Skip to main content

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/4259/2022

ATAS/846/2023 du 02.11.2023 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4259/2022 ATAS/846/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 2 novembre 2023

Chambre 5

En la cause

A______

 

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l'assurée ou la recourante), née en ______ 1988, originaire du Kosovo, naturalisée suisse, mariée, mère de trois enfants, nés respectivement en ______ 2010, en ______ 2014 et en ______ 2015, a travaillé en tant qu'assistante dentaire à plein temps, d'août 2009 à février 2012, avant d'être mère au foyer.

b. Elle a déposé une demande de prestations auprès de l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI ou l’intimé) le 17 juin 2020, en invoquant une incapacité de travail totale depuis 2016.

c. Par avis du 12 janvier 2021, le service médical régional de l'assurance-invalidité (ci-après : le SMR) a, après avoir résumé les pièces médicales, retenu, à titre d'atteinte principale à la santé, un syndrome sec et des tuméfactions sous mandibulaires récidivantes bilatérales depuis 2016 sans maladie auto-immune décelable, avec IgG4 élevés, une asthénie et des polyarthralgies, et à titre d'autres atteintes, des céphalées d'origine mixte d'allure tensionnelles et migraineuses. Le début de l'incapacité de travail durable remontait à avril 2016, date à compter de laquelle la capacité de travail de l'assurée était de 80%, tant dans son activité habituelle de ménagère (femme au foyer) que dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles (asthénie, contractures cervicales et migraines fréquentes).

d. Dans une note du 1er février 2021, l'OAI a retenu le statut de ménagère.

e. Dans une note du 17 mars 2021, l'OAI a mentionné qu'une enquête ménagère n'était pas indiquée, car l'assurée avait une capacité de travail de 80% dans toute activité, y compris ménagère, sans compter l'exigibilité de son conjoint. Il en a tiré la conclusion que son taux d'invalidité serait insuffisant pour l'ouverture du droit à la rente.

B. a. Dans un projet de décision du 19 mars 2021, l'OAI a annoncé à l'assurée qu'il entendait lui nier le droit à une rente et à des mesures d'ordre professionnel.

b. Le 26 mars 2021, l'assurée a contesté ce projet de décision, en demandant à l'OAI qu'il diligente une enquête à domicile.

c. Par avis des 23 juin 2021 et 18 juillet 2022, le SMR s'est prononcé sur les nouveaux rapports médicaux, et a préconisé une expertise rhumato-psychiatrique.

d. Celle-ci a été confiée au Centre d'expertises médicales B______ (ci-après : B______), aux docteurs C______, spécialiste FMH en rhumatologie, et D______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, qui ont examiné l'assurée le 4 octobre 2022, et rendu leur rapport le 20 octobre 2022. Dans leur évaluation consensuelle, ils ont posé les diagnostics non incapacitants de trouble somatoforme douloureux persistant (F45.4) évoluant depuis 2016, générateur d'une détresse psychique qui apparaissait majorée, de personnalité histrionique ancienne (F60.4) associée probablement à des traits borderline, de dysthymie (F34.1) apparue dans les suites d'un épisode dépressif moyen qui s'était chronicisé, de majoration de symptômes physiques pour des raisons psychologiques (F68.0), de syndrome polyalgique diffus, sans explication somatique, ne répondant pas aux critères de syndrome fibromyalgique, et de multiples adénopathies et syndrome sec buccal et oculaire, dont le bilan avait permis d'éliminer une maladie de Sjögren ou une atteinte infectieuse ou métabolique, maladie à IgG4 possible (sur critères cliniques et biologiques, mais histologie négative). La capacité de travail de l'assurée était jugée totale dans l'activité ménagère et dans une activité adaptée, depuis toujours, en dehors de la période d'hospitalisation en juin/juillet 2021.

e. Par avis du 9 novembre 2022, le SMR a fait siennes les conclusions de l'expertise bi-disciplinaire.

f. Par décision du 16 novembre 2022, l'OAI a confirmé son projet de décision.

