l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI ou l’intimé) a reçu une demande de prestations invalidité de l’assuré, en raison de brûlures à 21% aux jambes et métacarpes « bilatéral », avec un début d’incapacité de travail fixé au 30 juin 2018, jour de l’accident.

f. Dans un rapport du 3 mars 2019, le docteur C______, médecin au service de chirurgie plastique des HUG, a qualifié l’évolution d’excellente. Le pronostic était bon. Le suivi en chirurgie plastique était terminé. La reprise du travail à 100% était prévue pour le 31 mars 2019. Il n’y avait pas lieu de s’attendre à la persistance d’un problème.

g. Dans un rapport du 18 mars 2019, la docteure D______, spécialiste FMH en psychiatrie et médecin traitant de l’assuré, a fait état chez l’assuré d’un manque d’énergie et de motivation, d’une tendance à rester au lit et à l’isolation. Celui-ci avait des préoccupations négatives par rapport à sa jambe et avait perdu du poids. Il y avait des troubles du sommeil, un déficit de l’attention et des oublis, ainsi qu’une tristesse et une irritabilité. La psychiatre avait constaté en décembre 2018 que l’assuré était encore sous le choc de l’accident, sa vie tournait autour des conséquences de cet évènement. Il était triste, négligé et manquait de concentration. Il y avait un ralentissement psychomoteur. L’assuré présentait une anxiété et des idées noires, sans projet suicidaire. Le trouble psychiatrique était secondaire aux conséquences physiques de l’accident mais également au choc émotionnel. L’assuré n’avait aucun antécédent de cet ordre. Le diagnostic était celui d’épisode dépressif sévère, sans symptômes psychotiques. Le pronostic était réservé en raison de la sévérité des troubles évoluant depuis plusieurs mois dans un sentiment de désespoir marqué.

h. Dans une appréciation du 27 mars 2019, le docteur E______, spécialiste FMH en psychiatrie et médecin d’arrondissement de la SUVA, a admis que les troubles psychiques de l’assuré étaient en lien de causalité naturelle avec son accident.

i. Par courriel du 30 avril 2019, l’employeur a précisé qu’il ne pouvait donner que des informations générales sur la rémunération de l’assuré, qui s’élevait à CHF 25.- par heure. Celui-ci avait un contrat de travail sur appel à 21 heures par semaine. Il percevait une indemnité de 3.55% pour les jours fériés et de 8.33% pour les vacances, mais pas de 13ème salaire.

j. Dans un rapport du 6 mai 2019, le docteur F______, médecin auprès du service de chirurgie orthopédique des HUG, a indiqué que l’évolution était lentement favorable au plan cutané. L’assuré décrivait comme limitation fonctionnelle la station debout prolongée en raison des douleurs polyarticulaires. Il présentait également des douleurs de type neurogène sur le dos du pied droit. Au plan professionnel, il ne se voyait pas reprendre son activité d’agent de sécurité. Actuellement, pour des raisons orthopédiques, il ne pourrait accomplir un travail qui menaçait la peau fragile. Le médecin pensait qu’il n’était pas apte à reprendre un travail quelconque du point de vue psychique, mais il renvoyait à l’appréciation de sa psychiatre. Globalement, l’évolution était lentement favorable, mais avec une thymie très basse. Du point de vue orthopédique strict, la capacité de travail était nulle, mais la limitation à moyen terme semblait uniquement liée à l’état thymique.

k. Le docteur G______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et médecin d’arrondissement de la SUVA, a examiné l’assuré le 8 juillet 2019. Dans son appréciation, il a noté que celui-ci se plaignait de douleurs assez importantes à la marche, et la situation debout semblait difficile pour lui. L’assuré n’avait aucun projet d’avenir. Le Dr G______ a fait état de troubles évidents de la thymie, avec un manque de réactivité par rapport aux questions posées. L’aspect global des membres inférieurs était typique après une greffe, avec des cicatrices par moments hypochromes et par moments hyperchromes. La douleur était déclenchée par la palpation et la peau restait fragile, avec une excellente cicatrisation. Le résultat global était plutôt satisfaisant concernant la mobilité des chevilles, des hanches et des genoux. Le Dr G______ a posé le diagnostic de status après brûlures d’environ 20% des membres inférieurs, d’atteinte du nerf fibulaire commun droit avec évaluation de perte axonale, de status après période de dénutrition sévère dans le contexte de la brûlure, et d’insuffisance surrénalienne traitée. Il a rappelé les nombreuses complications survenues durant l’hospitalisation, surtout infectieuses et nutritionnelles. La capacité de travail était actuellement nulle. L’activité habituelle d’agent de sécurité semblait définitivement compromise. La préexigibilité était définie comme suit : éviter les marches sur de longues distances, ainsi que toute activité avec passages entre positions accroupie, agenouillée et debout, les travaux sur terrain instable, le port de charges dépassant 10 kg et la station debout prolongée. Idéalement, une alternance des positions assise et debout était conseillée, dans une activité plutôt sédentaire sans risque de lésion de la peau. Sur le plan purement orthopédique, l’activité adaptée devrait être possible d’ici la fin de l’année, mais une évaluation neurologique préalable devait être organisée. La problématique principale était l’atteinte psychique, l’état sur ce plan restant très perturbé.

l. Dans un rapport du 13 septembre 2019, la Dre D______ a précisé qu’elle avait constaté une nette amélioration de l’état dépressif, l’assuré étant souriant et beaucoup moins irritable. Il était moins préoccupé par sa jambe et arrivait à relativiser les conséquences de son accident. Son épouse le soutenait beaucoup. Au vu du niveau intellectuel limité, elle n’avait pas réussi à mettre en place un traitement psychothérapeutique. Il semblait bien répondre au traitement médicamenteux, malgré les doutes de la psychiatre quant à la compliance. Elle avait, à deux reprises, requis une prise de sang pour le dosage, qu’il avait oublié de faire. Il était clairement dans une démarche de demande de réparation financière à la suite de l’accident.

m. Un nouvel examen neurographique a été réalisé aux HUG le 9 septembre 2019. Il a révélé la disparition des signes d’atteinte focale du nerf fibulaire droit, mais la persistance d’une perte axonale résiduelle de 50% environ, sans signes de dénervation, parlant pour la récupération maximale finale. Il persistait également une polyneuropathie axonale sensitivo-motrice longueur dépendante, moins sévère par rapport à 2018, confirmant l’atteinte neuropathique des soins intensifs, qui était en cours de récupération.

n. Dans une appréciation du 23 janvier 2020, le docteur H______, spécialiste FMH en neurologie et médecin-conseil de la SUVA, a retenu un lien de causalité entre la polyneuropathie axonale, désormais en régression, et l’accident. Sur le plan clinique, l’assuré présentait une faiblesse légère du releveur du pied droit et une faiblesse modérée de l’extenseur du gros orteil. Il n’avait plus d’activité spontanée dans le muscle tibial antérieur. Le médecin retenait une lésion complète du nerf fibulaire droit et une polyneuropathie axonale en lien pour le moins probable avec l’accident. La situation pouvait être considérée comme stabilisée. Il n’y avait pas lieu sur le plan neurologique de modifier l’exigibilité définie par le Dr G______.

À la même date, le Dr H______ a estimé l’atteinte à l’intégrité à 5% en raison de du caractère partiel de la lésion du nerf fibulaire, en référence à l’indemnisation de 10% prévue par les tables de la SUVA en cas d’atteinte totale de ce nerf.

o. L’assuré a vu les médecins de la consultation ambulatoire de la douleur des HUG le 13 janvier 2020. Ceux-ci ont retenu une douleur d’origine neurogène en légère amélioration depuis la dernière consultation. En revanche, il n’y avait pas de réponse au point de vue thymique, avec un moral bas persistant. L’assuré avait repris une activité physique modérée avec des exercices réguliers à domicile, et il ne pouvait qu’être encouragé en ce sens.

p. Dans une appréciation du 6 février 2020, le Dr G______ a repris les limitations fonctionnelles déjà décrites dans sa précédente appréciation. La situation était pleinement stabilisée au plan orthopédique.

