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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/2134/2020

ATAS/802/2023 du 20.10.2023 ( ARBIT ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 29.11.2023, 9C_731/2023
En fait
En droit
Par ces motifs

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2134/2020 ATAS/802/2023

ARRET

DU TRIBUNAL ARBITRAL

DES ASSURANCES

du 18 octobre 2023

 

En la cause

EASY SANA ASSURANCE MALADIE SA

VISANA AG

VIVACARE

COMPACT GRUNDVERSICHERUNGEN AG

CSS KRANKEN-VERSICHERUNG AG

MOOVE SYMPANY AG

SUPRA-1846 SA

CONCORDIA SCHWEIZ, KRANKEN- UND UNFALLVERSICHERUNG AG

AVENIR ASSURANCE MALADIE SA

KPT KRANKENKASSE AG

VIVAO SYMPANY AG

SWICA GESUNDHEITSORGANISATION

MUTUEL ASSURANCE MALADIE SA

SANITAS GRUNDVERSICHERUNG AG

PHILOS ASSURANCE MALADIE SA

ASSURA-BASIS SA

SANA24 AG

HELSANA VERSICHERUNGEN AG

Toutes représentées par SANTÉSUISSE, elle-même représentée par Me Olivier BURNET, avocat

 

 

demanderesses

 

contre

Docteur A______
représenté par Me Jacques ROULET, avocat

 

 

défendeur

 


EN FAIT

 

A.           a. Monsieur A______ (ci-après : le médecin ou le défendeur), né le ______ 1953, détient un titre de spécialiste en médecine interne générale et un certificat de pratique du laboratoire au cabinet médical (CMPR). Depuis le 14 octobre 1987, il exploite un cabinet à Genève. Il est également le médecin répondant de B______ et du C______.

b.   Depuis 2010, SANTÉSUISSE a interpellé régulièrement le médecin en raison de ses indices de coût par patient trop élevés concernant les années statistiques 2009 et suivantes, afin qu'il donne des explications sur les particularités de sa pratique et respecte le principe de l'économicité.

Le 29 décembre 2010, celui-ci a notamment répondu que les chiffres étaient biaisés par le fait que son numéro RCC était aussi utilisé par ses confrères de B______ et du C______.

c.    Par courrier du 19 février 2015, SANTÉSUISSE a informé le médecin, concernant l'année statistique 2013, que la moitié au moins des prescriptions comportait des erreurs d'identification. En effet, plusieurs prescriptions effectuées par B______ avaient été affectées à son numéro RCC, alors que cette dernière institution de santé avait son propre RCC. De nombreuses ordonnances prescrites par les médecins du C______ avaient également été attribuées au RCC du médecin, bien que les médecins dudit centre disposaient d'un RCC personnel.

d.   Concernant l'année 2016, le médecin a répondu le 2 août 2018 que c'étaient les pharmaciens qui lui attribuaient à tort des médicaments sur son numéro RCC.

Par courrier du 17 août 2018, SANTÉSUISSE lui a demandé quelles démarches il avait entrepris pour que ses ordonnances fussent clairement identifiables.

e.    Pour l'année statistique 2018, les indices des coûts directs du médecin étaient de 211 dans les statistiques factureurs (ci-après: RSS) et les coûts indirects de 212. Les indices selon la méthode statistique analyse de variation (ci-après : ANOVA pour ANalysis Of VAriances) étaient de 206 pour les coûts directs et de 236 pour les coûts totaux. Selon la nouvelle méthode d'analyse de régression, les indices des coûts directs étaient de 172 et des coûts totaux de 233.

B.            a. Par demande du 3 juillet 2020, les assurances-maladie mentionnées dans le rubrum du présent arrêt, ainsi que PROGES ASSURANCES SA qui a fusionné avec HELSANA ASSURANCES SA, et INTRAS ASSURANCE-MALADIE SA et ARCOSANA SA qui ont fusionné avec CSS ASSURANCE-MALADIE SA, toutes représentées par SANTÉSUISSE et son mandataire, ont saisi le tribunal de céans d'une demande en restitution de CHF 126'467.40, subsidiairement de CHF 96'206.05, sous suite de dépens. La demande était fondée sur l'indice de régression des coûts totaux de 233 points de la méthode d'analyse de régression. La somme à restituer était calculée sur la base des coûts directs, avec une marge de tolérance de 120%. Les demanderesses ont par ailleurs relevé que les consultations du défendeur étaient plus longues (149 points TARMED facturés par consultation contre 91 dans le groupe de comparaison) et plus fréquentes (6,8 consultations contre 4,1). Du détail de la facturation résultait que le défendeur n'utilisait quasi-exclusivement que cinq positions TARMED, à savoir : 00.0010 consultation, première période de 5 minutes ; 00.0020 + consultation pour les personnes au-dessus de 6 ans et de moins de 75 ans, par période de 5 minutes en plus – et 00.0025 pour les patients plus âgés ; 00.0015 + supplément pour prestations de médecine de famille au cabinet médical ; 00.0030 + consultation, dernière période de 5 minutes (supplément de consultation) ; 00.0520 consultation psychothérapique ou psychosociale par le spécialiste de premier recours, par période de 5 minutes. Les consultations étaient presque systématiquement facturées de façon identique avec ces dernières positions TARMED, seul le temps de la consultation variant. La position 00.0520 était davantage facturée par le défendeur par rapport à ses confrères. La médecine psychosociale n'était cependant pas considérée comme une particularité d'un médecin, selon le Tribunal fédéral, dès lors que la prise en charge de troubles psychiques constituait un élément central de la pratique du médecin généraliste. En ce qui concerne les conclusions subsidiaires, elles étaient fondées sur l'indice ANOVA des coûts directs de 206 et prenaient en considération une marge de 130 points.

