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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4038/2022

ATAS/833/2023 du 31.10.2023 ( AI ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4038/2022 ATAS/833/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 31 octobre 2023

Chambre 15

 

En la cause

A______
représentée par Me Charlotte PALAZZO

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L’ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______, prénommée B______ jusqu’au 4 mai 2017 (ci-après : l’assurée ou la recourante), née le ______ 1969, mère de trois enfants issus d’une union dissoute par le divorce en avril 2018, a déposé une demande de prestations auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI ou l’intimé) le 28 février 2017 en indiquant qu’elle présentait une dépression et était atteinte de la maladie de Basedow depuis juillet 2015. Après avoir connu une première période d’arrêt de travail du 4 septembre 2015 au 27 septembre 2016, elle présentait à nouveau une incapacité de travail totale depuis le 1er décembre 2016. La dernière activité lucrative, exercée à un taux de 40%, était celle de gérante de l’entreprise individuelle C______ – qui avait pour but l’importation et la distribution de vin et produits fins – jusqu’à sa radiation du registre du commerce le 1er juillet 2016, par suite de cessation de son exploitation. Depuis le 30 avril 2020, elle est domiciliée dans le canton de Vaud.

b. Dans un rapport du 23 avril 2018, le docteur D______, psychiatre, a informé l’OAI que l’état de santé de l’assurée s’était aggravé avec la survenue de symptômes psychotiques (impressions d’étrangeté vis-à-vis d’elle-même et de son identité), la découverte d’hypo-apnées du sommeil, l’aggravation de son anxiété (généralisation de celle-ci avec phobie sociale), la majoration de
sa photosensibilité (liée à la maladie de Basedow) et de ses troubles de la vue. Elle ne pouvait plus conduire en raison de sa difficulté à voir les panneaux de signalisation. Ses troubles de la vue, qui étaient incapacitants, se répercutaient également sur ses facultés à regarder la télévision, lire les journaux et son courrier (sensation de vue floue et parfois diplopie), ce qui engendrait un certain retrait
et isolement. L’épisode dépressif, alors sévère, avec apparition d’une symptomatologie psychotique (F32.20) avait également une répercussion sur sa capacité de travail. Interrogé sur les limitations fonctionnelles, ce médecin a fait mention, sur le plan psychique, d’une incapacité à se concentrer. Elle ne pouvait plus ni lire, ni regarder un film, ni effectuer diverses démarches administratives. Elle était aidée par une assistante sociale de l’Hospice général depuis 2016. En raison de son état dépressif, ses capacités cognitives étaient troublées. La capacité de travail était nulle dans toute activité, même adaptée aux limitations décrites.

c. Dans un rapport du 12 septembre 2018, le docteur E______, médecin généraliste, a indiqué que depuis que le diagnostic d’apnées du sommeil avait été posé (le 22 mars 2018), l’assurée était appareillée et utilisait tous les soirs un support ventilatoire CPAP (Continuous Positive Airway Pressure). Les plaintes concernant l’œil droit (« brûlures ») et les céphalées frontales droites avaient augmenté depuis quelques mois, ce malgré la prise d’antalgiques. Sur le plan psychique, elle avait besoin de s’isoler, si bien qu’elle avait chassé ses enfants de la maison. Les limitations fonctionnelles concernaient la concentration et la mémoire. S’y ajoutait une fatigue psychique et oculaire. Depuis le 1er décembre 2016, sa capacité de travail était nulle dans l’activité habituelle de directrice d’une société d’import-export, et nulle également dans toute autre activité adaptée ; elle ne pouvait pas travailler en raison de ses troubles psychiques pour lesquels elle était suivie par le Dr D______.

d. Par avis du 14 février 2019, le docteur F______, médecin auprès du service médical régional de l’assurance-invalidité (ci-après : SMR), a estimé que l’atteinte à la santé consistait dans un état dépressif récurrent sévère, avec symptômes psychotiques. Les limitations fonctionnelles concernaient une grande fragilité psychologique, une difficulté à gérer le stress, un effondrement des ressources d’adaptation, une difficulté à organiser le temps, à gérer les tâches administratives et les émotions, ainsi qu’une difficulté dans les déplacements. Une incapacité de travail durable devait être admise depuis avril 2016. Depuis lors, la capacité de travail était nulle dans l’activité habituelle. Dans une activité adaptée, la capacité de travail avait été nulle du 1er avril au 2 septembre 2016, entière du 3 septembre 2016 au 26 janvier 2017, nulle du 27 janvier au 31 août 2017, de 50% du 1er au 30 septembre 2017. Elle était redevenue nulle à partir du 1er octobre 2017.

e. Dans une note de travail du 6 mars 2019, un gestionnaire de l’OAI a observé qu’il ressortait à la fois du registre du commerce et des comptes individuels (CI), faisant état de revenus assez constants, que l’assurée avait continué à exercer son activité indépendante jusqu’en juin 2016, contrairement à ce qu’indiquait le SMR. Les revenus correspondaient bien à une activité à temps partiel. Pour déterminer le degré d’invalidité, une enquête ménagère était nécessaire.

f. Le 8 juillet 2019, une telle enquête a été effectuée au domicile de l’assurée. Dans son rapport du 9 juillet 2019, l’enquêtrice a retenu un empêchement pondéré de 34.4%, sans exigibilité, respectivement de 7.2% avec exigibilité jusqu’au 31 décembre 2018. Compte tenu du départ du foyer des deux filles de l’assurée, en novembre 2018, respectivement en janvier 2019, l’aide qui était exigible de
leur part devait être revue à 0% à partir du 1er janvier 2019, de sorte que l’empêchement rencontré dans travaux habituels était de 34.4% depuis lors.

g. Par projet de décision du 12 septembre 2019, l’OAI a octroyé un quart de rente à l’assurée du 1er août 2017 jusqu’au 31 décembre 2018, basé sur un taux d’invalidité de 44%, puis un trois-quarts de rente d’invalidité dès le 1er janvier 2019. Le statut retenu dans sa situation était celui d’une personne exerçant une activité professionnelle à 40% et consacrant la part restante de son temps (60%) à ses travaux habituels. Depuis avril 2016 (début du délai d’attente d’un an), l’incapacité de travail était entière dans son activité habituelle. Dans une activité adaptée, respectant les limitations fonctionnelles, la capacité de travail avait été nulle du 1er avril au 2 septembre 2016, entière du 3 septembre 2016 au 26 janvier 2017, nulle du 27 janvier au 31 août 2017, puis de 50% du 1er au 30 septembre 2017. Depuis le 1er octobre 2017, l’incapacité de travail était à nouveau totale dans toute activité. En procédant à une comparaison des revenus à l’issue du délai d’attente d’un an, la perte économique dans la sphère professionnelle (part de 40%) était de 100% et l’empêchement dans les travaux habituels (part de 60%) de 7.2% jusqu’au 31 décembre 2018. Il en résultait une perte économique de 40% et un empêchement de 4.32% qui, une fois additionnés, correspondaient à un taux d’invalidité de 44% (44.32% arrondi à 44%) jusqu’au 31 décembre 2018. Depuis le 1er janvier 2019, l’empêchement dans les travaux habituels était de 34.4% et la perte économique dans la sphère économique toujours totale. Il en résultait une perte économique de 40% et un empêchement de 20.64% (soit 34.4% x 60%), correspondant à un taux d’invalidité de 61% (soit 60.64% arrondi à 61%). Des mesures professionnelles n’étaient pas indiquées.

h. Par prononcé du 12 septembre 2019, adressé à la Caisse de compensation de l’assurée, l’OAI a indiqué que le degré d’invalidité était de 44% depuis le 1er avril 2017 et de 61% depuis le 1er janvier 2019, pour une durée indéterminée. Compte tenu du dépôt tardif de la demande de prestations, le versement de la rente n’était dû qu’à partir du 1er août 2017.

i. Par décision du 9 décembre 2019, la Caisse interprofessionnelle AVS de la Fédération des entreprises romandes FER CIAM 106.1 (ci-après : la FER CIAM) a informé l’assurée des montants qui lui seraient versés. Au total, les prestations dues d’août 2017 à décembre 2019 s’élevaient à CHF 19’067.-, intérêts moratoires compris. Après imputation d’une retenue de CHF 16’910.- en faveur de l’Hospice général, il subsistait un solde de CHF 2’157.- en faveur de l’assurée.

j. Par décision du 9 janvier 2020, annulant et remplaçant celle du 9 décembre 2019, la FER CIAM a revu à la hausse les montants dus au titre du quart de
rente et de la rente complémentaire pour la fille cadette de l’assurée, ajouté une rente complémentaire pour sa fille aînée (du 1er septembre 2017 au 30 juin 2018) et majoré le trois-quarts de rente dû à compter du 1er janvier 2019. Au total, les prestations dues d’août 2017 à janvier 2020 s’élevaient à CHF 22’697.-. En tenant compte des prestations déjà versées (CHF 20’097.-) et d’une retenue en faveur de l’Hospice général (CHF 1’310.-), le solde qui en résultait (CHF 1’290.-) serait versé à l’assurée au cours des dix prochains jours.

k. Par communications du 14 janvier 2020, l’OAI a informé l’assurée qu’il prenait en charge, à titre de moyens auxiliaires, la mise à disposition de deux fauteuils roulants, le premier étant manuel, le second électrique.

B. a. Le 28 janvier 2020, l’assurée a déposé une demande tendant à la révision de sa rente d’invalidité. Elle a fait valoir que son état de santé s’était aggravé depuis le 14 juillet 2019, date qui correspondait au début du traitement qu’elle suivait à l’Hôpital Beau-Séjour pour un trouble neurologique fonctionnel se traduisant par un handicap physique qui la contraignait à se déplacer en fauteuil roulant. Elle avait besoin d’aide pour prendre son bain, faire les achats et la cuisine et devait se faire accompagner par quelqu’un pour se rendre à ses séances de physiothérapie et de piscine.

b. Le 30 avril 2020, l’assurée a déposé une demande d’allocation pour impotent.

c. Dans un rapport du 19 octobre 2020, rendu à l’issue d’une consultation qui avait eu lieu le jour-même, le Dr E______ a indiqué que les consultations étaient plus espacées (tous les trois à quatre mois) depuis que l’assurée n’habitait
plus dans le canton de Genève et qu’elle était suivie par d’autres spécialistes. Sa patiente se déplaçait avec deux cannes anglaises pour faire quelques mètres et, sur des distances plus longues, en fauteuil électrique, ceci à cause d’un hémisyndrome sensitivomoteur brachio-crural gauche avec plégie et anesthésie tacto-algique, duquel elle n’avait pas récupéré. Elle présentait toujours des lombalgies invalidantes, un faciès dépressif et était polyplaintive. À cause de son orthopathie thyroïdienne, et de sa photophobie, elle ne voyait pas clairement et portait des lunettes teintées. Elle présentait des troubles du sommeil et dormait avec un support ventilatoire CPAP à cause de son syndrome d’apnées du sommeil. Interrogé sur les ressources qui pourraient être utiles à la réinsertion de l’assurée, le Dr E______ a répondu qu’elle était divorcée après avoir entretenu des rapports difficiles avec son ex-mari durant plusieurs années. Elle ne voyait plus ni son fils (qui serait fâché avec elle) ni l’une de ses filles (qui aurait basculé dans l’intégrisme religieux). La capacité de travail était nulle dans toute activité, même adaptée à ses limitations fonctionnelles en raison de ses troubles psychiques (dépression nerveuse et syndrome anxio-dépressif récidivant) et physiques (trouble fonctionnel neurologique de type hémisyndrome sensitivomoteur brachio-crural gauche avec plégie et anesthésie tacto-algique, auquel s’ajoutaient des lombosciatalgies chroniques récidivantes). Le Dr E______ a annexé à son rapport notamment :