Dans un complément du 27 octobre 2020, ce médecin a proposé la prise en charge de l’hydrocortisone destinée à traiter l’insuffisance surrénalienne primaire.

q. Dans un rapport du 17 février 2020, la Dre D______ a fait état d’une amélioration thymique, l’assuré prenant ses problèmes avec recul et parvenant à les relativiser. Il était moins dans la colère et la revendication, il se montrait plus collaborant. Il se plaignait en revanche de douleurs persistantes au membre atteint. Sa capacité de travail était nulle dans l’activité habituelle et peut-être de 50% dans une activité adaptée. Ces limitations fonctionnelles étaient liées à la perte d’estime. Il se voyait diminué physiquement et se fatiguait plus vite. Il avait des douleurs chroniques avec un moral plus fragile, s’irritait plus facilement et supportait moins les gens. Il avait perdu confiance de manière générale.

r. Dans un rapport du 2 juin 2020, le Dr F______ a indiqué que l’atteinte en lien avec les brûlures n’évoluait malheureusement plus. L’assuré était suivi au plan psychiatrique pour un état dépressif réactionnel, avec un impact majeur sur sa vie familiale et sa capacité de travail. Ce médecin était d’avis que les arrêts de travail étaient à l’heure actuelle principalement d’ordre psychiatrique. L’incapacité de travail était totale jusqu’au 30 juin 2020 dans l’activité d’agent de sécurité. Les possibilités de rééducation semblaient épuisées. La poursuite d’une activité physique, voire d’une légère activité sportive, était recommandée. L’assuré ne participait à aucune tâche ménagère. Les déplacements étaient limités à la marche en raison des douleurs aux membres inférieurs. Il n’avait aucun projet personnel ou professionnel, malgré les nombreuses incitations du Dr F______ à réfléchir à ce sujet.

s. Par courrier du 6 avril 2020, la SUVA a informé l’assuré que son service médical estimait la situation stabilisée. Par conséquent, elle mettrait fin au paiement des soins médicaux et des indemnités journalières au 30 juin 2020. Le 3 août 2020, la SUVA a procédé au calcul du degré d’invalidité de l’assuré selon l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS). Elle a précisé que l’employeur n’avait pas répondu à ses demandes. Selon la convention collective de travail applicable, l’horaire annuel était de 2'000 heures, et compte tenu du dernier salaire horaire de CHF 25.- en 2019 selon l’employeur, le revenu annuel aurait été de CHF 50'000.- en 2019. La SUVA le déterminerait donc en se référant aux salaires statistiques, soit au tableau TA1_tirage_skill_level. Elle a fixé le gain de valide à CHF 54'651.- (Ligne 96 [services personnels], niveau de compétence 1), une fois indexé à 2020. S’agissant du gain d’invalide, il était de CHF 65'004.- par année, et de CHF 68'991.96 indexé et adapté à la durée normale de travail en 2020. Il était ainsi supérieur de CHF 14'341.- par rapport au revenu réalisé avant l’accident, de sorte que le degré d’invalidité était nul.

t. Dans son rapport du 28 juillet 2020, le docteur I______, du service médical régional (ci-après : le SMR) de l’OAI, a résumé la situation médicale de l’assuré et considéré que l’assuré était apte à la réadaptation dès le 1er juin 2020 pour autant que les limitations fonctionnelles soient respectées ; il fallait éviter les marches, les stations debout prolongées, pas de position accroupie, agenouillée ou debout, pas de marche en terrain instable ou irrégulier, pas de port de charges de plus de 10 kg, alternance de position assise/debout, activité plutôt sédentaire, sans utilisation d’objets susceptibles de blesser la peau. Se référant aux conclusions des médecins traitants, le SMR a considéré qu’au vu des examens neurologiques et psychiatriques, l’ancienne activité n’était définitivement plus possible mais une activité adaptée était possible depuis la fin de l’année 2019. Il était encore mentionné que dans son rapport médical du 23 mars 2020, la Dre D______ considérait que l’état psychique s’était nettement amélioré, tout en insistant sur des facteurs non médicaux et en attestant d’une capacité de travail pleine dans une activité adaptée.

u. Le même jour, le statut de l’assuré a été fixé dans une note de l’OAI, comme étant un statut d’actif à 100%.

B. a. Parallèlement, dans le cadre de l’instruction diligentée par la SUVA, cette dernière, par décision du 3 août 2020, a repris son calcul d’invalidité, qui excluait le droit à la rente. Elle a accordé à l’assuré une indemnité pour atteinte à l'intégrité de 5%. Elle a précisé que si des troubles psychogènes devaient également réduire la capacité de travail, elle n’en répondrait pas, faute de relation de causalité avec l’accident.

b. L’assuré s’est opposé à la décision de la SUVA le 14 septembre 2020. Il a reproché au Dr H______ de ne pas avoir développé ses constatations s’agissant de l’exigibilité d’une activité adaptée et de ne pas s’être prononcé sur la causalité entre l’accident et l’insuffisance surrénalienne constatée. Il a notamment joint un rapport de la Dre D______ du 4 septembre 2020 mentionnant une dépression sévère, sans symptômes psychotiques, ainsi qu’un certificat d’arrêt de travail complet jusqu’au 30 septembre 2020 établi par cette psychiatre.

c. Par décision sur opposition du 15 décembre 2020, la SUVA a écarté l’opposition et confirmé la décision du 14 septembre 2020.

d. Le mandataire de l’assuré a interjeté recours contre la décision de la SUVA le 1er février 2021, auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans). Le recours a été enregistré sous numéro de procédure A/321/2021. Le recourant a conclu, préalablement, à la mise en œuvre d’une expertise psychiatrique, neurologique, orthopédique et de médecine générale, principalement à l’annulation de la décision, à l’octroi d’une pleine rente d’invalidité et d’une indemnité globale pour atteinte à l’intégrité, et subsidiairement à l’annulation de la décision et au renvoi à la SUVA pour nouvelle décision sur le droit à une rente d’invalidité et à une indemnité globale pour atteinte à l’intégrité.

e. Dans sa réponse du 15 avril 2021, la SUVA a conclu au rejet du recours, en procédant une nouvelle fois à l’analyse des critères permettant de retenir un lien de causalité adéquate entre troubles psychiques et accident. Elle a allégué que seul celui ayant trait aux difficultés au cours de la guérison pouvait être admis, sans intensité particulière, ce qui était insuffisant en cas d’accident de gravité moyenne comme en l’espèce.

f. Les parties ayant été invitées par la chambre de céans à se déterminer sur l’opportunité d’une suspension dans l’attente de la réalisation de l’expertise mise en œuvre par l’OAI, le recourant a soutenu, le 6 décembre 2021, que cette expertise ne comprenait pas le volet orthopédique qu’il avait requis et ne portait pas sur l’indemnité pour atteinte à l'intégrité.

Le 6 décembre 2021, la SUVA a indiqué ne pas être opposée à la suspension de la cause dans l’attente de l’expertise de l’OAI. Elle a toutefois retenu dans son écriture du 14 décembre 2021 que le dossier était en état d’être jugé et que la suspension de la cause ne se justifiait pas.

g. Par arrêt incident du 10 décembre 2021 (ATAS/1271/2021), la chambre de céans a suspendu l’instance concernant la SUVA dans l’attente du rapport d’expertise multidisciplinaire mise en œuvre dans la présente procédure d’assurance-invalidité.

h. Le 6 avril 2023, la chambre de céans a informé les parties de la reprise de l’instance et de l’apport du rapport d’expertise réalisée pour l’OAI, qu’elle leur a transmis pour déterminations.

i. Dans ses déterminations du 19 avril 2023, la SUVA a observé que le rapport d’expertise du 22 avril 2022 confirmait la stabilisation sur le plan médical et la pleine capacité de travail. Le Dr J______ n’avait retenu aucun trouble psychique ayant un impact sur la capacité de travail. Partant, la question de la causalité adéquate des troubles psychiques avec l’accident ne se posait plus. La SUVA a conclu au rejet du recours.

Le recourant s’est également déterminé dans son écriture du 10 mai 2023, persistant dans ses conclusions. Il a sollicité la jonction de la présente cause avec celle l’opposant à l’OAI, afin d’éviter des décisions contradictoires. Il a affirmé que l’expertise psychiatrique était lacunaire. Le Dr J______ ne retenait aucun problème de sommeil ni signes objectifs de fatigue malgré les importants troubles de cet ordre rapportés par le recourant et la psychiatre traitante. Au plan neurologique, le Dr K______ soutenait que la situation médicale était restée globalement la même que lors de l’examen de septembre 2019. Or, à cette date, une force incomplète du releveur M4 avait été relevée. Le recourant a allégué que la différence de force entre M4 et M5 pouvait être très importante selon la classification médicale. Pourtant, le Dr K______ ne retenait qu’un très léger empêchement. Il rejetait également toute plainte du recourant en lien avec ses douleurs.

j. Par arrêt du 3 août 2023 (ATAS/582/2023), la chambre de céans a partiellement admis le recours de l’assuré et annulé la décision de la SUVA du 15 décembre 2020. Elle a renvoyé la cause à cette dernière pour instruction complémentaire et nouvelle décision au sens des considérants, étant précisé qu’elle a considéré que l’expertise psychiatrique effectuée par le Dr J______ et figurant dans le rapport d’expertise du 22 avril 2022, n’était pas convaincante, en raison de contradictions et d’un manque de motivations quant à l’absence d’incapacité de travail sur le plan psychique. S’agissant de la demande de jonction entre la procédure devant la SUVA et la présente procédure devant l’OAI, la chambre de céans a considéré qu’elle n’était pas indiquée, dès lors qu’il n’y avait pas identité des parties, que les assureurs-accidents et invalidité n’étaient pas liés par les décisions de l’autre assureur et que leurs obligations ne reposaient pas sur les mêmes causes juridiques.

