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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3587/2021

ATAS/812/2023 du 23.10.2023 ( LAA ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 17.11.2023, 8C_726/2023
En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3587/2021 ATAS/812/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 23 octobre 2023

Chambre 6

 

En la cause

 

A______

représenté par Me Daniel MEYER, avocat

 

recourant

contre

 

SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS

 

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né en 1960 et titulaire du CFC de transport national et international de marchandises et voyageurs par route depuis 2003, travaillait en tant qu’associé gérant avec signature individuelle auprès de B______ (ci-après : l’entreprise) et était, à ce titre, assuré contre le risque d’accidents auprès de la SUVA, Caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents (ci-après : la SUVA).

b. Le 4 novembre 2012, l’assuré a subi un accident sur une autoroute en Hongrie. Les versions des faits divergent quant à son déroulement :

-          Selon la déclaration d’accident du 8 novembre 2012, un « camion est sorti d’une aire de repos, venu directement sur la voie d’autoroute. Le minibus de l’assuré, dans lequel il somnolait sur le siège avant, côté passager, n’a pas pu l’éviter et il y a eu un accident. L’assuré n’avait pas perdu connaissance mais avait dû être désincarcéré du véhicule par la police.

-          À teneur de l’arrêt du 12 février 2015 de la cour pénale de Mosonmagyarovar (Hongrie), reconnaissant Monsieur C______ coupable d’accident de la route par négligence, ce dernier était le chauffeur du bus dans lequel circulait l’assuré lors de l’accident du 4 novembre 2012. Alors qu’il circulait sur l’autoroute, avec une remorque attelée au véhicule il n’avait pas pu éviter un tracteur qui venait d’entrer sur l’autoroute et l’a heurté depuis l’arrière. Selon les dires du mis en cause, il roulait à une allure de 80-90 km/h, alors que selon le tachygraphe, la vitesse était plutôt de 100 km/h. Quant au tracteur, il roulait vraisemblablement à 45-50 km/h. S’il n’était pas possible d’établir les manœuvres d’évitement effectuées ou tentées, il était cependant établi que M. C______était l’unique responsable de l’accident. Celui-ci avait occasionné des blessures chez cinq passagers, dont les plus graves concernaient l’assuré et étaient décrites comme suit : « lésion de la rate, fracture du pubis, multiples fractures des côtes, multiples lésions pelviennes, lésions du pancréas, des reins et autres lésions nécessitant une période de guérison supérieure à huit jours » (la traduction française de cet arrêt a été obtenue par la SUVA le 22 novembre 2019).

c. Polytraumatisé, l'assuré a été immédiatement pris en charge en Hongrie avant d’être transféré intubé par transport aérien médicalisé aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) le 8 novembre 2012. Du 8 au 18 novembre 2012, il a séjourné aux soins intensifs en raison d’épanchements pleuraux avec atélectasie, puis du 18 novembre 2012 au 11 janvier 2013, au service de chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil moteur.

d. La SUVA a pris en charge les suites du cas.

B. a. Selon la lettre de sortie du 18 janvier 2013, l’accident avait entraîné une fracture de la symphyse pubienne et des branches ilio-pubiennes des deux côtés (ostéosynthésée par plaque symphysaire), une fracture du pilier antérieur du cotyle droit (traitement conservateur), une fracture de l’aileron sacré droit, en regard de l’articulation sacro-iliaque et ouverture de la sacro-iliaque gauche (traitement conservateur), des fractures de l’arc postérieur des côtes 4 à 12 à gauche, déplacées pour la plupart (traitement conservateur), des contusions pulmonaires et atélectasie lobaire inférieure gauche avec épanchement pleural bilatéral prédominant à gauche et broncho-pneumonie (ci-après : BPN) post-opératoire à Moraxella Catharalis et Staphilocoque aureus, une rupture splénique avec splénectomie en urgence, une contusion de la tête du pancréas et rénale droite et gauche ainsi que des escarres des talons sur immobilisation (rapport du docteur D______, médecin interne à l’unité de médecine physique et réadaptation orthopédique des HUG).

b. Le 13 mai 2013, l’assuré a déposé une demande de prestations auprès de l’office de l’assurance-invalidité (ci-après : OAI).

c. Dans un rapport du 23 mai 2013 adressé à l’OAI, le Dr D______ a rappelé les diagnostics posés. Il a constaté une marche avec boiterie gauche en raison d’une douleur postérieure de fesse, une mobilisation sacro-iliaque bonne à gauche et peu mobile à droite. L’évolution était lentement favorable avec probablement persistance de séquelles à long terme sous forme de douleur persistante sacro-iliaque avec risque arthrosique important et limitation en position prolongée assise ou debout ainsi que lors de l’accroupissement. Une reprise professionnelle adaptée devrait être possible à moyen terme.

d. Dans un rapport non daté et reçu le 23 août 2013 par l’OAI, le docteur E______, spécialiste FMH en orthopédie et traumatologie, a diagnostiqué une fracture du bassin. L’assuré souffrait de douleurs chroniques lors de la marche et des changements de positions. Son incapacité de travail était entière depuis le 4 novembre 2012.

e. Dans un rapport du 11 septembre 2013, le Dr D______ a relevé que les radiographies du 4 septembre 2013 montraient une arthrose sacro-iliaque gauche plus que droite, des signes de surcharges enthésitique et ischiatique gauches ainsi qu’une arthrose de hanche bilatérale débutante.

f. Du 29 octobre au 20 novembre 2013, l’assuré a séjourné à la Clinique romande de réadaptation (ci-après : CRR). Selon la lettre de sortie du 20 novembre 2013, l’assuré présentait, outre les diagnostics connus, des douleurs chroniques du bassin, des douleurs chroniques thoraciques à gauche, une hernie inguinale droite et une presbyacousie bilatérale. À sa sortie, une cure de la hernie inguinale était préconisée. D’autres spécialistes ont également examiné l’assuré durant son séjour :

-          L’assuré se plaignant d’acouphènes pulsatiles et de vertiges rotatoires ainsi que d’hypoacousie depuis l’accident, le docteur F______, spécialiste FMH en oto-rhino-laryngologie (ci-après : ORL), a noté, dans un rapport du 6 novembre 2013, que le bilan était normal et l’examen ne permettait pas d’objectiver l’acouphène ressenti par l’assuré. L’imagerie par résonance magnétique (ci-après : IRM) cérébrale du 12 novembre 2013 ne montrait aucune malformation artério-veineuse ni de lésion post-traumatique.

-          Par rapport du 7 novembre 2013, le docteur G______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, a indiqué que les douleurs lombaires basses, de la sacro-iliaque gauche et de la région inguinale droite dont se plaignait l’assuré étaient explicables au vu de l’examen clinique et de l’imagerie mais qu’il n’était pas en mesure de faire une proposition thérapeutique.

-          À la suite de l’électroneuromyographie (ENMG) réalisée le 14 novembre 2013, le docteur H______, médecin associé et neurologue FMH, a relevé, dans un rapport du 21 novembre 2013, que l’assuré présentait depuis l’accident des dysparesthésies diffuses des membres supérieur et inférieur gauches, sans déficit sensitivomoteur. L’examen électronique était rassurant mais révélait une légère altération subjective de la sensibilité tacto-algique ainsi que diffuse au bras et au pied. Les neurographies sensitivomotrices étaient tout à fait normales, tout comme l’EMG.

-          Dans un rapport du 3 décembre 2013, le docteur I______, médecin adjoint et rhumatologue, a posé, outre les diagnostics déjà connus, ceux de « thérapies physiques et fonctionnelles pour douleurs persistantes dans les suites d’un polytraumatisme datant d’une année », de douleurs chroniques thoraciques à gauche et du bassin, de hernie inguinale droite, presbyacousie bilatérale et obésité. L’assuré présentait des limitations fonctionnelles provisoires quant au port de charges lourdes et les positions debout ou assise prolongées. La situation n’était pas stabilisée du point de vue médical et des aptitudes fonctionnelles.

g. Dans un rapport du 23 décembre 2013, le Dr E______ a indiqué que l’état de santé était resté stationnaire depuis le 19 août 2013.

h. Par rapports du 27 mai et 8 juin 2014, la docteure J______, spécialiste FMH en neurologie, a diagnostiqué des cervicobrachialgies, des troubles de la sensibilité des membres supérieur et inférieur gauches, des douleurs du bassin et du membre inférieur gauche, ainsi que des troubles de la concentration et de la mémoire suite à l’accident. L’IRM cérébrale révélait une cervicarthrose. La situation n’était pas encore stabilisée et le traitement suivi était la prise d’antalgiques et des séances de physiothérapie.