C. a. Par acte du 14 décembre 2022, l'assurée a déféré cette décision auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci‑après : la chambre de céans), au motif qu'elle était injuste. La recourante a en substance allégué qu'elle ne pouvait pas travailler en raison de ses problèmes de santé physique et psychique.

b. Dans sa réponse du 11 janvier 2023, l'intimé a conclu au rejet du recours, en faisant valoir que la recourante n'apportait aucun élément susceptible de remettre en cause le rapport d'expertise qui revêtait pleine valeur probante.

c. Dans sa réplique du 1er mars 2023, la recourante a sollicité l'audition du docteur E______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie et psychiatre traitant, et a contesté le statut de ménagère, en alléguant qu'elle aurait travaillé à plein temps sans atteinte à la santé, et, enfin, a considéré que l'expertise B______ était « scandaleuse », car empreinte de jugement de valeur.

Elle a produit le rapport du Dr E______ du 26 janvier 2023, dans lequel il se déterminait sur l'expertise psychiatrique.

d. Dans sa duplique du 24 avril 2023, l'intimé s'est rallié à l'avis joint du SMR du 3 avril 2023, et a persisté dans ses conclusions en rejet du recours, en relevant que même dans l'hypothèse où le statut d'active était retenu, cela ne modifierait pas la décision dans son résultat.

e. Dans son écriture datée du 11 juillet 2023, la recourante a fait état d'une aggravation de son état de santé pour laquelle des investigations étaient en cours.

Elle a versé au dossier le rapport du service d'immunologie et d'allergologie des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) du 23 juin 2023.

f. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

g. Les autres faits seront mentionnés, en tant que de besoin, dans la partie « en droit » du présent arrêt.

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

3.             Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours (du 14 décembre 2022 déposé le lendemain) a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

4.              

4.1 Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI ‑ RS 831.201 ; RO 2021 706) sont entrées en vigueur.

En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2. et les références).

4.2 En l’occurrence, la décision querellée (du 16 novembre 2022) a certes été rendue postérieurement au 1er janvier 2022. Toutefois, un éventuel droit à une rente d’invalidité naîtrait au plus tôt en décembre 2020, soit six mois après le dépôt de la demande du 17 juin 2020 (cf. art. 29 al. 1 LAI), de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021.

5.             Le délai de recours est de 30 jours (art. 60 al. 1 LPGA ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

5.1 Bien que l'acte du 14 décembre 2022 ne contienne pas de conclusions expresses, on comprend que l'assurée a formé un recours contre la décision du 16 novembre 2022, et qu'elle souhaite obtenir une rente d'invalidité. Cet acte de recours, rédigé par une justiciable non représentée par un avocat, satisfait aux exigences, peu élevées, de forme et de contenu prescrites par la loi (art. 61 let. b LPGA ; cf. ATAS/292/2022 du 28 mars 2022 consid. 4.1).

5.2 Interjeté par ailleurs dans le délai prévu par la loi, le recours sera déclaré recevable.

6.             Le litige porte sur le droit de la recourante à une rente d'invalidité, singulièrement sur sa capacité de travail.

7.              

7.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

7.2 En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

7.3 Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28 al. 2 LAI).

7.4 Pour les personnes sans activité rémunérée, qui sont aussi couvertes par la LAI, la loi consacre une conception particulière de l'invalidité, qui substitue la capacité d'accomplir les travaux habituels à la capacité de gain ; est déterminant l'empêchement, causé par l'atteinte à la santé, d'accomplir les travaux habituels, comme la tenue du ménage, l'éducation des enfants, les achats, ainsi que toute activité artistique ou d'utilité publique (art. 8 al. 3 LPGA, auquel renvoie l'art. 5 al. 1 LAI ; art. 27 RAI).

7.5 Selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L'atteinte à la santé n'est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l'assuré ou, si une sphère ménagère doit être prise en compte, sur sa capacité d'accomplir les travaux habituels (arrêt du Tribunal fédéral I.654/00 du 9 avril 2001 consid. 1 ; ATAS/750/2019 du 26 août 2019 consid. 7).

8.              

8.1 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté ; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c ; ATF 102 V 165 consid. 3.1 ; VSI 2001 p. 223 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral I.786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

8.2 La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanant d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; ATF 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1 ; ATF 130 V 396 consid. 5.3 et 6).