C. a. Dans l’intervalle, l’OAI a adressé à l’assuré un projet de décision du 3 août 2020, se fondant sur une demande non tardive, lui reconnaissant le droit à une rente entière du 1er juin 2019 (échéance du délai d’attente d’un an) jusqu’au 31 décembre 2019, pour maladie de longue durée. À cette date, sa capacité de travail était entièrement rétablie dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles. Suite à l’amélioration de l’état de santé, compte tenu d’un revenu sans atteinte à la santé de CHF 67'767.- dans une activité adaptée et d’un revenu avec atteinte à la santé de CHF 57'602.-, le degré d’invalidité était de 16%, soit en-dessous du plancher de 40%. Partant, la rente temporaire était supprimée dès le 1er avril 2020, soit trois mois après l’amélioration de l’état de santé qui avait débuté le 1er janvier 2020.

b. Par courrier du 11 août 2020, l’assuré a demandé à l’OAI de remettre une copie de l’intégralité de son dossier à ses médecins traitants, soit la Dre D______ et le docteur L______.

c. Par courrier reçu par l’OAI en date du 21 août 2020, l’assuré a formellement contesté le projet de décision du 3 août 2020. Par courrier de son mandataire daté du 14 septembre 2020, le recourant a nié l’amélioration de son état de santé, dès la fin du mois de décembre 2019, au motif que l’aspect psychiatrique et neurologique n’étaient pas clairs, ce d’autant moins que la Dre D______ avait renouvelé régulièrement les certificats d’arrêt de travail pour raison de maladie, ce qui était contradictoire avec la conclusion selon laquelle l’assuré bénéficiait à nouveau d’une capacité de travail de 100%. De surcroît, il souffrait au moment de sa réponse, d’une dépression jugée sévère et critiquait le taux de 10% qui avait été retenu comme abattement sur le salaire statistique du revenu avec invalidité, jugeant le taux d’abattement comme étant trop faible.

d. À la demande du SMR, la Dre D______ a communiqué à l’OAI un nouveau rapport médical, daté du 19 octobre 2020, dans lequel elle a diagnostiqué un épisode dépressif sévère et une grande incidence négative du trouble de la santé sur les domaines courant de la vie, soit le ménage, les loisirs et les activités sociales.

e. À réception de ce rapport, le SMR a préavisé, par avis médical du 19 novembre 2020, qu’une expertise pluridisciplinaire concernant les spécialités de médecine interne, psychiatrie et neurologie soit effectuée.

f. Après avoir été informé du nom des experts retenus par l’OAI, l’assuré s’est opposé, par courrier de son mandataire du 8 janvier 2021, à la désignation du Dr E______, au motif que ce dernier était déjà intervenu dans le dossier, en qualité de médecin conseil de la SUVA, et que son impartialité pouvait donc être remise en cause.

g. Suite au refus de l’OAI de désigner un autre expert, l’assuré a recouru auprès de la chambre de céans qui, par arrêt du 25 novembre 2021 (ATAS/1195/2021), lui a donné gain de cause, considérant que l’expert désigné par l’OAI ne remplissait pas les conditions d’impartialité requises et qu’un autre expert devait être désigné pour le volet psychiatrique.

h. Les trois experts désignés n’ayant pas fait l’objet d’autres contestations, ces derniers ont rendu leur rapport d’expertise, sous l’égide du Centre d’expertises médicales M______.

i. Le rapport d’expertise a été établi, le 22 avril 2022, par les Drs K______, J______ et N______. Dans leur évaluation consensuelle, les experts ont retenu que le recourant présentait de fortes douleurs neurogènes et un engourdissement dans le membre inférieur droit, ainsi qu’une sensation d’engourdissement dans la région péronière du membre inférieur gauche. En 2019, une évaluation électroneuromyographique (ci-après : ENMG) avait montré une évolution favorable des problématiques neurologiques, avec une amélioration au niveau du nerf fibulaire et de la composante de polyneuropathie sensitive. L’examen neurologique révélait une discrète faiblesse isolée lors de la flexion dorsale du pied et de l’hallux droits, probablement assortie d’une composante algique, ainsi qu’une atteinte sensitive touchant les régions péronières, dont la sémiologie et les caractéristiques étaient difficilement mises en évidence lors de l’examen clinique, car certaines épreuves étaient refusées par le recourant en raison des douleurs. Le reste de l’examen était normal et ne montrait pas d’autre déficit moteur, hormis une très discrète limitation lors du testing musculaire des membres inférieurs, en particulier à droite, de façon fluctuante et sans répercussions significatives sur les performances. Il n’y avait pas non plus d’anomalies à l’examen de la statique et de la marche. Ainsi, l’expert neurologue concluait à une atteinte isolée du nerf fibulaire commun droit, essentiellement sensitive et douloureuse, dans une plus faible mesure motrice, d’une intensité similaire à celle constatée lors du dernier examen électroneuromyographique de septembre 2019. À l’exception de la composante douloureuse, que le recourant ne considérait pas significative sauf en cas de stimulus tactile, il n’y avait pas de répercussions fonctionnelles évidentes de cette lésion à l’examen clinique, mais on pouvait supposer qu’elle se manifestait de manière plus franche dans des situations comme la marche prolongée ou en dénivelé, la course, la marche en terrain instable ou irrégulier. Ces situations se retrouvaient fréquemment dans l’activité habituelle. Les signes de polyneuropathie semblaient en amélioration, à l’exception d’une anesthésie tactile circonscrite à la région péronière gauche. En conséquence, si l’activité habituelle ne pouvait vraisemblablement plus être exigée compte tenu des limitations fonctionnelles, il n’y avait aucune autre atteinte significative et durable de la capacité de travail dans une activité adaptée au plan neurologique. Les traitements anti-brûlure avaient cessé depuis une année et demi. Le status cutané était actuellement remarquable, sans lésion à part une sécheresse des téguments. Il n’y avait pas de limitation fonctionnelle articulaire. Le diabète de type 2 était non compliqué, traité par antidiabétiques oraux. L’insuffisance surrénalienne était correctement substituée. Il n’y avait ainsi pas de limitation fonctionnelle, et la capacité de travail était complète dans une activité adaptée. Les experts ont posé le diagnostic de multiples greffes cutanées des membres inférieurs, d’insuffisance surrénalienne primaire substituée, de dyslipidémie traitée, de diabète de type 2 non insulino-requérant, de neuropathie du nerf fibulaire commun droit, de probable neuropathie sensitive longueur dépendante des membres inférieurs, de probables céphalées de tension épisodiques, de trouble anxieux et dépressif mixte (F 41.2), et de syndrome douloureux somatoforme persistant (F 45.4). La capacité de travail dans l’activité habituelle était nulle. Dans une activité sans marche prolongée, en terrain irrégulier ou en dénivelé, sans course, escalade ou franchissement d’obstacles, la capacité de travail serait complète sans diminution de rendement.