b.   Lors de l'audience du 2 octobre 2020, le tribunal de céans a constaté l'échec de la tentative de conciliation.

c.    Par courrier du 6 octobre 2020, SANTÉSUISSE a choisi Madame Dominique TRITTEN en tant qu'arbitre.

d.   Dans sa réponse du 25 novembre 2020, le défendeur a conclu au rejet de la demande, sous suite de dépens. Préalablement, il a conclu à ce que SANTÉSUISSE communique un certain nombre de données. Subsidiairement, il a conclu à la mise en œuvre d'une expertise analytique. En outre, il a choisi Monsieur Jean-Claude BRÜCKNER en tant qu'arbitre. Il disposait d'une autorisation d'auto-dispensation de stupéfiants et d'un CMPR, ce qui n'était pas le cas de l'ensemble des médecins de son groupe de comparaison. Durant 2018, il avait soigné 347 patients et non 269, comme cela était mentionné dans les statistiques. Cela s'expliquait éventuellement par des prestations en-deçà de la franchise des patients. Il s'était spécialisé dans la prise en charge de patients souffrant de pluri-toxicomanies dans le cadre d'un « traitement agoniste aux opioïdes » (TAO) de manière quasi-systématique. Pour ces prises en charge, les médecins devaient s'annoncer et s'enregistrer auprès de l'autorité cantonale compétente. Le traitement de poly-toxicomanies impliquait un long travail de mise en confiance et ainsi des soins médicaux plus récurrents que la moyenne. Il soignait aussi de nombreux cas complexes qui lui étaient transférés par d'autres confrères et dont la durée de la prise en charge était entre 30 et 60 minutes. Actuellement, il prodiguait le TAO à 45 patients, ce qui était largement supérieur à la moyenne. 17 de ses patients, soit 5% de sa patientèle, représentaient 31% des consultations et 34% des coûts. Ils avaient requis plus de 25 consultations et représentaient moins d'un tiers des patients traités dans le cadre d'un TAO. Par ailleurs, la quasi-totalité des patients bénéficiant d'un TAO était à l'aide sociale, soit au total 117 patients, ce qui n'était pas pris en compte dans les statistiques. Le défendeur effectuait aussi beaucoup de visites à domicile. Le rapport de régression attestait au demeurant qu'il prenait en charge environ trois fois moins de patients que la moyenne de son groupe de comparaison. Cela faussait ses indices. En excluant des calculs la faible proportion de patients faussant les statistiques, les indices du défendeur pour les 95% des patients restants étaient dans la norme, voire inférieurs aux coûts moyens, à savoir de 127 pour les coûts totaux et de 76 pour les coûts directs.

Par ailleurs, la méthode de régression n'avait pas été validée à ce jour par le Tribunal fédéral et avait fait l'objet de critiques et réserves de la part des professionnels de la santé, dont la Fédération des médecins suisses (ci-après : FMH pour Foederatio Medicorum Helveticorum). Le défendeur a également émis des critiques sur certains points précis de cette méthode. Les données statistiques devaient donc être appliquées avec prudence. En tout état de cause, les données figurant dans les statistiques le concernant n'étaient pas fiables.