8.3 Dans l’ATF 141 V 281, le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d'évaluation de la capacité de travail, respectivement de l'incapacité de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d'affections psychosomatiques comparables. Il a notamment abandonné la présomption selon laquelle les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 141 V 281 consid. 3.4 et 3.5) et introduit un nouveau schéma d'évaluation au moyen d'un catalogue d'indicateurs (ATF 141 V 281 consid. 4). Le Tribunal fédéral a ensuite étendu ce nouveau schéma d'évaluation aux autres affections psychiques (ATF 143 V 418 consid. 6 et 7 et les références). Aussi, le caractère invalidant d'atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 143 V 409 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2019 du 17 mars 2020 consid. 3 et les références).

Le Tribunal fédéral a en revanche maintenu, voire renforcé la portée des motifs d'exclusion définis dans l'ATF 131 V 49, aux termes desquels il y a lieu de conclure à l'absence d'une atteinte à la santé ouvrant le droit aux prestations d'assurance, si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'une exagération des symptômes ou d'une constellation semblable, et ce même si les caractéristiques d'un trouble au sens de la classification sont réalisées. Des indices d'une telle exagération apparaissent notamment en cas de discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, de grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psycho-social intact (ATF 141 V 281 consid. 2.2.1 et 2.2.2 ; ATF 132 V 65 consid. 4.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_16/2016 du 14 juin 2016 consid. 3.2).

8.4 L'organe chargé de l'application du droit doit, avant de procéder à l'examen des indicateurs, analyser si les troubles psychiques dûment diagnostiqués conduisent à la constatation d'une atteinte à la santé importante et pertinente en droit de l'assurance-invalidité, c'est-à-dire qui résiste aux motifs dits d'exclusion tels qu'une exagération ou d'autres manifestations d'un profit secondaire tiré de la maladie (cf. ATF 141 V 281 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 5.2.2 et la référence).

9.              

9.1 Selon la jurisprudence, en cas de troubles psychiques, la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée, en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs incapacitants et, d'autre part, des potentiels de compensation (ressources) (ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). L'accent doit ainsi être mis sur les ressources qui peuvent compenser le poids de la douleur et favoriser la capacité d'exécuter une tâche ou une action (arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2016 du 19 juillet 2016 consid. 7 et la référence).

9.2 Il y a lieu de se fonder sur une grille d’analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4).

-          Catégorie « Degré de gravité fonctionnel » (ATF 141 V 281 consid. 4.3),

A.    Complexe « Atteinte à la santé » (consid. 4.3.1)

Expression des éléments pertinents pour le diagnostic (consid. 4.3.1.1), succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à cet égard (consid. 4.3.1.2), comorbidités (consid. 4.3.1.3).

B.     Complexe « Personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles ; consid. 4.3.2)

C.     Complexe « Contexte social » (consid. 4.3.3)

-          Catégorie « Cohérence » (aspects du comportement ; consid. 4.4)

Limitation uniforme du niveau d'activité dans tous les domaines comparables de la vie (consid. 4.4.1), poids des souffrances révélé par l'anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation (consid. 4.4.2).

Les indicateurs appartenant à la catégorie « degré de gravité fonctionnel » forment le socle de base pour l’évaluation des troubles psychiques (ATF 141 V 281 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2).

10.          

10.1 Selon la jurisprudence rendue jusque-là à propos des dépressions légères à moyennes, les maladies en question n'étaient considérées comme invalidantes que lorsqu'on pouvait apporter la preuve qu'elles étaient « résistantes à la thérapie » (ATF 140 V 193 consid 3.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_841/2016 du 8 février 2017 consid. 3.1 et 9C_13/2016 du 14 avril 2016 consid. 4.2).

Dans l'ATF 143 V 409 consid. 4.2, le Tribunal fédéral a rappelé que le fait qu'une atteinte à la santé psychique puisse être influencée par un traitement ne suffit pas, à lui seul, pour nier le caractère invalidant de celle-ci ; la question déterminante est en effet celle de savoir si la limitation établie médicalement empêche, d'un point de vue objectif, la personne assurée d'effectuer une prestation de travail. À cet égard, toutes les affections psychiques doivent en principe faire l'objet d'une procédure probatoire structurée au sens de l'ATF 141 V 281 (ATF 143 V 418 consid. 6 et 7 et les références). Ainsi, le caractère invalidant des atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 143 V 409 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_142/2018 du 24 avril 2018 consid. 5.2).