Dans le volet psychiatrique, le Dr J______ a rapporté que le recourant mentionnait une insomnie, une anxiété, de la tristesse, une perte du goût de vivre, le stress du handicap, des douleurs des membres inférieurs et des céphalées. Il n’y avait cependant pas de notion de symptomatologie dépressive intense qui aurait empêché totalement les activités sociales, familiales et ménagères. Actuellement, il aurait peu d’activités de plaisir. Il se disait fatigué et considérait son sommeil non réparateur. Il mentionnait des difficultés de concentration et de mémoire, mais plus d’idées noires. Il se disait pessimiste pour l’avenir. Il se décrivait comme fortement anxieux, en lien avec ses douleurs aux pieds et sa précarité sociale. Il n’y avait pas de notion d’attaque de panique ni de phobies spécifiques. Les critères pour retenir un syndrome de stress post traumatique étaient incomplets, on était en présence de manifestations anxieuses et dépressives ayant débuté lors de l’accident. Le recourant se réveillait deux à trois fois par nuit et signalait des cauchemars répétitifs en lien avec l’accident. La recherche des traits de personnalité pathologique organisée était négative, le recourant avait une bonne perception de soi et des autres. Une journée-type consistait à se lever entre 8 et 9 h, prendre un café, faire quelques courses, puis profiter de sa terrasse en jardinant dans des pots. L’après-midi était consacrée à la télévision et à une promenade. Il regardait la télévision après le repas du soir et parlait avec sa femme. Les activités ménagères étaient entièrement réalisées par son épouse, qui s’occupait également des paiements. Il prenait soin de son canari. L’expert a constaté que le recourant avait conservé le focus durant tout l’entretien. Il ne pleurait pas, ne souriait pas, ne plaisantait pas, il avait de l’humour. Le débit de la parole ne montrait ni logorrhée ni ralentissement. Le recourant était vigilant, sans déficit attentionnel durant l’entretien. Il n’y avait pas de trouble du cours de la pensée. Il n’y avait ni déficit ni labilité émotionnels. L’humeur était anxieuse, d’intensité moyenne. Il n’y avait pas de troubles cognitifs. L’expert a mentionné une majoration de l’auto-évaluation de l’intensité de l’humeur dépressive et anxieuse, aucun signe de fatigue n’ayant été objectivé. Le recourant mentionnait une amélioration de son humeur, les plaintes douloureuses des membres inférieurs et particulièrement des pieds étant au premier plan. En conclusion, le tableau clinique était compatible avec un diagnostic de trouble anxieux et dépressif mixte. Les symptômes anxieux étaient insuffisants pour retenir un autre diagnostic spécifique. L’évolution de la symptomatologie avait un caractère chronique trop long pour retenir le diagnostic de trouble de l’adaptation. La symptomatologie développée dans les suites de l’accident était en lien de causalité avec celui-ci. Un syndrome douloureux somatoforme persistant était également présent, certaines plaintes n’étant pas objectivées à l’examen clinique. Sur le plan psychiatrique, une partie des plaintes n’était pas retrouvée à l’examen, notamment l’humeur dépressive et anxieuse d’intensité forte et la fatigue. Il existait un certain sentiment de détresse non expliqué par les processus physiopathologiques. Il n’y avait pas de trouble psychiatrique sévère, pas d’organisation pathologique de la personnalité. Il existait certains éléments de majoration des symptômes, qui n’étaient pas totalement homogènes, ne semblaient ni délibérés ni intentionnels, raison pour laquelle ce diagnostic ne pouvait être retenu (sic). L’expert psychiatre, en lien avec les critères développés par la jurisprudence pour admettre le caractère incapacitant de troubles psychiques, a noté les éléments suivants. Il n’y avait pas de trouble psychiatrique sévère, pas d’abus de substances, pas d’organisation pathologique de la personnalité. Le recourant avait des ressources pour réaliser les activités quotidiennes. Il n’y avait ni limitation fonctionnelle ni diminution de rendement. Il n’y avait pas eu d’incapacité de travail durable, il n’y avait pas d’incapacité de travail en lien avec une affection psychiatrique. S’agissant des ressources, le recourant était capable de communiquer, de respecter un cadre, de s’adapter. Il manquait un peu de flexibilité psychique. Il était globalement rationnel et endurant, et il avait de bonnes capacités relationnelles. Il ne présentait aucune limitation dans les treize items d’activité et de participation répertoriés dans l’outil mini CIF-App. Il semblait assez isolé socialement et n’avait plus de réseau professionnel.

Les experts ont conclu, dans leur évaluation consensuelle, que la capacité de travail de l’assuré dans l’activité exercée jusqu’alors était définitivement nulle. Dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles, ils ont considéré que l’assuré avait une capacité de travail à 100%, inchangée depuis le 1er février 2020, à raison de 8h30 par jour.

j. Le SMR a rendu un rapport en date du 10 mai 2022 dans lequel il a résumé le contenu du rapport d’expertise pluridisciplinaire du 22 avril 2022 et s’est rallié aux conclusions des experts, considérant que le début de l’incapacité de travail durable à 100% était le 30 juin 2018 et que, dès le 6 février 2020, l’assuré bénéficiait à nouveau d’une capacité de travail de 100% dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles qui étaient : pas de marche prolongée, ni en terrain irrégulier, pas d’escalade ou de franchissement d’obstacles, pas de course, pas de frottement ni de risque de lésion sur les membres inférieurs.

k. Se fondant sur le préavis du SMR, l’OAI a rendu, le 15 novembre 2022, une décision d’octroi d’une rente d’invalidité entière, limitée dans le temps du 1er juin 2019 jusqu’au 31 mars 2020. À la fin de l’invalidité, soit dès le 1er avril 2020, l’OAI reprenait les éléments financiers déjà exposés dans le projet de décision du 3 août 2020, soit un revenu sans atteinte à la santé de CHF 67'767.-, un revenu avec atteinte à la santé de CHF 57'602.- et une perte de revenus de CHF 10'497.- dont il résultait un degré d’invalidité de 16% qui était inférieur au seuil de 40% et ne donnait donc plus droit à une rente ni à des mesures de réadaptation car inférieur à 20%.

l. Par acte de son mandataire, posté le 19 décembre 2022, l’assuré a interjeté recours auprès de la chambre de céans contre la décision de l’OAI du 15 novembre 2022 et a conclu, principalement, à l’annulation de la décision et à ce qu’il soit dit que le recourant avait droit à une pleine rente d'invalidité, sous suite de frais et dépens. Selon le recourant, les conclusions de l’expertise pluridisciplinaire étaient contestées, en particulier le volet psychiatrique qui devait se voir dénier toute valeur probante, notamment en raison des contradictions manifestes et de la présence de plusieurs passages incompréhensibles. Il reprochait également à l’expert neurologue de ne pas avoir effectué un nouvel examen ENMG et demandait qu’une nouvelle expertise bi-disciplinaire, neurologique et psychiatrique, soit ordonnée.

m. Dans sa réponse du 26 janvier 2023, l’OAI a considéré que les réquisits jurisprudentiels avaient été respectés et que l’expertise psychiatrique devait se voir reconnaître une pleine valeur probante. S’agissant du volet neurologique de l’expertise, l’OAI ne voyait pas en quoi un nouvel ENMG était nécessaire, ni pour quelle raison l’absence de cet examen conduisait à la conclusion que le rapport d’expertise neurologique était dépourvu de valeur probante. En effet, les ENMG réalisés précédemment avaient permis de constater une atteinte lésionnelle du nerf fibulaire mais à l’exception de la composante douloureuse, il n’existait pas de répercussions fonctionnelles évidentes de cette lésion lors de l’examen clinique. Ainsi, les critiques portées au volet neurologique étaient mal fondées, de sorte que la valeur probante de cette expertise devait être confirmée. Pour le surplus, l’intimé concluait au rejet du recours.

n. Par réplique du 2 mars 2023, le recourant a persisté dans ses conclusions, considérant notamment qu’il n’existait pas de consilium à proprement parler et que le volet psychiatrique de l’expertise était lacunaire, tant dans ses constatations que dans ses développements.

o. Par duplique du 28 mars 2023, l’OAI a persisté dans ses précédentes conclusions, faisant notamment valoir qu’une discussion interdisciplinaire de synthèse avait eu lieu, ce qui signifiait que les experts avaient bien mené un consilium.

p. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

q. Les autres faits seront mentionnés, en tant que de besoin, dans la partie « en droit » du présent arrêt.

EN DROIT

1.        Conformément à l’art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        À teneur de l’art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’assurance-invalidité, à moins que la loi n’y déroge expressément.

3.        Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

4.        Le 1er janvier 2022 sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable est, en principe, celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques, sous réserve de dispositions particulières de droit transitoire (ATF 136 V 24 consid. 4.3 et la référence).

En l’occurrence, l’assuré était âgé de 50 ans au 1er janvier 2022 et son droit à la rente est né avant cette date. À teneur du dossier soumis à la chambre de céans, le droit à la rente s’est terminé avant le 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

5.        Le délai de recours est de 30 jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

6.        Le litige porte sur la question de savoir si l’incapacité de travail du recourant, dans une activité adaptée, s’est prolongée de telle sorte qu’il aurait droit à une rente d'invalidité au-delà de la date du 1er avril 2020.

7.        Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28 al. 2 LAI).

8.         

8.1 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté ; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c ; ATF 102 V 165 consid. 3.1 ; VSI 2001 p. 223 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanant d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; ATF 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1 ; ATF 130 V 396 consid. 5.3 et 6).

8.2 Dans l’ATF 141 V 281, le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d'évaluation de la capacité de travail, respectivement de l'incapacité de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d'affections psychosomatiques comparables. Il a notamment abandonné la présomption selon laquelle les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 141 V 281 consid. 3.4 et 3.5) et introduit un nouveau schéma d'évaluation au moyen d'un catalogue d'indicateurs (ATF 141 V 281 consid. 4). Le Tribunal fédéral a ensuite étendu ce nouveau schéma d'évaluation aux autres affections psychiques (ATF 143 V 418 consid. 6 et 7 et les références). Aussi, le caractère invalidant d'atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 143 V 409 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2019 du 17 mars 2020 consid. 3 et les références).