-          une « lettre de sortie » du 17 octobre 2019, consécutive à un séjour de l’assurée au Service de neuro-rééducation des Hôpitaux Universitaires de Genève (ci-après : HUG), du 31 juillet au 15 octobre 2019. Selon les docteurs G______ et H______, respectivement médecin adjointe agrégée et médecin interne, l’assurée avait été initialement hospitalisée à l’Hôpital de Beau-Séjour pour des douleurs rétrosternales. Comme elle avait développé de façon concomitante un hémisyndrome gauche fluctuant, d’abord à la jambe, puis progressivement au bras, avec des fourmillements aux deux membres, elle leur avait été adressée pour cette symptomatologie. Le bilan IRM ne montrait pas de lésions aux niveaux cérébral et médullaire. La clinique était fortement évocatrice d’une étiologie fonctionnelle au vu de la fluctuation et de la distractibilité des déficits et de la discordance entre le testing spécifique et le comportement en situation (transferts avec charge sur la jambe). L’évolution neurologique avait été stable durant le séjour, avec, à la sortie, une absence franche d’évolution neurologique au niveau sensitivomoteur. Sur le plan fonctionnel, elle était capable, « dans les tâches », d’effectuer des préhensions de la main gauche, avec une force réduite. Sur le plan de la vie quotidienne, elle restait autonome pour les tâches comme la toilette, l’habillage et l’alimentation. Au cours de l’hospitalisation, elle avait été capable de marcher plusieurs dizaines de mètres avec un déambulateur à quatre roues. De plus, son membre supérieur gauche avait également été mieux intégré et était devenu plus fonctionnel. L’évolution s’était par la suite compliquée en raison de problèmes psycho-sociaux, à savoir une absence de perspective de logement (elle dépendait de l’Hospice général et avait remis son appartement à la régie durant son séjour hospitalier). Ces problèmes avaient constitué un nouveau facteur de crise empêchant une évolution fonctionnelle favorable ;

-          un rapport du 22 janvier 2020 du docteur I______, spécialiste FMH en neurologie, relatant une consultation qui avait eu lieu
la veille. Le status neurologique montrait un hémisyndrome gauche sans hyperréflexie et sans signe de Babinski, avec des troubles sensitifs, le tout prédominant aux membres inférieurs. Les éléments fonctionnels étaient au premier plan, mais il était toujours difficile d’exclure une composante organique initiale sous-jacente, raison pour laquelle, ce médecin avait prévu de recontrôler l’imagerie, « pour une certitude absolue ». Il avait rassuré l’assurée sur le fait que si l’imagerie à venir restait négative, cela voudrait dire qu’elle aurait les ressources pour récupérer de façon complète.

d. Par courriel du 25 novembre 2020, l’assurée a informé l’OAI qu’elle était désormais suivie par le docteur J______, spécialiste FMH en médecine générale, médecine physique et réhabilitation, et le docteur K______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, exerçant tous deux à Lausanne.

e. Dans un rapport du 10 février 2021, le Dr J______ a posé les diagnostics (avec effet sur la capacité de travail) suivants :

-          hémisyndrome sensitivomoteur brachio-crural gauche avec plégie et anesthésie tacto-algique d’origine fonctionnelle (IRM normale) ;

-          hyperréactivité bronchique ;

-          maladie de Basedow ayant conduit à une orbitopathie dysthyroïdienne en 2016 et à une thyroïdectomie totale en 2019 ;

-          syndrome d’apnées du sommeil, appareillé depuis mars 2018 ;

-          état dépressif sévère depuis avril 2016, auquel se sont ajoutés, en 2019, des symptômes psychotiques et un trouble anxio-dépressif.

La capacité de travail était nulle dans toute activité.

f. Dans un rapport du 1er mars 2021, le Dr K______ a retenu les diagnostics de trouble somatoforme avec hémiplégie gauche invalidante (F45.0) et de trouble anxio-dépressif persistant avec syndrome somatique (F34.8). Concernant le premier des deux diagnostics cités, le Dr K______ a précisé que le trouble somatoforme, de conversion, « ne [voulait] pas dire simulation ». Il s’agissait au contraire d’un syndrome neurologique fonctionnel d’origine psychosomatique complexe. La capacité de travail était nulle dans toute activité, même adaptée.

g. Dans un rapport du 6 avril 2021 (intitulé « révision sur demande »), le SMR a estimé à l’examen des rapports des Drs E______, J______ et K______ que l’état de santé de l’assurée ne s’était pas notablement amélioré depuis la dernière décision, et que la capacité de travail était toujours nulle dans toute activité. En plus des limitations fonctionnelles psychiatriques déjà connues, il fallait ajouter
la présence d’un hémisyndrome sensitivomoteur gauche, fluctuant, limitant les déplacements.

h. Le 17 juin 2021, une enquêtrice du Service Évaluations de l’office AI du canton de Vaud (ci-après : OAI-VD) s’est rendue au domicile de l’assurée aux fins d’évaluer son impotence. Dans son rapport du 21 juin 2021, elle a retracé les éléments concernant l’atteinte à la santé figurant au dossier et pris note des limitations fonctionnelles annoncées par l’assurée (perte de sensibilité de la jambe gauche, troubles de la marche et de l’équilibre avec risque de chutes, périmètre
de marche avec moyens auxiliaires limité à de très courtes distances, céphalées quotidiennes en lien avec son syndrome de Basedow, douleur lombaire, lenteur exécutive, fatigabilité, tristesse, labilité émotionnelle). L’assurée vivait seule depuis janvier 2019, et dans un appartement à Lausanne depuis le
1er mai 2019. Elle n’avait pas besoin de l’aide régulière et importante d’autrui pour les actes ordinaires de la vie, à savoir : se vêtir, se lever, manger, faire sa toilette, entretenir des contacts sociaux ou aller aux toilettes, hormis « de manière inhabituelle » (fuites urinaires incontrôlées qu’elle ne sent même pas et qui sont contenues au moyen de protections fermées). Pour se déplacer, elle avait besoin de moyens auxiliaires (fauteuil manuel, déambulateur, cannes anglaises) dans l’appartement. Elle n’arrivait pas à emprunter les escaliers. À l’extérieur, elle se déplaçait uniquement en fauteuil roulant électrique, mais butait régulièrement sur des barrières architecturales (seuils ou autres obstacles).

i. Le 17 juin 2021, l’enquêtrice de l’OAI-VD a également effectué une enquête économique sur le ménage et noté, dans son rapport du 21 juin 2021, que même si l’assurée confirmait, par rapport à la précédente enquête du 8 juillet 2019, qu’en bonne santé, elle aurait continué son activité habituelle, elle n’en soutenait pas moins qu’elle aurait exercé cette activité à un taux supérieur à 40%, voire même à 100%, motif pris qu’elle n’avait plus d’enfants à charge et que dans la mesure où ceux-ci étaient autonomes, elle aurait été libre de travailler plus. Notant également qu’il n’y avait, avant l’atteinte à la santé, pas de projet, même hypothétique, d’augmentation du taux de travail habituel de 40%, l’enquêtrice a estimé qu’il n’y avait aucun élément probant ni récent qui justifierait la prise en charge d’une
part active du statut supérieure à 40%. Pour le surplus, l’enquêtrice a évalué à 36.1% l’empêchement total rencontré dans les travaux habituels, tout en précisant que depuis le 12 juillet 2019 – date d’apparition d’une nouvelle atteinte à la santé (hémisyndrome sensitivomoteur gauche) –, une partie des tâches ménagères lui était difficile, voire impossible du fait de ses limitations fonctionnelles, mais qu’aucune aide exigible de la part d’autres personnes n’avait été retenue puisque l’assurée vivait seule. Cependant, compte tenu de son obligation de réduire le dommage, l’assurée pouvait effectuer diverses tâches ménagères tranquillement, à son rythme, sans notion de stress ou de rendement, au besoin de manière fractionnée, en effectuant des pauses régulières.

j. Par projet de décision du 24 juin 2021, l’OAI a proposé à l’assurée le maintien de son trois-quarts de rente d’invalidité. La perte économique dans la sphère professionnelle (part de 40%) était toujours totale. Quant à l’empêchement dans les travaux habituels (part de 60%), il était de 36.1%. Il en résultait une perte économique de 40% et un empêchement de 21.66%, correspondant à un taux d’invalidité de 62% (soit 61.66% arrondi à 62%).

k. Par décision du 23 août 2021, l’OAI a maintenu le trois-quarts de rente d’invalidité en faveur de l’assurée en réitérant les motifs indiqués dans le projet de décision du 24 juin 2021.

C. a. Le 20 septembre 2021, l’assurée a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice d’un recours contre cette décision, concluant en substance à son annulation. À l’appui de sa position, elle a fait valoir que ses problèmes de santé s’étaient aggravés depuis juin 2019 (hémiplégie gauche), qu’elle faisait face à des difficultés dans sa vie quotidienne pour le ménage, la cuisine, et sa propreté intime (besoin d’aide pour se nettoyer, du fait d’un problème urologique la contraignant à porter des protections). Compte tenu de l’impossibilité d’utiliser sa main gauche (endormissement du bras), elle éprouvait des difficultés pour se préparer à manger. Par ailleurs, en raison des difficultés dues aux escaliers qu’elle trouvait souvent sur son chemin, elle avait besoin d’aide pour se rendre chez le médecin. Pour tous ces « besoins et travaux habituels », elle faisait appel à l’aide de plusieurs personnes – amis ou voisins – qui l’aidaient quand ils le pouvaient. Lorsqu’elle ne pouvait pas compter sur leur aide, elle restait seule plusieurs jours et « se [sentait] très sale ». En effet, elle pouvait certes entrer dans la baignoire « en se glissant sur la planche » mais elle ne pouvait pas en sortir seule faute de pouvoir soulever sa jambe. De plus, elle risquait « toujours de tomber ». Par ailleurs, lors de l’enquête économique sur le ménage du 17 juin 2021, elle avait indiqué à l’enquêtrice que si elle était effectivement capable de mettre seule ses habits dans le lave-linge, elle ne pouvait ni les mettre sur l’étendoir ni les sécher, étant précisé qu’elle ne possédait pas de sèche-linge. Comme elle l’avait indiqué à l’enquêtrice lors de l’enquête ménagère, en raison de ses difficultés à cuisiner, dues au fait qu’elle n’utilisait qu’une seule main, ses repas n’étaient guère équilibrés et constitués principalement de sandwiches et de plats à emporter, qui étaient la source d’autres problèmes de santé (cholestérol, obésité, constipation, etc.).

b. Par courriel du 13 octobre 2021, l’OAI-VD a transmis à l’OAI des informations que la Caisse de compensation 22, sise à Vevey – auprès de laquelle l’assurée avait déposé une demande de prestations complémentaires – s’était procurées notamment sur internet et la page Facebook de l’assurée. Il ressortait en synthèse des documents transmis que le nom de l’assurée avait été trouvé sur la liste des personnes inscrites à un tournoi de golf qui s’était déroulé en septembre 2020, l’assurée faisant équipe avec Monsieur L______, dont elle était aussi la sous-locataire de l’appartement de Lausanne. Depuis novembre 2017, M. L______ n’avait plus ses papiers dans cette localité, mais vivait en Sardaigne. La caisse en a conclu, images Facebook à l’appui, que ce départ de M. L______ n’empêchait pas l’assurée de faire du golf avec ce dernier à travers l’Europe et de « navigue[r] entre la Sardaigne, la Tunisie et la Suisse ».