Dans les cas où, au vu du dossier, il est vraisemblable qu'il n'y a qu'un léger trouble dépressif, qui ne peut déjà être considéré comme chronifié et qui n'est pas non plus associé à des comorbidités, aucune procédure de preuve structurée n'est généralement requise (arrêt du Tribunal fédéral 9C_14/2018 du 12 mars 2018 consid 2.1).

Le Tribunal fédéral a récemment rappelé qu’en principe, seul un trouble psychique grave peut avoir un caractère invalidant. Un trouble dépressif de degré léger à moyen, sans interférence notable avec des comorbidités psychiatriques, ne peut généralement pas être défini comme une maladie mentale grave. S'il existe en outre un potentiel thérapeutique significatif, le caractère durable de l'atteinte à la santé est notamment remis en question. Dans ce cas, il doit exister des motifs importants pour que l'on puisse néanmoins conclure à une maladie invalidante. Si, dans une telle constellation, les spécialistes en psychiatrie attestent sans explication concluante (éventuellement ensuite d'une demande) une diminution considérable de la capacité de travail malgré l'absence de trouble psychique grave, l'assurance ou le tribunal sont fondés à nier la portée juridique de l'évaluation médico-psychiatrique de l'impact (ATF 148 V 49 consid. 6.2.2 et les références).

10.2 Selon la jurisprudence, une dysthymie (F34.1) est susceptible d'entraîner une diminution de la capacité de travail lorsqu'elle se présente avec d'autres affections, à l'instar d'un grave trouble de la personnalité. Pour en évaluer les éventuels effets limitatifs, ces atteintes doivent en principe faire l'objet d'une procédure probatoire structurée selon l'ATF 141 V 281 (arrêt du Tribunal fédéral 9C_599/2019 du 24 août 2020 consid. 5.1 et la référence).

10.3 Les principes jurisprudentiels développés en matière de troubles somatoformes douloureux sont également applicables à la fibromyalgie (ATF 132 V 65 consid. 4.1).

11.          

11.1 Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1). La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. Dans le cas des maladies psychiques, les indicateurs sont importants pour évaluer la capacité de travail, qui - en tenant compte des facteurs incapacitants externes d’une part et du potentiel de compensation (ressources) d’autre part -, permettent d’estimer la capacité de travail réellement réalisable (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_286/2020 du 6 août 2020 consid. 4 et la référence).

11.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3). Il faut en outre que le médecin dispose de la formation spécialisée nécessaire et de compétences professionnelles dans le domaine d’investigation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_555/2017 du 22 novembre 2017 consid. 3.1 et les références).

11.3 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

11.3.1 Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

11.3.2 Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI ; ATF 142 V 58 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve ; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5 ; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1).

11.3.3 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

11.3.4 En cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I.514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2008 du 5 mars 2009 consid. 2.2).

12.         Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

13.          

13.1 En l'espèce, l'intimé s'est fondé sur l'avis du SMR du 9 novembre 2022 (dossier intimé, p. 288-289), lui-même basé sur le rapport d'expertise rhumato-psychique du 20 octobre 2022 (p. 201-287), pour nier le droit de la recourante à une rente d'invalidité.

13.2 Sur le plan somatique, l'expert rhumatologue a résumé l'ensemble des documents médicaux disponibles, y compris des imageries (p. 203-212), recueilli les plaintes de la recourante (p. 212), procédé à l'anamnèse (p. 212-214), examiné celle-ci et fait état de ses constatations (p. 216-218), puis livré son appréciation du cas (p. 218-223). Contrairement à ce que prétend la recourante, l'expert a fait mention de son parcours professionnel, après l'obtention de son certificat fédéral de capacité (ci-après : CFC) d'assistante dentaire (p. 214).