e.    Dans leur duplique du 24 février 2021, SANTÉSUISSE a persisté dans ses conclusions et refusé de donner suite aux requêtes préalables du défendeur, les jugeant inutiles et/ou disproportionnées, ou ne disposant pas des informations requises. Elle s'est en outre opposée à la mise en œuvre d'une expertise analytique. Il ressortait du rapport de POLYNOMICS que le taux d'aide sociale n'était pas significatif au niveau des statistiques. La méthode, affinée avec des outils mathématiques reconnus, permettait de déterminer de façon précise les médecins hors norme. Il était en outre sans importance que le défendeur dispose d'un CMPR, dès lors qu'il n'avait pas facturé le laboratoire interne, à l'exception de CHF 25.-. Le défendeur prescrivait peu de méthadone, mais par contre énormément de Dormicum (CHF 86'678.- en 2018). La délivrance de ce médicament à des toxicomanes interpellait, dans la mesure où ceux-ci pouvaient se livrer à un trafic. Ce médicament n'entrait pas dans le TAO, seuls les benzodiazépines à diffusion lente étant recommandés et non à diffusion rapide comme le Dormicum. Il n'était pas non plus établi que le TAO engendrait des coûts élevés pouvant expliquer les indices. À cet égard, le défendeur n'avait pas démontré avoir suivi 25 patients avec un TAO en 2018. Le traitement de toxicomanes ne dispensait pas le défendeur de respecter les principes d'efficacité, d'adéquation et d'économicité. Il prescrivait aussi souvent la Ritaline. Se posait alors la question de savoir s'il soignait beaucoup d'hyperactifs ou s'il prescrivait ce médicament pour contrebalancer les effets du Dormicum. Il n'y avait par ailleurs pas de différences de dépassement de coûts énormes entre les différents groupes de patients, le défendeur étant systématiquement hors norme pour chaque coût moyen par patient. En ce qui concernait les visites à domicile, il n'en avait effectué que 47 en 2018. Quant à l'analyse de régression, la FMH, CURAFUTURA et SANTÉSUISSE avaient décidé, par une convention adoptée en 2018, de perfectionner la méthode ANOVA, ce qui a été fait avec l'institut POLYNOMICS, spécialiste en matière de statistiques. Cette méthode avait donc été développée par les représentants des médecins et des assurances. Elle avait été validée par le Tribunal arbitral des assurances de Zurich. POLYNOMICS avait en outre constaté que ses analyses empiriques n'avaient pas prouvé que les données individuelles apportaient une nette amélioration de la surveillance et que le nombre de faux positifs était même inférieur dans ses calculs avec des données agréées. Enfin, les critiques de la méthode de régression du défendeur n'étaient pas pertinentes.

f.     Dans sa réplique du 7 mai 2021, le défendeur a maintenu ses conclusions. La somme réclamée correspondait à la moitié de son chiffre d'affaires. Après imputation des frais généraux, il ne resterait plus rien pour le rémunérer. En critiquant ses prescriptions de médicaments, SANTÉSUISSE démontrait sa méconnaissance au sujet des troubles liés au stress post-traumatique, des troubles et des addictions qui y étaient liés, ainsi que les traitements dans le cadre du TAO. Il était spécialisé dans les soins de patients traumatisés depuis des décennies comme c'était le cas de ceux qui souffraient de troubles de l'addiction. L'absence de soins de tels patients engendrait un coût autrement plus important à la société que les soins qu'il leur prodiguait. Dans ce sens, ses traitements étaient économiques. Au demeurant, le suivi spécialisé des toxicomanes était imposé par la loi sur les stupéfiants et ses ordonnances. Ce type de patientèle nécessitait un long travail thérapeutique, commençant par l'apaisement et par l'administration d'un TAO. Le défendeur a par ailleurs justifié la prescription du Dormicum et de la Ritaline. Il a en outre établi deux tableaux, l'un regroupant l'intégralité de sa patientèle par classe d'âge et de sexe, et un second tableau concernant les patients hommes de 31 et 35 ans. Le seul examen du premier tableau confirmait l'immense disparité des coûts par patient, selon qu'il s'agissait d'un patient « ordinaire » ou d'un patient entrant dans la spécialité du défendeur. Les statistiques avaient de surcroît comptabilisé 79 patients en moins, ce que la seule non-transmission des factures à l'assurance-maladie ne permettait pas d'expliquer. Enfin, les demanderesses n'étaient pas autorisées à exiger la restitution des coûts directs sur la base de l'indice des coûts totaux, ceux-ci comprenant les coûts indirects sur lesquels le médecin ne percevait aucun honoraire.

g.    Par courrier du 1er juin 2021, la direction générale de santé (ci-après: DGS) a transmis au tribunal de céans une liste avec les noms des médecins qui s'étaient annoncés en 2018 pour dispenser des traitements de substitution reposant sur la prescription de stupéfiants, ainsi que la directive du 1er juillet 2013 sur la prise en charge médicamenteuse des personnes toxicodépendantes.

h.   Par écritures du 15 juin 2021, SANTÉSUISSE a persisté dans ses conclusions et s'est opposée à une expertise analytique. Se référant à un arrêt de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, elle a relevé que le Dormicum ne figurait pas parmi les traitements de substitution en cas de dépendance aux opiacés à charge de l'assurance obligatoire des soins. Quant à la différence entre le nombre de patients répertorié par le défendeur et dans les statistiques, elle pouvait s'expliquer par le décalage entre la date des honoraires et le moment où ceux-ci ont été pris en charge, de ce que certains patients étrangers ne bénéficiaient pas d'une assurance-maladie et des franchises élevées. La méthode ANOVA confirmait par ailleurs pour l'essentiel le résultat de la méthode de régression.