c. Par réponse du 20 octobre 2021, l’OAI a indiqué que même si les éléments
au dossier l’avaient conduit à considérer, dans la décision attaquée, que l’assurée remplissait toujours les conditions justifiant le maintien d’un trois-quarts de rente d’invalidité, il n’en demeurait pas moins qu’il avait eu connaissance, après le dépôt du recours, de nouveaux éléments que l’OAI-VD lui avait transmis et qui étaient susceptibles de remettre en question l’évaluation de la capacité de travail de l’assurée et ses empêchements dans le ménage. Dans ces conditions, l’OAI n’était pas en mesure de maintenir ses conclusions et estimait que des mesures d’instruction complémentaires étaient indispensables, soit notamment le mise en œuvre d’une expertise comprenant des volets neurologique et psychiatrique.

d. Par écriture du 19 novembre 2021, l’assurée, désormais assistée d’une avocate, a fait savoir en substance que même si elle ne s’opposait pas aux conclusions de l’OAI, elle n’en contestait pas moins les allégations (ou insinuations) de cette autorité qui étaient à la base de la proposition faite à la Chambre des assurances sociales d’annuler la décision du 23 août 2021 et de renvoyer le dossier pour instruction complémentaire. En effet, ce n’était pas parce que l’assurée avait publié (ou republié) des photos sur sa page Facebook que celles-ci avaient été prises au même moment. Les photos, remémorant des jours meilleurs, dataient des années 2012 à 2016 et une vidéo, tournée en Tunisie, avait été réalisée pendant les années où elle vivait là-bas (1999-2003). Bien qu’inscrite, aux côtés de son ami, M. L______, à un tournoi de golf disputé par équipes en septembre 2020 en Italie, elle n’avait pas joué – son état de santé l’en empêchant –, mais suivi le parcours en restant assise dans une voiturette la plupart du temps, en se tenant debout
à deux ou trois reprises avec l’aide de M. L______. Ce dernier avait joué seul. En définitive, les prétendues investigations selon lesquelles l’assurée naviguait entre la Sardaigne, la Tunisie et la Suisse étaient choquantes et dépourvues de tout fondement.

e. Par arrêt ATAS/14/2022 du 18 janvier 2022, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, constatant que l’assurée s’était ralliée aux conclusions de l’OAI, qui correspondaient à celles du recours, a pris acte de l’accord intervenu entre les parties, annulé la décision du 23 août 2021 et renvoyé la cause à l’OAI pour instruction complémentaire et nouvelle décision.

D. a. Par communication du 15 mars 2022, l’OAI a informé l’assurée qu’un examen médical approfondi (neurologique et psychiatrique) était nécessaire et que le choix du centre d’expertises se ferait de manière aléatoire.

b. Le 27 avril 2022, l’OAI a précisé que l’expertise évoquée serait réalisée par
le Centre d’Expertise Médicale (ci-après : CEMed), les médecins en charge de l’expertise étant les docteurs M______, spécialiste FMH en neurologie, et N______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie.

c. Le 2 juin 2022, l’assurée s’est rendue au CEMed et y a été examinée par les experts précités. Dans leur rapport du 29 juin 2022, ils ont diagnostiqué, sur le plan somatique, un hémisyndrome sensitivomoteur gauche sévère, sans substrat somatique et d’origine fonctionnelle, des lombalgies mécaniques, un syndrome des apnées du sommeil (appareillé par CPAP), des douleurs orbitales et une exophtalmie séquellaire dans le cadre d’une maladie de Basedow, avec status post-thyroïdectomie et, sur le plan psychiatrique, un trouble de personnalité émotionnellement labile de type borderline (F60.31), actuellement déstabilisé, entraînant, selon le Dr N______, une incapacité de travail totale dans toute activité. Le Dr M______ a indiqué, pour sa part, que le problème essentiel de santé présenté par l’assurée sur le plan neurologique consistait dans l’hémisyndrome sensitivomoteur gauche sévère, apparu soudainement en 2019 et persistant jusqu’ici malgré l’ensemble des mesures thérapeutiques tentées. Il a expliqué que dans l’activité antérieure de gérante d’une société d’importation, l’incapacité de travail était restée complète depuis l’apparition des troubles en juillet 2019, mais ceci essentiellement pour des raisons psychiques. Il en allait de même d’une activité adaptée de manière optimale au handicap physique de l’assurée (activité sédentaire, en position assise et mono-manuelle [droite]). Même si une telle activité pouvait, d’un point de vue médico-théorique, être exercée à plein temps et sans diminution de rendement, il n’en restait pas moins qu’il était nécessaire d’intégrer à l’appréciation les éléments psychiques du cas. Ceux-ci étaient au premier plan et entraînaient une incapacité de travail complète. Ainsi, la capacité de travail était restée inchangée depuis l’apparition de l’hémisyndrome sensitivomoteur en juillet 2019, y compris dans une activité adaptée au handicap physique.

d. Par avis du 12 juillet 2022, le SMR a estimé à la lecture de l’expertise que les atteintes à la santé incapacitantes étaient constituées du trouble de la personnalité émotionnellement labile de type borderline (F60.31) et de l’hémisyndrome sensitivomoteur gauche sévère, sans substrat somatique (syndrome de conversion) dans le cadre de troubles psychiques. Depuis le 1er octobre 2017, la capacité de travail était nulle dans toute activité, même adaptée aux limitations fonctionnelles qui consistaient en une grande fragilité psychologique, une difficulté à gérer le stress, un effondrement des ressources d’adaptation, une difficulté à organiser le temps, à gérer ses tâches administratives et ses émotions, ainsi qu’une difficulté dans ses déplacements.

e. Par projet de décision du 15 septembre 2022, l’OAI a proposé de maintenir la même rente, compte tenu d’un degré d’invalidité s’élevant désormais à 62%. Au terme de l’instruction médicale, l’OAI considérait que la capacité de travail était nulle dans toute activité. En procédant à une comparaison des revenus, la perte économique dans la sphère professionnelle (part de 40%) était de 100% et l’empêchement dans les travaux habituels (part de 60%) de 36.1% selon l’enquête économique sur le ménage du 17 juin 2021, d’où une perte économique de 40% et un empêchement de 21.66% qui, une fois additionnés, correspondaient à un taux d’invalidité de 62% (61.66% arrondi à 62%).

f. Par courrier du 22 septembre 2022, l’avocate de l’assurée a accusé réception du projet précité et sollicité l’accès au dossier de sa mandante.

g. Par courrier du 26 septembre 2022, l’OAI a donné suite à cette requête (via la communication du mot de passe donnant accès aux données d’un CD envoyé par pli séparé).

h. Le 21 octobre 2022, l’avocate de l’assurée a sollicité une prolongation de délai pour se déterminer sur le projet de décision du 15 septembre 2022.

i. Par courrier du 24 octobre 2022, l’OAI a informé la mandataire de l’assurée que le délai pour faire part de ses observations ne pouvait pas être prolongé.

j. Par décision du 25 octobre 2022, l’OAI a maintenu le trois-quarts de rente d’invalidité en faveur de l’assurée pour les motifs (identiques) à ceux indiqués dans le projet de décision du 15 septembre 2022.

k. Par pli du 25 octobre 2022 à l’OAI, la mandataire s’est dit surprise de ne pas s’être vu accorder de prolongation de délai pour formuler ses observations.

l. Par pli adressé le jour-même, l’OAI lui a fait savoir qu’une telle prolongation était accordée lorsque des « explications pertinentes (par exemple hospitalisation de l’assurée) » étaient avancées, ce qui n’était pas le cas.

E. a. Le 25 novembre 2022, l’assurée a saisi la chambre des assurances sociales de
la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) d’un recours contre la décision du 25 octobre 2022, concluant à son annulation, à l’octroi d’une rente entière depuis le 28 juillet 2019 et, subsidiairement, au renvoi de la cause à l’OAI pour instruction complémentaire dans le sens des considérants et nouvelle décision.

À l’appui de sa position, elle a invoqué une violation de son droit d’être entendue, une mauvaise appréciation de son statut mixte (sous-évaluation de la part consacrée à l’activité professionnelle) et, dans le cadre de l’enquête ménagère du 17 juin 2021, une sous-estimation des empêchements qu’elle rencontrait dans l’accomplissement de ses travaux habituels. Selon un rapport du 8 novembre 2022 du Dr J______, les restrictions sévères auxquelles l’assurée était confrontée dans sa vie quotidienne n’étaient pas de « 30.1% » (NDR : 36.1% selon le rapport d’enquête ménagère du 21 juin 2021), mais de 70%.

b. Par réponse du 20 décembre 2022, l’intimé a conclu au rejet du recours en faisant valoir notamment que l’enquêtrice avait pris connaissance de l’état de santé de la recourante, en particulier de l’hémisyndrome sensitivomoteur gauche. En ce qui concernait le rapport du 8 novembre 2022 du Dr J______, le SMR s’était déterminé à son sujet : selon l’avis du 20 décembre 2022, la docteure O______, médecin du SMR, le Dr J______ n’amenait pas de nouvel élément médical objectif et le rapport d’enquête ménagère apparaissait cohérent avec les limitations fonctionnelles retenues pour l’atteinte de l’assurée.

c. Le 25 janvier 2023, la recourante a répliqué, persisté dans ses conclusions et renvoyé pour l’essentiel aux arguments de son recours.

 

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l’art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ – E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA – RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI – RS 831.20).

Sa compétence ratione materiae pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Conformément à l’art. 58 al. 1 LPGA, le tribunal des assurances compétent est celui du canton de domicile de l’assuré ou d’une autre partie au moment du dépôt du recours.

Selon l’art. 69 al. 1 let. a LAI, en dérogation aux art. 52 et 58 LPGA, les décisions des offices AI cantonaux peuvent directement faire l’objet d’un recours devant le tribunal des assurances du domicile de l’office concerné.

La recourante n’était certes pas domiciliée à Genève au moment du dépôt du recours mais la décision attaquée a été rendue par l’office AI du canton de Genève (dont la compétence, dans le cas particulier, se fonde sur l’art. 55 al. 1, 2ème phrase LAI et l’art. 88 al. 1 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 [RAI – RS 831.201]). Il s’ensuit que la chambre de céans est aussi compétente ratione loci pour connaître du litige.

1.3 La procédure devant la chambre de céans est régie par les dispositions de la LPGA et celles du titre IVA (soit les art. 89B à 89I) de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985 (LPA – E 5 10), complétées par les autres dispositions de la LPA en tant que ses articles précités n’y dérogent pas (art. 89A LPA), les dispositions spécifiques que la LAI contient sur la procédure restant réservées (art. 1 al. 1 LAI ; cf. notamment art. 69 LAI).

Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 LPA). Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 ss LPGA et 62 ss LPA).

2.             Le litige porte sur le point de savoir si à la suite de sa demande de révision du
28 janvier 2020, la recourante peut prétendre à une rente d’invalidité entière.

3.              

3.1 Dans le cadre du développement continu de l’AI, la LAI, le RAI et l’art. 17 LPGA notamment ont été modifiés avec effet au 1er janvier 2022 (modifications des 19 juin 2020 et 3 novembre 2021 ; RO 2021 705 et RO 2021 706).

En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2. et les références).