 

i. Le 12 septembre 2014, l’assuré a transmis à la SUVA une copie du scanner pelvien et d’une échographie pratiqués le 28 février 2014. Il considérait vraisemblable, à la lecture du rapport de neurologie du 27 mai 2014, que ses troubles et ses atteintes s’inscrivaient dans le contexte d’un syndrome post-traumatique.

j. L’OAI a procédé à une enquête pour activité professionnelle indépendante. Selon son rapport du 19 septembre 2014, l’assuré n’avait pas repris la conduite d’un véhicule depuis son accident car il présentait des pertes d’équilibre et de la confusion, voyait trouble et ressentait des « palpitations » dans sa tête. Il était vite irritable et angoissé. Tout l’énervait et il supportait mal le bruit.

k. Le 4 novembre 2014, l’assuré a subi une cure de hernie inguinale bilatérale.

l. Par décision du 2 février 2015, l’OAI a nié le droit à des prestations d’invalidité. Sur recours déposé par l’assuré contre cette décision, la chambre de céans a annulé la décision de l’OAI du 2 février 2015 par arrêt du 27 janvier 2016 (ATAS/56/2016) et renvoyé le dossier pour instruction complémentaire sous forme d’une expertise pluridisciplinaire. Elle a notamment considéré que la stabilisation de l’état de santé de l’assuré n’était pas établie et que l’OAI ne pouvait pas se fonder sur le rapport de la CRR pour retenir une capacité de travail entière dans une activité adaptée.

m. Par rapport du 16 février 2015, le docteur K______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, a indiqué que l’assuré présentait une dépression d’intensité significative

n. Par rapport du 2 juin 2015, le docteur L______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur, a indiqué que l’assuré présentait une hernie inguinale droite qui le gênait un peu à la marche. Il avait aussi des douleurs chroniques au niveau de l’articulation sacro-iliaque gauche, avec un substrat au scanner visible (troubles dégénératifs et début de fusion). Il y avait par ailleurs aussi, subjectivement, une diminution discrète de la sensibilité de tout le membre inférieur gauche au toucher ainsi que, objectivement, une diminution de la force globale au niveau du membre inférieur gauche cotée à M4+.

o. Par rapport du 27 janvier 2016, le Dr E______ a indiqué que l’assuré présentait toujours des douleurs résiduelles au niveau de l’articulation sacro-iliaque. La capacité de travail demeurait nulle dans toute activité.

p. Le 5 avril 2016, l’assuré a subi une cure de hernies inguinales bilatérales récidivantes à contenu vésical et colique.

q. Le 7 juillet 2016, le docteur M______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et médecin d’arrondissement, a examiné l’assuré et estimé qu’en l’absence d’une nouvelle intervention chirurgicale prévue, le cas était stabilisé. L’ancienne activité de conducteur de car n’était plus exigible, contrairement à une activité professionnelle réalisée alternativement en position assise ou debout avec un port de charges limité à 3 kg, sans déplacement répété dans les escaliers, sans devoir s’agenouiller, ni s’accroupir, ni monter sur une échelle, exigible à plein temps sans baisse de rendement.

r. Le 31 août 2016, l’assuré a été examiné par le Dr N______. Par rapport du 21 septembre 2016, ce médecin a diagnostiqué une dysthymie (F34.1).

s. Par rapports des 17 octobre et 7 décembre 2016, le Dr L______ a indiqué que l’assuré souffrait indéniablement d’une hernie de la région inguinale droite. Au vu du scanner effectué en 2015, le médecin a constaté qu’il y avait quand même un effondrement notable de l’interligne articulaire coxo-fémoral autant à droite qu’à gauche en postérieur. L’articulation sacro-iliaque semblait soudée. Les douleurs que l’assuré présentait étaient aussi d’origine orthopédique avec probablement une composante d’un début d’arthrose de la hanche et aussi des séquelles des lésions sacro-iliaques à droite et à gauche. Au vu des résultats du spect-CT, les douleurs étaient bien liées à une récidive de hernie.

t. Le 17 mai 2017, l’OAI a transmis à la SUVA le rapport d’expertise multidisciplinaire établi le 9 mai 2017 par le docteur O______, spécialiste FMH en médecine interne et rhumatologie, la docteure P______, spécialiste FMH en médecine interne, et le docteur Q______, spécialiste FMH en psychiatrie, de la policlinique médicale universitaire de Lausanne (ci-après : PMU), diagnostiquant, avec influence sur la capacité de travail de l’assuré, des douleurs des articulations sacro-iliaques sur arthrose post-traumatique dans un contexte de polytraumatisme le 4 novembre 2012 (avec fracture de la symphyse pubienne et des branches ilio-pubiennes des deux côtés ostéosynthésée par plaque symphysaire, fracture du pilier antérieur du cotyle des deux côtés, fracture de l’aileron sacré droit en regard de l’articulation sacro-iliaque et ouverture de la sacro-iliaque gauche, fractures de l’arc postérieur des côtes 4 à 12 à gauche, contusions pulmonaires, rupture splénique avec splénectomie en urgence, contusion de la tête du pancréas et rénale droite et gauche) ainsi qu’une deuxième récidive de hernie inguinale droite (status post cures de hernie inguinale). Sans influence sur la capacité de travail, l’assuré présentait une dysthymie (F34.1), une majoration de symptôme physique pour des raisons psychologiques (F68.0), des lombosciatalgies gauches d’origine indéterminée et des cervicobrachialgies gauches d’origine indéterminée. Les médecins ont conclu à une incapacité de travail totale dans l’activité habituelle et à une capacité de travail résiduelle de 80% dans le cadre d’une activité adaptée, sans diminution de rendement et dans le respect des limitations fonctionnelles suivantes : alternance de position assise et debout, port de charges limité à 3 kg, absence de travaux lourds, marche inférieure à 1 km, pas de travail nécessitant une attention soutenue, ni de vitesse d’exécution. L’assuré devait être à nouveau opéré d’une récidive de hernie inguinale.

u. Le 21 juin 2017, l’assuré a subi une cure de récidive de hernie inguinale droite et une cure d’éventration sus-pubienne par tomie avec filets ainsi qu’une résection de séquestres osseux intra-abdominal.

v. Par rapport du 20 septembre 2017, le docteur R______, spécialiste FMH en chirurgie générale et digestive, a relevé que l’évolution était satisfaisante.

w. Par rapport du 27 novembre 2017, le docteur S______, spécialiste FMH en neurologie auprès de la SUVA, a estimé qu’il n’y avait pas d’argument en faveur d’une lésion cérébrale survenue au moment de l’accident ou dans ses suites immédiates et sans lésion cérébrale objectivable, le lien de causalité entre les troubles cognitifs mis en avant par l’assuré et l’accident n’était pas établi au degré de la vraisemblance prépondérante. Ceci dit, les résultats de l’expertise neuropsychologique étaient difficiles à interpréter en raison de leur hétérogénéité et du peu de motivation de l’assuré.

x. Le 5 décembre 2017, le docteur T______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et médecin d’arrondissement de la SUVA, a rendu un rapport suite à l’examen final de l’assuré du 1er novembre 2017. Il a diagnostiqué un polytraumatisme avec arthrose post-traumatique sacro-iliaque, consécutive à une fracture de la symphyse pubienne des branches ilio-pubiennes ostéosynthésées par plaque symphysaire, une fracture du pilier antérieur du cotyle des deux côtés, une fracture de l’aileron sacré en regard de l’articulation sacro-iliaque et ouverture de la sacro-iliaque gauche, une fracture de l’arc postérieur des côtes 4 à 12 à gauche, des contusions pulmonaires, une rupture splénique avec splénectomie en urgence en Hongrie, des contusions de la tête du pancréas, des contusions rénales bilatérales, un status post trois cures de hernie inguinale, de l’obésité et une dysthymie. Les limitations fonctionnelles du point de vue orthopédique étaient pas d’activité nécessitant un déplacement sur grande distance, pas de port de charges excédant 3 kg et permettant l’alternance des positions de travail. La capacité de travail était nulle dans l’activité habituelle. Dans une activité adaptée, la capacité de travail de l’assuré était entière. Il n’y avait pas de modification s’agissant de l’atteinte à l’intégrité.

y. Par pli du 3 janvier 2018, la SUVA a mis fin à la prise en charge des frais médicaux et aux indemnités journalières avec effet au 30 avril 2018, à l’exception d’une consultation de suivi orthopédique et une consultation annuelle de la douleur ainsi qu’un contrôle final à une année du point de vue de la chirurgie digestive. Une activité adaptée (sans port de charges de plus de 3 kg, sans déplacements sur de grandes distances et permettant des positions de travail alternées) était exigible à plein temps, sans baisse de rendement.

C. a. Le 19 janvier 2018, l’assuré a sollicité la poursuite du versement des indemnités journalières au-delà du 30 avril 2018, faisant valoir notamment que des investigations orthopédiques et rhumatologiques étaient en cours, de sorte que la clôture du dossier apparaissait comme prématurée. Il avait été adressé à l’équipe du traitement de la douleur. Les derniers bilans IRM mettaient en exergue des anomalies importantes au niveau de l’interligne articulaire sacro-iliaque gauche expliquant les importantes limitations au niveau du bassin et la sévérité de la symptomatologie douloureuse. Des examens sanguins étaient en cours pour écarter un syndrome inflammatoire. L’assuré a transmis à la SUVA :

-          Un rapport du 8 octobre 2017 du docteur U______, spécialiste FMH en rhumatologie, diagnostiquant des lombosciatalgies bilatérales d’origine multifactorielle, un status post-polytraumatisme après l’accident avec fracture du bassin (symphyse pubienne et branche ilio-pubiennes ostéosynthèse par plaque, fracture du pilier antérieur des cotyles bilatéral et fracture de l’aileron sacré droit), une fracture de l’arc postérieur des côtes 4 à 12 gauche, une contusion pulmonaire gauche, du pancréas et des deux reins, une rupture splénique nécessitant une splénectomie en urgence ; un status de cure d’hernie inguinale à plusieurs reprises.