i.      Par courrier du 17 juin 2021, le défendeur a notamment relevé qu'il ressortait de son échange de correspondances avec la DGS que sa pratique de traitement des toxicomanes existait depuis longtemps, et qu'elle nécessitait un examen analytique de sa facturation.

j.     Le 23 juin 2021, la DGS a informé le Tribunal de céans que le défendeur avait été autorisé à prescrire des stupéfiants à des personnes toxicodépendantes par arrêté du 16 juin 2009.

k.   Par écritures du 15 septembre 2021, le défendeur a persisté dans ses conclusions et a requis une expertise analytique au vu des limites de la méthode de régression.

l.      Le 12 octobre 2021, le défendeur a désigné Monsieur Jacques-Alain WITZIG en tant qu'arbitre en lieu et place de Monsieur BRÜCKNER.

Le 18 octobre 2021, SANTÉSUISSE a désigné Monsieur Luciano DE TORO en tant qu'arbitre en lieu et place de Madame TRITTEN.

m. Par courrier du 1er novembre 2021, le Tribunal de céans a informé SANTÉSUISSE qu'il ne paraissait pas judicieux dans la présente cause de se fonder sur les statistiques pour examiner si la pratique médicale du défendeur était constitutive d'une polypragmasie, en raison d'une grande disparité des coûts. Le Tribunal de céans avait par ailleurs jugé dans une autre cause que le suivi des addictions engendrait un coût considérable. Cela étant, il a invité SANTÉSUISSE à lui indiquer si elle contestait que les coûts directs concernant les 28 premiers patients listés dans la pièce 33 du défendeur, représentant CHF 129'274.-, respectaient le principe de l'économicité des traitements.

n.   Par écritures du 14 décembre 2021, SANTÉSUISSE a admis que le défendeur traitait davantage de patients toxicomanes que ses confrères, tout en jugeant peu fiables les listes anonymisées des patients sélectionnés. Quoi qu'il en soit, il en ressortait que les coûts relatifs au suivi des addictions variaient fortement, soit entre plusieurs milliers de francs par an et quelques centaines de francs. Toutefois, la nouvelle méthode de régression avait été affinée, si bien qu'il n'y avait pas de raison de ne pas s'y fonder. Elle présentait aussi l'avantage d'analyser l'ensemble de la pratique du médecin et non seulement un échantillon qui pourrait ne pas s'avérer représentatif. L'assurance-maladie était en outre en droit de limiter la prise en charge du Dormicum à un seul comprimé par jour. Or, le défendeur en prescrivait énormément. Quant à la méthadone, il en prescrivait que pour CHF 1'193.-, ce qui était marginal par rapport à l'ensemble des médicaments prescrits de CHF 394'252.-. Par ailleurs, le défendeur ne faisait pas partie du Groupe genevois des praticiens en médecine de l'addiction (ci-après: GPMA), de sorte que la convention conclue avec cet organisme, fixant le coût moyen à CHF 108.33 par semaine pour la prise en charge médico-pharmaco-psychothérapeutique des toxicomanes, ne pouvait lui être appliquée. Toutefois en admettant un forfait de médicaments de CHF 108.33 par consultation et en le déduisant des coûts directs du défendeur, son indice restait toujours hors normes (208.78). Il résultait enfin de la pièce 33 du défendeur que celui-ci pratiquait un système forfaitaire, en facturant dans un nombre considérable de cas (98) 35 minutes et dans 37 autres cas systématiquement deux consultations de 35 minutes, ce qui n'était pas conforme au TARMED.

o.    Par écritures du 13 janvier 2022, le défendeur a insisté sur la mise en œuvre d'une expertise analytique, tout en admettant que ses tableaux n'étaient pas totalement exacts.

p.   Par ordonnance du 7 juillet 2022, le tribunal de céans a mis en œuvre une expertise analytique et l'a confiée au professeur D______, spécialiste FMH en médecine interne générale.

q.   Dans son expertise du 26 février 2023, l'expert a constaté que la facturation du défendeur n'était pas toujours conforme au TARMED et a évalué le surcoût pour 2018 à entre CHF 20'164.- et CHF 39'649.-.

r.    Le 3 avril 2023, le défendeur s'est déterminé sur l'expertise. En premier lieu, il a relevé que l'expert n'émettait qu'une hypothèse de polypragmasie. Celle-ci n'était pas établie au degré de la vraisemblance prépondérante requis. Pour le surplus, l'expert a constaté que le dépassement en temps et en nombre des consultations par rapport aux autres internistes était médicalement justifié. Les statistiques n'étaient ainsi pas applicables. Au demeurant, SANTÉSUISSE avait le fardeau de la preuve de ses allégations et aurait dû mettre en œuvre une expertise analytique. Par conséquent, les frais de l'expertise judiciaire étaient à sa charge.