Dans les cas de révision selon l’art. 17 LPGA, conformément aux principes généraux du droit intertemporel (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1), il convient d’évaluer, selon la situation juridique en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021, si une modification déterminante pour le droit à la rente est intervenue jusqu’à cette date. Si tel est le cas, les dispositions de la LAI et celles du RAI dans leur version valable jusqu’au 31 décembre 2021 sont applicables. Si la modification déterminante est intervenue après cette date, les dispositions de la LAI et du RAI dans leur version en vigueur à partir du 1er janvier 2022 sont applicables. La date de la modification se détermine selon l’art. 88a RAI (arrêts du Tribunal fédéral 8C_55/2023 du 11 juillet 2023 consid. 2.2 ; 8C_644/2022 du 8 février 2023 consid. 2.2.3).

3.2 En l’espèce, la décision attaquée a été rendue après le 1er janvier 2022 mais
le changement des circonstances invoqué à l’appui de la demande de révision (hémisyndrome sensitivomoteur) est survenu en juillet 2019 et avait donc déjà duré trois mois (art. 88a RAI) au moment de l’entrée en vigueur des modifications des 19 juin 2020 et 3 novembre 2021 précitées.

En conséquence, le présent litige doit être tranché à la lumière des dispositions légales en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. En revanche, conformément à la jurisprudence, les nouvelles règles de procédure doivent être appliquées dès leur entrée en vigueur, à défaut de dispositions transitoires contraires en la matière. Toutefois, ce principe de droit intertemporel ne saurait s’appliquer lorsqu’il n’y a pas de continuité entre l’ancien et le nouveau droit et que celui-ci institue des règles de procédure totalement nouvelles (ATF 129 V 113 consid. 2.2).

4.             Par un moyen de nature formelle qu’il convient d’examiner en premier lieu, la recourante se plaint d’une violation de son droit d’être entendu (art. 29 al. 2 de la Constitution suisse du 18 avril 1999 (Cst. – RS 101) à plusieurs égards, tout d’abord pour ne pas s’être vu notifier une copie du rapport d’expertise du CEMed sitôt celui-ci rendu, mais n’en avoir pris connaissance qu’en consultant le dossier quelques jours avant l’échéance du délai fixé pour se déterminer sur le projet décision du 15 septembre 2022. En outre, l’intimé aurait également violé son droit d’être entendu en refusant de lui octroyer la prolongation de délai qu’elle avait requise pour présenter ses observations suite à la notification dudit projet, ce alors même que cet acte mentionnait la possibilité de demander une prolongation de délai « en cas d’impossibilité de transmettre les documents appropriés pour des raisons pertinentes ». Enfin, la recourante précise qu’il existait, en l’espèce, une « raison pertinente » puisque son conseil avait allégué être dans l’attente de documents médicaux et faire face à une surcharge momentanée de travail.

4.1 La jurisprudence a déduit du droit d’être entendu (art. 29 al. 2 Cst.), en particulier, le droit pour le justiciable de s’expliquer avant qu’une décision ne soit prise à son détriment, celui de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision, celui d’avoir accès au dossier, celui de participer à l’administration des preuves, d’en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 135 I 279 consid. 2.3 ; 135 II 286 consid. 5.1 ; 132 V 368 consid. 3.1).

Le droit d’être entendu est une garantie constitutionnelle de caractère formel,
dont la violation doit en principe entraîner l’annulation de la décision attaquée indépendamment des chances de succès du recourant sur le fond. Selon la jurisprudence, la violation du droit d’être entendu – pour autant qu’elle ne soit pas d’une gravité particulière – est réparée lorsque la partie lésée a la possibilité de s’exprimer devant une autorité de recours jouissant d’un plein pouvoir d’examen. Au demeurant, la réparation d’un vice éventuel ne doit avoir lieu que de manière exceptionnelle (ATF 127 V 431 consid. 3d/aa ; 126 V 131 consid. 2b).

4.2 Il est constant que les délais légaux ne peuvent pas être prolongés, mais que les délais fixés par les autorités peuvent l’être (cf. notamment Ueli KIESER, Commentaire LPGA, 4ème éd. 2020, n. 2 et 10 ad art. 40 LPGA et les références cités). C’est d’ailleurs ce que prévoit explicitement l’art. 40 al. 1 et 3 LPGA. Entré en vigueur le 1er janvier 2021, l’art. 57a al. 3 LAI dispose que les parties peuvent faire part de leurs observations concernant le préavis dans un délai de 30 jours. Il s’agit là d’un délai légal (ATF 143 V 71 consid. 4.3.4). Bien qu’ils ne souffrent aucune prolongation, des délais légaux peuvent être restitués en présence d’un empêchement non fautif de l’assuré ou de son mandataire (cf. art. 41 LPGA). D’un point de vue objectif, l’absence de faute est admise si des circonstances très particulières rendent impossible l’accomplissement de l’acte dans le délai imparti, par ex. un événement naturel imprévisible, l’incendie des bureaux du représentant de l’assuré, etc. Il suit de là que le délai dans lequel l’assuré devait procéder initialement est écoulé. D’un point de vue subjectif, l’empêchement non fautif est admis lorsque, pour des motifs indépendants de la volonté de l’assuré ou de son représentant, il leur était impossible d’effectuer l’acte requis dans le délai initial ou d’instruire un tiers dans ce sens. Classiquement, il s’agit par exemple d’une hospitalisation urgente ensuite d’un accident ou d’une maladie grave ou du décès d’un proche (cf. Anne-Sylvie DUPONT, in DUPONT/ MOSER-SZELESS [éd.] Commentaire romand de la LPGA, 2018, n. 4 ss ad art. 41 et les références). Une demande de prolongation d’un délai non prolongeable doit être traitée comme une demande de restitution de délai (cf. Ueli KIESER, op. cit., n. 22 ad art. 40 LPGA et la référence).

4.3 En l’espèce, il sied de constater que ni le fait de n’avoir pas disposé du rapport du 8 novembre 2022 du Dr J______ – produit subséquemment avec le recours – ni les autres motifs invoqués n’empêchaient l’assurée, respectivement son conseil de formuler ses observations dans les 30 jours à compter de la notification du projet de décision. Le fait que l’intimé ait fait savoir, le 24 octobre 2022, qu’il ne donnerait pas suite à la demande de prolongation de délai, et qu’il ait rendu la décision litigieuse le lendemain n’apparaissent pas critiquables sous l’angle du droit d’être entendu. Une violation dans ce cas ne saurait par ailleurs être considérée comme grave au point qu’elle ne pourrait pas être réparée devant la chambre de céans puisque cette dernière bénéficie d’un plein pouvoir d’examen en fait et en droit (cf. ATF 137 V 71 consid. 5.1 ; ATF 134 V 199 consid. 1.2) et administre les preuves nécessaires (art. 61 let. c LGPA).

5.              

5.1 On peut envisager quatre cas dans lesquels un conflit peut surgir entre une situation juridique actuelle et une décision de prestations, assortie d’effets durables, entrée en force formelle : une constatation inexacte des faits (inexactitude initiale sur les faits) peut, à certaines conditions, être corrigée par une révision procédurale conformément à l’art. 53 al. 1 LPGA. Lorsqu’une modification de l’état de fait déterminante sous l’angle du droit à la prestation (inexactitude ultérieure sur les faits) survient après le prononcé d’une décision initiale exempte d’erreur, une adaptation peut, le cas échéant, être effectuée dans le cadre d’une révision de la rente au sens de l’art. 17 al. 1 LPGA. Si la décision est fondée sur une application erronée du droit (application initiale erronée), il y a lieu d’envisager une révocation sous l’angle de la reconsidération (art. 53 al. 2 LPGA). Enfin, il peut arriver qu’une modification des fondements juridiques déterminants intervienne après le prononcé de la décision (ATF 135 V 215
consid. 4.1; ATF 127 V 10 consid. 4b).

5.2 L’art. 17 al. 1 LPGA dispose que si le taux d’invalidité du bénéficiaire de
la rente subit une modification notable, la rente est, d’office ou sur demande, révisée pour l’avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée. Il convient ici de relever que l’entrée en vigueur de l’art. 17 LPGA, le 1er janvier 2003, n’a pas apporté de modification aux principes jurisprudentiels développés sous le régime de l’ancien art. 41 LAI, de sorte que ceux-ci demeurent applicables par analogie (ATF 130 V 343 consid. 3.5).

5.2.1 Tout changement important des circonstances propre à influencer le degré d’invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision selon l’art. 17 LPGA. La rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l’état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important
(ATF 134 V 131 consid. 3 ; ATF 130 V 343 consid. 3.5). Tel est le cas lorsque
la capacité de travail s’améliore grâce à une accoutumance ou à une adaptation
au handicap (ATF 141 V 9 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_622/2015 consid. 4.1). Il n’y a pas matière à révision lorsque les circonstances sont demeurées inchangées et que le motif de la suppression ou de la diminution de la rente réside uniquement dans une nouvelle appréciation du cas (ATF 141 V 9 consid. 2.3 ; ATF 112 V 371 consid. 2b ; ATF 112 V 387 consid. 1b). Un motif de révision au sens de l’art. 17 LPGA doit clairement ressortir du dossier. La réglementation sur la révision ne saurait en effet constituer un fondement juridique à un réexamen sans condition du droit à la rente (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 111/07 du 17 décembre 2007 consid. 3 et les références). Un changement de jurisprudence n’est pas un motif de révision (ATF 129 V 200 consid. 1.2).

5.2.2 Le point de savoir si un changement notable des circonstances s’est produit doit être tranché en comparant les faits tels qu’ils se présentaient au moment de la dernière révision de la rente entrée en force et les circonstances qui régnaient à l’époque de la décision litigieuse. C’est en effet la dernière décision qui repose sur un examen matériel du droit à la rente avec une constatation des faits pertinents, une appréciation des preuves et une comparaison des revenus conformes au droit qui constitue le point de départ temporel pour l’examen d’une modification du degré d’invalidité lors d’une nouvelle révision de la rente (ATF 133 V 108 consid. 5.4 ; ATF 130 V 343 consid. 3.5.2).

6.              

6.1 Est réputée invalidité, l’incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d’une infirmité congénitale, d’une maladie ou d’un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l’ensemble ou d’une partie des possibilités de gain de l’assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d’une atteinte à la santé physique ou mentale et qu’elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2).

6.2 En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s’il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

Pour évaluer le taux d’invalidité, le revenu que l’assuré aurait pu obtenir s’il n’était pas invalide est comparé avec celui qu’il pourrait obtenir en exerçant l’activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28 al. 2 LAI).

Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d’invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l’incapacité fonctionnelle qu’il importe d’évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain (Ulrich MEYER-BLASER, Bundesgesetz über die Invalidenversicherung, 1997, p. 8).

6.3 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l’art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l’art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d’un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l’assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l’assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté ; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c; ATF 102 V 165 consid. 3.1 ; VSI 2001 p. 223 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances
I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanent d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1;
130 V 396 consid. 5.3 et 6).

6.3.1 Dans l’ATF 141 V 281, le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d’évaluation de la capacité de travail, respectivement de l’incapacité
de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d’affections psychosomatiques comparables. Il a notamment abandonné la présomption selon laquelle les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 141 V 281 consid. 3.4 et 3.5) et introduit un nouveau schéma d’évaluation au moyen d’un catalogue d’indicateurs (ATF 141 V 281 consid. 4). Le Tribunal fédéral a
ensuite étendu ce nouveau schéma d’évaluation aux autres affections psychiques
(ATF 143 V 418 consid. 6 et 7). Aussi, le caractère invalidant d’atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d’un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que
le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l’art (ATF 143 V 409 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2019 du 17 mars 2020 consid. 3 et les références).