-          Un rapport du 23 octobre 2017 du docteur V______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur, faisant état d’une arthrose sacro-iliaque selon le spect-CT du 15 novembre 2016.

-          Un rapport du 31 octobre 2017 du Dr E______ proposant que l’assuré soit examiné par l’équipe du traitement de la douleur. L’assuré présentait des douleurs à la palpation de la colonne cervicale, lombaire, para-cervicale et sacrale bilatérale, des douleurs de la ceinture pelvienne et de l’articulation sacro-iliaque des deux côtés ; une hypoesthésie du membre supérieur gauche et hypoesthésie de la face interne du mollet et pied droit connues depuis longtemps et déjà mises en évidence par l’examen neurologique et l’examen du docteur W______. À l’examen radiologique, il y avait une arthrose sacro-iliaque.

-          Un rapport du 6 novembre 2017 de la docteure X______, spécialiste FMH en radiologie, indiquant que le bilan IRM cervicale avait objectivé deux discopathies dégénératives étagées en C5-C6 et C6-C7, mais c’était la discopathie C5-C6 qui était responsable de la symptomatologie clinique par une protrusion disco-ostéophytique postéro-latérale et foraminale gauche, réalisant un rétrécissement foraminal potentialisé par une uncarthrose surtout gauche et à ce niveau la racine C6 gauche était à l’étroit. En C6-C7, il n’y avait pas de conflit radiculaire secondaire, mais il y avait une uncarthrose à ce niveau, sans rétrécissement secondaire des canaux de conjugaison.

-          Un rapport du 28 novembre 2017, la Dre X______ indiquant que l’IRM des articulations sacro-iliaques et de la colonne lombaire démontrait des anomalies importantes au niveau de l’interligne articulaire sacro-iliaque gauche pouvant expliquer le syndrome douloureux chronique.

b. La SUVA a soumis ces rapports au Dr T______, lequel a, dans un avis du 30 janvier 2018, estimé qu’ils ne modifiaient pas son appréciation.

c. Par rapport du 6 mars 2018, la Dre J______ a indiqué que l’examen ENMG des membres supérieurs ne montrait pas d’anomalie.

d. Par décision du 22 mars 2018, le service cantonal des véhicules a prononcé le retrait du permis de conduire de transport professionnel de personnes de l’assuré.

e. Par décision du 3 août 2018, confirmée sur opposition le 25 octobre 2018, la SUVA a octroyé à l’assuré une indemnité pour atteinte à l’intégrité de 25%, correspondant à CHF 31'500.-. Le droit à une rente d’invalidité était nié, motif pris que les séquelles accidentelles causales ne réduisaient pas de façon importante la capacité de gain de l’assuré. Il était à même d’exercer une activité dans différents secteurs de l’industrie, dans le respect des limitations fonctionnelles (ne pas porter de charges supérieures à 3 kg, alternance des positions assise et debout), la journée entière, ce qui permettait de réaliser un revenu annuel de CHF 59'968.-, qui, comparé au gain réalisable sans accident de CHF 51'600.-, n’entrainait aucune perte de salaire.

f. Par décision du 16 août 2018, l’OAI a octroyé une rente d’invalidité entière du 1er novembre 2013 au 31 octobre 2016. Dès le 7 juillet 2016, la capacité de travail résiduelle de l’assuré était de 80% et la perte de gain en résultant était de 7,9%, soit insuffisante pour maintenir le droit à la rente et justifier la mise en place de mesures d’observation professionnelle. Le recourant a recouru à l'encontre de cette décision. Par arrêt du 2 septembre 2019 (ATAS/781/2019), la chambre de céans a partiellement admis le recours, annulé la décision de l'OAI en tant qu'elle limitait la rente d'invalidité et a renvoyé la cause à l'OAI pour nouvelle expertise et nouvelle décision. Elle a considéré que le rapport de la PMU du 9 mai 2017, complété le 28 juin 2017, n'était pas probant.

g. L’assuré a recouru contre la décision de la SUVA du 25 octobre 2018, concluant à son annulation et à l’octroi d’une rente. À l’appui de ses arguments, il a versé à la procédure :

-          Un rapport du Dr E______ du 24 avril 2018, selon lequel il présentait encore des douleurs à la marche, des douleurs à la station assise prolongée et à la mobilisation. Étant donné les limitations présentées, une activité adaptée était difficilement réalisable du point de vue pratique.

-          Un rapport du 22 juin 2018 du docteur Y______, spécialiste FMH en neurochirurgie, diagnostiquant une cervico-brachialgie gauche présente depuis l’accident. Le médecin notait une mobilisation très limitée du bras gauche ainsi que de la jambe gauche liée à l’accident. Les réflexes étaient très difficiles à obtenir et l’élévation du bras était très difficile à effectuer. L’IRM cervicale du 6 novembre 2017 montrait une sténose récessale C5-C6 et C6-C7 prédominant à gauche, pouvant expliquer la problématique de la cervico-brachialgie. Des infiltrations allaient être tentées et en cas d’échec, une chirurgie de discectomie cervicale antérieure C5-C6 et C6-C7 avec pose de cage pouvait être indiquée.

-          Un rapport du Dr K______ du 10 novembre 2018, faisant état d’un épisode dépressif de sévérité moyenne (F32.1). La capacité de travail était nulle dans toute activité. Le traitement consistait en la prise d’un neuroleptique (Seroquel) et d’un antidépresseur (Trittico).

h. À la demande de la chambre de céans, les Drs E______, V______, U______ et K______ se sont notamment déterminés sur les conclusions de l’expertise de la PMU :

-          Par rapport du 15 mars 2019, le Dr U______ s’est référé aux diagnostics posés dans son rapport du 8 octobre 2017. Aux diagnostics retenus par les experts de la PMU, il convenait d’ajouter les lombosciatalgies bilatérales. Il était d’accord avec les limitations fonctionnelles, mais estimait que celles-ci n’étaient pas adaptables.

-          Par rapport du 19 mars 2019, le Dr E______ a indiqué être d’accord avec les diagnostics et les limitations fonctionnelles posés par les experts de la PMU. Selon lui, l’assuré n’était pas apte à travailler et il ne voyait pas quelle activité adaptée correspondrait à son profil.

-          Par rapport du 26 mars 2019, le Dr V______ a relevé que les diagnostics de la PMU n’étaient pas complets étant donné que l’assuré était alors en cours d’investigations. Il convenait d’ajouter des lombalgies sur discarthrose lombaire L5-S1, moins importante au niveau L2-L3 ; une cervico-brachialgie gauche sur discopathies dégénératives étagées C5-C6 avec une protrusion disco-ostéophytique postérolatérale et foraminale gauche réalisant un rétrécissement foraminal potentialisé par une uncarthrose, avec la racine C6 à l’étroit et discopathie C6-C7 ; ainsi qu’une tendinopathie du sus-épineux de l’épaule gauche (échographie du 6 novembre 2017). Il convenait d’ajouter comme limitations fonctionnelles un périmètre de marche limité à 800 m (avec des pauses après chaque 150-200 m et le recourant boitait) ; une position assise relativement courte (minutes) lui provoquait des douleurs et il devait changer souvent de position ; le port de charges limité à moins de 3 kg et moins pour la main gauche. Selon ce médecin, une activité adaptée n’était pas envisageable en raison des douleurs lombaires et au bassin avec une boiterie pour de courtes distances (150-200 m), des douleurs abdominales en position assise. Une activité assise ne donnait pas de rendement et la capacité de concentration était influencée par la douleur. Enfin, il convenait de surveiller l’apparition d’une coxarthrose post-traumatique.

-          Par rapport du 29 mars 2019, le Dr K______ a diagnostiqué un épisode dépressif de sévérité moyenne (F32.1) et expliqué les raisons pour lesquelles il n’était pas d’accord avec les constatations et les conclusions de l’expert-psychiatre.

i. Par arrêt du 2 septembre 2019 (ATAS/780/2019), la chambre de céans a annulé la décision du 25 octobre 2018 de la SUVA et renvoyé la cause à celle-ci pour instruction complémentaire et nouvelle décision. En substance, elle a constaté que, sur le plan somatique, la SUVA avait écarté le lien de causalité entre l’accident et plusieurs diagnostics, (ankylose sacro-iliaque gauche, lombosciatalgies, atteinte au rachis cervical, déficit sensitivomoteur de l’hémicorps gauche et troubles cognitifs) sans investiguer suffisamment ces aspects ni motiver sa décision. Concernant les troubles cognitifs et le déficit sensitivomoteur de l’hémicorps gauche, les Drs T______ et S______ s’étaient limités à rechercher des atteintes objectivables, sans examiner la question d’une éventuelle atteinte non organique en lien avec l’accident. Pour ce qui était de l’aspect psychique, il existait des divergences importantes entre l’avis des divers médecins et les pièces versées au dossier ne permettaient pas de déterminer, au degré de la vraisemblance prépondérante, les diagnostics psychiques présentés par le recourant. Qui plus est, les pièces au dossier ne permettaient pas de déterminer les circonstances exactes du déroulement de l’accident et les forces qu’il avait générées, de sorte qu’il n’était pas possible de statuer sur la question litigieuse du lien de causalité entre l’accident assuré et les atteintes présentées par le recourant. Au vu de ces lacunes, la SUVA était sommée d’obtenir un rapport de police complet traduit en français et de mettre en œuvre une expertise pluridisciplinaire indépendante, conjointement avec l’OAI dont la décision du 16 août 2018 était également annulée le même jour (ATAS/781/2019).