Si on prenait en considération la particularité de son activité, on devait constater que les consultations n'étaient ni trop longues ni trop fréquentes. Quant aux notes du dossier médical, elles n'étaient pas exhaustives et ne constituaient qu'un aide-mémoire personnel. Le respect du principe d'économicité ne pouvait ainsi pas être déterminé sur la base des seules notes.

Le temps consacré à chaque patient ne pouvait pas être déduit exclusivement de son agenda. En outre, si on ajoutait aux consultations de 30 minutes le travail administratif effectué (rédaction des notes etc.), généralement pendant la pause de midi, on devait constater que le temps consacré au patient correspondait au temps facturé.

Concernant les patients notés dans l'agenda à la même heure, il s'agissait de patients qui n'étaient pas venus à la consultation et s'étaient ensuite présentés en urgence durant la consultation d'un autre patient.

s.     Par écritures du 31 mai 2023, les SANTÉSUISSE s'est déterminée sur l'expertise. Elle a considéré que les calculs de l'expert étaient trop empiriques et ne pouvaient servir de base pour déterminer le montant dû, de sorte que les statistiques devaient être appliquées. Elle a dès lors persisté dans ses conclusions.

t.     Par écritures du 15 juin 2023, le défendeur a fait observer qu'il n'y avait pas lieu d'écarter les calculs de l'expertise. Quoi il en soit, selon lui, l'expert arrivait à la conclusion qu'il n'y avait pas de polypragmasie.

 

EN DROIT

1.         

1.1 Selon l’art. 89 al. 1 de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal ; RS 832.10), les litiges entre assureurs et fournisseurs sont jugés par le Tribunal arbitral. Est compétent le Tribunal arbitral du canton dont le tarif est appliqué ou dans lequel le fournisseur de prestations est installé à titre permanent (art. 89 al. 2 LAMal). Le Tribunal arbitral est aussi compétent si le débiteur de la rémunération est l’assuré (système du tiers garant, art. 42 al. 1 LAMal) ; en pareil cas, l’assureur représente, à ses frais, l’assuré au procès (art. 89 al. 3 LAMal).

1.2 En l’espèce, la qualité de fournisseur de prestations, au sens des art. 35ss LAMal et 38ss de l’ordonnance sur l'assurance-maladie du 27 juin 1995
(OAMal ; RS 832.102), du défendeur n’est pas contestée. Quant aux demanderesses, elles entrent dans la catégorie des assureurs au sens de la LAMal. La compétence du Tribunal arbitral du canton de Genève est également acquise ratione loci, dans la mesure où le cabinet de la défenderesse y est installé à titre permanent.

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        La demande de restitution de la demanderesse respecte les conditions de forme prescrites par les art. 64 al. 1 et 65 de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985 (LPA ; RS E 5 10), applicables par renvoi de l'art. 45 al. 4 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 29 mai 1997 (LaLAMal - J 3 05).

La demande est dès lors recevable.

3.        L'objet de la demande de restitution est la question de savoir si la pratique du défendeur en 2018 est contraire au principe de l'économicité des prestations et s'il est, de ce fait, tenu de rembourser la somme de CHF 126'467.40, subsidiairement de CHF 96'206.05.

4.        Dans le cadre des exigences posées par le droit fédéral, la procédure est régie par les cantons (art. 89 al. 5 LAMal). Elle n'est par conséquent pas soumise à la loi fédérale du 6 octobre 2000 sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA), entrée en vigueur le 1er janvier 2003 (cf. art. 1 al. 2 let. e LAMal).

5.         

5.1 Le Tribunal établit les faits d'office et apprécie librement les preuves (art. 45 al. 3 LaLAMal).

5.2 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références).

6.        Aux termes de l’art. 56 al. 1 et 2 LAMal, le fournisseur de prestations doit limiter ses prestations à la mesure exigée par l’intérêt de l’assuré et le but du traitement. La rémunération des prestations qui dépasse cette limite peut être refusée et le fournisseur de prestations peut être tenu de restituer les sommes reçues à tort au sens de cette loi.

Un cas de polypragmasie est réalisé aussi lorsque le fournisseur de prestations facture des montants qui excèdent ceux des traitements plus économiques qu'il aurait pu dispenser, ou que des positions tarifaires sont elles-mêmes cumulées de façon prohibée, car les prestations ne sont ainsi plus limitées à la mesure exigée par l'intérêt de l'assuré et le but du traitement (arrêt du Tribunal fédéral 9C_21/2016 du 17 novembre 2016 consid. 6.2).

7.         

