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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4284/2022

ATAS/857/2023 du 08.11.2023 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4284/2022 ATAS/857/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 8 novembre 2023

Chambre 4

 

En la cause

A______

 

recourant

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


 

EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né le ______ 1959, marié, père d’un enfant qui n’est plus à charge, suisse, architecte de formation est employé de B______ depuis 1999. Initialement, la société dont il était l’exploitant était enregistrée au nom de son épouse. Dès 2008, suite à sa naturalisation, il en est devenu le directeur et gérant à temps complet. Unique signataire, il a toujours détenu depuis lors l’entier du capital-actions.

B. a. Le 19 mai 2009, il a été victime d’un accident ayant occasionné une fracture du coude gauche et pour lequel il n’a pas eu de séquelles à long terme.

b. Le 23 janvier 2012, il a subi un nouvel accident sur un chantier, provoquant une lésion du ménisque et de la hanche droite. L’évolution s’est avérée défavorable, et l’assuré a dû faire face à des douleurs permanentes à la hanche, exacerbées au port de charges et lors de montées ou descentes des escaliers. La station accroupie et les rotations du bassin étaient également douloureuses. La prise d’antidouleurs, deux à trois fois par semaine lui permettait de dormir.

c. Suite à cet accident, il a repris le travail à 50% dès le 1er février 2012, ne réalisant plus que les tâches légères. Son activité se composait désormais approximativement d’un quart d’administratif qu’il accomplissait sans perte de rendement et de trois quarts de travail technique (carrelage, peinture, travaux de finition). Il avait dû engager une personne à 50% qui le secondait pour toutes les tâches lourdes.

d. Le 7 décembre 2012, l’assuré a déposé une demande de prestations auprès de l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI ou l’intimé).

e. À l’appui de cette demande, le docteur C______, médecin traitant de l’assuré, a adressé un rapport détaillé à l’OAI le 17 décembre 2012. Il a indiqué que la capacité de travail initialement évaluée à 50% suite à l’accident du 23 janvier s’élevait désormais à 75% depuis le 27 août 2012, dans l’activité de l’assuré telle qu’il l’avait lui-même adaptée. Dans l’activité telle qu’exercée au préalable, elle demeurait cependant à 50% en raison de douleurs. Le généraliste traitant relevait encore que son patient ne pouvait plus porter des charges supérieures à 5 kg, ni rester debout plus de quinze minutes.

f. Le 5 mars 2013, l’assuré s’est soumis à une arthroscopie réparatrice de la hanche droite auprès des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : les HUG).

g. Suite à cette intervention, la capacité de travail a été attestée nulle par le médecin traitant, ce jusqu’au 13 août 2013, date à partir de laquelle elle a été évaluée à 25% dans une activité administrative. Une reprise du travail était considérée envisageable ultérieurement moyennant la mise en place d’une prothèse totale de la hanche. Par la suite, du fait de l’augmentation des douleurs, la capacité de travail a à nouveau été considérée nulle dès le 1er novembre 2013.

h. Le 7 janvier 2014, l’assuré s’est fait installer une prothèse totale de hanche et s’est trouvé en incapacité totale de travailler.

i. Le 5 septembre 2014, le Dr C______ a évalué la capacité de travail à 25% à partir du 15 septembre 2014. À terme, il pronostiquait une pleine capacité dans une activité professionnelle sédentaire de bureau et éventuellement de 50% dans une activité manuelle.

j. Au terme de son examen final du 24 novembre 2014, le chirurgien conseil de la SUVA a considéré que la capacité de travail, s’élevant jusqu’alors à 50%, serait entière dans l’activité habituelle dès le 15 décembre 2014. Cette évaluation prenait en compte le fait qu’il y avait actuellement deux personnes au total dans l’entreprise et que l’assuré consacrait 75% de son temps aux tâches techniques et 25% à l’administratif.

k. Le 4 décembre 2014, la SUVA a communiqué à l’assuré qu’elle lui reconnaissait une capacité de travail de 50% dès le 1er décembre 2014 et de 100% dès le 2 janvier 2015

l. Le 26 février 2015, l’assuré a à nouveau chuté, occasionnant une entorse de la cheville droite et une contusion du genou gauche et de la hanche gauche, sans fracture. Les examens pratiqués suite à ce nouvel accident laissent apparaître un début d’arthrose de la hanche et du genou gauches, ainsi qu’un début de bursite.

m. Le Dr C______ a depuis lors maintenu l’assuré en incapacité de travail à 75%. Le 25% de capacité résiduelle autorisée par le médecin traitant concernait le travail administratif dans le cadre de l’activité habituelle.

n. Par avis du 18 septembre 2015, le service médical régional romand de l’assurance-invalidité (ci-après : SMR), se fondant notamment sur l’examen final du chirurgien conseil de la SUVA, a considéré que la capacité de travail de l’assuré était nulle dans une activité essentiellement physique depuis le 23 janvier 2012. Elle était en revanche entière dans une activité respectant les limitations fonctionnelles depuis le mois de décembre 2014. Les limitations fonctionnelles admises étaient : les marches en terrain irrégulier, les déplacements de plus de 35 minutes et les escaliers. L’activité devait pouvoir être effectuée principalement en position assise.