Le Tribunal fédéral a en revanche maintenu, voire renforcé la portée des motifs d’exclusion définis dans l’ATF 131 V 49, aux termes desquels il y a lieu de conclure à l’absence d’une atteinte à la santé ouvrant le droit aux prestations d’assurance, si les limitations liées à l’exercice d’une activité résultent d’une exagération des symptômes ou d’une constellation semblable, et ce même si les caractéristiques d’un trouble au sens de la classification sont réalisées. Des indices d’une telle exagération apparaissent notamment en cas de discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, l’allégation d’intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l’absence de demande de soins, de grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l’anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l’expert, ainsi que l’allégation de lourds handicaps malgré un environnement psycho-social intact (ATF 141 V 281 consid. 2.2.1 et 2.2.2 ; ATF 132 V 65 consid. 4.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_16/2016 du 14 juin 2016 consid. 3.2).

6.3.2 L’organe chargé de l’application du droit doit, avant de procéder à l’examen des indicateurs, analyser si les troubles psychiques dûment diagnostiqués conduisent à la constatation d’une atteinte à la santé importante et pertinente en droit de l’assurance-invalidité, c’est-à-dire qui résiste aux motifs dits d’exclusion tels qu’une exagération ou d’autres manifestations d’un profit secondaire tiré de la maladie (cf. ATF 141 V 281 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 consid. 5.2.2 et la référence).

6.3.3 Selon la jurisprudence, en cas de troubles psychiques, la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d’une procédure d’établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant d’évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée, en tenant compte, d’une part, des facteurs contraignants extérieurs incapacitants et, d’autre part, des potentiels de compensation (ressources) (ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). L’accent doit ainsi être mis sur les ressources qui peuvent compenser le poids de la douleur et favoriser la capacité d’exécuter une tâche ou une action (arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2016 du 19 juillet 2016 consid. 7 et la référence). 

Il y a lieu de se fonder sur une grille d’analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4).

-          Catégorie « Degré de gravité fonctionnel » (ATF 141 V 281 consid. 4.3)

A.    Complexe « Atteinte à la santé » (consid. 4.3.1)

Expression des éléments pertinents pour le diagnostic (consid. 4.3.1.1), succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à cet égard (consid. 4.3.1.2), comorbidités (consid. 4.3.1.3).

B.     Complexe « Personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles; consid. 4.3.2) 

C.     Complexe « Contexte social » (consid. 4.3.3)

-     Catégorie « Cohérence » (aspects du comportement; consid. 4.4) 

Limitation uniforme du niveau d’activité dans tous les domaines comparables de la vie (consid. 4.4.1), poids des souffrances révélé par l’anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation (consid. 4.4.2).

Les indicateurs appartenant à la catégorie « degré de gravité fonctionnel » forment le socle de base pour l’évaluation des troubles psychiques (ATF 141 V 281 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2).

7.              

7.1 Tant lors de l’examen initial du droit à la rente qu’à l’occasion d’une révision de celle-ci (art. 17 LPGA), il faut examiner sous l’angle des art. 4 et 5 LAI quelle méthode d’évaluation de l’invalidité il convient d’appliquer (art. 28a LAI, en corrélation avec les art. 27 ss RAI). Le choix de l’une des trois méthodes entrant en considération (méthode générale de comparaison des revenus, méthode mixte, méthode spécifique) dépendra du statut du bénéficiaire potentiel de la rente : assuré exerçant une activité lucrative à temps complet, assuré exerçant une activité lucrative à temps partiel, assuré non actif. On décidera que l’assuré appartient à l’une ou l’autre de ces trois catégories en fonction de ce qu’il aurait fait dans les mêmes circonstances si l’atteinte à la santé n’était pas survenue. Lorsque l’assuré accomplit ses travaux habituels, il convient d’examiner, à la lumière de sa situation personnelle, familiale, sociale et professionnelle, si, étant valide il aurait consacré l’essentiel de son activité à son ménage ou s’il aurait exercé une activité lucrative. Pour déterminer le champ d’activité probable de l’assuré, il faut notamment prendre en considération la situation financière du ménage, l’éducation des enfants, l’âge de l’assuré, ses qualifications professionnelles, sa formation ainsi que ses affinités et talents personnels (cf.
ATF 144 I 28 consid. 2.3 ; 137 V 334 consid. 3.2 ; 117 V 194 consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_722/2016 du 17 février 2017 consid. 2.2). Cette évaluation tiendra également compte de la volonté hypothétique de l’assurée, qui comme fait interne ne peut être l’objet d’une administration directe de la preuve et doit être déduite d’indices extérieurs (arrêt du Tribunal fédéral 9C_55/2015 du 11 mai 2015 consid. 2.3 et l’arrêt cité) établis au degré de la vraisemblance prépondérante tel que requis en droit des assurances sociales (ATF 126 V 353 consid. 5b).

7.2 Selon l’art. 27bis RAI en vigueur depuis le 1er janvier 2018, pour les personnes qui exercent une activité lucrative à temps partiel et accomplissent par ailleurs des travaux habituels visés à l’art. 7, al. 2, de la loi, le taux d’invalidité est déterminé par l’addition des taux suivants : a. le taux d’invalidité en lien avec l’activité lucrative; b. le taux d’invalidité en lien avec les travaux habituels (al. 2). Le calcul du taux d’invalidité en lien avec l’activité lucrative est régi par l’art. 16 LPGA, étant entendu que : a. le revenu que l’assuré aurait pu obtenir de l’activité lucrative exercée à temps partiel, s’il n’était pas invalide, est extrapolé pour la même activité lucrative exercée à plein temps ; b. la perte de gain exprimée en pourcentage est pondérée au moyen du taux d’occupation qu’aurait l’assuré s’il n’était pas invalide (al. 3). Pour le calcul du taux d’invalidité en lien avec les travaux habituels, on établit le pourcentage que représentent les limitations dans les travaux habituels par rapport à la situation si l’assuré n’était pas invalide. Ce pourcentage est pondéré au moyen de la différence entre le taux d’occupation visé à l’al. 3, let. b, et une activité lucrative exercée à plein temps (al. 4).

Sous l’empire de l’art. 27bis al. 2 à 4 RAI modifié, le calcul du taux d’invalidité pour la partie concernant l’activité lucrative demeure régi par l’art. 16 LPGA. L’élément nouveau est que le revenu sans invalidité n’est plus déterminé sur la base du revenu correspondant au taux d’occupation de l’assuré, mais est désormais extrapolé pour la même activité lucrative exercée à plein temps. La détermination du revenu d’invalide est, quant à elle, inchangée. La perte de gain exprimée en pourcentage du revenu sans invalidité est ensuite pondérée au moyen du taux d’occupation auquel l’assuré travaillerait s’il n’était pas invalide.

Le taux d’invalidité en lien avec les travaux habituels est, comme c’était le cas auparavant, déterminé au moyen de la méthode de comparaison des types d’activités prévue à l’art. 28a al. 2 LAI. De même que pour les assurés qui accomplissent des travaux habituels à plein temps, l’invalidité est calculée en fonction de l’incapacité de l’assuré à accomplir ses travaux habituels. La limitation ainsi obtenue est pondérée au moyen de la différence entre le taux d’occupation de l’activité lucrative et une activité à plein temps. Le taux d’invalidité total est obtenu en additionnant les deux taux d’invalidité pondérés (cf. Ralph LEUENBERGER, Gisela MAURO, Changements dans la méthode mixte, in Sécurité sociale/CHSS n° 1/2018 p. 45).

7.3 Chez les assurés travaillant dans le ménage, le degré d’invalidité se détermine, en règle générale, au moyen d’une enquête économique sur place, alors que l’incapacité de travail correspond à la diminution – attestée médicalement – du rendement fonctionnel dans l’accomplissement des travaux habituels (ATF 130 V 97).

7.3.1 L’évaluation de l’invalidité des assurés pour la part qu’ils consacrent à leurs travaux habituels nécessite l’établissement d’une liste des activités que la personne assurée exerçait avant la survenance de son invalidité, ou qu’elle exercerait sans elle, qu’il y a lieu de comparer ensuite à l’ensemble des tâches que l’on peut encore raisonnablement exiger d’elle, malgré son invalidité, après d’éventuelles mesures de réadaptation. Pour ce faire, l’administration procède à une enquête sur place et fixe l’ampleur de la limitation dans chaque domaine entrant en considération. En vertu du principe général de l’obligation de diminuer le dommage, l’assuré qui n’accomplit plus que difficilement ou avec un investissement temporel beaucoup plus important certains travaux ménagers en raison de son handicap doit en premier lieu organiser son travail et demander l’aide de ses proches dans une mesure convenable. La jurisprudence pose comme critère que l’aide ne saurait constituer une charge excessive du seul fait qu’elle va au-delà du soutien que l’on peut attendre de manière habituelle sans atteinte à la santé. En ce sens, la reconnaissance d’une atteinte à la santé invalidante n’entre en ligne de compte que dans la mesure où les tâches qui ne peuvent plus être accomplies le sont par des tiers contre rémunération ou par des proches et qu’elles constituent à l’égard de ces derniers un manque à gagner ou une charge disproportionnée (ATF 133 V 504 consid. 4.2 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 9C_191/2021 du 25 novembre 2021 consid. 6.2.2 et les références).

7.3.2 Selon la jurisprudence, une enquête ménagère effectuée au domicile de la personne assurée constitue en règle générale une base appropriée et suffisante pour évaluer les empêchements dans l’accomplissement des travaux habituels. En ce qui concerne la valeur probante d’un tel rapport d’enquête, il est essentiel qu’il ait été élaboré par une personne qualifiée qui a connaissance de la situation locale et spatiale, ainsi que des empêchements et des handicaps résultant des diagnostics médicaux. Il y a par ailleurs lieu de tenir compte des indications de l’assuré et de consigner dans le rapport les éventuelles opinions divergentes des participants. Enfin, le texte du rapport doit apparaître plausible, être motivé et rédigé de manière suffisamment détaillée par rapport aux différentes limitations, de même qu’il doit correspondre aux indications relevées sur place. Si toutes ces conditions sont réunies, le rapport d’enquête a pleine valeur probante. Lorsque le rapport constitue une base fiable de décision dans le sens précité, le juge n’intervient pas dans l’appréciation de l’auteur du rapport, sauf lorsqu’il existe des erreurs d’estimation que l’on peut clairement constater ou des indices laissant apparaître une inexactitude dans les résultats de l’enquête (ATF 140 V 543 consid. 3.2.1 et ATF 129 V 67 consid. 2.3.2 publié in VSI 2003 p. 221 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_625/2017 du 26 mars 2018 consid. 6.2 et arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 733/06 du 16 juillet 2007).

7.3.3 Le facteur déterminant pour évaluer l’invalidité des assurés n’exerçant pas d’activité lucrative consiste dans l’empêchement d’accomplir les travaux habituels, lequel est déterminé compte tenu des circonstances concrètes du cas particulier. C’est pourquoi il n’existe pas de principe selon lequel l’évaluation médicale de la capacité de travail l’emporte d’une manière générale sur les résultats de l’enquête ménagère. Une telle enquête a valeur probante et ce n’est qu’à titre exceptionnel, singulièrement lorsque les déclarations de l’assuré ne concordent pas avec les constatations faites sur le plan médical, qu’il y a lieu de faire procéder par un médecin à une nouvelle estimation des empêchements rencontrés dans les activités habituelles (VSI 2004 p. 136 consid. 5.3 et VSI 2001 p. 158 consid. 3c ; arrêts du Tribunal fédéral des assurances I 308/04 et I 309/04 du 14 janvier 2005).