7.1     Aux termes de l’art. 56 al. 2 let. a LAMal ont qualité pour demander la restitution l'assuré ou l'assureur dans le système du tiers garant. Le Tribunal arbitral est en effet également compétent si le débiteur de la rémunération est l'assuré. En pareil cas, l'assureur représente l'assuré au procès à ses frais (art. 89 al. LAMal). Ont également qualité pour demander la restitution les assureurs dans le système du tiers-payant (art. 56 al. 2 let. b LAMal). Selon la jurisprudence en la matière, a qualité pour agir l’assureur qui a effectivement pris en charge la facture. Par ailleurs, les assureurs, représentés le cas échéant par leur fédération, sont habilités à introduire une action collective à l’encontre du fournisseur de prestations, sans spécifier pour chaque assureur les montants remboursés (ATF 127 V 286 consid. 5d).

Néanmoins, la prétention en remboursement appartient à chaque assureur-maladie, raison pour laquelle il doit être mentionné dans la demande, ainsi que dans l’arrêt (RAMA 2003, p. 221). Lorsqu’un groupe d’assureurs introduit une demande collective, il ne peut dès lors réclamer que le montant que les membres de ce groupe ont payé. Il n'est pas habilité d'exiger le remboursement d’un montant que d’autres assureurs, lesquels ne sont pas représentés par ce groupe, ont pris en charge.

7.2 En l'espèce, il résulte des données du Datenpool Jahresdaten Geschäftsjahr 2018 que tous les assureurs-maladie qui ont pris en charge des prestations pour les patients du défendeur, font partie des demanderesses. Partant, celles-ci sont habilitées à demander la restitution de l'intégralité de l'éventuel trop perçu.

8.         

8.1 Selon l'art. 25 al. 2 LPGA, dans sa teneur jusqu'au 31 décembre 2020 présentement applicable, le droit de demander la restitution s'éteint un an après le moment où l'institution d'assurance a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation. Si la créance naît d'un acte punissable pour lequel le droit pénal prévoit un délai de prescription plus long, celui-ci est déterminant. Cette disposition s'applique également aux prétentions en restitution fondées sur l'art. 56 al. 2 LAMal (ATF 133 V 579 p. 582 consid. 4.1).

Les délais de la disposition précitée constituent des délais de péremption
(ATF 142 V 20, consid. 3.2.2 p. 24). Ils ne peuvent dès lors être interrompus (ATF 136 II 187 consid. 6 p. 192).

Selon la jurisprudence, le délai de péremption relatif d'une année commence à courir dès le moment où l'administration aurait dû connaître les faits fondant l'obligation de restituer, en faisant preuve de l'attention que l'on pouvait raisonnablement exiger d'elle (ATF 122 V 270 consid. 5a).

8.2 En l'espèce, les statistiques concernant l'année 2018 ont été portées à la connaissance de SANTÉSUISSE au plus tôt le 17 juillet 2019, date qui correspond à celle de la préparation des données figurant sur ces statistiques. Dans la mesure où la demande a été déposée le 6 juillet 2020, elle respecte le délai légal d'une année.

9.         

9.1 Une violation du principe d'économicité est présumée, selon la jurisprudence développée avant l'adoption de la méthode de régression, lorsque la marge de tolérance des coûts totaux et des coûts directs des statistiques est dépassée (ATF 133 V 43 consid. 2.5.1-2.5.5 p. 47 ss). Les statistiques des assureurs-maladie peuvent ainsi constituer une preuve suffisante d'une polypragmasie, en l'absence d'indices mettant en doute la pertinence de leur application dans un cas précis.

La marge de tolérance, selon la jurisprudence relative à la méthode statistique ANOVA, est entre 20 et 30 % en plus du coût moyen par patient du groupe de comparaison (ATF 137 V 43 consid. 2.2 p. 45 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_67/2018 du 20 décembre 2018 consid. 12.1).

Lors de l'examen de la question de l'économicité, l'indice de l'ensemble des coûts est en principe déterminant (ATF 133 V 37 consid. 5.3). Lorsque ces coûts se situent dans la marge de tolérance, le principe de l'économicité est respecté. Dans la négative, il sied d'examiner si l'indice des coûts directs dépasse la marge de tolérance. Si tel est le cas, une violation de ce principe est présumée. L'obligation de restituer en application de l'art. 56 al. 2 LAMal n'englobe toutefois que les coûts directement liés à la pratique du médecin (y compris les médicaments délivrés par lui ; ATF 137 V 43 consid. 2.5.1 ss. p. 47ss. ; 133 V 43 consid. 2.5.1-2.5.5 p. 47 ss).

9.2 Contrairement à la méthode statistique qui s'appuie essentiellement sur la comparaison chiffrée des médecins, la méthode analytique entre dans le détail de la pratique du médecin soupçonné de polypragmasie. L'expert examine en détail le contenu des dossiers afin de déterminer si chaque décision du médecin était correcte dans le cas particulier. Le médecin mis en cause doit généralement soutenir activement le travail de l'expert. Il a ainsi l'opportunité de discuter les cas considérés a priori douteux par l'expert et d'apporter ses justifications (ATF 144 V 79 consid. ).