o. Au terme de son examen du 12 octobre 2015, la chirurgienne conseil de la SUVA a estimé que les difficultés rencontrées par l’assuré n’étaient plus la conséquence de l’accident mais devaient plutôt être mises en relation avec le début d’arthrose.

p. La SUVA a ainsi clôturé le cas par décision du 26 novembre 2015, faute de lien de causalité entre les troubles de l’intéressé et l’accident. Cette décision a été confirmée sur opposition le 29 juin 2016 (sous réserve de la prise en charge d’une physiothérapie de maintien durant quelques mois).

q. Le 22 août 2016, l’OAI a mis en œuvre une enquête économique pour activité professionnelle indépendante. Au terme du rapport final établi le 1er septembre 2016, l’enquêtrice retenait pour l’assuré :

-          un préjudice économique total pour 2013 ;

-          un préjudice économique de 11% pour les années 2014 et 2015 sur la base de la moyenne des résultats d’exploitation et la moyenne de ses revenus perçus.

L’invalidité était évaluée sur la base de la méthode ordinaire de comparaison des revenus dans l’activité habituelle. Le revenu moyen sans invalidité était fondé sur l’année 2011. Le revenu d’invalide était pour sa part établi sur les certificats de salaire et les résultats d’exploitation moyens pour chacune des deux périodes considérées (soit 2013 d’une part et 2014-2015 d’autre part).

L’enquête ne prenait pas en compte les conséquences économiques de l’atteinte survenue en février 2015, certains éléments médicaux et économiques n’ayant pas encore été récoltés.

r. Le 9 janvier 2017, le Dr C______ a confirmé que la capacité de travail de son patient demeurait de 25% dans une activité assise. L’assuré ne pouvait demeurer assis ou debout plus d’une heure.

s. Le 26 janvier 2017, le docteur D______, chirurgien orthopédique, a fait état d’une déchirure labrale antéro-supérieur à la hanche gauche ayant nécessité une infiltration corticoïde. Celle-ci avait contribué à améliorer sa qualité de vie et à retrouver le sommeil. Des activités physiques demeuraient cependant impossible du fait des douleurs au niveau de la hanche.

t. Le 12 avril 2017, le SMR a constaté une probable péjoration de la situation depuis la chute de février 2015 sous la forme d’une décompensation arthrosique du membre inférieur gauche suite à une entorse de la cheville droite.

u. Le 31 juillet 2017, l’assuré a été victime d’une entorse à la cheville droite. Du fait de cette nouvelle atteinte, de l’instabilité de la cheville droite depuis le traumatisme de 2015 et du status post-prothèse de la jambe droite, le docteur E______, spécialiste en médecine interne générale et médecine physique et réadaptation, a indiqué le 28 février 2018 que la capacité de travail était nulle dans une activité de terrain, mais entière dans une activité administrative. Dans les faits, l’assuré avait repris une activité administrative à 50% au sein de sa propre entreprise depuis le 30 octobre 2017.

v. Dans son rapport final du 4 septembre 2017, le SMR a retenu que l’activité habituelle n’était plus exigible. En revanche, une activité adaptée l’était à 100%, l’aptitude à la réadaptation existant depuis décembre 2014.

Était considérée comme adaptée, toute activité principalement assise avec possibilité de se lever toutes les 1 heure 30, sans déplacement excédant 30 à 35 minutes, ni marche en terrain irrégulier, ni montée ou descente fréquentes des escaliers et sans port de charge supérieure à 10 kg.

w. Par projet du 3 septembre 2018, l’OAI a indiqué qu’il envisageait d’octroyer à l’assuré une rente entière du 1er juin 2013 au 31 mars 2014.

L’assuré s’était trouvé en incapacité totale de travailler dans son activité habituelle depuis le 23 janvier 2012. Selon le SMR, sa capacité de travail était en revanche entière dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles, ce dès le 1er décembre 2014. Vu le dépôt tardif de la demande, les prestations ne pouvaient être versées qu’à partir du 1er juin 2013. Elles prenaient fin trois mois après l’amélioration de la capacité de gain, soit au 31 mars 2014.

Concernant pour le surplus l’atteinte à la santé de février 2015, elle n’ouvrait pas le droit à une rente, dans la mesure où le complément à l’enquête économique avait permis de constater un préjudice économique à hauteur de seulement 17% pour 2017.

Enfin, concernant l’accident du 31 juillet 2017, ses séquelles avaient entraîné une incapacité de travail inférieure à un an, l’intéressé ayant pu reprendre son activité professionnelle à 25% dès le 28 août 2017, à 50% dès le 30 octobre 2017 et à 75% dès le 15 avril 2018.

x. Le 18 janvier 2019, l’OAI a confirmé les termes de son projet du 3 septembre 2018.