Le Tribunal fédéral a en revanche maintenu, voire renforcé la portée des motifs d'exclusion définis dans l'ATF 131 V 49, aux termes desquels il y a lieu de conclure à l'absence d'une atteinte à la santé ouvrant le droit aux prestations d'assurance, si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'une exagération des symptômes ou d'une constellation semblable, et ce même si les caractéristiques d'un trouble au sens de la classification sont réalisées. Des indices d'une telle exagération apparaissent notamment en cas de discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, de grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psycho-social intact (ATF 141 V 281 consid. 2.2.1 et 2.2.2 ; ATF 132 V 65 consid. 4.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_16/2016 du 14 juin 2016 consid. 3.2).

8.3 L'organe chargé de l'application du droit doit, avant de procéder à l'examen des indicateurs, analyser si les troubles psychiques dûment diagnostiqués conduisent à la constatation d'une atteinte à la santé importante et pertinente en droit de l'assurance-invalidité, c'est-à-dire qui résiste aux motifs dits d'exclusion tels qu'une exagération ou d'autres manifestations d'un profit secondaire tiré de la maladie (cf. ATF 141 V 281 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 5.2.2 et la référence).

8.4 Pour des motifs de proportionnalité, on peut renoncer à une appréciation selon la grille d’évaluation normative et structurée si elle n’est pas nécessaire ou si elle est inappropriée. Il en va ainsi notamment lorsqu’il n’existe aucun indice en faveur d’une incapacité de travail durable ou lorsque l’incapacité de travail est niée sous l’angle psychique sur la base d’un rapport probant établi par un médecin spécialisé et que d’éventuelles appréciations contraires n’ont pas de valeur probante du fait qu’elles proviennent de médecins n’ayant pas une qualification spécialisée ou pour d’autres raisons (arrêt du Tribunal fédéral 9C_101/2019 du 12 juillet 2019 consid. 4.3 et la référence ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_724/2018 du 11 juillet 2019 consid. 7). En l’absence d’un diagnostic psychiatrique, une telle appréciation n’a pas non plus à être effectuée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_176/2018 du 16 août 2018 consid. 3.2.2).

9.        Selon la jurisprudence, en cas de troubles psychiques, la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée, en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs incapacitants et, d'autre part, des potentiels de compensation (ressources) (ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). L'accent doit ainsi être mis sur les ressources qui peuvent compenser le poids de la douleur et favoriser la capacité d'exécuter une tâche ou une action (arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2016 du 19 juillet 2016 consid. 7 et la référence). 

Il y a lieu de se fonder sur une grille d’analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4).

Ces indicateurs sont classés comme suit :

I. Catégorie « degré de gravité fonctionnelle »

Les indicateurs relevant de cette catégorie représentent l’instrument de base de l’analyse. Les déductions qui en sont tirées devront, dans un second temps, résister à un examen de la cohérence (ATF 141 V 281 consid. 4.3).

A. Axe « atteinte à la santé »

1. Caractère prononcé des éléments et des symptômes pertinents pour le diagnostic

Les constatations relatives aux manifestations concrètes de l’atteinte à la santé diagnostiquée permettent de distinguer les limitations fonctionnelles causées par cette atteinte de celles dues à des facteurs non assurés. Le point de départ est le degré de gravité minimal inhérent au diagnostic. Il doit être rendu vraisemblable compte tenu de l’étiologie et de la pathogenèse de la pathologie déterminante pour le diagnostic (ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.1).

L'influence d'une atteinte à la santé sur la capacité de travail est davantage déterminante que sa qualification en matière d'assurance-invalidité (ATF 142 V 106 consid. 4.4). Diagnostiquer une atteinte à la santé, soit identifier une maladie d'après ses symptômes, équivaut à l'appréciation d'une situation médicale déterminée qui, selon les médecins consultés, peut aboutir à des résultats différents en raison précisément de la marge d'appréciation inhérente à la science médicale (ATF 145 V 361 consid. 4.1.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_212/2020 du 4 septembre 2020 consid. 4.2 et 9C_762/2019 du 16 juin 2020 consid. 5.2).

 

 

2. Succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à ces derniers

Le déroulement et l'issue d'un traitement médical sont en règle générale aussi d'importants indicateurs concernant le degré de gravité du trouble psychique évalué. Il en va de même du déroulement et de l'issue d'une mesure de réadaptation professionnelle. Ainsi, l'échec définitif d'une thérapie médicalement indiquée et réalisée selon les règles de l'art de même que l'échec d'une mesure de réadaptation - malgré une coopération optimale de l'assuré - sont en principe considérés comme des indices sérieux d'une atteinte invalidante à la santé. À l'inverse, le défaut de coopération optimale conduit plutôt à nier le caractère invalidant du trouble en question. Le résultat de l'appréciation dépend toutefois de l'ensemble des circonstances individuelles du cas d'espèce (arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2.1.3 et la référence).

3. Comorbidités

La présence de comorbidités ou troubles concomitants est un indicateur à prendre en considération en relation avec le degré de gravité fonctionnel (arrêt du Tribunal fédéral 9C_650/2019 du 11 mai 2020 consid. 3.3 et la référence). On ne saurait toutefois inférer la réalisation concrète de l'indicateur « comorbidité » et, partant, un indice suggérant la gravité et le caractère invalidant de l'atteinte à la santé, de la seule existence de maladies psychiatriques et somatiques concomitantes. Encore faut-il examiner si l'interaction de ces troubles ayant valeur de maladie prive l'assuré de certaines ressources (arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 consid. 5.2.3 et la référence). Il est nécessaire de procéder à une approche globale de l’influence du trouble avec l’ensemble des pathologies concomitantes. Une atteinte qui, selon la jurisprudence, ne peut pas être invalidante en tant que telle (cf. ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_98/2010 du 28 avril 2010 consid. 2.2.2, in : RSAS 2011 IV n° 17, p. 44) n’est pas une comorbidité (arrêt du Tribunal fédéral 9C_1040/2010 du 6 juin 2011 consid. 3.4.2.1, in : RSAS 2012 IV n° 1, p. 1) mais doit à la rigueur être prise en considération dans le cadre du diagnostic de la personnalité (ATF 141 V 281 consid. 4.3.2). Ainsi, un trouble dépressif réactionnel au trouble somatoforme ne perd pas toute signification en tant que facteur d’affaiblissement potentiel des ressources, mais doit être pris en considération dans l’approche globale (ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.3).

Même si un trouble psychique, pris séparément, n'est pas invalidant en application de la nouvelle jurisprudence, il doit être pris en considération dans l'appréciation globale de la capacité de travail, qui tient compte des effets réciproques des différentes atteintes. Ainsi, une dysthymie, prise séparément, n'est pas invalidante, mais peut l'être lorsqu'elle est accompagnée d’un trouble de la personnalité notable. Par conséquent, indépendamment de leurs diagnostics, les troubles psychiques entrent déjà en considération en tant que comorbidité importante du point de vue juridique si, dans le cas concret, on doit leur attribuer un effet limitatif sur les ressources (ATF 143 V 418 consid. 8.1).

B. Axe « personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles)

Le « complexe personnalité » englobe, à côté des formes classiques du diagnostic de la personnalité qui vise à saisir la structure et les troubles de la personnalité, le concept de ce qu’on appelle les « fonctions complexes du moi » qui désignent des capacités inhérentes à la personnalité, permettant des déductions sur la gravité de l’atteinte à la santé et de la capacité de travail (par exemple : auto-perception et perception d’autrui, contrôle de la réalité et formation du jugement, contrôle des affects et des impulsions, intentionnalité et motivation; cf. ATF 141 V 281 consid. 4.3.2). Étant donné que l’évaluation de la personnalité est davantage dépendante de la perception du médecin examinateur que l’analyse d’autres indicateurs, les exigences de motivation sont plus élevées (ATF 141 V 281 consid. 4.3.2).

Le Tribunal fédéral a estimé qu’un assuré présentait des ressources personnelles et adaptatives suffisantes, au vu notamment de la description positive qu’il avait donnée de sa personnalité, sans diminution de l'estime ou de la confiance en soi et sans peur de l'avenir (arrêt du Tribunal fédéral 8C_584/2016 du 30 juin 2017 consid. 5.2).