j. Le 8 avril 2020, la SUVA a confié un mandat d’expertise pluridisciplinaire au Z______ (ci-après : Z______) en psychiatrie, neurologie et chirurgie orthopédique.

k. Réalisée les 22 juin et 22 juillet 2020, par les docteurs AA______(spécialiste FMH en psychiatrie-psychothérapie), AB______(spécialiste FMH en neurologie) et AC______(spécialiste FMH en chirurgie orthopédique), l’expertise a été adressée à la SUVA le 16 septembre 2020 par le Z______. En sont ressortis les éléments suivants :

-          Sur le plan orthopédique la situation médicale était stabilisée depuis l'automne 2016, ce que confirmait l'examen radiologique témoignant d'une consolidation des lésions osseuses. Plusieurs diagnostics découlant tous de l’accident, étaient retenus : fracture-dysjonction de la symphyse pubienne et des branches ilio-pubiennes des deux côtés ostéosynthésée par plaque symphysaire ; fracture des branches ilio-pubiennes avec extension extra-articulaire vers le pilier antérieur du cotyle des deux côtés, traitées conservativement ; fracture de l'aileron sacré droit, en regard de l’articulation sacro-iliaque et fracture disjonction de l'articulation sacro-iliaque gauche, non déplacée, traitée conservativement ; fractures de l’arc postérieur des côtes 4 à 12 à gauche, déplacées pour la plupart, traitées à titre conservatoire, arthropathie sacro-iliaque gauche post traumatique et hernie inguinale récidivante ; un conflit sous-acromial probable à l'épaule gauche, ainsi que des cervico-scapulo-brachialgies gauches étaient également diagnostiqués, mais sans rapport de causalité avec l’accident.

La capacité de travail dans l'activité habituelle était considérée comme définitivement nulle depuis l'accident. En revanche, dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles, à savoir station debout et assise prolongée limitée, privilégiant l'alternance, port de charge limité à 5kg, marche limitée inférieure à 500m, sans montée/descente d'escalier ou échelle, pas de position agenouillée ou accroupie, aucune activité statique en extension du rachis cervical, aucune activité avec des mouvement répétitifs du membre supérieur gauche et activité, le bras gauche au-dessus du plan des épaules, la capacité de travail était considérée comme complète avec une diminution de rendement de 12,5% en raison de douleurs séquellaires du bassin.

-          Sur le plan neurologique, la preuve d’une atteinte neurologique significative n’était pas apportée. L’expertise du Z______ faisait cependant état de ce que l'examen avait révélé des troubles statiques vertébraux modérés. Les documents radiologiques avaient mis en évidence des troubles dégénératifs disco-vertébraux modérés au niveau cervical, sans lésion post-traumatique. Il n'était pas retenu d'atteinte significative de nature dégénérative ou traumatique au niveau lombaire. L'IRM cérébrale ne laissait apparaitre aucune lésion significative. Sur le plan strictement neurologique, il n’existait pas de limitation fonctionnelle ni d'incapacité de travail dans une activité adaptée en tenant compte des autres limitations fonctionnelles. Vu l’absence de troubles neurologiques, la question du lien de causalité ne se posait pas.

-          Sur le plan psychique, une humeur dépressive ordinaire était détectée. Elle n’atteignait cependant pas, du point de vue clinique, le seuil d'une dépression. La situation était par ailleurs considérée comme compensée au niveau de dysthymie/dysphorie. Au final, l’expert psychiatre retenait une fluctuation d’humeur réactionnelle à sa situation dans un registre de dysphorie/dysthymie, sans incidence sur la capacité de travail, y compris dans l’activité de conducteur, laquelle était donc théoriquement exigible. Ce diagnostic entrait bien en lien de causalité avec l’accident de 2012.

La synthèse faisait état d’une capacité de travail complète dans une activité adaptée avec une baisse de rendement de 12,5% en raison des douleurs chroniques au niveau du bassin, nécessitant deux pauses d'une demi-heure par jour durant les heures de travail.

l. Par observations du 9 décembre 2020, le recourant a manifesté son désaccord quant aux conclusions de l'expertise du Z______. Il continuait à présenter une importante fatigue, des troubles du sommeil, des vertiges et des acouphènes. Son état anxieux avait persisté jusqu'en 2019, puis laissé place à un état d'anhédonie et un sentiment de déception. Contrairement à l'appréciation des experts en psychiatrie et neurologie estimant la capacité de travail entière dans l’activité habituelle, les neuropsychologues du service cantonal des véhicules avaient quant à eux prononcé à son endroit une interdiction de conduire. Sous l’angle orthopédique, le recourant a contesté l’absence de lien de causalité entre l’accident, les atteintes au niveau de l’épaule gauche et les cervico-scapulo-brachialgies gauches.

m. Par décision du 26 avril 2021, la SUVA a nié à l’assuré tout droit à une rente d'invalidité, estimant qu’il était à même d'exercer une activité à plein temps dans différents secteurs de l'industrie moyennant le respect des limitations fonctionnelles retenues dans l’expertise du Z______, ce moyennant deux pauses supplémentaires, justifiant une baisse de rendement de 12,5%. Au vu de ces éléments et sur la base de l'enquête suisse de la structure des salaires (ESS), il pouvait réaliser un salaire annuel de CHF 59’296.- (homme, niveau de compétence 1), soit un revenu supérieur au gain auquel il aurait pu prétendre sans l'accident, soit CHF 51’600.-.

n. Par acte du 27 mai 2021, l'assuré a formé opposition à l'encontre de la décision de la SUVA et a conclu à l’octroi d’une rente, fondée sur un degré d’invalidité de 50% au minimum. L’expertise du Z______ sur laquelle se fondait la SUVA n’était pas probante. Un examen de l’état de santé global montrait clairement de multiples atteintes incapacitantes dont le nombre, l’ampleur, ainsi que les limitations fonctionnelles qu’elles occasionnaient, conduisaient à la constatation qu’il n’existait tout simplement pas, concrètement, une activité adaptée.

o. Par décision sur opposition du 16 septembre 2021, la SUVA a maintenu sa décision initiale, considérant qu'il n'existait pas d'éléments médicaux déterminants permettant de douter du bienfondé des constatations cliniques et conclusions de l'expertise du Z______ lesquelles revêtaient entière valeur probante. Concernant en particulier les troubles psychiques, non seulement ils n’étaient pas invalidants, mais ils n’entraient de toute manière pas non plus dans un rapport de causalité avec l'accident - qualifié de gravité moyenne stricto sensu - les critères jurisprudentiels n’étant pas réalisés.

D. a. L’assuré a recouru contre cette décision le 18 octobre 2021, concluant à son annulation et à l’octroi d’une rente d’invalidité de 50%. La combinaison des limitations fonctionnelles et des deux pauses quotidiennes nécessaires de 30 minutes chacune du fait des douleurs au bassin rendait illusoire toute opportunité de réinsertion sur le marché général de l’emploi, ce d’autant plus au vu de son âge et de son absence du marché du travail durant dix ans du fait de l’accident. Le recourant considérait par ailleurs que le lien de causalité adéquate entre l'événement accidentel, de gravité moyenne et l'émergence des troubles psychiques était établi.

b. L’assuré a complété son recours le 12 janvier 2022, produisant :

-          Un rapport du Dr E______ du 14 décembre 2021, attestant d’une péjoration de l’état des genoux en raison d’une arthrose fémoro-tibiale interne compliquée par une géode nécrotique du compartiment interne, prépondérante à gauche. Le périmètre de marche était limité à 800 mètres, la position assise prolongée et les changements de position restaient compliqués, une chirurgie prothétique était à craindre et la capacité de travail était fortement réduite.

-          Un certificat du Dr AD______ du 20 décembre 2021, attestant d’une incapacité totale de travailler du recourant en raison d’une arthrose fémoro-tibiale bilatérale.

Selon le recourant, l’aggravation de son état de santé et notamment l’atteinte arthrosique, en lien de causalité avec l’accident, ne permettaient pas d’exiger une quelconque reprise du travail.

c. L’intimée a répondu au recours le 10 février 2022, concluant à son rejet. L’état de santé du recourant était stabilisé depuis l’automne 2016. Dans une activité adaptée, la capacité de travail était entière depuis lors. Les éventuels troubles cognitifs du recourant n’engageaient pas l’assureur-accidents ; il n’existait pas de trouble psychique limitant la capacité de travail ; aucune anomalie n’avait en outre pu être objectivée sur le plan neurologique. L’expertise du Z______ était exhaustive et détaillée, contrairement aux nouveaux rapports des médecins traitants qui étaient peu motivés et peu clairs. Pour ce qui était en particulier de l’aggravation alléguée par le Dr E______ dans son rapport du 14 décembre 2021, elle ne concernait pas la présente procédure mais pouvait éventuellement faire l’objet d’une annonce de rechute.