En présence de troubles d’ordre psychique, et en cas de divergences entre les résultats de l’enquête économique sur le ménage et les constatations d’ordre médical relatives à la capacité d’accomplir les travaux habituels, celles-ci ont, en règle générale, plus de poids que l’enquête à domicile. Une telle priorité de principe est justifiée par le fait qu’il est souvent difficile pour la personne chargée de l’enquête à domicile de reconnaître et d’apprécier l’ampleur de l’atteinte psychique et les empêchements qui en résultent (arrêt du Tribunal fédéral 9C_657/2021 du 22 novembre 2022 consid. 5.1 et la référence).

7.3.4 Pour satisfaire à l’obligation de réduire le dommage (cf. ATF 141 V 642 consid. 4.3.2 ; 140 V 267 consid. 5.2.1 ; 133 V 504 consid. 4.2), une personne qui s’occupe du ménage doit faire ce que l’on peut raisonnablement attendre d’elle afin d’améliorer sa capacité de travail et réduire les effets de l’atteinte à la santé; elle doit en particulier se procurer, dans les limites de ses moyens, l’équipement ou les appareils ménagers appropriés. Si l’atteinte à la santé a pour résultat que certains travaux ne peuvent être accomplis qu’avec peine et nécessitent beaucoup plus de temps, on doit néanmoins attendre de la personne assurée qu’elle répartisse mieux son travail (soit en aménageant des pauses, soit en repoussant les travaux peu urgents) et qu’elle recoure, dans une mesure habituelle, à l’aide des membres de sa famille. La surcharge de travail n’est déterminante pour le calcul de l’invalidité que lorsque la personne assurée ne peut, dans le cadre d’un horaire normal, accomplir tous les travaux du ménage et a par conséquent besoin, dans une mesure importante, de l’aide d’une personne extérieure qu’elle doit rémunérer à ce titre (RCC 1984 p. 143 consid. 5 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 308/04 du 14 janvier 2005 consid. 6.2.1).

8.              

8.1 Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d’autres spécialistes, doivent lui fournir (ATF 125 V 261 consid. 4). La tâche du médecin dans le cadre d’une révision de la rente selon l’art. 17 LPGA consiste avant tout à établir l’existence ou non d’une amélioration de l’état de santé de l’assuré en comparant les faits tels qu’ils se présentaient au moment de la décision initiale avec la situation au moment de son examen (ATF 125 V 369 consid. 2).

8.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (art. 61 let. c LPGA), le juge n’est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu’en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l’affaire sans apprécier l’ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre.

L’élément déterminant pour la valeur probante d’un rapport médical n’est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l’objet d’une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu’il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l’expert soient bien motivées (ATF 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d’apprécier certains types d’expertises ou de rapports médicaux (ATF 125 V 351 consid. 3b).

8.2.1 Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d’observations approfondies et d’investigations complètes, ainsi qu’en pleine connaissance du dossier, et que l’expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu’aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

8.2.2 Un rapport du SMR a pour fonction d’opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu’il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d’une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d’un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI ; ATF 142 V 58 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l’office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5 ; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1).

8.2.3 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l’expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l’unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S’il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l’objectivité ou l’impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a ; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l’éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l’existence d’éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

8.2.4 On ajoutera qu’en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n’est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s’apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu’au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d’expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l’administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu’un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n’en va différemment que si ces médecins traitants font état d’éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l’expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l’expert (arrêt du Tribunal fédéral 8C_755/2020 du 19 avril 2021 consid. 3.2 et les références).

9.              

9.1 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (cf. ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

9.2 Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu’il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu’ils n’auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu’il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu’une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu’il considère que l’état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l’expertise administrative n’a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu’ici, lorsqu’il s’agit de préciser un point de l’expertise ordonnée par l’administration ou de demander un complément à l’expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4 ; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

10.         Pour apprécier, en l’espèce, le bien-fondé d’une éventuelle révision opérée en application de l’art. 17 LPGA, il convient de comparer la situation au moment de la décision du 9 janvier 2020 avec celle prévalant au moment de la décision du 25 octobre 2022.

10.1 On relève, à titre liminaire, que les termes de la comparaison évoquée ont
été soumis sous une forme similaire aux experts (cf. dossier AI, doc. 225, p. 977). Cependant, à la question de savoir si l’état de santé de l’assurée s’était modifié
par rapport à la situation médicale décrite dans le dossier sur lequel se fondait
la décision du 9 janvier 2020, les experts ont répondu : « l’hémisyndrome sensitivomoteur gauche est resté inchangé, toujours sévère, même s’il a été constaté au terme des séjours à Crans-Montana une petite amélioration que l’on n’observe pas actuellement ». Dans le même ordre d’idées, ils ont considéré que la question (qui leur était posée) de savoir à quand remontait la modification de l’état de santé était « sans objet » (dossier AI, doc. 225, p. 978). À la lecture de ces réponses des experts, il apparaît prima facie que ces derniers soient passés à côté du sujet de l’expertise, étant rappelé que les faits pertinents sont ceux sur lesquels se fondait le dernier examen matériel du droit à la rente (cf. ci-dessus : consid. 5.2.2) et qu’en l’occurrence, la situation médicale sur laquelle se fondait la décision du 9 janvier 2020 était celle ressortant des constatations de l’avis du 14 février 2019 du Dr F______, médecin du SMR. Ce praticien concluait que l’atteinte à la santé consistait dans un état dépressif sévère, avec symptômes psychiques (F33.3), entrainant une capacité de travail nulle depuis avril 2016, sans qu’il soit alors question de l’hémisyndrome sensitivomoteur. En effet, bien qu’il soit apparu en juillet 2019, ce diagnostic n’est parvenu à la connaissance de l’intimé qu’après la décision du 9 janvier 2020, dans le cadre de la demande de révision du 28 janvier 2020.

10.2 Ceci étant précisé, il n’en reste pas moins nécessaire d’examiner, ci-après, s’il est possible, sur la base des constatations des experts, de tirer des conclusions sur les modifications induites par ce diagnostic. Ce point sera abordé ci-après dans le cadre de l’examen de la valeur probante du rapport d’expertise du CEMed sur le plan somatique/neurologique (consid. 10.2.1) et psychiatrique (consid. 10.2.2).

10.2.1 Il sied de relever que malgré le caractère seulement en partie pertinent (sous l’angle de la comparaison à effectuer) des réponses reproduites ci-dessus (consid. 10.1), lesquelles reviennent à dire que l’hémisyndrome sensitivomoteur est resté inchangé depuis son apparition, le Dr M______ n’en relate pas moins, dans le cadre de son entretien avec la recourante, la situation avant et après ce diagnostic, dont les répercussions observées sont présentées comme suit dans le cadre de l’examen clinique : « [elle] se déshabille et s’habille de façon complète en utilisant uniquement le membre supérieur droit l’hémicorps gauche paraissant paralysé », qu’elle ne paraît « pas à même de tenir debout sans appui », qu’à l’examen des membres supérieurs, « l’épreuve des bras tendus est sans chute à droite et totalement impossible à gauche » et qu’au testing de la force musculaire, l’ensemble des groupes musculaires est à M5 à droite alors qu’on note une force de M0 à gauche, tout mouvement paraissant impossible ». Suite à ces constatations, l’expert neurologue conclut que « l’examen pratiqué […] permet
de retrouver un hémisyndrome sensitivomoteur gauche facio-brachio-crural apparemment sévère (plus sévère encore que dans les dossiers à disposition),
avec une impossibilité pratiquement complète de mobilisation des membres supérieur et inférieur gauche ». Il précise que ce diagnostic « est résistant à
toutes formes de tentatives de traitement, sans substrat somatique objectivable, et vraisemblablement à mettre en relation avec les éléments psychiques » (« syndrome de conversion lié à une problématique inconsciente secondaire à l’état psychique de l’assurée »). Sur le plan de la capacité de travail, il en résulte que « théoriquement, d’un point de vue strictement neurologique, on pourrait envisager que [l’assurée] puisse reprendre une activité professionnelle adaptée, c’est-à-dire une activité sédentaire, mono-manuelle de la main droite […] se déroulant uniquement en position assise », mais que selon l’expert psychiatre N______, les éléments psychiques (ci-après : consid. 10.2.2) ne permettraient
pas la reprise d’une telle activité, rendant ainsi, d’entente entre les experts, la capacité de travail nulle dans toute activité, même adaptée, depuis l’apparition de l’hémisyndrome sensitivomoteur gauche en juillet 2019 (dossier AI, doc. 225,
pp. 1024-1026, 1032-1038). En ce qui concerne les travaux habituels, les experts estiment également de manière consensuelle que la recourante peut s’alimenter
en utilisant la main droite et en restant en position assise dans son fauteuil roulant, qu’elle peut probablement également nettoyer la cuisine au quotidien. En ce qui concerne l’entretien du logement, seul passer la poussière leur paraît envisageable. La recourante gère ses achats. Ses démarches administratives sont effectuées par Pro Infirmis. S’agissant de la lessive et de l’entretien des vêtements, il semblerait que sa fille s’en chargerait.

10.2.2 D’un point de vue psychique, le Dr N______ explique les raisons qui
le poussent à s’écarter des diagnostics émis précédemment – dont celui de trouble somatoforme (Dr K______) – et à retenir, en lieu et place, un trouble de
la personnalité émotionnellement labile type borderline (F60.31) actuellement déstabilisé. Il ajoute que malgré cette différence d’appréciation diagnostique, il
lui est possible de renvoyer aux précédents avis du SMR pour la capacité de travail et les limitations fonctionnelles qui découlent du trouble de la personnalité précité, si bien que la capacité de travail demeure nulle dans toute activité, même adaptée, depuis le 1er octobre 2017.

La chambre de céans constate que même si l’expert N______ ne s’en tient pas strictement aux standards usuels d’une expertise psychiatrique réalisée selon la procédure probatoire structurée au sens de l’ATF 141 V 281 (ATF 143 V 418) et que ses explications requièrent de la part du lecteur qu’il recherche lui-même dans l’expertise les différents indicateurs jurisprudentiels et en fasse la synthèse lui-même, il ne résulte pas moins de l’inventaire de tous les points pertinents, en particulier des informations qu’il y a lieu de classer sous l’indicateur « atteinte à la santé », que le trouble de la personnalité évoqué limite la recourante de façon importante dans les 13 items d’activités et de participations répertoriés dans la « mini CIF-APP », à savoir, selon l’expert :

-     l’adaptation aux règles et routines,

-     la planification et structuration des tâches,

-     la flexibilité et l’adaptabilité,

-     la mise en pratique des compétences et des connaissances professionnelles,

-     la capacité à porter des jugements et prendre des décisions,

-     les activités spontanées et la proactivité,

-     la capacité d’endurance et de résistance,

-     la capacité d’affirmation de soi,

-     la capacité de contact et de conversation avec des tiers,

-     la capacité d’intégration dans un groupe,

-     la capacité aux relations privilégiées à deux,

-     la capacité à prendre soin de soi et à se prendre en charge,

-     la mobilité et la capacité de déplacement.