C. a. Le 3 août 2020, l’assuré a été victime d’un nouvel accident. Il a laissé tomber une planche en bois sur ses pieds, provoquant une contusion osseuse des deux côtés. Il a repris le travail à 50% le 1er septembre 2020, tout en continuant à faire face à des douleurs à la conduite, à l’effort, au port de charges et lorsqu’il restait longtemps debout.

b. Le 3 mars 2021, l’assuré a déposé une nouvelle demande de prestations AI.

c. Suite à une augmentation des douleurs au pied gauche, l’assuré s’est trouvé en incapacité totale de travailler du 19 janvier au 22 février 2021, avant de retrouver une capacité de 50%, toujours attestée par le Dr C______.

d. Le 23 juin 2021, la SUVA a décidé de la clôture du cas au 30 juin 2021, les troubles persistant n’ayant plus aucun lien avec l’accident.

e. Dès juillet 2021, c’est ainsi HELVETIA COMPAGNIE SUISSE D’ASSURANCES SA (ci-après : Helvetia) qui est intervenue en tant qu’assurance indemnités journalières en cas de maladie.

f. Par projet de décision du 20 septembre 2021, l’OAI a informé l’assuré de ce qu’il entendait rejeter sa demande de prestations.

Son statut était celui d’une personne se consacrant à temps complet à son activité professionnelle indépendante. À l’issue de l’instruction médicale, les incapacités de travail suivantes étaient reconnues dans l’activité habituelle depuis le début du délai d’attente d’un an :

-          100% du 3 août au 17 août 2020 ;

-          75% du 18 août au 31 août 2020 :

-          50% du 1er septembre 2020 au 18 janvier 2021 ;

-          100% du 19 janvier au 21 février 2021 ;

-          50% du 1er mars au 30 juin 2021 ;

-          0% dès le 1er juillet 2021.

L’OAI constatait pour le surplus que l’assuré avait repris son activité habituelle le 1er juillet 2021 sans interruption depuis lors, de sorte que l’incapacité avait duré moins d’un an et que les conditions d’octroi d’une rente n’étaient pas réunies.

g. Le 7 octobre 2021, l’assuré a fait part de son désaccord avec le projet de décision de l’OAI, relevant que sa capacité de travail n’avait pas augmenté au 1er juillet 2021 mais que dès cette date, l’incapacité partielle était justifiée par une maladie et non plus par un accident.

h. Par rapport du 22 novembre 2021, le Dr C______ a informé l’OAI de ce que l’état de son patient était stable. La station debout était limitée à une heure par jour et le port de charge était impossible. La prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) était quotidienne. Un travail de bureau à 50% était possible.

i. Le 11 avril 2022, l’intéressé s’est soumis, sur invitation d’Helvetia, à un examen auprès du docteur F______, spécialiste en médecine physique et rééducation. Dans son rapport, le Dr F______ a constaté que dans l’activité habituelle comportant 90% de temps sur les chantiers, l’incapacité de travail de 50% depuis le 22 février 2021 était justifiée et définitive. Une aggravation était même envisageable à moyen terme.

Selon le spécialiste, une activité adaptée, soit de type sédentaire-administratif, était exigible à plein temps depuis toujours. Il considérait ainsi que l’assuré pouvait très bien se charger de toute la partie administrative de son entreprise et embaucher du personnel pour le chantier. Le Dr F______ concluait en indiquant qu’il avait contacté le Dr C______ qui partageait en tout point ses conclusions quant à l’évaluation de la capacité de travail.

j. Le 23 mai 2022, le SMR a retenu qu’au vu notamment de l’expertise du Dr F______, des antécédents orthopédiques et du nouveau traumatisme du 3 août 2020, la capacité de travail était nulle sous l’angle de l’assurance-invalidité et une reprise n’était pas exigible. En revanche, la capacité pour une activité de type sédentaire et administratif était entière depuis le 22 février 2021.

k. Un rapport d’enquête économique établi le 22 novembre 2022 a conclu à l’absence de perte de revenu du fait des différentes atteintes à la santé.

En effet, lors de la première enquête économique de 2016, le revenu moyen sans invalidité avait été évalué sur la base des revenus de 2011 (salaire de l’assuré et bénéfice de sa société), soit CHF 40'943.-. Par la suite, l’intéressé avait diversifié ses activités professionnelles notamment en gérant et en exploitant une maison d’hôtes (« bed and breakfast », ci-après B&B), en sus de son activité d’administrateur de sa société.

Au vu de cette diversification, les revenus moyens de l’assuré pour les années 2017 à 2019 s’étaient montés à CHF 41'240.-. Ce montant demeurait inférieur aux CHF 68'325.- de revenu d’invalide concrètement réalisé par l’assuré en 2021 dans son activité telle qu’adaptée par lui-même à ses limitations fonctionnelles. Il n’y avait donc pas de perte économique du fait de l’atteinte à la santé.

l. Par décision du 24 novembre 2022, l’OAI a rejeté la demande de l’assuré dans la mesure où, selon l’enquête pour indépendant, il ne rencontrait pas de préjudice économique à l’échéance du délai de carence, soit au 3 août 2021 selon la méthode ordinaire de la comparaison des revenus.