C. Axe « contexte social »

Si des difficultés sociales ont directement des conséquences fonctionnelles négatives, elles continuent à ne pas être prises en considération. En revanche, le contexte de vie de l’assuré peut lui procurer des ressources mobilisables, par exemple par le biais de son réseau social. Il faut toujours s’assurer qu’une incapacité de travail pour des raisons de santé ne se confond pas avec le chômage non assuré ou avec d’autres difficultés de vie (ATF 141 V 281 consid. 4.3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 consid. 5.2.3).

Lors de l'examen des ressources que peut procurer le contexte social et familial pour surmonter l'atteinte à la santé ou ses effets, il y a lieu de tenir compte notamment de l'existence d'une structure quotidienne et d'un cercle de proches […]. Le contexte familial est susceptible de fournir des ressources à la personne assurée pour surmonter son atteinte à la santé ou les effets de cette dernière sur sa capacité de travail, nonobstant le fait que son attitude peut rendre plus difficile les relations interfamiliales (arrêt du Tribunal fédéral 9C_717/2019 du 30 septembre 2020 consid. 6.2.5.3). Toutefois, des ressources préservées ne sauraient être inférées de relations maintenues avec certains membres de la famille dont la personne assurée est dépendante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_55/2020 du 22 octobre 2020 consid. 5.2).

II. Catégorie « cohérence »

Il convient ensuite d’examiner si les conséquences qui sont tirées de l’analyse des indicateurs de la catégorie « degré de gravité fonctionnel » résistent à l’examen sous l’angle de la catégorie « cohérence ». Cette seconde catégorie comprend les indicateurs liés au comportement de l’assuré (ATF 141 V 281 consid. 4.4). À ce titre, il convient notamment d’examiner si les limitations fonctionnelles se manifestent de la même manière dans la vie professionnelle et dans la vie privée, de comparer les niveaux d’activité sociale avant et après l’atteinte à la santé ou d’analyser la mesure dans laquelle les traitements et les mesures de réadaptation sont mis à profit ou négligés. Dans ce contexte, un comportement incohérent est un indice que les limitations évoquées seraient dues à d’autres raisons qu’une atteinte à la santé (arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.3).

A. Limitation uniforme du niveau des activités dans tous les domaines comparables de la vie

Il s’agit ici de se demander si l’atteinte à la santé limite l’assuré de manière semblable dans son activité professionnelle ou dans l’exécution de ses travaux habituels et dans les autres activités (par exemple, les loisirs). Le critère du retrait social utilisé jusqu’ici doit désormais être interprété de telle sorte qu’il se réfère non seulement aux limitations mais également aux ressources de l’assuré et à sa capacité à les mobiliser. Dans la mesure du possible, il convient de comparer le niveau d’activité sociale de l’assuré avant et après la survenance de l’atteinte à la santé (ATF 141 V 281 consid. 4.4.1).

B. Poids de la souffrance, révélé par l’anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation

L'interruption de toute thérapie médicalement indiquée sur le plan psychique et le refus de participer à des mesures de réadaptation d'ordre professionnel sont des indices importants que l’assuré ne présente pas une évolution consolidée de la douleur et que les limitations invoquées sont dues à d'autres motifs qu'à son atteinte à la santé (arrêt du Tribunal fédéral 9C_569/2017 du 18 juillet 2018 consid. 5.5.2).

La prise en compte d’options thérapeutiques, autrement dit la mesure dans laquelle les traitements sont mis à profit ou alors négligés, permet d’évaluer le poids effectif des souffrances. Tel n’est toutefois pas le cas lorsque le comportement est influencé par la procédure assécurologique en cours. Il ne faut pas conclure à l’absence de lourdes souffrances lorsque le refus ou la mauvaise acceptation du traitement recommandé est la conséquence d’une incapacité (inévitable) de l’assuré à reconnaître sa maladie (anosognosie). Les mêmes principes s’appliquent pour les mesures de réadaptation. Un comportement incohérent de l'assuré est là aussi un indice que la limitation fonctionnelle est due à d’autres raisons qu’à l'atteinte à la santé assurée (ATF 141 V 281 consid. 4.4.2).

10.    Selon la jurisprudence rendue jusque-là à propos des dépressions légères à moyennes, les maladies en question n'étaient considérées comme invalidantes que lorsqu'on pouvait apporter la preuve qu'elles étaient « résistantes à la thérapie » (ATF 140 V 193 consid 3.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_841/2016 du 8 février 2017 consid. 3.1 et 9C_13/2016 du 14 avril 2016 consid. 4.2).

Dans l'ATF 143 V 409 consid. 4.2, le Tribunal fédéral a rappelé que le fait qu'une atteinte à la santé psychique puisse être influencée par un traitement ne suffit pas, à lui seul, pour nier le caractère invalidant de celle-ci ; la question déterminante est en effet celle de savoir si la limitation établie médicalement empêche, d'un point de vue objectif, la personne assurée d'effectuer une prestation de travail. À cet égard, toutes les affections psychiques doivent en principe faire l'objet d'une procédure probatoire structurée au sens de l'ATF 141 V 281 (ATF 143 V 418 consid. 6 et 7 et les références). Ainsi, le caractère invalidant des atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 143 V 409 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_142/2018 du 24 avril 2018 consid. 5.2).

Dans les cas où, au vu du dossier, il est vraisemblable qu'il n'y a qu'un léger trouble dépressif, qui ne peut déjà être considéré comme chronifié et qui n'est pas non plus associé à des comorbidités, aucune procédure de preuve structurée n'est généralement requise (arrêt du Tribunal fédéral 9C_14/2018 du 12 mars 2018 consid 2.1).

Le Tribunal fédéral a récemment rappelé qu’en principe, seul un trouble psychique grave peut avoir un caractère invalidant. Un trouble dépressif de degré léger à moyen, sans interférence notable avec des comorbidités psychiatriques, ne peut généralement pas être défini comme une maladie mentale grave. S'il existe en outre un potentiel thérapeutique significatif, le caractère durable de l'atteinte à la santé est notamment remis en question. Dans ce cas, il doit exister des motifs importants pour que l'on puisse néanmoins conclure à une maladie invalidante. Si, dans une telle constellation, les spécialistes en psychiatrie attestent sans explication concluante (éventuellement ensuite d'une demande) une diminution considérable de la capacité de travail malgré l'absence de trouble psychique grave, l'assurance ou le tribunal sont fondés à nier la portée juridique de l'évaluation médico-psychiatrique de l'impact (ATF 148 V 49 consid. 6.2.2 et les références).

11.     

11.1 Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1). La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. Dans le cas des maladies psychiques, les indicateurs sont importants pour évaluer la capacité de travail, qui - en tenant compte des facteurs incapacitants externes d’une part et du potentiel de compensation (ressources) d’autre part -, permettent d’estimer la capacité de travail réellement réalisable (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_286/2020 du 6 août 2020 consid. 4 et la référence).

11.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3). Il faut en outre que le médecin dispose de la formation spécialisée nécessaire et de compétences professionnelles dans le domaine d’investigation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_555/2017 du 22 novembre 2017 consid. 3.1 et les références).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

11.3 Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

Le fait qu'une expertise psychiatrique n'a pas été établie selon les nouveaux standards - ou n'en suit pas exactement la structure - ne suffit cependant pas pour lui dénier d'emblée toute valeur probante. En pareille hypothèse, il convient bien plutôt de se demander si, dans le cadre d'un examen global, et en tenant compte des spécificités du cas d'espèce et des griefs soulevés, le fait de se fonder définitivement sur les éléments de preuve existants est conforme au droit fédéral. Il y a lieu d'examiner dans chaque cas si les expertises administratives et/ou les expertises judiciaires recueillies - le cas échéant en les mettant en relation avec d'autres rapports médicaux - permettent ou non une appréciation concluante du cas à l'aune des indicateurs déterminants. Selon l'étendue de l'instruction déjà mise en œuvre, il peut s'avérer suffisant de requérir un complément d'instruction sur certains points précis (ATF 141 V 281 consid. 8 ; ATF 137 V 210 consid. 6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_808/2019 du 18 août 2020 consid. 5.2).

11.4 Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 [RAI - RS 831.201] ; ATF 142 V 58 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve ; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5 ; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1). 