10.     

10.1 Selon l'art. 56 al. 6 LAMal, entré en vigueur le 1er janvier 2013, les fournisseurs de prestations et les assureurs conviennent d’une méthode visant à contrôler le caractère économique des prestations.

Par convention signée le 27 décembre 2013 et le 16 janvier 2014, la FMH, d'une part, et SANTÉSUISSE et CURAFUTURA, d'autre part, se sont mis d'accord sur l'application de la méthode statistique ANOVA au contrôle de l'économicité de la pratique médicale des médecins. Celle-ci a été admise par le Tribunal fédéral, lequel a considéré que l'art. 56 al. 6 LAMal ne contenait pas de précisions ou une énumération à titre d'exemple de critères à respecter lors du contrôle. Les critères devaient être élaborés et déterminés en partenariat, ce qui était dans la compétence exclusive des fournisseurs de prestations et des assureurs (ATF 144 V 79 consid. 5.3.1 p. 82).

Les parties à cette convention ont en outre convenu que la méthode ANOVA devait être développée par les fournisseurs de prestations et les assureurs et notamment être complétée par des variables de morbidité. C'est ce qu'elles ont réalisé, en collaboration avec Polynomics SA, en adoptant une analyse de régression en deux étapes. L'analyse de régression inclut non plus seulement les critères de morbidité, de l'âge et du sexe, mais également les critères « franchise à option », « séjour dans un hôpital ou dans un établissement médico-social l'année précédente », ainsi que le « pharmaceutical cost groupe » (ci-après: PCG). Cette méthode calcule également un indicateur d'incertitude qui fournit des indications sur la fiabilité des résultats. Selon le rapport final de Polynomics « Développement de la méthode statistique d'évaluation d'économicité », « Si un cabinet dévie dans toutes ses observations d'une valeur similaire par rapport aux coûts prévus par le modèle, le facteur d'incertitude sera bas. Mais si certaines observations dévient très fortement dans le sens positif, alors que d'autres ne dévient presque pas ou négativement, l'indicateur d'incertitude sera élevé » (p. 90).

Par convention signée les 10 juillet, 15 et 23 août 2018, les parties ont déclaré la méthode de régression (screening) applicable dans le futur au contrôle de l'économicité de la pratique médicale, soit pour la première fois pour l'année statistique 2017 (arrêt du Tribunal fédéral 9C_558/2018 du 12 avril 2019 consid. 7.1).

10.2 En l'occurrence, la méthode de régression est en principe applicable au contrôle de l'économicité, conformément à la convention signée par les assureurs-maladie et fournisseurs de prestations.

Selon la méthode de régression pour l'année 2018, l'indice du défendeur est pour les coûts directs de 172. Cet indice ne comprend pas le coût des médicaments dispensés directement par le médecin. L'indice des coûts totaux est de 233.

Selon la méthode ANOVA, l'indice des coûts directs est de 206.

Selon les statistiques RSS, l'indice des coûts directs avec médicaments, dont le coût est toutefois anecdotique (CHF 307.-), est de 211 et celui des coûts totaux de 212.

Partant, il y une présomption de polypragmasie.

11.    Cependant, comme exposé dans l'ordonnance d'expertise, la méthode statistique n'est pas indiquée en l'occurrence pour établir si le défendeur a une pratique médicale contraire au principe de l'économicité, en dépit du nombre de paramètres que la méthode de régression prend en considération.

Il appert que le nombre des patients du défendeur est trois fois inférieur à la moyenne du groupe de comparaison, de sorte que les cas hors normes ont un impact beaucoup plus important sur le coût moyen de ses patients. En effet, selon les données de la méthode de régression, le défendeur n'a que 269 patients contre 863 dans son groupe de comparaison. Son chiffre d'affaires est de CHF 260'769.- contre CHF 525'567.- dans son groupe de comparaison (863 patients x CHF 609.- [coût par patient du groupe]), selon ces mêmes statistiques. Par conséquent, le coût de CHF 129'274.- relatif aux 28 patients les plus chers du défendeur représente presque 50% de son chiffre d'affaires, tandis qu'il ne correspondrait qu'à un quart du chiffre d'affaires moyen du groupe de comparaison. Par ailleurs, en déduisant le coût des 28 cas hors norme du chiffre d'affaires de CHF 260'769.-, le coût par patient du défendeur pour les 241 autres patients (269 – 28) n'est plus que de CHF 545.- ([260'769 - 129'274] : 241), soit inférieur au coût moyen de CHF 609.- du groupe de comparaison. Certes, le nombre comparativement peu élevé de patients ne constitue par une particularité du cabinet médical permettant d'augmenter la marge de tolérance, selon la jurisprudence (arrêt du Tribunal fédéral 9C_558/2018 du 12 avril 2019 consid. 8.1). Toutefois, cela peut fausser les statistiques lorsqu'il y a une proportion élevée de cas hors norme parmi les patients.