D. a. Le 16 décembre 2022, l’assuré a recouru contre cette décision auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, concluant à son annulation et à l’octroi de prestations d’invalidité. Il contestait le statut d’indépendant auquel l’OAI l’avait assimilé et considérait devoir être pris en compte comme salarié de l’entreprise B______. Il relevait également que c’était à tort qu’il avait été retenu qu’il avait repris son activité habituelle à plein temps depuis le 1er juillet 2021, alors qu’il n’avait repris qu’à 50% comme attesté par son médecin traitant.

b. Le 16 janvier 2023, l’intimé a conclu au rejet du recours. Il était justifié de considérer le recourant comme indépendant au vu de son statut particulier dans l’entreprise B______ dont il était l’unique associé gérant et détenait l’intégralité du capital social. Concernant ensuite le taux d’activité exigible, il était renvoyé à l’expertise du Dr F______.

c. Les parties ont été entendues en audience le 29 mars 2023. Le recourant a expliqué avoir déposé sa nouvelle demande sur les conseils de son médecin, car il n’en pouvait plus physiquement. Son arthrose s’était pratiquement généralisée du dos aux doigts de pied lui causant beaucoup de douleurs, malgré la prise d’antalgiques. Cette situation commençait à lui causer des problèmes psychiques, sans qu’il ne soit pour autant suivi par un psychiatre. Son médecin traitant lui avait prescrit des antidépresseurs qu’il n’avait pas supportés.

Le recourant continuait à travailler autant qu’avant car il n’avait pas le choix. C’était cependant de plus en plus difficile. Il faisait plus de travail administratif et moins de travail physique. À part lui-même, qui œuvrait 5 à 6 heures par jour, sa société employait deux personnes à plein temps, dont son fils. L'arrivée de son fils dans l’entreprise l’avait déchargé du travail physique mais n'avait pas permis un développement de l’activité.

Concernant l’évolution de ses revenus, le recourant a expliqué, de mémoire, qu’en 2012, il gagnait environ CHF 7'000.- ou CHF 8'000.- par mois. En 2020, il avait dû gagner CHF 5'000.- ou CHF 6'000.- par mois et depuis son accident de 2020, entre CHF 3'000.- ou CHF 4'000.- par mois.

Enfin, le recourant a précisé qu’il était disposé à travailler à 100% dans une activité adaptée, mais qu’il concevait difficilement qu’une telle activité puisse exister vu son âge et ses problèmes de hanche et d'arthrose.

d. Le 4 avril 2023, l’intimé a persisté dans ses conclusions. Les données comptables de l’entreprise du recourant permettaient de distinguer la part du revenu résultant exclusivement de la prestation personnelle de travail de ce dernier de celle qu’il fallait attribuer à des facteurs étrangers à l’invalidité et constituaient donc une base valable pour évaluer son incapacité de gain. Au vu de la bonne lisibilité des résultats d’exploitation du recourant, c’était à juste titre que l’intimé avait évalué l’invalidité par le biais de la méthode ordinaire de comparaison des revenus.

Dès lors qu’il n’y avait pas de préjudice économique, la question de l’application de la jurisprudence sur l’âge avancé ne s’appliquait pas. En effet, l’intimé n’exigeait pas du recourant qu’il change d’activité et relevait qu’il avait adapté cette dernière spontanément, de sorte qu’il avait réussi à maintenir, voire à améliorer sa capacité de gain. Il ressortait du rapport d’enquête pour activité professionnelle indépendante du 22 novembre 2022 qu’après son accident 2022, il avait opéré un transfert de tâches, qui avait permis à l’entreprise de compenser d’éventuelles répercussions économiques de son atteinte à la santé, étant rappelé que son fils et son ouvrier, rémunérés à l’heure, avaient compensé la partie travaux technique et que l’ouvrier avait augmenté ses heures pendant une période. Le recourant gérait désormais toute la partie des ressources humaines de la société. Il maintenait partiellement son implication dans les travaux techniques, à hauteur de 25% (surveillance, instruction et réunion de chantier), dès lors qu’il était limité pour la part essentiellement physique. L’assuré avait modifié le temps hebdomadaire qu’il prenait avant son atteinte pour les travaux techniques en faveur de tâches de direction et de tâches administratives étendues (ressources humaines, comptabilité, etc.). Il avait en outre diversifié ses activités en y intégrant la gestion et l’administration d’une maison d’hôtes à son domicile, louée par le biais de plateformes internet. Au vu de ces éléments, les résultats de l’entreprise n’étaient pas impactés par les atteintes à la santé du recourant qui avait su adapter son activité habituelle à ses limitations fonctionnelles.

e. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

3.             Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

4.             Est litigieuse, en l’occurrence, la question de savoir si le recourant peut prétendre à une rente d’invalidité.

5.             Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI – RS 831.201 ; RO 2021 706) sont entrées en vigueur.

En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2. et les références).

En l’occurrence, la décision querellée a été rendue postérieurement au 1er janvier 2022. Toutefois, la demande de prestations ayant été déposée le 3 mars 2021 et le délai d’attente d’une année venant à échéance en août 2021, un éventuel droit à une rente d’invalidité naîtrait antérieurement au 1er janvier 2022 (cf. art. 28 al. 1 let. b et 29 al. 1 LAI), de sorte que les dispositions applicables seront citées dans leur teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021.

6.              