L'expert relève que la recourante a présenté un tableau d'adénopathies cervicales bilatérales, hilaires et sous-hilaires bilatérales, diagnostiquées en 2016, pour lesquelles les différentes investigations n'ont pas permis de retrouver un diagnostic formel. Ensuite, était apparu un tableau de polyalgies, sans synovite ou ténosynovite, sans lésion cutanée, avec un bilan biologique et une imagerie par résonance magnétique (IRM) du rachis lombaire et des sacro-iliaques normaux. Les examens d'imagerie (IRM cervicale, lombaire et sacro-iliaques) n'objectivant aucune anomalie, un syndrome douloureux chronique diffus avait été évoqué. Compte tenu d'un syndrome sec essentiellement buccal et oculaire, et d'une notion de sous-maxillite lithiasique, le bilan s'était poursuivi par une biopsie ganglionnaire ne mettant en évidence aucune pathologie spécifique en 2018, par une sialo-IRM, un test de Schirmer, et des anticorps anti-nucléaires. Un syndrome de Sjögren avait finalement été éliminé. Une étiologie métabolique ou infectieuse n'avait pas été retenue non plus (p. 219).

L'expert expliquait que, devant une augmentation des IgG4 et la présence de plasmablastes, la maladie à IgG4 sérique était possible, mais qu'il n'y avait pas de preuve histologique. À l'heure actuelle, celle-ci ne nécessitait pas un traitement spécifique, mais une simple surveillance clinique et biologique. En tout cas, le tableau actuel, atypique, ne justifiait aucune incapacité de travail (p. 219).

En ce qui concernait les douleurs chroniques, diffuses, prédominant dans la région cervicale, lombaire, et à la face postérieure du membre inférieur droit, l'expert excluait le syndrome de fibromyalgie selon les critères établis par l'American College of Rhumatology (ACR) 2010 revus en 2016 (p. 219).

Sur cette base, l'expert posait les diagnostics, non incapacitants, de syndrome polyalgique diffus, sans explication somatique, ne répondant pas aux critères de syndrome fibromyalgique, et de multiples adénopathies et syndrome sec buccal et oculaire, dont le bilan avait permis d'écarter une maladie de Sjögren ou une atteinte infectieuse ou métabolique, maladie à IgG4 possible (sur critères cliniques et biologique, mais histologie négative ; p. 220).

L'expert concluait à une pleine capacité de travail dans toute activité (p. 221-223), tout en soulignant une importante discordance entre l'intensité des douleurs alléguées à 9,5/10 et les données de l'examen clinique qui restaient normales (p. 220).

Le rapport du service d'immunologie et d'allergologie des HUG du 23 juin 2023 relatif à une consultation du 14 juin 2023, produit par la recourante le 10 juillet 2023, ne permet pas de remettre en cause les conclusions sur le plan rhumatologique pour un double motif. D'une part, il ne fait état d'aucune incapacité de travail. D'autre part, il évoque une possible majoration du syndrome sec, postérieure à la date déterminante de la décision litigieuse du 16 novembre 2022 (ATF 121 V 366 consid. 1b), de sorte que la chambre de céans ne peut pas en tenir compte dans le cadre de la présente procédure.

En définitive, aucune pièce médicale ne fait état d'élément clinique ou diagnostique qui n'aurait pas été pris en compte par l'expert rhumatologue et pouvant justifier que l'on s'écarte du point de vue de celui-ci.

13.3 Sur le plan psychiatrique, l'experte psychiatre a également étudié les pièces médicales du dossier (p. 264-273, et 281), tenu compte des plaintes de la recourante (p. 273-274), procédé à l'anamnèse (p. 274-276) et à l'examen clinique de celle-ci (p. 278-280), avant d'exposer son appréciation du cas (p. 281-286). Contrairement à ce que prétend la recourante, l'experte a mentionné le parcours professionnel de celle-ci après l'obtention de son CFC d'assistante dentaire (p. 276).

L'experte a retenu les diagnostics psychiques (non incapacitants) suivants : un trouble somatoforme douloureux persistant (F45.4) évoluant depuis 2016 générateur d'une détresse psychique qui apparaissait majorée, une personnalité histrionique ancienne (F60.4) associée probablement à des traits borderline, une dysthymie (F34.1), apparue dans les suites d'un épisode dépressif moyen qui s'était chronicisé, et une majoration de symptômes physiques pour des raisons psychologiques (F68.0).

Aussi convient-il d'examiner le caractère incapacitant ou pas de ces diagnostics au regard des critères jurisprudentiels (ATF 141 V 281 consid. 4).