d. Par duplique du 11 avril 2022, le recourant a précisé que l’aggravation de l’état de santé sur le plan orthopédique ne constituait pas un élément nouveau dans la mesure où l’arthrose fémoro-tibiale interne était consécutive aux fractures multiples. Suite à l’accident, il avait présenté d’importants problèmes de mobilisation au niveau des membres inférieurs. Les douleurs fessières irradiant dans la jambe gauche découlaient ainsi d’une ankylose et d’érosions, résultant elles-mêmes des cervicobrachialgies et sciatalgies gauches additionnées à l’atteinte sévère au niveau de l’interligne articulaire sacro-iliaque. Les douleurs mécaniques avaient provoqué une usure de l’articulation des genoux et l’accident était donc bien responsable de la gonarthrose bilatérale interne. Le recourant a produit avec sa duplique un certificat du Dr E______ du 29 mars 2022, indiquant notamment que le patient était candidat pour recevoir une future prothèse.

e. Le 30 juin 2022, la chambre de céans a informé les parties qu’elle entendait ordonner une expertise judiciaire bidisciplinaire qui serait confiée au Professeur AE______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur, et à la docteure AF______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie.

f. Le 14 juillet 2022, l’intimée a proposé de désigner, sur le plan somatique, le Professeur AG______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur.

g. Le 28 juillet 2022, le recourant a accepté les experts désignés et la mission d’expertise.

h. Le 21 décembre 2022, la Dre AF______ a rendu son rapport d'expertise. Elle a posé les diagnostics de dysthymie depuis le 31 août 2014 (selon le rapport psychiatrique de la SUVA), qui n'était pas une atteinte à la santé significative. Il n'y avait pas de lien probable entre cette atteinte et l'accident ; l'assuré amplifiait ses limitations. Il présentait un sentiment de fatigue, une perte de confiance en lui et une mauvaise qualité de sommeil. La capacité de travail était totale dans toute activité. Elle se distanciait du diagnostic de trouble dépressif posé par le Dr K______ car elle ne retrouvait pas ses caractéristiques à l'examen clinique.

i. Le 23 décembre 2022, le Prof. AE______ a rendu son rapport d'expertise. L'assuré avait subi un polytraumatisme avec un score important témoignant d'un grave traumatisme avec un risque élevé de mortalité. Il a posé les diagnostics survenus le 4 novembre 2012 de : hémothorax post-traumatique ; fractures de côtes multiples ; fracture sacrum ; fractures piliers antérieurs cotyles bilatérales ; dislocation sacro-iliaque bilatérale ; rupture traumatique de la symphyse pubienne ; rupture de la rate ; contusion rénale G/D ; contusion tête du pancréas ; hernie inguinale bilatérale post-traumatique ; lacération genou G ; hernie musculaire face externe genou G ; arthrose genou D ; hernie musculaire G genou externe ; cervicalgie avec radiculopathie G ; lombosciatalgie G.

Ces atteintes entrainaient une limitation à la marche, à la position debout ou assise prolongée, à l'accroupissement, au travail à genoux, au port de charges de plus de 3 kg, ainsi qu'à un travail nécessitant attention, précision et rapidité d'exécution. Les plaintes concordaient avec les lésions observées post-traumatiques et séquellaires, soit des atteintes objectivables par examen clinique et imagerie, sous réserve de la plainte de faiblesse du membre supérieur. L'arthrose et ankylose partielle des sacro-iliaques et de la symphyse pubienne, le status post hernies, ou éventration suspubiennes multiopérées, l'arthrose notamment du genou gauche, les séquelles de fractures de côtes étaient dans un rapport de causalité certain avec l'accident du 4 novembre 2012. L'assuré présentait une limitation du périmètre de marche (15 minutes) et de la position debout ou assise prolongée. Il s'agissait là de limitations en lien avec les fractures et disjonctions du bassin. La limite du port de charge à 3 kg était essentiellement due à l'affaiblissement de la musculature abdominale suite aux hernies opérées à de multiples reprises et aux cervicobrachialgies. La limitation à la station debout prolongée, les difficultés à la montée et à la descente des escaliers, la limitation à l'accroupissement et au travail à genoux étaient en lien avec l'arthrose des deux genoux et surtout du genou gauche. Les difficultés de manipulation d'objets étaient en lien avec la cervicobrachialgie gauche qui avait probablement été aggravée par l'accident à haute énergie du 4 novembre 2012.

La capacité de travail était nulle dans toute activité. Une appréciation consensuelle des experts a conclu à une incapacité de travail totale du point de vue orthopédique et nulle du point de vue psychiatrique.

j. Le 1er mars 2023, le recourant s'est rallié aux conclusions du Prof. AE______, lequel considérait que les plaintes étaient expliquées par des atteintes objectivables. En revanche, l'expertise de la Dre AF______ n'était pas probante dans la mesure où elle retenait uniquement une dysthymie et pas un trouble dépressif. Quoi qu'il en était, l'appréciation consensuelle concluait à une incapacité de travail totale.

k. Le 20 avril 2023, la SUVA a contesté la valeur probante de l'expertise du Prof. AE______ et estimé que celle du Z______ était pertinente. Elle s'est fondée sur les appréciations médicales de ses médecins-conseils, soit :

-          le 17 mars 2023, le Dr T______ a estimé que les conclusions du Prof. AE______ se distanciaient de toutes les autres observations médicales, lesquelles attestaient d'une activité légère possible, respectant les limitations fonctionnelles retenues. Le Prof. AE______ se basait essentiellement sur la littérature médicale et peu sur le dossier médical ; s'agissant des pathologies du rachis cervical et de l'épaule, la causalité n'était pas réalisée au degré de la vraisemblance prépondérante ; l'expertise du Z______ était probante ;

-       le 19 avril 2023, la docteure AH______, spécialiste FMH en neurochirurgie, a estimé qu'il n'y avait aucune lésion cérébrale d'origine traumatique et les plaintes de paresthésies de type fourmillements aux membres supérieurs n'étaient pas documentées au cours des premiers mois après l'accident ; le rapport du Dr S______ était confirmé.

l. Le 2 juin 2023, le recourant a observé que l'analyse du Prof. AE______, contrairement à celle du Z______, prenait en considération la globalité du cas.

m. Le 13 juin 2023, le recourant a communiqué un courrier de l'OAI du 31 mai 2023, l'informant qu'une rente entière d'invalidité lui serait versée dès le 1er novembre 2013.

n. Le 25 juillet 2023, l’ OAI a versé son dossier à la procédure, lequel contient notamment les pièces suivantes :

-       une détermination du SMR du 15 mai 2023 suite à l’expertise du Prof. AE______, retenant une aggravation de l’état de santé du recourant au niveau du genou et de l’épaule gauches, entrainant des limitations fonctionnelles, soit pas de position accroupie, à genoux, d’escaliers / échelles / échafaudages, pas de port de charges, pas de travail des membres supérieurs au-dessus de l’horizontale, pas de mouvements répétitifs de l’épaule gauche ; une baisse de rendement était à réévaluer ; en revanche, la capacité de travail nulle retenue par l’expert ne pouvait pas être confirmée, le recourant maintenant des activités quotidiennes, se déplaçant, faisant des promenades pluriquotidiennes et ne prenant pas d’antalgiques majeurs ;

-       un rapport de la réadaptation du 25 mai 2023, concluant que la capacité fonctionnelle de travail de 87,5% (soit une capacité de travail de 100% avec une baisse de rendement de 12,5%) n’était plus exploitable. On avait de la peine à imaginer qu’un employeur consentirait à engager l’assuré après la mise en place de mesures de réadaptation, alors qu’il avait un âge proche de la retraite ;

-       un prononcé de l’OAI du 31 mai 2023, selon lequel l’assuré avait droit à une rente entière d’invalidité dès le 1er novembre 2016.

o. Le 30 août 2023, la SUVA a observé que l’OAI avait également retenu une capacité de travail de l’assuré dans une activité légère sédentaire.

p. Le 31 août 2023, le recourant a indiqué qu’il adhérait à la décision de l’OAI du 31 mai 2023 et requérait l’octroi d’une rente entière d’invalidité pour les suites de son accident.

q. A la demande de la chambre de céans, le Prof. AE______ a rendu un complément d’expertise le 8 septembre 2023. Si une activité se conformant strictement aux limitations fonctionnelles retenues existait, la capacité de travail de l’assuré pouvait être fixée à 50%, avec une pause de 30 minutes par jour, soit une diminution de rendement de 12,5%. Finalement était exigible une capacité de travail de 50% avec un rendement de 87,5%.

r. Le 27 septembre 2023, la SUVA a observé que le Prof. AE______ ne motivait pas la diminution de la capacité de travail à 50%. L’expertise du Z______ du 16 septembre 2020 était probante.

s. Le 2 octobre 2023, le recourant a observé que ses limitations fonctionnelles étaient si nombreuses qu’il lui semblait exclu de trouver un emploi adapté.

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 À teneur de l'art. 1 al. 1 LAA, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-accidents, à moins que la loi n'y déroge expressément.

1.3 Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]). Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

2.             Le litige porte sur le bien-fondé de la décision sur opposition du 16 septembre 2021, singulièrement sur le droit du recourant à une rente d'invalidité depuis le 30 avril 2018.

3.             Le 1er janvier 2017 est entrée en vigueur la modification du 25 septembre 2015 de la LAA. Dans la mesure où l'accident est survenu avant cette date, le droit de la recourante du recourant aux prestations d'assurance est soumis à l'ancien droit (cf. al. 1 des dispositions transitoires relatives à la modification du 25 septembre 2015 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_662/2016 du 23 mai 2017 consid. 2.2). Les dispositions légales seront citées ci-après dans leur teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2016.

4.              

4.1 Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle. Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA ; ATF 142 V 219 consid. 4.3.1 et les références).