6.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

6.2 Pour évaluer celui-ci, il existe principalement trois méthodes - la méthode générale de comparaison des revenus, la méthode spécifique et la méthode mixte - dont l'application dépend du statut du bénéficiaire potentiel de la rente : assuré exerçant une activité lucrative à temps complet, assuré sans activité lucrative, assuré exerçant une activité lucrative à temps partiel (ATF 137 V 334 consid. 3.1). La détermination du taux d'invalidité ne saurait reposer sur la simple évaluation médico-théorique de la capacité de travail de l'assuré car cela revient à déduire de manière abstraite le degré d'invalidité de l'incapacité de travail, sans tenir compte de l'incidence économique de l'atteinte à la santé (ATF 114 V 281 consid. 1c et 310 consid. 3c ; RAMA 1996 n° U 237 p. 36 consid. 3b).

6.3 Chez les assurés actifs, le degré d'invalidité doit être déterminé sur la base d'une comparaison des revenus. Pour cela, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 28a al. 1 LAI en corrélation avec l'art. 16 LPGA). La comparaison des revenus s'effectue, en règle générale, en chiffrant aussi exactement que possible les montants de ces deux revenus et en les confrontant l'un avec l'autre, la différence permettant de calculer le taux d'invalidité (méthode générale de comparaison des revenus ; ATF 128 V 29 consid. 1 ; ATF 104 V 135 consid. 2a et 2b). Pour procéder à la comparaison des revenus, il convient de se placer au moment de la naissance du droit à la rente ; les revenus avec et sans invalidité doivent être déterminés par rapport à un même moment et les modifications de ces revenus susceptibles d'influencer le droit à la rente survenues jusqu'au moment où la décision est rendue doivent être prises en compte (ATF 129 V 222 et ATF 128 V 174).

L'évaluation de l'invalidité s'effectue à l'aune d'un marché équilibré du travail. Cette notion, théorique et abstraite, sert de critère de distinction entre les cas tombant sous le coup de l'assurance-chômage et ceux qui relèvent de l'assurance-accidents. Elle présuppose un équilibre entre l'offre et la demande de main d'oeuvre d'une part et un marché du travail structuré permettant d'offrir un éventail d'emplois diversifiés, tant au regard des sollicitations intellectuelles que physiques d'autre part (ATF 110 V 273 consid. 4b). Le caractère irréaliste des possibilités de travail doit alors découler de l'atteinte à la santé, puisqu'une telle atteinte est indispensable à la reconnaissance de l'invalidité (art. 7 et 8 LPGA), et non de facteurs psychosociaux ou socioculturels qui sont étrangers à la définition juridique de l'invalidité (arrêt du Tribunal fédéral 9C_286/2015 du 12 janvier 2016 consid. 4.2 et les références).

Pour fixer le revenu sans invalidité, il faut établir ce que l'assuré aurait, au degré de la vraisemblance prépondérante, réellement pu obtenir au moment déterminant s'il n'était pas invalide (RAMA 2000 n°U 400 p. 381 consid. 2a). Ce revenu doit être évalué de manière aussi concrète que possible si bien qu'il convient, en règle générale, de se référer au dernier salaire que l'assuré a obtenu avant l'atteinte à sa santé, en tenant compte de l'évolution des salaires (ATF 129 V 222 consid. 4.3.1). Lorsque le dernier salaire obtenu par l'assuré avant la survenance de l'invalidité est nettement plus élevé que les revenus obtenus jusqu'alors, il ne peut servir de référence pour le revenu sans invalidité que s'il est établi, selon la vraisemblance prépondérante, que l'assuré aurait continué à réaliser un tel salaire (arrêt 9C_5/2009 du 16 juillet 2009 consid. 2.3, in SVR 2009 IV n° 58 p. 181).

6.4

6.4.1 Selon la jurisprudence développée en matière AVS qui s’applique également à l’assurance-invalidité, en vertu de l’art. 25 al. 1 RAI, le point de savoir si l’on a affaire dans un cas donné à une activité indépendante ou salariée ne doit pas être tranchée d’après la nature juridique du rapport contractuel entre les parties. Ce qui est déterminant, ce sont les circonstances économiques. Par exemple un assuré qui a la qualité formelle d’employé d’une société à responsabilité limitée mais qui occupe la fonction de directeur et possède la majorité des participations et qui de ce fait joue un rôle prépondérant sur la politique et la marche de l’entreprise doit être considérée comme un indépendant aux fins de l’évaluation de l’invalidité (Michel VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur l'assurance-invalidité, 2018, n. 47 ad art. 28a et références jurisprudentielles citées).

6.4.2 Dans le cas d’un indépendant, le degré d’invalidité ne saurait être déterminé en appliquant la méthode de la comparaison en pour-cent, cette méthode ne prenant pas en considération le fait que la gestion d'une structure commerciale engendre des charges fixes et incompressibles, telles que loyer, mobilier ou assurances, qui sont indépendantes de la variation du degré d'activité. Une diminution du chiffre d'affaires ne se traduit donc pas par une diminution proportionnelle du bénéfice. De telles circonstances nécessitent bien plutôt l'examen concret de la situation de la personne assuré (arrêt du Tribunal fédéral 9C_44/2011 du 1er septembre 2011 consid. 4.2 et 4.3).