13.3.1 S’agissant de la catégorie « degré de gravité fonctionnelle », il est vrai que la recourante a présenté, en raison de ses douleurs, une quête médicale, à la recherche d'explications et de traitements. On peut donc retenir une réelle souffrance de la recourante.

Ceci étant, l'experte a constaté une discordance entre, d'une part, l'intensité des plaintes alléguées et la faiblesse des activités quotidiennes, et d'autre part, les données objectives de l'examen clinique, ce qui relativise la gravité des troubles de la recourante. À cet égard, on relèvera que ce n'est pas parce que l'absence d'explication objective à une symptomatologie douloureuse est une caractéristique d'un trouble somatoforme douloureux qu'il ne peut pas y avoir des signes d'exagération justifiant l'exclusion d'un diagnostic ou de relativiser sa gravité (arrêt du Tribunal fédéral 9C_808/2019 du 18 août 2020 consid. 6.2.3).

Ainsi, au jour de l'expertise, la recourante se plaignait d'une fatigue, d'un dégoût de la vie, de douleurs chroniques, et d'un bruxisme important (p. 274). À l'anamnèse, l'experte relevait encore une tristesse permanente, une perte de plaisir, d'intérêt et de motivation, une fatigue permanente, un trouble de l'estime de soi, un sentiment de culpabilité de ne pas pouvoir s'occuper de ses enfants comme elle devrait, des idées noires scénarisées, des troubles de la concentration avec des oublis fréquents, une perturbation du sommeil, une diminution de l'appétit (avec cependant prise d'environ 10 kg depuis cinq ans), des ruminations anxieuses envahissantes avec un sentiment permanent de stress, et une irritabilité ou impulsivité (p. 274).

L'experte a toutefois observé que la recourante s'était déplacée sans difficultés jusqu'au bureau d'entretien puis était restée assise sans manifester de douleurs ou d'inconfort (p. 278), étant souligné que l'expert rhumatologue était parvenu à cette même constatation (p. 216). L'experte psychiatre a ajouté que le style de l'entretien était assez collaboratif, le comportement de l'expertisée était généralement calme et adapté, sans agitation anxieuse, mouvements anormaux, ou troubles des conduites de type impulsivité et irritabilité (p. 278). La mimique était expressive, avec une tendance à l'hypermimie, le contact visuel étant soutenu et de bonne qualité. Les cours de pensée n'étaient pas perturbés, sans accélération, ralentissement ou discontinuité. Les contenus de pensée étaient qualitativement et quantitativement normaux (sans idées délirantes, pensées magiques, idées de référence, pensées illogiques ou paralogiques). Le discours était fluent et informatif, sans aphasie, jargonophasie ou néologisme. Le registre lexical était suffisamment riche. La dynamique du langage et la prosodie étaient normales (p. 279).

Par ailleurs, l'experte n'avait pas relevé de pleurs, ni de masque facial triste ou mélancolique. L'expertisée apparaissait parfois tendue au bord des larmes, parfois souriante et détendue, raison pour laquelle l'experte retenait une tendance à la labilité émotionnelle, sans hyperthymie, dysphorie, aboulie ou apragmatisme associés. L'expertisée ne présentait pas de troubles de la concentration, d'asthénie physique ou psychique, de ralentissement ou accélération sur le plan psychomoteur, d'hyperesthésie ou hypoesthésie affective, ni de discordance idéo-affective, ni encore de manifestations d'hyperactivité neurovégétative qui auraient pu faire évoquer un trouble anxieux aigu ou une anxiété généralisée, ni d'autres signes évocateurs d'une phobie sociale, d'agoraphobie, de phobies spécifiques, ou de TOC (p. 279).

L'experte n'avait pas non plus retrouvé de troubles des conduites (absence de difficultés de gestion des émotions, des impulsions, absence d'irritabilité ou d'intolérante à la frustration ; p. 279), ni de troubles de la sphère psychotique (p. 280).

Sur le plan cognitif, aucune désorientation temporo-spatiale n'était identifiée, pas plus qu'un trouble de la mémoire ou de la concentration (p. 280). Sur le plan exécutif, aucun trouble significatif de l'élaboration ou de la verbalisation n'était relevé, hormis des difficultés portant sur l'introspection, le jugement et la résolution des problèmes (p. 280).