4.2 La responsabilité de l’assureur-accidents s’étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle (ATF 129 V 177 consid. 3.1 et les références ; ATF 129 V 402 consid. 4.3.1 et les références) et adéquate avec l’événement assuré (ATF 129 V 177 consid. 3.2 et la référence ; ATF 129 V 402 consid. 2.2 et les références).

4.3 Une fois que le lien de causalité naturelle a été établi au degré de la vraisemblance prépondérante, l’obligation de prester de l’assureur cesse lorsque l'accident ne constitue pas (plus) la cause naturelle et adéquate du dommage, soit lorsque ce dernier résulte exclusivement de causes étrangères à l'accident. Tel est le cas lorsque l'état de santé de l'intéressé est similaire à celui qui existait immédiatement avant l'accident (statu quo ante) ou à celui qui serait survenu tôt ou tard même sans l'accident par suite d'un développement ordinaire (statu quo sine) (arrêt du Tribunal fédéral 8C_481/2019 du 7 mai 2020 consid. 3.1 et les références). En principe, on examinera si l’atteinte à la santé est encore imputable à l’accident ou ne l’est plus (statu quo ante ou statu quo sine) selon le critère de la vraisemblance prépondérante, usuel en matière de preuve dans le domaine des assurances sociales (ATF 129 V 177 consid. 3.1 et les références), étant précisé que le fardeau de la preuve de la disparition du lien de causalité appartient à la partie qui invoque la suppression du droit (arrêt du Tribunal fédéral 8C_650/2019 du 7 septembre 2020 consid. 3 et les références). La simple possibilité que l'accident n'ait plus d'effet causal ne suffit pas (ATF 126 V 360 consid. 5b ; ATF 125 V 195 consid. 2).

5.              

5.1 Selon l'art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1) ; seules les conséquences de l'atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d'une incapacité de gain ; de plus, il n'y a incapacité de gain que si celle-ci n'est pas objectivement surmontable (al. 2).  

5.2 Selon l'art. 19 al. 1 LAA, le droit à la rente prend naissance dès qu'il n'y a plus lieu d'attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l'état de l'assuré et que les éventuelles mesures de réadaptation de l'assurance-invalidité ont été menées à terme. Le droit au traitement médical et aux indemnités journalières cesse dès la naissance du droit à la rente.

6.              

6.1 La plupart des éventualités assurées (par exemple la maladie, l'accident, l'incapacité de travail, l'invalidité, l'atteinte à l'intégrité physique ou mentale) supposent l'instruction de faits d'ordre médical. Or, pour pouvoir établir le droit de l'assuré à des prestations, l'administration ou le juge a besoin de documents que le médecin doit lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l'assuré (ATF 132 V 93 consid. 4 et les références ; ATF 125 V 256 consid. 4 et les références). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1).

6.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre (ATF 143 V 124 consid. 2.2.2). L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux (ATF 125 V 351 consid. 3b).

6.3 Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 137 V 210 consid. 1.3.4 et les références ; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

6.4 Le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 143 V 269 consid. 6.2.3.2 et les références ; ATF 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/aa et les références).

6.5 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 135 V 465 consid. 4.5 et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

6.6 On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; SVR 2008 IV n. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 8C_755/2020 du 19 avril 2021 consid. 3.2 et les références).

7.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 142 V 435 consid. 1 et les références ; ATF 126 V 353 consid. 5b et les références ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6. 1 et la référence).

8.              

8.1 Chez les assurés actifs, le degré d'invalidité doit être évalué sur la base d'une comparaison des revenus. Pour cela, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 8 al. 1 et art. 16 LPGA). En règle ordinaire, il s'agit de chiffrer aussi exactement que possible ces deux revenus et de les confronter l'un avec l'autre, la différence permettant de calculer le taux d'invalidité. Dans la mesure où ils ne peuvent être chiffrés exactement, ils doivent être estimés d'après les éléments connus dans le cas particulier, après quoi l'on compare entre elles les valeurs approximatives ainsi obtenues (méthode générale de comparaison des revenus ; ATF 137 V 334 consid. 3.3.1).

8.2 Pour procéder à la comparaison des revenus, il convient de se placer au moment de la naissance du droit à la rente; les revenus avec et sans invalidité doivent être déterminés par rapport à un même moment et les modifications de ces revenus susceptibles d'influencer le droit à la rente survenues jusqu'au moment où la décision est rendue doivent être prises en compte (ATF 129 V 222 consid. 4.1 et les références).

9.             En l’occurrence, l’intimée s’est fondée sur le rapport d’expertise du Z______ du 16 septembre 2020 pour retenir que le recourant présente une capacité de travail totale dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles, avec une diminution de rendement de 12,5% en raison de douleurs séquellaires du bassin.

La chambre de céans a considéré que l’expertise du Z______ n’était pas probante et a ordonné une expertise judiciaire orthopédique et psychiatrique. Les éléments suivants ont été relevés.

9.1 Les experts n’ont pas eu connaissance des rapports du 15 mars 2019 du Dr U______, du 19 mars 2019 du Dr E______, du 26 mars 2019 du Dr V______, du 29 mars 2019 du Dr K______, tous relatifs aux conclusions de l’expertise de la PMU et sollicités par la chambre de céans. Ces documents ne sont pas même listés parmi les documents du dossier et leur contenu n’est jamais mentionné dans l’expertise. Cette lacune est particulièrement problématique du fait qu’il s’agit des documents médicaux les plus récents, en dehors du rapport des médecins de l’intimée du 2 avril 2019 (pour sa part, dûment cité et pris en compte). Elle l’est d’autant plus que ces rapports étaient circonstanciés et argumentés et avaient participé à convaincre la chambre de céans, dans le cadre de la procédure ayant conduit à l’ATAS/780/2019, de ce que les conclusions de l’expertise PMU n’étaient pas suffisamment probantes. Or, cette dernière est citée et reprise à maintes occasions dans l’expertise, contrairement auxdits rapports des médecins traitants. Pour cette raison déjà, l’expertise Z______ apparait comme incomplète.

9.2 Du point de vue neurologique, l’expert considère que l’état serait stabilisé depuis 2013 (expertise, p. 42) et qu’il n'y aurait pas d'indication à retenir des limitations fonctionnelles ni une incapacité de travail dans une quelconque activité, y compris l’activité antérieure (expertise p. 43). L’expert se fonde sur le fait que son présent bilan n’apporte pas la preuve d’une atteinte neurologique actuellement significative, qu’il s’agisse d’une atteinte centrale ou périphérique avec un tableau de rachialgie associé à un hémisyndrome algique et sensitivomoteur gauche sans substrat somatique (expertise, p. 39). Or, cette conclusion est peu argumentée et peu convaincante au vu du dossier médical et même du seul examen neurologique de l’expert lui-même qui fait notamment état de plusieurs problématiques (expertise, pp. 32 et 33).

En résumé, l’expert relève « des troubles statiques vertébraux modérés chez un patient présentant une certaine surcharge pondérale. En station debout et à la marche, on note une boiterie de décharge du membre inférieur gauche et la station sur la pointe du pied et sur le talon est apparemment impossible à gauche. Pour le reste, l'examen neurologique révèle un hémisyndrome sensitivomoteur gauche facio-brachio-tronco-crural tout à fait atypique avec des phénomènes de lâchages étagés, une altération globale de la sensibilité superficielle mais pas d'anomalie significative des réflexes tendineux, de la trophicité musculaire et de la sensibilité profonde. À cela s'ajoutent des difficultés apparemment importantes à l'exécution des épreuves de coordination qui sont finalement exécutées de façon satisfaisante, mais tout à fait démonstrative ».

Au vu de ces éléments, les conclusions tirées par l’expert et reprises ci-avant sont difficilement compréhensibles. Il semble en effet reconnaitre certaines atteintes qu’il qualifie d’atypiques, mais ne pas les prendre en compte faute d’être en mesure de les expliquer. De plus, l’expert renonce à des investigations plus approfondies et notamment à une ENMG « compte tenu de la normalité des 3 ENMG pratiqués depuis l'apparition des troubles et compte tenu de l'attitude du sujet » (expertise, p. 39). Sa synthèse est peu argumentée et sa conclusion au terme de laquelle « le présent bilan n’apporte pas la preuve d’une atteinte neurologique actuellement significative » n’est guère satisfaisante au vu des autres éléments relevés.

Ces lacunes de l’expertise sont d’autant plus problématiques que les conclusions de l’expert diffèrent passablement d’autres appréciations médicales figurant au dossier. Ainsi, le 9 mars 2017, Mme AI______ avait considéré que, sur le plan strictement neuropsychologique, la capacité de travail était nulle dans l'exercice de la profession antérieure de chauffeur, du fait du ralentissement associé aux troubles exécutifs qui étaient de nature à contre-indiquer la conduite automobile. Dans une activité adaptée, elle l’évaluait comme s’élevant à 80%. Amené à se prononcer sur cette analyse dans son rapport du 27 novembre 2017, le Dr S______ s’était pour sa part contenté d’écarter, sous l’angle de la vraisemblance prépondérante, le lien de causalité entre l’accident et les atteintes neurologiques décrites, sans pour autant nier ces dernières. Quant à la Dre J______, elle avait diagnostiqué le 18 juin 2014 des cervicobrachialgies, douleurs du bassin et du membre inférieur gauche, troubles de la concentration et de la mémoire à la suite de l'accident. La situation était décrite comme non encore stabilisée et le pronostic était réservé. Le 6 mars 2018, elle avait encore écrit que, quand bien même l’ENMG des membres supérieurs ne montrait pas d’anomalie, le recourant présentait des paresthésies du membre supérieur gauche par intermittence, avec faiblesse globale. Cliniquement, il existait encore une limitation de la mobilité douloureuse de l'épaule, quelques douleurs occasionnelles du membre supérieur gauche, non rythmées.