L’expert ajoute que même si un traitement psychiatrique et psychothérapeutique n’aurait pas d’effet direct sur la capacité de travail à moyen terme, il existe tout de même une indication à la reprise d’un tel traitement, à la visite d’infirmières psychiatriques à domicile ainsi qu’à la poursuite du traitement antidépresseur qui est au demeurant observé par l’intéressée. S’agissant de l’axe « personnalité », les constatations faites, éclairées notamment par le parcours de l’intéressée (enfance, scolarité, formation, parcours professionnel et famille) et son status psychiatrique conduisent l’expert psychiatre à retenir que les ressources de la recourante sont actuellement hypothéquées par la psychopathologie qu’elle présente : elle est capable de communiquer et garde des capacités relationnelles, mais elle ne parvient pas à respecter un cadre, ne sait ni s’adapter ni s’organiser, est dépourvue de flexibilité psychique et d’endurance, et n’est pas toujours rationnelle. S’agissant de l’axe « contexte social », soit la recherche d’un éventuel retentissement des troubles psychiques sur la vie sociale, l’expert constate que la recourante paraît entourée par quelques amis et une de ses filles, mais que le réseau social semble néanmoins relativement modeste. Enfin, le degré de gravité fonctionnelle de l’atteinte résiste à l’examen sous l’angle de la cohérence : selon le Dr N______, bien que le diagnostic de trouble de la personnalité n’ait pas été discuté antérieurement à l’expertise, les limitations fonctionnelles qui en découlent ont été déjà largement évoquées par le SMR.

10.2.3 Il résulte de ce qui précède que par rapport à l’état de fait sur lequel
se fondait la décision du 9 janvier 2020, la recourante présentait toujours, à la date de la décision litigieuse, une atteinte à la santé psychique totalement incapacitante dans toute activité, même adaptée aux limitations fonctionnelles retenues
par le SMR dans son avis du 14 février 2019, à savoir : une grande fragilité psychologique, une difficulté à gérer le stress, un effondrement des ressources d’adaptation, une difficulté à organiser le temps, à gérer ses tâches administratives et ses émotions, ainsi qu’une difficulté dans ses déplacements. En revanche, sur
le plan neurologique, l’hémisyndrome sensitivomoteur gauche, apparu en juillet 2019, représente une atteinte nouvelle dont les limitations fonctionnelles ne se recoupent qu’en partie avec les limitations fonctionnelles d’ordre psychique (difficulté dans les déplacements) puisque selon l’expert M______, « l’impossibilité pratiquement complète de mobilisation […] et l’atteinte sensitive également sévère » ne concernent pas uniquement le membre inférieur gauche mais aussi le membre supérieur gauche (cf. dossier AI, doc. 225, p. 1034). Bien que cette limitation fonctionnelle supplémentaire en lien avec le bras gauche ne présente, d’un point de vue strictement neurologique, qu’un intérêt théorique sous l’angle de la capacité de travail – qui, selon l’expert M______, serait entière dans une activité sédentaire, en position assise et mono-manuelle (droite) sans les aspects psychiques du cas –, il n’en reste pas moins que celle-ci a des répercussions pratiques sur les travaux habituels (cf. ci-après : consid. 12). Tenant compte des plaintes de la recourante, comportant une anamnèse détaillée, des diagnostics motivés et des conclusions claires et cohérentes dans le sens ainsi précisé, le rapport d’expertise rhumato-psychiatrique du 21 mars 2021 remplit les réquisits permettant de lui reconnaître valeur probante. Tel n’est en revanche pas le cas pour le rapport du SMR du 12 juillet 2022, en tant que celui-ci infère de l’expertise que l’état de santé serait stationnaire depuis le 1er octobre 2017 et
les limitations fonctionnelles celles déjà retenues par le SMR dans son avis du
14 février 2019. Ces déductions ne sont valables que pour les aspects psychiques du cas.

11.         Il reste à examiner le statut de l’intéressée (consid. 11) et, cela fait, son degré d’invalidité (consid. 12).

11.1 En l’occurrence, la recourante a indiqué dans sa première demande, déposée le 28 février 2017, que sa dernière activité lucrative avant l’atteinte à la santé avait été exercée à un taux de 40% en tant que gérante de sa propre entreprise.

Selon les inscriptions figurant au registre informatisé de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), la recourante vivait déjà séparée de son mari à cette époque (depuis le 1er octobre 2013).

Dans le cadre de la procédure de mesures protectrices de l’union conjugale, elle s’était vu accorder une contribution d’entretien de CHF 400.- de la part de son mari ainsi que la garde de P______, sa fille cadette, née le ______ 2000. La garde des deux aînés, R______, né le ______ 1997, et Q______, née le ______ 1998, avait été attribuée au mari. Quant au revenu net tiré de l’activité indépendante de la recourante, il avait été estimé à « au moins » CHF 3’000.- nets mensuels par la Cour de justice (ACJC/372/2015 du 27 mars 2015 consid. 4.6).

Par jugement de divorce n° JTPI/886/2018 du 23 janvier 2018, le Tribunal de première instance (ci-après : TPI) a attribué la garde de P______ à l’ex-mari, réservé un libre et large droit de visite à l’assurée, donné acte à l’ex-mari de son engagement à verser à l’assurée, à titre de contribution d’entretien, la somme mensuelle de CHF 600.- du 1er février au 31 décembre 2018 puis de CHF 750.- jusqu’à ce que la crédirentière ait atteint l’âge légal de la retraite AVS. Le TPI a également donné acte à l’ex-mari de ce qu’il renonçait à réclamer à l’assurée une contribution à l’entretien de P______.

Selon les inscriptions du registre de l’OCPM, les filles de la recourante ont habité avec leur mère jusqu’au 2 novembre 2017 pour P______, respectivement jusqu’au 1er juillet 2018 pour Q______. En revanche, selon le rapport d’enquête ménagère du
9 juillet 2019, Q______ a quitté le domicile de sa mère en novembre 2018 et P______ n’en est partie qu’en janvier 2019. Ce ne serait qu’à partir de ce moment que la recourante aurait vécu seule.

Dans une « note statut » et une note de travail du 6 mars 2019 (cf. dossier AI,
doc. 68-69), un gestionnaire de l’intimé a relevé que la recourante, séparée et mère de trois enfants âgés de 22, 21 et 19 ans, avait déclaré, travailler à 40%
en tant qu’indépendante dans sa demande de prestations du 28 février 2017.
En consultant les comptes individuels (ci-après : CI), la recourante avait exercé une activité indépendante entre 2010 et juin 2016. Sur cette période, ses revenus avaient été assez constants. Avant d’être à son propre compte, la recourante avait été salariée. Ses CI faisaient alors état d’un revenu annuel de CHF 24’000.-, ce qui correspondait à une activité à temps partiel.

Lors de la première enquête économique sur le ménage, du 8 juillet 2019, la recourante a déclaré à l’enquêtrice que c’était pour des raisons de santé qu’elle avait mis fin à son activité indépendante et que son entreprise avait été radiée du registre du commerce « en juin 2016 » (NDR : 1er juillet 2016). Elle a également confirmé avoir travaillé comme indépendante à 40% depuis 2010, en précisant qu’elle aurait continué à travailler à ce taux si elle avait été en bonne santé, cela lui permettant de concilier vie privée et professionnelle. Selon ses dires, elle gagnait assez pour vivre en important du vin d’Israël et du saumon d’Écosse qu’elle revendait à des clients privés, des restaurants ou des grands magasins comme MANOR. Elle employait parfois des intérimaires lors des fêtes, moments où les commandes étaient plus nombreuses. Son salaire mensuel était compris entre CHF 5’000.- et CHF 6’000.- par mois, mais plus élevé pendant les fêtes juives (CHF 8-10’000.-) et en décembre (CHF 25-30’000.-). Après un incendie survenu dans les locaux de la société en décembre 2013, elle n’avait plus exercé son activité, perdu une partie de sa clientèle privée mais continué à revendre les produits de son entreprise à des restaurants et des grands magasins comme MANOR. Elle avait continué son activité depuis son domicile avant de retrouver un local à Carouge. Ensuite, elle avait peu à peu cessé son activité à partir de
2015 en raison de problèmes ophtalmiques et d’une « grosse fatigue ». Durant la dernière année avant l’atteinte à la santé, en 2016, elle avait bénéficié de l’aide fournie à titre bénévole par son parrain dans la gestion de l’entreprise.

Lors de la seconde enquête économique sur le ménage, du 17 juin 2021, effectuée à Lausanne, la recourante a confirmé qu’en bonne santé, elle aurait continué à exercer son activité habituelle. Cependant, elle a précisé que ça n’aurait pas été à 40% mais à un pourcentage supérieur, « voire même à 100% ». Avant l’incendie, son affaire marchait bien et « elle pensait continuer comme ça ». Selon les explications fournies à l’enquêtrice, il n’y avait pas, avant l’atteinte, de projet, même hypothétique d’augmentation de son taux de travail habituel de 40%. Aussi l’enquêtrice a-t-elle estimé que malgré une nouvelle atteinte survenue le 12 juillet 2019, il n’existait aucun élément probant, ni récent justifiant une prise en compte plus élevée de la part active du statut de l’assurée que son pourcentage de 40%.

Dans le recours interjeté contre la décision litigieuse, confirmant la part active de 40% de son statut, la recourante fait valoir qu’en cas de capacité de travail, son activité professionnelle représenterait « à tout le moins 60% de ses activités », ce pour les raisons suivantes :

-     elle avait effectivement une activité professionnelle avant de se retrouver en incapacité ;

-     son temps de travail était partiel en raison de la charge de ses trois enfants ;

-     ses enfants sont dorénavant complètement indépendants ;

-     elle a confirmé à l’enquêtrice, lors de la seconde enquête économique sur le ménage, que si elle le pouvait, elle travaillerait à plus de 40% ; il n’existerait aucun motif justifiant de ne pas prendre en considération ces déclarations ;

-     elle aurait eu besoin d’un emploi à plus de 40% au vu de sa situation financière.

11.2 La chambre de céans rappelle à titre liminaire que le choix de la méthode d’évaluation de l’invalidité doit être examiné tant lors de l’examen initial du droit à la rente qu’à l’occasion d’une révision de celle-ci (art. 17 LPGA ; cf. ci-dessus : consid. 7.1). Il convient néanmoins de préciser qu’on ne s’écartera de la méthode de calcul initialement appliquée qu’en présence d’une nécessité impérieuse (arrêt du Tribunal fédéral I 419/05 du 2 juin 2006 consid. 3.1 ; Michel VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité, 2018, p. 404, n. 14),
ce qui suppose qu’une modification importante soit intervenue et que celle-ci ressorte de la comparaison des faits tels qu’ils existaient au moment de la décision initiale de rente avec ceux qui prévalaient au moment de la décision litigieuse, prise à l’issue de la procédure de révision (ATF 125 V 369 consid. 2 ; arrêt du tribunal fédéral I 275/00 du 12 juin 2002 consid. 1c et 2).

Ceci étant précisé, la chambre de céans constate que les arguments développés par la recourante ne sont pas pertinents. S’agissant tout d’abord du temps de travail qui aurait été partiel en raison de la charge de ses trois enfants, il sied de souligner que cette affirmation, qui est nouvelle, est contredite par les déclarations faites
au sujet des revenus suffisants que lui procurait son activité indépendante à 40%
et de la volonté qui aurait été la sienne de maintenir cette activité à ce taux si elle avait été en bonne santé, de manière à concilier vie privée et professionnelle (cf. rapport d’enquête ménagère du 9 juillet 2019). En second lieu, le fait que les enfants aient cessé d’être à sa charge ne constitue pas un changement qui se serait produit entre la décision (initiale) du 9 janvier 2020 et la décision litigieuse, mais qui était déjà acquis au moment de la décision du 9 janvier 2020, non contestée, qui retenait déjà la même clé de répartition entre vie professionnelle (40%) et travaux habituels (60%). Ces observations sont valables également pour ce qui concerne la situation financière et familiale (cf. le jugement n° JTPI/886/2018 précité), étant relevé que la recourante n’indique pas en quoi sa situation financière se serait péjorée depuis la décision du 9 janvier 2020. En définitive, l’affirmation d’un taux d’activité qui aurait été supérieur à 40%, faite pour la première fois le 17 juin 2021, lors de la seconde enquête ménagère, si tant est qu’elle exprime la volonté hypothétique de la recourante, ne s’appuie sur aucun indice extérieur pertinent qui serait réalisé au degré de la vraisemblance prépondérante. Il s’ensuit que le statut d’une personne se consacrant à 40% à son activité professionnelle et, pour les 60% restants, à l’accomplissement de ses travaux habituels dans le ménage doit être confirmé.