Sur cette base, l'experte n'a retenu aucune limitation objective d'un point de vue psychiatrique, les limitations relevant de pensées dysfonctionnelles (p. 283), c'est-à-dire qu'elles sont empreintes de subjectivité, tout en reconnaissant une totale incapacité de travail pendant la période d'hospitalisation en juin/juillet 2021 (p. 284-285), motivée par un épisode dépressif avec idéations suicidaires sur conflits familiaux, en particulier avec la belle-famille (p. 281-282).

Dans son rapport du 26 janvier 2023, le psychiatre traitant indique que sa patiente n'a jamais été hospitalisée, mais qu'elle a été suivie au centre ambulatoire de psychiatrie et psychothérapie intégrées (ci-après : CAPPI) du 18 juin au 12 juillet 2021 dans le but de se protéger d'idées suicidaires envahissantes.

Il ressort effectivement du rapport des HUG du 15 juillet 2021 (p. 237-238) que la recourante a bénéficié d'une prise en charge ambulatoire du 18 juin au 12 juillet 2021 au service de psychiatrie adulte (CAPPI) en raison d'un épisode dépressif avec idéation suicidaire active dans un contexte de conflits familiaux. L'évolution clinique avait toutefois été rapidement favorable, la recourante regrettait sa tentative de suicide, et le suivi de crise avait pris fin de manière précoce à la suite de l'annonce de la recourante de vouloir passer plusieurs semaines dans son pays d'origine (p. 238).

Aucune pièce au dossier ne fait mention d'une hospitalisation de la recourante, ce qui témoigne de l'absence de gravité de son affection psychique, y compris de son syndrome douloureux somatoforme persistant.

13.3.2 S’agissant du « succès du traitement et de la réadaptation », la recourante consulte son psychiatre traitant et est compliante au traitement médicamenteux (p. 280). L'experte recommande une prise en charge psychothérapeutique de type TCC, hypnose, remédiation cognitive, et/ou techniques psychocorporelles (p. 283). La recourante n'est donc pas confrontée à un échec de toute thérapie médicalement indiquée.

13.3.3 S’agissant des « comorbidités », comme on l'a exposé plus haut, l'expert rhumatologue ne retient aucune pathologique incapacitante sur le plan somatique.

13.3.4 S’agissant du complexe de « la personnalité », le psychiatre traitant admet une personnalité émotionnellement labile de type borderline (F60.31 ; p. 141) – élément connu de l'experte (p. 275) −, tandis que cette dernière a mis en évidence un trouble de la personnalité histrionique (F60.4), associant une théâtralisation, une hyperexpressivité émotionnelle, et une labilité affective (p. 280).

Comme le relève le SMR (avis du 3 avril 2023), nonobstant son trouble de la personnalité, la recourante a obtenu un CFC – complété par un certificat en implantologie pour assistantes dentaires délivré le 6 décembre 2008 (p. 33) −, a fondé sa famille, et s'occupe de ses enfants qui « vont bien » (p. 273). Elle a travaillé en tant qu'assistante dentaire à plein temps d'août 2009 à février 2012 (p. 9), et repris son activité habituelle à temps partiel en 2017 (p. 51), ainsi que du 15 janvier au 6 avril 2018 (p. 32), activité qu'elle n'a pas maintenue, non pas en raison de son trouble de la personnalité, mais en raison de ses douleurs et d'une importante fatigue, à ses dires (p. 51).

Invitée par l'experte à se décrire par quelques adjectifs, la recourante a affirmé être normalement très joyeuse, très souriante (sans jamais rigoler au fond d'elle), se contentant de peu (p. 275). On peut donc admettre qu'elle a donné une description plutôt positive de sa personnalité.

Autrement dit, le trouble de la personnalité reconnu par les psychiatres n'influence pas de manière négative les capacités de la recourante.

13.3.5 Pour ce qui est du « contexte social », même si la recourante a une relation conflictuelle avec sa belle-famille et qu'elle considère que son époux ne la soutient pas suffisamment (p. 103), elle a déclaré entretenir des relations avec les membres de sa famille uniquement − les parents ainsi que ses deux frères et sa sœur vivent en Suisse (p. 275) − (« la patiente se dit très famille et n'entretient pas de relations amicales en dehors de ses relations familiales » ; p. 108). Elle est en particulier attachée à une cousine qui l'aide (p. 108). Elle a également mentionné qu'elle veut tout bien faire pour ses trois enfants (p. 238). On peut donc retenir que son contexte social, bien que restreint, est susceptible de lui fournir des ressources pour surmonter son atteinte à la santé.