Il est enfin difficilement compréhensible que l’expert considère la capacité de travail comme entière dans l’activité habituelle, alors que dite activité a précisément été interdite par le Service cantonal des véhicules, sur interprétation de l’OAI, du fait d’atteintes neuropsychologiques.

Certes, ces éléments sont insuffisants pour établir l’éventuelle incidence des atteintes neurologiques sur la capacité de travail du recourant. Ils auraient cependant justifié que l’expert neurologue argumente davantage ses conclusions.

9.3 Du point de vue psychique, l’expert n’avait pas eu connaissance des éléments amenés par le Dr K______ du 29 mars 2019 et ne les avait donc pas pris en compte dans son appréciation et ses conclusions. À nouveau, vu le caractère récent et circonstancié du rapport dont il est question, cette omission constitue également une lacune majeure de l’expertise.

9.4 Du point de vue orthopédique, l’expertise ne prenait pas du tout en compte le rapport du 26 mars 2019 du Dr V______, faisant notamment état du diagnostic supplémentaire de « lombalgies sur discarthrose lombaire L5-S1 et, moins importantes, au niveau L2-L3 ». La liste des limitations fonctionnelles retenues par le Dr V______ différait également et était plus étendue que celle figurant dans l’expertise. Elle consistait en un périmètre de marche limité à 800 mètres (avec boiterie et nécessité de pauses après chaque 150-200 mètres) ; une position assise relativement courte (minutes) lui provoquait des douleurs et il devait changer souvent de position ; le port de charges était limité à moins de 3 kg et encore moins pour la main gauche. Selon l’orthopédiste-traitant, une activité adaptée n’était par ailleurs plus envisageable en raison des douleurs lombaires et au niveau du bassin, ainsi que des douleurs abdominales en position assise. La capacité de concentration était en outre influencée par la douleur. Enfin, au-delà de ces éléments, le rapport du Dr V______ semblait sous-entendre que la situation n’était pas stabilisée depuis l’automne 2016, vu qu’il faisait état du diagnostic de tendinopathie du sus-épineux de l’épaule gauche, découvert lors de l’échographie du 6 novembre 2017.

10.         Les 21 et 23 décembre 2022, la Dre AF______ et le Prof AE______ ont rendu leur rapport d’expertise judiciaire.

10.1 S’agissant du volet orthopédique, la chambre de céans constate que le rapport d’expertise du Prof. AE______ du 23 décembre 2022, complété le 8 septembre 2023, fondé sur toutes les pièces du dossier, comprenant une anamnèse, un examen clinique, de la littérature médicale concernant les affections du recourant, des diagnostics et limitations fonctionnelles clairs et une motivation de la capacité de travail, répond aux critères jurisprudentiels précités pour qu’il lui soit reconnu une pleine valeur probante.

L’expert conclut finalement, dans son complément d’expertise du 8 septembre 2023, à une capacité de travail du recourant, dans une activité strictement adaptée à ses limitations fonctionnelles, de 50%, avec une diminution de rendement de 12,5%. Les conclusions de cette expertise sont convaincantes, sous réserve de la diminution de rendement précitée, comme il sera discuté ci-après.

10.1.1 Le Prof. AE______ retient des diagnostics en lien avec l’accident qui n’ont pas été retenus par le Z______. Il souligne tout d’abord les diagnostics incomplets mentionnés par les experts du Z______ (expertise judiciaire, pp. 46-47), en particulier l’épaississement pleural et la déformation de la cage thoracique, lesquels influent sur la capacité à l’effort du recourant, la fusion des sacro-iliaques, laquelle entraine des modifications de la marche et peut rendre inconfortable la position assise et la large herniation ou éventration sus-pubienne, laquelle entraine des douleurs à l’effort.

10.1.2 Il relève ensuite que la cervicobrachialgie gauche (dont l’existence est admise par le Z______, expertise p. 38) a probablement été aggravée par l’accident, soit par la violence du choc et par l’hospitalisation du recourant aux soins intensifs, lequel a été intubé dix jours, dans l’incapacité, de ce fait, de protéger activement sa colonne cervicale, ce qui a aggravé l’irritation de la racine C6 dans une mesure suffisamment intense pour provoquer un état douloureux mais sans modification des examens EMG (expertise judiciaire, pp. 45-46).

À cet égard, il ressort en effet du dossier que le recourant a été transféré intubé depuis la Hongrie le 8 novembre 2012 (lettre de sortie des HUG du 18 janvier 2013).

Si l’intimée considère, en suivant l’avis de ses médecins, que les paresthésies de type fourmillements des membres supérieurs à prédominance gauche et les cervicalgies ne sont pas reliées à un déficit neurologique objectivable (avis de la Dre AH______ du 19 avril 2013), elle ne conteste pas la présence d’une pathologie dégénérative vue à l’IRM cervicale du 6 novembre 2017, expliquant la cervicobrachialgie gauche et ne se prononce pas sur le lien évoqué par le Prof. AE______ entre le choc de l’accident ainsi que l’intubation du recourant et la décompensation, au niveau cervical, d’une pathologie préexistante. À cet égard, le Dr T______ se contente de dire qu’il existe une simple possibilité que cette décompensation se soit produite dans les suites de l’accident.

Or, l’explication donnée par l’expert judiciaire est convaincante, vu la description de l’accident et l’ampleur du traitement d’urgence subi par le recourant. Les limitations fonctionnelles de faiblesse et difficultés de contrôle des mouvements fins liées aux cervicobrachialgies gauches doivent donc être ajoutées à celles admises par l’intimée.

10.1.3 Le Prof. AE______ mentionne des lombosciatalgies gauches en lien avec l’accident. La question du lien de causalité entre les lombosciatalgies et l’accident peut cependant rester ouverte car elles n’entrainent pas de limitations fonctionnelles supplémentaires à celles déjà reconnues par l’intimée.

10.1.4 Le Prof. AE______ pose des diagnostics en lien avec une pathologie du genou gauche (hernie méniscale face externe, arthrose post-traumatique et hernie méniscale externe) depuis l’expertise du Z______. Il estime que le recourant a présenté une entorse du genou dont les effets ont été masqués par les pathologies dominantes, ce qui ressort d’une radiographie du 12 décembre 2022 montrant un modèle arthrosique inhabituel en cas d’arthrose dégénérative. Le SMR a estimé que le Prof. AE______ avait objectivé une aggravation de l’état de santé du recourant, notamment au niveau du genou gauche (avis du SMR du 15 mai 2023). La question de savoir si cette aggravation, constatée par le Prof. AE______, est survenue antérieurement au non à la décision litigieuse se pose. Cependant, les limitations fonctionnelles en relation avec le genou gauche du recourant sont déjà prises en compte par l’intimée (pas de position agenouillée ou accroupie, station debout prolongée, port de charge et marche limitée). La question de savoir si la pathologie du genou est en lien avec l’accident et survenue antérieurement à la décision litigieuse n’a ainsi pas d’incidence sur l’évaluation de la capacité de travail du recourant dans une activité adaptée, laquelle doit déjà respecter, en raison des autres pathologies admises par l’intimée, les limitations précitées.

10.1.5 L’intimée a retenu une limitation de port de charges à 5 kg, en se fondant sur l’expertise du Z______. Or, tant les Drs M______ et T______, médecins de l’intimée (avis des 7 juillet 2016 et 5 décembre 2017) que la consultation d’orthopédie des HUG (avis du 16 mars 2017), et l’expertise de la PMU (du 9 mai 2017) retiennent, dans le même sens que le Prof. AE______, une limitation de port de charges à 3 kg en raison également de la pathologie abdominale. La limitation décrite par le Prof. AE______, convaincante, doit ainsi être suivie.

10.1.6 Enfin, le Prof. AE______ souligne des difficultés de concentration liées aux douleurs, qui n’ont pas été retenues du tout par l’intimée.

En effet, l’expertise du Z______ relève seulement la présence de douleurs au bassin incapacitantes à hauteur d’un taux de 12,5% dès lors que le recourant nécessiterait deux pauses dans une journée de travail.

Or, un ralentissement, avec des signes de fléchissement exécutifs, attentionnels et mnésiques, a été attesté par l’examen neuropsychologique du 9 mars 2017 (rapport de Mme AI_____, expertise de la PMU du 9 mai 2017), lequel a conclu à une diminution de rendement de 20% dans toute activité.

Comme relevé par la Dre AH______, l’atteinte neuropsychologique n’est pas expliquée par une lésion cérébrale traumatique (avis du 19 avril 2023), ce qui n’est pas contesté par le recourant. Elle peut l’être en revanche par les effets douloureux, comme l’a expliqué le Prof. AE______, de sorte que les limitations fonctionnelles qu’il retient en raison des douleurs, soit une diminution de la capacité à l’effort et de la concentration (expertise judiciaire, pp. 45 et 47) sont objectivées et convaincantes.