11.5 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

11.6 On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2008 du 5 mars 2009 consid. 2.2).

12.    En ce qui concerne les facteurs psychosociaux ou socioculturels et leur rôle en matière d'invalidité, ils ne figurent pas au nombre des atteintes à la santé, susceptibles d'entraîner une incapacité de gain au sens de l'art. 4 al. 1 LAI. Pour qu'une invalidité soit reconnue, il est nécessaire, dans chaque cas, qu'un substrat médical pertinent, entravant la capacité de travail (et de gain) de manière importante, soit mis en évidence par le médecin spécialisé. Plus les facteurs psychosociaux et socioculturels apparaissent au premier plan et imprègnent l'anamnèse, plus il est essentiel que le diagnostic médical précise s'il y a atteinte à la santé psychique qui équivaut à une maladie. Ainsi, il ne suffit pas que le tableau clinique soit constitué d'atteintes qui relèvent de facteurs socioculturels ; il faut au contraire que le tableau clinique comporte d'autres éléments pertinents au plan psychiatrique tels, par exemple, une dépression durable au sens médical ou un état psychique assimilable, et non une simple humeur dépressive. Une telle atteinte psychique, qui doit être distinguée des facteurs socioculturels, et qui doit de manière autonome influencer la capacité de travail, est nécessaire en définitive pour que l'on puisse parler d'invalidité. En revanche, là où l'expert ne relève pour l'essentiel que des éléments qui trouvent leur explication et leur source dans le champ socioculturel ou psychosocial, il n'y a pas d'atteinte à la santé à caractère invalidant (ATF 127 V 294 consid. 5a in fine).

13.     

13.1 Le point de départ de l'évaluation prévue pour les troubles dépressifs (ATF 143 V 409), les autres troubles psychiques (ATF 143 V 418) et les troubles mentaux du comportement liés à l’utilisation de substances psychoactives (ATF 145 V 215) est l'ensemble des éléments médicaux et constatations y relatives. Les experts doivent motiver le diagnostic psychique de telle manière que l'organe d'application du droit puisse comprendre non seulement si les critères de classification sont remplis (ATF 141 V 281 consid. 2.1.1), mais également si la pathologie diagnostiquée présente un degré de gravité susceptible d'occasionner des limitations dans les fonctions de la vie courante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_551/2019 du 24 avril 2020 consid. 4.1 et la référence).

13.2 Dans un arrêt de principe du 2 décembre 2019 (ATF 145 V 361), le Tribunal fédéral, à la lumière de l'ATF 141 V 281, a notamment posé une délimitation, entre l'examen (libre), par les autorités chargées de l'application du droit, de l'admission d'une incapacité de travail par l'expert psychiatre, d'une part, et une appréciation juridique parallèle inadmissible, d'autre part.

Selon le Tribunal fédéral, dans tous les cas, l’administration et, en cas de recours, le juge, doivent examiner si et dans quelle mesure les experts ont suffisamment et de manière compréhensible étayé leur évaluation de l'incapacité de travail, en tenant compte des indicateurs pertinents (questions de preuve). À cette fin, les experts doivent établir un lien avec la partie précédente de l'expertise médico-psychiatrique (avec extraits du dossier, anamnèse, constatations, diagnostics, etc.), c'est-à-dire qu'ils doivent se référer en détails aux résultats médico-psychiatriques des examens et explorations cliniques menés dans les règles de l’art qui relèvent de leur compétence. Le médecin doit donc exposer de manière détaillée les raisons médico-psychiatriques pour lesquelles les éléments constatés sont susceptibles de restreindre la capacité fonctionnelle et les ressources psychiques en termes qualitatifs, quantitatifs et temporels (ATF 143 V 418 consid. 6). À titre d’exemple, dans le cadre de troubles dépressifs récurrents de degrés légers à modérés qui sont souvent au premier plan dans l’examen de l’invalidité au sens de l’AI, cela signifie qu’il ne suffit pas que l'expert psychiatre déduise directement de l'épisode dépressif diagnostiqué une incapacité de travail, quel qu'en soit le degré ; il doit bien plutôt démontrer si et dans quelle mesure les constatations qu'il a faites (tristesse, désespoir, manque de dynamisme, fatigue, troubles de la concentration et de l'attention, diminution de la capacité d'adaptation, etc.), limitent la capacité de travail, en tenant compte - à des fins de comparaison, de contrôle et de plausibilité - des autres activités personnelles, familiales et sociales de la personne requérant une rente. Si les experts s'acquittent de cette tâche de manière convaincante, en tenant compte des éléments de preuve établis par l'ATF 141 V 281, l'évaluation des répercussions de l’atteinte psychique sera également valable du point de vue des organes chargés de l’application du droit, que ce soit l’administration ou le juge. À défaut, il se justifie, juridiquement, de s'en écarter (ATF 145 V 361 consid. 4.3 et la référence).

13.3 En ce qui concerne l'évaluation du caractère invalidant des affections psychosomatiques et psychiques, l'appréciation de la capacité de travail par un médecin psychiatre est soumise à un contrôle (libre) des organes chargés de l'application du droit à la lumière de l'ATF 141 V 281 (ATF 145 V 361 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_585/2019 du 3 juin 2020 consid. 2 et les références). Il peut ainsi arriver que les organes d'application du droit se distancient de l'évaluation médicale de la capacité de travail établie par l’expertise sans que celle-ci ne perde sa valeur probante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_128/2018 du 17 juillet 2018 consid. 2.2 et les références). Du point de vue juridique, il est même nécessaire de s’écarter de l’appréciation médicale de la capacité de travail si l’évaluation n’est pas suffisamment motivée et compréhensible au vu des indicateurs pertinents, ou n’est pas convaincante du point de vue des éléments de preuve instaurés par l’ATF 141 V 281. S’écarter de l’évaluation médicale est alors admissible, du point de vue juridique, sans que d’autres investigations médicales ne soient nécessaires (arrêt du Tribunal fédéral 9C_832/2019 du 6 mai 2020 consid. 2.2). Toutefois, lorsque l’administration ou le juge, au terme de son appréciation des preuves, parvient à la conclusion que le rapport d'expertise évalue la capacité de travail en fonction des critères de médecine des assurances établis dans l'ATF 141 V 281 et qu’il satisfait en outre aux exigences générales en matière de preuves (ATF 134 V 231 consid. 5.1), il a force probante et ses conclusions sur la capacité de travail doivent être suivies par les organes d'application de la loi. Une appréciation juridique parallèle libre en fonction de la grille d'évaluation normative et structurée ne doit pas être entreprise (cf. ATF 145 V 361 consid. 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_213/2020 du 19 mai 2020 consid. 4.3 et les références).

En fin de compte, la question décisive est toujours celle des répercussions fonctionnelles d'un trouble. La preuve d'une incapacité de travail de longue durée et significative liée à l’état de santé ne peut être considérée comme rapportée que si, dans le cadre d’un examen global, les éléments de preuve pertinents donnent une image cohérente de l’existence de limitations dans tous les domaines de la vie. Si ce n'est pas le cas, la preuve d'une limitation invalidante de la capacité de travail n'est pas rapportée et l'absence de preuve doit être supportée par la personne concernée (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_423/2019 du 7 février 2020 consid. 3.2.2 et les références).

14.    Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

15.    Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4 ; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

16.    En l’espèce, le recourant considère que sa capacité de travail ne s’est pas améliorée à partir du 1er janvier 2020, dès lors qu’il n’y a pas eu d’amélioration de sa santé. Il conteste la valeur probante de l’expertise psychiatrique diligentée par l’OAI et critique le volet neurologique.

L’OAI en revanche, estime que le rapport d’expertise du 22 avril 2022 présente une entière valeur probante et que ses conclusions peuvent être suivies.

16.1 Les médecins de la SUVA ont considéré que dans une activité adaptée, le recourant présentait une capacité de travail totale. Force est de constater que ces conclusions correspondent à celles des médecins traitants du recourant, s’agissant de l’incidence des atteintes somatiques. Le Dr C______ considérait, en effet, une reprise possible dès le 1er avril 2019 déjà. Le Dr F______ indiquait quant à lui, en mai 2019, qu’à long terme, du point de vue orthopédique, il n’y aurait pas d’obstacle à la reprise d’une activité adaptée. Il a confirmé en juin 2020 que les arrêts de travail étaient imputables, non pas à des atteintes physiques, mais psychiques, et il a précisé qu’il avait suggéré une réflexion sur une reprise professionnelle au recourant, ce qui démontre qu’il ne l’exclut pas.

S’agissant des limitations fonctionnelles, le Dr F______ rejoint également le Dr G______, dès lors qu’il évoque uniquement une restriction des déplacements. Le fait que ce neurologue n’ait pas lui-même émis de limitations fonctionnelles ne signifie pas qu’il n’a pas procédé à sa propre évaluation, mais simplement que l’atteinte neurologique ne justifie pas de restrictions supplémentaires et que les limitations fonctionnelles sur ce plan se recoupent avec celles décrites par le Dr G______. En ce qui concerne l’insuffisance surrénalienne, dès lors qu’elle peut être traitée avec de l’hydrocortisone, il n’apparaît pas que cette pathologie, correctement substituée, entraînerait une quelconque limitation fonctionnelle.