13.3.6 En ce qui concerne la catégorie « cohérence », les symptômes invoqués ne se manifestent pas de la même manière dans toutes les fonctions de la vie quotidienne. En effet, la recourante prépare le petit-déjeuner pour ses enfants, cuisine, contrôle les devoirs de ses enfants (p. 276), conduit, utilise les transports publics, part en vacances au Kosovo deux fois par an, fait les courses et les activités ménagères à son rythme, lit un peu (p. 277), et regarde des séries sur son téléphone (p. 103 et 215). Son hygiène personnelle est en outre conservée (p. 278). Elle maîtrise le français (p. 217), et a rédigé et signé la lettre du 26 mars 2021 (p. 95) par laquelle elle contestait le projet de décision du 19 mars 2021. Elle se défend par ailleurs seule dans le cadre de la présente procédure. Dans ces conditions, il convient de constater que la recourante adopte un comportement incohérent.

Au vu de l'analyse des indicateurs jurisprudentiels, on doit admettre, avec l'experte psychiatre, que les troubles psychiques de la recourante ne sont pas incapacitants, hormis pendant la période de prise en charge ambulatoire au CAPPI du 18 juin au 12 juillet 2021.

13.4 Le rapport du psychiatre traitant du 26 janvier 2023 n'est pas susceptible de mettre en doute les conclusions de l'experte psychiatre.

Certes, aucune échelle de trouble de l'humeur n'est mentionnée dans le rapport d'expertise. Toutefois, comme on l'a dit plus haut, l'experte psychiatre a pris position après avoir apprécié les plaintes décrites par la recourante ainsi que l'anamnèse à la lumière de ses propres constatations cliniques. Ensuite, les symptômes d'une dépression sévère énumérés au point 3.2 du rapport d'expertise, qui ressortent de l'anamnèse systématique, n'ont pas été retrouvés à l'examen clinique (cf. avis du SMR du 3 avril 2023).

Ainsi, le fait que l'experte a indiqué que les plaintes subjectives de la recourante étaient plus significatives que ses propres constatations objectives, l'amenant à retenir que les « plaintes apparaiss[aient] inauthentiques dans leur intensité » ne relève pas d'un jugement de valeur, comme le fait valoir la recourante.

La chambre de céans considère ainsi que le rapport d’expertise bi-disciplinaire revêt une plaine valeur probante.

Enfin, le fait que la recourante ne soit plus en mesure de faire le ménage (mémoire du 14 décembre 2022 p. 1) est une circonstance nouvelle, non pertinente dans le cadre de la présente procédure (cf. ATF 121 V 366 consid. 1b).

Au vu de ce qui précède, l'audition du psychiatre traitant, sollicitée par la recourante, est, par appréciation anticipée des preuves (ATF 122 II 464 consid. 4a), inutile, de sorte que la chambre de céans n’y donnera pas suite.

13.5 Compte tenu des développements qui précèdent, même dans l'hypothèse où l'on retenait pour la recourante le statut de personne active à plein temps (cf. art. 28a al. 1 LAI ; art. 16 LPGA), comme elle le voudrait, cela ne changerait rien à l'issue du litige, puisque la pleine capacité de travail dans toute activité exclut toute perte de gain. Il sera relevé que la demande de prestations du 17 juin 2020 se rapportait aux troubles somatiques uniquement (p. 9-10, 86). La survenance de l'incapacité de travail totale du 18 juin au 12 juillet 2021 en raison des troubles psychiatriques de la recourante, qui a eu pour effet de créer un nouveau cas d'assurance (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_697/2015 du 9 mai 2016 consid. 5), et qui n'a pas duré une année au moins (art. 28 al. 1 let. b LAI a contrario), ne donne pas droit à une rente d'invalidité.

14.         En conséquence, le recours, mal fondé, sera rejeté et la recourante sera condamnée au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES
 :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de la recourante.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le