10.2 Au demeurant, le Prof. AE______ retient que le cumul des atteintes, soit un polytraumatisme (fractures multiples du bassin, rupture de la rate, contusion du pancréas, contusion rénale, éventration suspubienne avec paroi abdominale affaiblie, cervicalgies et radiculopathie gauche, fractures des côtes multiples et épaississement pleural, entorse sévère du genou gauche) entraine des limitations fonctionnelles incapacitantes, même dans une activité adaptée. En particulier, le Prof. AE______ souligne les difficultés de concentration et de capacité à l’effort que subit le recourant en raison de ses douleurs. La limitation de la capacité de travail dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles, à un taux de 50%, est ainsi convaincante.

En revanche, le Prof. AE______ a repris telle quelle la diminution de rendement de 12,5% retenue par le Z______. Or, comme il estime finalement que la capacité de travail du recourant est déjà réduite à un taux de 50% dans une activité adaptée, compte tenu des limitations fonctionnelles somatiques et des douleurs, il n’y a pas lieu d’appliquer, en sus, une diminution de rendement, que le Prof. AE______ ne motive d’ailleurs pas. À cet égard, les deux pauses de 30 minutes estimées nécessaires par les experts du Z______ ont été évaluées sur l’exigibilité d’une journée entière de travail, de sorte qu’il n’y a pas lieu de les admettre si l’exigibilité finalement retenue est de 4 heures de travail par jour, le recourant pouvant, au-delà, se reposer. La diminution de rendement de 12,5% peut, dans ces conditions, être écartée sans que les conclusions du Prof. AE______ n’en perdent pour autant de leur pertinence. Il existe en effet certaines constellations dans lesquelles il convient de s’écarter de l’incapacité de travail déterminée par une expertise médicale, sans que celle-ci n’en perde sa valeur probante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_316/2017 du 5 octobre 2017), ce qui est le cas en l’espèce.

10.3 Au vu de ce qui précède, le recourant doit être reconnu capable de travailler dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles, depuis le 30 avril 2018, date de la stabilisation de son état de santé, à un taux de 50%. Au vu des limitations fonctionnelles, il convient d’admettre que le marché du travail offre un éventail suffisamment large d’activités légères dont on doit convenir qu’un nombre significatif est adapté aux limitations du recourant et accessible sans aucune formation particulière (arrêt du Tribunal fédéral 9C_303/2022 du 31 mai 2023).

11.         S’agissant du volet psychiatrique, l’experte judiciaire psychiatre a conclu à un diagnostic de dysthymie non incapacitant ; cette expertise rejoint les conclusions du Z______, dont le volet psychiatrique mentionne une fluctuation de l’humeur réactionnelle à la situation du recourant dans un registre de dysphasie / dysthymie, en lien avec sa situation globale et son état douloureux, non incapacitante.

Aucun élément ne permet de mettre en cause les conclusions de l’expertise judiciaire psychiatrique, de sorte qu’il convient de constater l’absence d’atteinte psychique incapacitante. En conséquence, la question de l’appréciation d’un lien de causalité adéquate entre la dysthymie et l’accident n’est pas nécessaire.

12.         Enfin, il convient de rappeler que même si la notion d’invalidité est en principe identique en matière d'assurance-invalidité et d'assurance-accidents, il n'en demeure pas moins que l'évaluation de l'invalidité par l'assurance-invalidité n'a pas de force contraignante pour l'assureur-accidents (ATF 131 V 362 consid. 2.3) et vice-versa (ATF 133 V 549). Ce principe s'applique également lorsque dans les deux procédures d'assurance concernant l'examen d'un éventuel droit à une rente d'invalidité, la capacité de travail résiduelle de l'assuré est évaluée de manière identique (arrêt du Tribunal fédéral 8C_530/2022 du 25 avril 2023).

En conséquence, la décision de l’OAI du 31 mai 2023 octroyant au recourant une rente entière d’invalidité depuis le 1er novembre 2013 ne lie pas l’intimée. Au surplus, l’OAI a considéré que le recourant, au vu de ses limitations fonctionnelles et surtout de son âge, ne pouvait exploiter sa capacité résiduelle de travail reconnue médicalement. La réadaptation professionnelle a en effet estimé qu’il était peu vraisemblable qu’un employeur engage le recourant vu son âge très proche de la retraite (rapport du 25 mai 2023). Or, le critère de l’âge n’est en l’occurrence pas pertinent dans le cadre de l’examen de la capacité de travail du point de vue de l’assurance-accidents.

13.         Il convient encore de calculer le degré d’invalidité du recourant. La stabilisation de l’état de santé au 30 avril 2018 est admise. Les revenus tels que retenus par l’intimée ne sont pas contestés par le recourant, sous réserve de l’application, sur le revenu d’invalide, d’un abattement de 15% en raison de son âge, de ses limitations fonctionnelles et de l’absence de ressources lui permettant de se réorienter.

13.1 Une réduction au titre du handicap dépend de la nature des limitations fonctionnelles présentées et n'entre en considération que si, sur un marché du travail équilibré, il n'y a plus un éventail suffisamment large d'activités accessibles à l'assuré (cf. arrêts du Tribunal fédéral 8C_659/2021 du 17 février 2022 consid. 4.3.1 ; 8C_118/2021 du 21 décembre 2021 consid. 6.3.1 ; 8C_608/2021 du 26 avril 2022).

En l’occurrence, les limitations fonctionnelles décrites par l’expert judiciaire ne restreignent pas de manière significative les activités légères, raisonnablement exigibles à un taux de 50% de la part du recourant, de sorte qu’un abattement à ce titre n’apparait pas justifié (à cet égard arrêt du Tribunal fédéral 8C_576/2022 du 1er juin 2023).

13.2 S’agissant de l’allégation de ressources limitées, il convient de relever que le niveau de compétence 1, déterminant en l’espèce, ne nécessite pas de formation particulière, ni même une bonne maitrise du français (arrêt du Tribunal fédéral 8C_608/2021 du 26 avril 2022) de sorte qu’un abattement pour le motif que le recourant aurait des ressources psychiques et intellectuelles limitées n’est pas non plus justifié.

13.3 Enfin, le critère de l’âge n’est pas pertinent en l’espèce. En effet par rapport à ce critère, le Tribunal fédéral n'a pas encore tranché le point de savoir si, dans le domaine de l'assurance-accidents obligatoire, il constitue un critère d'abattement ou si l'influence de l'âge sur la capacité de gain doit être prise en compte uniquement dans le cadre de la réglementation particulière de l'art. 28 al. 4 OLAA (cf. arrêts du Tribunal fédéral 8C_659/2021 du 17 février 2022 consid. 4.3.2 ; 8C_597/2020 du 16 juin 2021 consid. 5.2.5 et la référence citée). Cette question peut encore demeurer indécise, dès lors que le recourant n'a pas exposé -et on ne voit pas - en quoi ses perspectives salariales seraient concrètement réduites sur un marché du travail équilibré à raison de son âge. En outre, étant âgé de 58 ans au moment de la naissance d'un éventuel droit à la rente, le recourant n'avait pas encore atteint l'âge à partir duquel le Tribunal fédéral reconnaît généralement que ce facteur peut être déterminant et nécessite une approche particulière (arrêts du Tribunal fédéral 9C_486/2013 du 2 décembre 2013 consid. 3.2.2, non publié in ATF 139 V 6008C_175/2020 du 22 septembre 2020 consid. 4.2). Comme les activités adaptées envisagées du niveau de compétence 1 ne requièrent ni formation, ni expérience professionnelle spécifique, les effets pénalisants au niveau salarial induits par l'âge ne peuvent pas être considérés comme suffisamment établis. En outre, il faut rappeler que ces emplois non qualifiés sont, en règle générale, disponibles indépendamment de l'âge de l'intéressé sur un marché du travail équilibré (cf. ATF 146 V 16 consid. 7.2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_661/2018 du 28 octobre 2019 consid. 3.3.4.2 ; 8C_103/2018 du 25 juillet 2018 consid. 5.2 ; 8C_608/2021 du 26 avril 2022 consid. 4.3.2).

13.4 Au demeurant, comme retenu par l’intimée, le revenu sans invalidité du recourant, en 2012, est de CHF 51'600.- et le revenu d’invalide (calculé sur la base de l’ESS 2018, TA1, niveau de compétence 1, homme, total pour un horaire hebdomadaire de 41,7 heures) de CHF 67'766.67 (taux d’activité de 100%). Compte tenu d’un taux d’activité exigible de 50%, le revenu d’invalide est de CHF 33'883.-.

Le degré d’invalidité est le suivant :

51'600 - 33’883

51’600

= 34,3%

arrondi à 34% (ATF 131 V 121).

14.         Au vu de ce qui précède, le recourant a droit, depuis le 30 avril 2018, à une rente d’invalidité de 34%.

Le recours sera partiellement admis, la décision litigieuse annulée et il sera dit que le recourant a droit à une rente d’invalidité de 34% depuis le 30 avril 2018.

Le recourant obtenant partiellement gain de cause, une indemnité de CHF 4'000.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émolument et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA – E 5 10.03]).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA).

 

 


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule la décision litigieuse.

4.        Dit que le recourant a droit à une rente d’invalidité de 34% depuis le 30 avril 2018.

5.        Condamne l'intimée à verser au recourant une indemnité de CHF 4'000.- à titre de dépens.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le