12.         Il convient à présent de fixer le degré d’invalidité. Dans la mesure où les parties s’accordent, sur la base des conclusions probantes de l’expertise, à considérer que la capacité de travail de la recourante est restée nulle dans toute activité depuis la décision du 9 janvier 2020, mais que la recourante conteste l’enquête ménagère du 17 juin 2021, effectuée par l’OAI-VD, sur laquelle l’intimé s’est fondé pour fixer
à 21.66% (soit 36.1% x 60%) l’invalidité dans les travaux habituels, il convient d’examiner si le rapport d’enquête du 21 juin 2021 peut se voir reconnaître valeur probante.

12.1 L’intimé soutient que tel serait le cas en soulignant que l’enquête a été effectuée par une personne spécialisée dans ce genre d’examen, ayant pris connaissance de l’entier du dossier médical, notamment de l’hémisyndrome gauche et des limitations fonctionnelles ressortant des avis du SMR des 6 avril 2021 et 14 février 2019, cités en ces termes par l’enquêtrice  : « grande fragilité psychologique, difficulté à gérer le stress, effondrement des ressources d’adaptation, difficultés à organiser le temps, difficulté à gérer ses tâches administratives, difficulté [dans] la gestion des émotions, difficultés dans les déplacements, hémisyndrome sensitivomoteur gauche fluctuant, limitant les déplacements ».

Pour sa part, la recourante conteste la pondération des champs d’activité retenus par l’enquêtrice et les empêchements, qu’elle juge sous-évalués, en se fondant
sur les conclusions des experts et celles du Dr J______ qui évaluent à 70% les empêchements que la recourante rencontrerait dans ses travaux habituels.

La chambre de céans constate que contrairement à ce que prétend l’intimé, les limitations fonctionnelles prises en compte par l’enquêtrice sont celles, antérieures à l’expertise, selon lesquelles l’hémisyndrome sensitivomoteur gauche limiterait simplement les déplacements. Or, pour les raisons déjà mises en exergue ci-dessus (consid. 10.2.1 et 10.2.3), cela revient à ne pas prendre en compte l’impotence fonctionnelle du membre supérieur gauche dans les termes décrits par l’expert M______. En effet, les limitations fonctionnelles (incomplètes) sur lesquelles l’enquêtrice se fonde la conduisent à considérer que « l’assurée est capable, dans les tâches, d’effectuer des préhensions de la main gauche, avec une force réduite » (cf. dossier AI, doc. 186, p. 186). Bien que pour cette dernière assertion, l’enquêtrice se réfère à la « lettre de sortie » du 17 octobre 2019,
signée par les Drs G______ et H______, il n’en reste pas moins que
l’appréciation de ces deux médecins apparaît manifestement dépassée eu égard à l’impossibilité pratiquement complète de mobilisation des membres supérieur (et inférieur) gauches rapportée par le Dr M______ en juin 2022, le testing révélant alors une force de M0 à gauche (contre M1 en proximal et M2 en distal aux membres inférieur et supérieur gauches dans la lettre de sortie du 17 octobre 2019 précitée). Compte tenu de telles prémisses erronées (ou à tout le moins dépassées), les résultats de l’enquête effectuée apparaissent tout sauf fiables. En outre, on peine à comprendre que le champ d’activité « alimentation », encore évalué avec un empêchement de 40% lors de première enquête économique sur le ménage (du 8 juillet 2019), ne représente plus qu’un empêchement de 6% dans la deuxième enquête effectuée deux ans plus tard, qui plus est en présence d’un handicap nouveau (hémisyndrome sensitivomoteur gauche) dont il n’était pas encore question le 8 juillet 2019 (cf. dossier AI, doc. 76-78). De même, il est surprenant qu’au vu de l’impossibilité pratiquement complète de mobilisation des membres supérieur et inférieur gauches, constatée par le Dr M______, la recourante puisse notamment, de l’avis de la seconde enquêtrice, vider le lave-linge, installer elle-même l’étendage au salon, étendre son linge, le plier une fois sec, etc. (cf. dossier AI, doc. 186, pp. 688-689), c’est-à-dire, en effectuant le tout d’une seule main, en fauteuil roulant ou, au choix, en prenant appui sur son « rollator » ou ses cannes anglaises (sur l’utilisation de ces moyens auxiliaires : cf. le rapport du 21 juin 2021 d’évaluation de l’impotence).

Compte tenu de ce qui précède, le rapport d’enquête ménagère du 21 juin 2021 n’a pas de valeur probante. Partant, la décision litigieuse ne pouvait valablement se fonder sur ce rapport pour déterminer l’invalidité de la recourante dans ses travaux habituels.

12.2 Il reste à déterminer s’il est possible de quantifier les empêchements dans la sphère ménagère au moyen des indications fournies par les experts du CEMed
et le Dr J______.

On rappellera à ce sujet qu’en présence de troubles d’ordre psychique – qui incluent, en l’espèce, le syndrome de conversion (ci-dessus : consid. 10.2.1) – et en cas de divergences entre les résultats de l’enquête économique sur le ménage et les constatations d’ordre médical relatives à la capacité d’accomplir les travaux habituels, celles-ci ont, en règle générale plus de poids que l’enquête à domicile (cf. ci-dessus : consid. 7.3.3). Dans un arrêt récent, le Tribunal fédéral a toutefois précisé que l’existence effective d’une divergence entre les résultats de l’enquête économique sur le ménage et les constatations d’ordre médical relatives à la capacité d’accomplir les travaux habituels ne peut être constatée de manière définitive que lorsque les deux évaluations ont été effectuées sous l’angle de critères identiques (« unter gleichen Vorzeichen »). Cela signifie que les appréciations médicales doivent se référer également aux différentes tâches domestiques et – pour les personnes ne vivant pas seules – tenir compte de l’aide nécessaire et raisonnablement exigible des membres de la famille à la lumière des circonstances concrètes. Lorsque tel est le cas, si les médecins parviennent à
une conclusion divergente, ils doivent encore examiner le rapport d’enquête économique sur le ménage et expliquer pourquoi ils sont parvenus à une autre conclusion (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_657/2021 du 22 novembre 2022 consid. 5.2).

12.2.1 En ce qui concerne le rapport d’expertise du CEMed, la chambre de céans constate que les experts passent certes en revue l’ensemble des champs d’activité traités dans l’enquête ménagère (alimentation, entretien du logement, achats et courses diverses, lessive et entretien des vêtements, soins et assistance aux enfants et aux proches) mais qu’ils le font de manière succincte et incomplète quand
ils ne se prononcent tout simplement pas sur ce que la recourante est en mesure d’accomplir elle-même. Ainsi, pour la lessive et l’entretien des vêtements, ils se bornent à indiquer « qu’il semble que la lessive et l’entretien des vêtements [de la recourante] soient faits par sa fille ». On ajoutera que cette dernière affirmation, qui ne dit rien sur ce que la recourante est (ou serait) capable d’effectuer elle-même, n’est même pas utile pour déterminer l’aide exigible de la part des proches étant donné que la recourante vit seule. En ce qui concerne les autres champs d’activité, les quelques indications relatives à ce que la recourante peut et ne
peut pas faire, qui ne sont de surcroît pas complétées par une (indispensable) évaluation chiffrée des empêchements, ne sont pas suffisamment précises pour être exploitables et mettre en lumière une divergence par rapport au rapport d’enquête du 21 juin 2021, lui-même dépourvu de valeur probante (cf. ci-dessus : consid. 12.1).

12.2.2 S’agissant enfin du rapport du 8 novembre 2022 du Dr J______, qui confirme « sans contradiction les constatations et les conclusions y compris les diagnostics de l’expertise médicale [du CEMEd] », de même que l’incapacité de travail de 100%, il indique que l’incapacité d’accomplir les travaux habituels
est de 70% et que la lessive « n’est pas possible objectivement », sans expliciter davantage sa position. En tout état, si l’on prend pour base les critères de l’enquête économique sur le ménage, qui pondèrent à 20% le poste « lessive et entretien des vêtements » par rapport à l’ensemble des travaux habituels, un éventuel empêchement total de la recourante dans ce champ d’activité ne suffirait de toute manière pas, même d’un point de vue strictement arithmétique, à faire passer l’invalidité totale dans les travaux habituels de 36.1% (selon le rapport d’enquête du 21 juin 2021) aux 70% allégués, ce d’autant moins que l’enquêtrice
a déjà tenu compte d’un empêchement de 39% pour la lessive et l’entretien
des vêtements. En exceptant ces dernières tâches, le rapport du Dr J______ ne retient d’incapacité complète dans aucun des autres champs d’activité. Aussi n’est-il pas possible de savoir en quoi et pour quelles raisons objectives sa position diffère de celle de l’enquêtrice Ainsi, l’absence d’indication motivée et chiffrée des empêchements rencontrés dans les champs d’activité (autres que la lessive et l’entretien des vêtements) ne permet pas à la chambre de céans de considérer qu’il serait établi au degré de la vraisemblance prépondérante, en l’état actuel du dossier, que les limitations fonctionnelles liées à l’hémisyndrome sensitivomoteur gauche sans substrat somatique (soit l’impossibilité pratiquement complète de mobilisation des membres inférieur et supérieur gauches), qui sont apparues entre la décision du 9 janvier 2020 (qui se fondait sur la situation ressortant de l’avis SMR du 14 février 2019 et du rapport d’enquête ménagère du 9 juillet 2019) et la date de la décision litigieuse se traduiraient par une aggravation de l’invalidité dans les travaux habituels à hauteur des 70% retenus par le Dr J______.

12.2.3 Dans ces circonstances, et conformément à la jurisprudence rappelée
dans l’arrêt du Tribunal fédéral 9C_657/2021 précité, la divergence entre les conclusions (non probantes) du rapport d’enquête ménagère du 21 juin 2021 et celles (non probantes également) du Dr J______ nécessite que ce médecin examine le rapport d’enquête en question et explique pourquoi il parvient à d’autres conclusions que l’enquêtrice, en motivant et chiffrant les empêchements pour chaque rubrique du rapport d’enquête. Il convient dès lors d’annuler la décision litigieuse et de renvoyer la cause à l’intimé pour qu’il sollicite une prise de position du Dr J______ dans le sens indiqué et, cela fait, statue à nouveau sur le droit à la rente de la recourante.

13.         Compte tenu de ce qui précède, le recours est partiellement admis, la décision du 25 octobre 2022 annulée et la cause renvoyée à l’intimé pour instruction au sens des considérants et nouvelle décision sur le droit à la rente de la recourante.

14.         La recourante, représentée par une avocate, a droit à des dépens, qui seront fixés à CHF 2’500.- (art. 61 let. g LPGA).

Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l’intimé au paiement d’un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1 bis LAI).

 

*****

 

 

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement au sens des considérants.

3.        Annule la décision du 25 octobre 2022 et renvoie la cause à l’intimé pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision.

4.        Octroie à la recourante une indemnité de CHF 2’500.-, à titre de dépens, à la charge de l’intimé.

5.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie KOMAISKI

 

La présidente

 

 

 

 

Marine WYSSENBACH

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le