Chez une personne de condition indépendante, la comparaison des résultats d'exploitation réalisés dans son entreprise avant et après la survenance de l'invalidité ne permet de tirer des conclusions valables sur la diminution de la capacité de gain due à l'invalidité que dans le cas où l'on peut exclure, au degré de la vraisemblance prépondérante, que les résultats de l'exploitation aient été influencés par des facteurs étrangers à l'invalidité. En effet, les résultats d'exploitation d'une entreprise dépendent souvent de nombreux paramètres difficiles à apprécier, tels que la situation conjoncturelle, la concurrence, l'aide ponctuelle des membres de la famille, des personnes intéressées dans l'entreprise ou des collaborateurs. Généralement, les documents comptables ne permettent pas, en pareils cas, de distinguer la part du revenu qu'il faut attribuer à ces facteurs - étrangers à l'invalidité - et celle qui revient à la propre prestation de travail de l'assuré (arrêts du Tribunal fédéral 9C_826/2017 du 28 mai 2018 consid. 5.2 ; 9C_106/2011 du 14 octobre 2011 consid. 4.3, I 83/97 du 16 octobre 1997 consid. 2c, in VSI 1998 p. 121, et I 432/97 du 30 mars 1998 consid. 4a, in VSI 1998 p. 255). Il convient de distinguer clairement la situation personnelle de la personne assurée, seule déterminante au regard de l'assurance-invalidité, de celle de l'entreprise dont elle est la propriétaire économique (arrêt du Tribunal fédéral 9C_572/2010 du 25 mars 2011, consid. 3.5 in fine).

6.4.3 Si l'on ne peut déterminer ou évaluer sûrement les deux revenus en cause, il faut, en s'inspirant de la méthode spécifique pour personnes sans activité lucrative (art. 28a al. 2 LAI en corrélation avec les art. 27 RAI et 8 al. 3 LPGA), procéder à une comparaison des activités et évaluer le degré d'invalidité d'après l'incidence de la capacité de rendement amoindrie sur la situation économique concrète (procédure extraordinaire d'évaluation de l'invalidité). La différence fondamentale entre la procédure extraordinaire d'évaluation et la méthode spécifique réside dans le fait que l'invalidité n'est pas évaluée directement sur la base d'une comparaison des activités ; on commence par déterminer, au moyen de cette comparaison, quel est l'empêchement provoqué par la maladie ou l'infirmité, après quoi l'on apprécie séparément les effets de cet empêchement sur la capacité de gain. Une certaine diminution de la capacité de rendement fonctionnelle peut certes, dans le cas d'une personne active, entraîner une perte de gain de la même importance, mais n'a pas nécessairement cette conséquence. Si l'on voulait, dans le cas des personnes actives, se fonder exclusivement sur le résultat de la comparaison des activités, on violerait le principe légal selon lequel l'invalidité, pour cette catégorie d'assurés, doit être déterminée d'après l'incapacité de gain (ATF 128 V 29 consid. 1 et les références).

Concrètement, selon cette méthode, il faut tout d’abord effectuer une comparaison des champs d’activités. Il convient d’établir quelles sont les activités que l’assuré pourrait exercer avec et sans atteinte à la santé, et dans quel laps de temps il pourrait les accomplir. Il y a également toujours lieu d’examiner dans quelle mesure il lui serait possible de réduire sa perte de gain, en substituant à certaines des tâches qu’il accomplissait auparavant d’autres tâches, mieux adaptées au handicap dont il souffre. Ensuite, il s’agira de pondérer les activités en appliquant à chaque activité le salaire de référence usuel dans la branche. On peut ainsi déterminer le revenu sans invalidité et le revenu d’invalide et effectuer une comparaison des revenus (Circulaire sur l’invalidité et l’impotence dans l’assurance-invalidité [CIIAI] publiée par l’Office fédéral des assurances sociales dans sa version valable à partir du 1er janvier 2015, ch. 3104-3105).

6.4.4 Il existe dans le domaine des assurances sociales un principe général selon lequel l'assuré doit entreprendre tout ce qui est raisonnablement exigible pour diminuer son dommage (ATF 129 V 460 consid. 4.2). Un invalide doit, avant de requérir des prestations, entreprendre de son propre chef tout ce qu'on peut raisonnablement attendre de lui, pour atténuer le mieux possible les conséquences de son invalidité; c'est pourquoi un assuré n'a pas droit à une rente lorsqu'il serait en mesure, au besoin en changeant de profession, d'obtenir un revenu excluant une invalidité ouvrant droit à une rente. La réadaptation par soi-même est un aspect de l'obligation de diminuer le dommage et prime aussi bien le droit à une rente que celui à des mesures de réadaptation. L'obligation de diminuer le dommage s'applique aux aspects de la vie les plus variés. Toutefois, le point de savoir si une mesure peut être exigée d'un assuré doit être examiné au regard de l'ensemble des circonstances objectives et subjectives du cas concret (ATF 113 V 22 consid. 4a). Par circonstances subjectives, il faut entendre en premier lieu l'importance de la capacité résiduelle de travail ainsi que les facteurs personnels tels que l'âge, la situation professionnelle concrète ou encore l'attachement au lieu de domicile. Parmi les circonstances objectives doivent notamment être pris en compte l'existence d'un marché du travail équilibré et la durée prévisible des rapports de travail (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I.750/04du 5 avril 2006 consid. 5.3).