16.2 En ce qui concerne les conclusions des experts mandatés par l’OAI, on peut ici préciser que les rapports des Drs N______ et K______ contiennent tous les éléments formels requis par la jurisprudence pour se voir reconnaître une pleine valeur probante. En effet, ceux-ci ont pris connaissance de l’ensemble du dossier du recourant, dont ils ont relaté l’anamnèse et les plaintes. Ils ont procédé à des examens cliniques dont ils ont détaillé les résultats, et leurs diagnostics sont motivés, à l’instar de leurs conclusions – qui correspondent à celles des autres médecins au plan somatique.

Le grief du recourant selon lequel un nouvel ENMG aurait dû être réalisé ne saurait en aucun cas remettre en question la valeur probante de l’expertise neurologique, dès lors que l’expert neurologue s’est fondé sur les ENMG réalisés précédemment, qui avaient permis de constater une atteinte lésionnelle du nerf fibulaire, mais à l’exception de la composante douloureuse, il n’existait pas de répercussions fonctionnelles évidentes de cette lésion lors de l’examen clinique.

Partant, la chambre de céans considère que les conclusions des experts N______ et K______ peuvent être suivies.

Dès lors, par appréciation anticipée des preuves (arrêt du Tribunal fédéral 9C_97/2020 du 10 juin 2020 consid. 3.2), la chambre de céans ne mettra pas en œuvre une nouvelle expertise neurologique. Étant encore précisé que le recourant ne produit à l’appui de son recours aucune pièce médicale nouvelle qui justifierait que l’on s’écartât des appréciations de l’expert en neurologie.

16.3 En ce qui concerne le volet psychiatrique du rapport d’expertise du 22 avril 2022, la chambre de céans s’est déjà prononcée dans l’arrêt rendu en date du 3 août 2023, dans le cadre de la procédure qui opposait le recourant à la SUVA, et a considéré que le rapport d’expertise psychiatrique rédigé par le Dr J______ ne présentait pas de valeur probante.

Aucun élément ne permet de s’écarter de cette appréciation dans la présente procédure.

En premier lieu, si l’expert J______ a, en effet, énuméré toute une série de symptômes qu’il n’a pas constatés, son expertise – qui contient de très nombreuses redites – ne relate guère ses observations concrètes, notamment s’agissant de la symptomatologie dépressive et anxieuse, dont il admet l’existence mais qu’il considère d’intensité moyenne. Il semble du reste relativiser une symptomatologie dépressive intense au motif qu’il n’aurait pas constaté de fatigue durant l’entretien, ce qui n’est pas suffisamment motivé à défaut d’analyse des autres critères diagnostiques. On relève également certaines contradictions. On comprend mal comment l’expert peut dans la même phrase indiquer que « [le recourant] ne pleure pas, ne sourit pas, ne plaisante pas, il a de l’humour ». Il affirme également que le recourant ne présenterait pas de symptomatologie dépressive intense qui aurait empêché totalement les activités sociales, familiales et ménagères, alors même que le ménage incombe entièrement à l’épouse du recourant, que celui-ci n’a guère d’activités de loisir – hormis quelques heures passées sur sa terrasse et la télévision – et que le psychiatre note qu’il paraît assez isolé – ce que confirme notamment l’analyse d’une journée-type. Le psychiatre paraît écarter tout trouble du sommeil, alors même que le recourant rapporte des cauchemars et se dit fatigué. Ce rapport est en outre parfois peu clair. On ne comprend ainsi pas quel diagnostic l’expert exclut en raison de « la majoration de symptômes non homogènes ». Par ailleurs, alors même que le Dr J______ a retenu des diagnostics psychiques, il se contente d’affirmer qu’il n’y a jamais eu d’incapacité de travail au plan psychique, ce qui n’est ici aussi pas suffisamment motivé. Il était indispensable qu’il explique, ou à tout le moins qu’il esquisse, les raisons qui lui permettent d’écarter toute incidence de ces troubles sur la capacité de travail du recourant, a fortiori dès lors qu’il s’écarte de l’avis de la psychiatre traitante et des autres médecins. On rappellera ici que le Dr F______ a signalé une problématique de cet ordre, et que le Dr G______ a quant à lui mentionné des troubles de la thymie « évidents ». Certes, ces deux médecins ne sont pas psychiatres. La mention de troubles psychiques dans leurs rapports tend cependant à démontrer que ceux-ci étaient patents, puisque détectables même par un non-spécialiste, ce qui permet de supposer qu’ils revêtaient une certaine intensité. Dans ces circonstances, le rapport du Dr J______ ne permet pas de comprendre comment il a pu écarter toute répercussion passée ou actuelle des atteintes du recourant. Il n’a pas non plus motivé les raisons pour lesquelles il se distancie de l’avis de la Dre D______.

Les indicateurs jurisprudentiels rappelés ci-dessus, sous ch. 9, ne sont en outre pas analysés à satisfaction de droit. Comme on l’a vu, le Dr J______ nie la gravité des atteintes psychiques, sans avoir suffisamment motivé cette conclusion. S’agissant de la cohérence, elle n’est pas examinée en lien avec les répercussions homogènes dans tous les domaines de la vie, notamment les loisirs. Les ressources ne sont guère décrites, le médecin s’étant référé à l’outil mini CIF-App. Cet instrument d’investigation évalue quantitativement la capacité d’assurés atteints de troubles psychiques, pour une liste d’items tels que par exemple l’adaptation à des règles et à des routines, la flexibilité et capacité d’adaptation ou la planification et structuration des tâches (sur ce point, cf. Lignes directrices de qualité des expertises de psychiatrie d’assurance, Société suisse de psychiatrie et psychothérapie, dans leur 3ème éd. du 16 juin 2016, accessibles sur https://www.ai-pro-medico.ch/ fileadmin/documents/f_lignes_directrices_expertises_psychiatriques_assurances_-_2016_06_16_def.pdf). Cela étant, l’expert psychiatre n’a fourni aucune information pour vérifier l’absence de limitations qu’il retient. On rappelle ici qu’il a par ailleurs relaté un manque de flexibilité. Il ne donne pas d’autres indications sur les ressources, alors même que le recourant ne semble pas bénéficier d’un bon étayage social, et que ses capacités intellectuelles seraient limitées selon la Dre D______. Enfin, le Dr J______ ne se prononce pas du tout sur plusieurs des critères pertinents selon la jurisprudence.

Compte tenu des éléments qui précèdent, le volet psychiatrique de l’expertise du 22 avril 2022 ne peut se voir reconnaître une valeur probante.

16.4 S’agissant des critiques du recourant sur l’absence d’un réel consilium, elles sont vaines, dans la mesure où l’expertise contient un chapitre consilium, soit une appréciation globale de synthèse dans le cadre d’une discussion interdisciplinaire (arrêt du Tribunal fédéral 9C_282/2012 du 29 août 2012 consid. 4.1).

16.5 Lorsque le juge constate qu'une expertise est nécessaire, il doit en principe la mettre en œuvre lui-même. Un renvoi à l'administration reste cependant possible lorsqu'il est justifié par l'examen d'un point qui n'a pas du tout été investigué (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4).

Dans le dispositif de l’arrêt du 3 août 2023 rendu par la chambre de céans, la cause a été renvoyée à la SUVA pour instruction complémentaire, soit mettre en œuvre une expertise qu’elle confiera à un spécialiste en psychiatrie et rendre une nouvelle décision au sens des considérants.

Par économie de procédure, il sera renoncé à ordonner à l’OAI une semblable mesure qui ferait double emploi, mais la cause lui sera renvoyée et il lui sera ordonné de coordonner avec la SUVA la mission d’expertise psychiatrique, de telle manière que l’expertise diligentée par la SUVA suite à l’arrêt du 3 août 2023, soit complétée conformément aux conditions fixées sous ch. 9 supra, afin de pouvoir être utilisée par l’OAI et de répondre à la question de l’éventuelle amélioration de l’état de santé, sous l’angle des troubles psychiques et, le cas échéant, la date de début de l’amélioration.

Cela fait, il appartiendra à l’intimé de statuer une nouvelle fois sur le droit aux prestations du recourant.

16.6 Compte tenu du renvoi de la cause, les griefs du recourant quant aux modalités de calcul de la rente et plus particulièrement le taux retenu pour l’abattement, n’ont pas à être examinés à ce stade.

17. Le recours est partiellement admis.

18. Assisté par un mandataire professionnellement qualifié et obtenant partiellement gain de cause, le recourant a droit à des dépens, qui seront fixés à CHF 2'000.- (art. 61 let. g LPGA).

19. Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.      Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule la décision de l’intimé du 15 novembre 2022.

4.        Renvoie la cause à l’intimé pour instruction complémentaire et nouvelle décision au sens des considérants.

5.        Condamne l’intimé à verser au recourant une indemnité de CHF 2'000.- à titre de dépens.

6.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le