Dans le cas d'un assuré de condition indépendante, on peut exiger, pour autant que la taille et l'organisation de son entreprise le permettent, qu'il réorganise son emploi du temps au sein de celle-ci en fonction de ses aptitudes résiduelles. Il ne faut toutefois pas perdre de vue que plus la taille de l'entreprise est petite, plus il sera difficile de parvenir à un résultat significatif sur le plan de la capacité de gain. Au regard du rôle secondaire des activités administratives et de direction au sein d'une entreprise artisanale, un transfert de tâches d'exploitation proprement dites vers des tâches de gestion ne permet en principe de compenser que de manière très limitée les répercussions économiques résultant de l'atteinte à la santé (arrêt du Tribunal fédéral 9C_580/2007 du 17 juin 2008 consid. 5.4).

6.5  

6.5.1 Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler (ATF 140 V 193 consid. 3.2 et les références; ATF 125 V 256 consid. 4 et les références). En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3; ATF 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

6.5.2 Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

6.5.3 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

6.5.4 On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 8C_755/2020 du 19 avril 2021 consid. 3.2 et les références).

6.6 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références; cf. ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

7.              

7.1 Dans un premier grief, le recourant conteste le statut d’indépendant retenu par l’intimé et estime devoir être reconnu comme salarié. La chambre de céans relève que si l’intéressé est employé de la société B______, il en est également l’unique associé gérant. Il dispose de la signature individuelle pour l’entreprise dont il détient, selon le registre du commerce, l’intégralité du capital social de CHF 20'000.-. Lors de l’audience du 29 mars 2023, l’assuré a d’ailleurs confirmé diriger la société. Il est ainsi établi qu’il doit être considéré comme un indépendant du point de vue de l’assurance-invalidité quand bien même il est formellement salarié de sa société. C’est ainsi à juste titre que l’intimé a retenu un statut d’indépendant se consacrant à temps complet à son activité.

7.2 Dans un second grief, le recourant fait valoir que l’intimé a retenu de façon incorrecte qu’il avait repris son activité habituelle à 100% dès le 1er juillet 2021 sans interruption depuis lors. Il rappelle qu’il a au contraire toujours été en incapacité de travail à 50% depuis le 1er mars 2021, comme attesté par les arrêts de travail signés par son médecin traitant. La date du 1er juillet 2021 correspondait uniquement au moment à partir duquel l’incapacité n’était plus justifiée par son accident mais par une maladie.

La chambre de céans constate que ce grief semble se rapporter davantage au projet de décision du 20 septembre 2021 qu’à la décision du 24 novembre 2022, cette dernière retenant désormais une capacité de travail de 50% dans l’activité habituelle et de 100% dans une activité adaptée.

Cette appréciation définitive de la capacité de travail n’est par ailleurs pas critiquable, dans la mesure où elle est essentiellement fondée sur l’expertise du Dr F______. Or, celle-ci est convaincante. Elle est claire, bien argumentée, prend en compte l’ensemble des pièces médicales au dossier, ainsi que les plaintes du recourant. Le Dr F______ indique en outre explicitement avoir pris contact avec le Dr C______ qui « partage en tous points les conclusions de l’expert quant à l’évaluation de la capacité de travail de l’assuré ».

Certes, dans ses rapports, le médecin traitant retient une capacité de travail de seulement 50% dans une activité sédentaire administrative. Force est cependant de constater qu’il ne mentionne aucune limitation fonctionnelle ni aucun élément objectif permettant d’expliquer en quoi une telle activité ne serait pas possible à temps complet. Ainsi, dans son rapport du 12 avril 2021, il fait uniquement état des limitations fonctionnelles suivantes : incapacité de porter des charges de plus de 5 kg, station debout limitée, escaliers. Dans celui du 22 novembre 2021, il mentionne la station debout limitée à une heure par jour, l’impossibilité de porter toute charge et la prise quotidienne d’AINS. Or, du strict point de vue médical, ces restrictions n’empêchent pas l’exercice d’une activité administrative sédentaire à plein temps. Le recourant, dont les capacités intellectuelles sont mises en exergue par son médecin traitant au titre de ressources (rapport du 12 avril 2021) ne fait d’ailleurs pas état de limitations dans la conduite des tâches administratives nécessaires à la bonne marche de sa société.

Au vu de ces éléments, la capacité de travail retenue par l’intimé au terme du délai d’attente, soit 50% dans l’activité habituelle essentiellement sur les chantiers et 100% dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles, est fondée.

8.              

8.1 Indépendamment des griefs soulevés par le recourant et qui sont donc écartés, il convient d’examiner si le calcul du préjudice économique est bien conforme au droit. L’intimé y a procédé sur la base d’une enquête pour indépendants, selon la méthode ordinaire de la comparaison des revenus.

8.2 Pour établir le revenu sans invalidité, l’enquête économique a pris en compte le salaire de l’assuré auquel elle a ajouté le bénéfice net réalisé par sa société, vu l’influence déterminante qu’il exerce sur celle-ci.

Le salaire déterminant de l’assuré avant son atteinte à la santé est fondé sur l’extrait du compte individuel, l’enquête partant légitimement du principe que l’on pouvait admettre que la caisse de compensation avait procédé conformément aux prescriptions applicables à la détermination du revenu soumis à cotisations et à son inscription dans le compte individuel.

Concernant le bénéfice net de la société, les enquêteurs l’ont fixé sur la base des pièces comptables et fiscales transmises par le recourant, notamment sur les comptes pertes et profits.

Sur cette base, l’enquête a établi deux revenus sans invalidité distincts, soit :

-          CHF 40'943.- (CHF 40'000.- de revenus et CHF 943.- de bénéfice d’exploitation) pour l’année 2011, soit la dernière année avant la première atteinte à la santé incapacitante.

-          CHF 41'240.- (CHF 34'219.- de revenus et CHF 7'021.- de bénéfice d’exploitation) correspondant à la moyenne sur les années 2017 à 2019, soit les trois années ayant précédé l’atteinte du 3 août 2020 à l’origine de la nouvelle demande de prestations AI.

Bien que largement inférieurs aux chiffres avancés de mémoire par le recourant lors de son audition, ces montants sont convaincants et conformes à l’ensemble des pièces comptables figurant au dossier.

Au final, l’intimé retient comme revenu hypothétique sans invalidité le plus élevé des deux montants précités, soit CHF 41'240.-, correspondant à la moyenne lissée des années 2017 à 2019.

Le choix non motivé d’opter pour la période de référence 2017-2019 plutôt que 2011 semble discutable. Cette question peut cependant demeurer ouverte faute d’incidence sur le résultat final, le revenu hypothétique sans invalidité demeurant dans les deux cas de figure largement inférieur au revenu concret avec invalidité.

8.3 En effet, il ressort des documents comptables produits par le recourant et analysés lors de l’enquête économique que l’intéressé a perçu un salaire soumis à cotisation de CHF 26'466.- pour l’année 2021. Cumulé au bénéfice d’exploitation de sa société pour cette même année, soit CHF 41'859.-, son revenu total pour 2021 s’est élevé à CHF 68'325.-, ce malgré la pandémie de COVID-19.

À teneur des déclarations faites par le recourant dans le cadre de l’enquête économique, ce revenu a été rendu possible par l’adaptation progressive de ses activités, par lui-même, suite aux différentes atteintes à la santé dont il a été victime. Ainsi, l’intéressé a augmenté progressivement son travail administratif, se chargeant notamment lui-même des décomptes TVA et de la comptabilité simple (depuis 2016) ainsi que des ressources humaines (depuis fin 2020). Depuis 2015, il gère également une chambre d’hôtes (B&B) qu’il met à disposition à l’adresse de son domicile et dont la comptabilité est intégrée à celle de son entreprise. Décrite comme aléatoire, cette activité représente en moyenne 10 à 15 heures par semaine et comporte des tâches logistiques, administratives et promotionnelles. Enfin, le recourant continue à prendre part aux travaux techniques mis en œuvre par son entreprise à un taux d’environ 25%. Selon l’enquête économique, cette participation consiste en des tâches de coordination (réunions de chantiers), de surveillance ou encore de suivi de projets et non plus des tâches physiques.

Dans la mesure où ces tâches respectent les limitations fonctionnelles retenues tant par l’expert que par le médecin traitant (travail sédentaire de type administratif, pas de port de charges de plus de 5 kg, station debout limitée à une heure par jour, pas d’escaliers), force est de constater que l’activité désormais déployée par le recourant est adaptée à son état de santé et qu’elle est conséquemment exigible sous l’angle de l’assurance-invalidité.

C’est ainsi à juste titre que l’intimé a pris en compte l’intégralité des revenus en résultant afin d’établir aussi concrètement que possible le revenu avec invalidité.

Les revenus avec et sans invalidité ont donc été établis conformément à la jurisprudence. Le revenu concrètement réalisé par le recourant depuis l’accident du 3 août 2020 est ainsi supérieur, tant à celui de 2011 (année ayant précédé la première atteinte à la santé) qu’à celui des années 2017 à 2019 (prises tant séparément ou sur la base d’une moyenne lissée) et il n’y a ainsi pas de perte de gain sous l’angle de l’assurance invalidité.

8.4 Dans un souci d’exhaustivité, la chambre de céans relève enfin que le recours de l’intimé à la méthode de la comparaison des revenus était bien légitime, le recourant ne faisant état d’aucun facteur étranger à l’invalidité de nature à influencer les résultats de sa société et justifiant donc de s’écarter de la méthode ordinaire de calcul.

9.             Au vu de ce qui précède, le recours est rejeté.

10.         La procédure en matière d’octroi de prestations de l’assurance-invalidité n’étant pas gratuite (art. 69 al. 1bis LAI), le recourant supporte l’émolument de CHF 200.-.


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Met un émolument de CHF 200- à la charge du recourant.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le