Au demeurant, l'expert admet que le genre de patients du défendeur avec des pathologies complexes au niveau psychiatrique et psychologique est clairement plus important dans le cabinet du défendeur que chez les autres médecins de son groupe de comparaison.

12.     

12.1     Le tribunal de céans n'entrera par ailleurs pas en matière sur la demande de restitution en ce qu'elle se fonde sur l'indice au-dessus de la moyenne des médicaments prescrits par le défendeur. En effet, il s'agit de coûts indirects dont la restitution ne peut être réclamée au médecin, selon la jurisprudence constante en la matière du Tribunal fédéral, comme relevé ci-dessus.

12.2 S'agissant de la prescription du Dormicum par le défendeur dans le cadre de traitements des dépendances, il est vrai qu'au-delà d'un comprimé par jour, les caisses-maladies sont en droit de refuser le remboursement, comme jugé par la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ATAS/260/2017). Les demanderesses n'auraient donc pas dû rembourser ce médicament au-delà de la dose maximale admise. Toutefois, elles ne sont pas habilitées à en réclamer la restitution dans le cadre d'une procédure de polypragmasie, s'agissant de coûts indirects.

13.     

13.1 Dans l'expertise judiciaire, l'expert a d'abord examiné les 28 dossiers identifiés par le défendeur comme étant les plus coûteux. Il constate alors que dans 26 sur 28 dossiers les patients sont affectés de pathologies psychiatriques, tels que syndrome de dépendance à une substance, trouble anxieux, dépressif ou psychotique. Un certain nombre des patients relèvent des « blessés de la vie » avec des multiples problématiques au niveau médical, familial, social, professionnel, assécurologique ou judiciaire. L'expert admet que ce genre de patients peut nécessiter un nombre plus important de consultations et une durée plus longue des celles-ci que la moyenne, tout en ajoutant de façon contradictoire « Ce n'est toutefois pas de facto nécessaire ». Il n'explique pas par la suite pourquoi cela n'est pas nécessaire, de sorte qu'il ne sera pas tenu compte de cette remarque.

Cependant, dans les dossiers de ces patients, l'expert constate une systématique de facturation par forfaits de 35 ou 60 minutes.

Sur la base des notes figurant dans le dossier médical concernant ces 28 patients, l'expert relève que la durée des consultations et leur fréquence n'est pas toujours justifiée. Pour un patient (no 11 ; 34 consultations pour CHF 6'640.86), il n'y a en outre aucune note dans le dossier. Selon le défendeur, il s'agissait pour ce patient presque uniquement de visites à domicile qui ne figurent pas dans l'agenda. Néanmoins, l'expert ne met pas en doute que ce patient est affecté d'une pathologie lourde. Dans les autres cas, certaines notes ne justifient pas la durée de la consultation en cause, selon l'expert. Toutefois, il considère qu'il est pratiquement impossible pour ces 28 patients, constituant une population particulièrement vulnérable, de décompter objectivement le nombre de consultations trop longues ou inutiles sur le plan économique. Cependant, il y a 228 consultations de 60 minutes pour lesquelles une durée de 45 minutes aurait été plus adéquate sur le plan économique. Pour les 639 autres consultations, les notes médicales ne justifient pas la durée dans au moins 12 cas. Par ailleurs, selon l'appréciation de l'expert, les 639 consultations ont duré en moyenne au moins de 5 minutes de moins que ce qui a été facturé ou les 5 dernières minutes n'étaient pas justifiées d'un point de vue économique pour ces consultations.

13.2 L'expert a ensuite sélectionné, en plus des 28 cas les plus lourds, 24 dossiers. Les critères de sélection étaient une variété de tranches d'âge et du nombre de consultations, mais un minimum de 4 consultations en 2018. L'analyse montre que le principe de l'économicité n'a pas été respecté lorsqu'il y a 15 consultations ou plus d'une durée de 60 minutes.

L'expert relève pour ces cas également une facturation systématiquement forfaitaire avec un chaînage de prestations identiques. Les factures ne correspondent ainsi pas toujours aux prestations effectuées, en se fondant sur les notes médicales. Le surcoût est toutefois difficile à évaluer, étant précisé que pour deux patients, pour lesquels CHF 7'455.- ont été facturés, il n'existe aucune note médicale dans le dossier. Plusieurs consultations ont certainement duré moins de temps que ce qui a été facturé. La méthodologie de calcul se base généralement sur le fait que les consultations de 35 minutes ont duré en moyenne moins longtemps (par ex. une consultation pour une infection urinaire dure en général 10 minutes).

En outre, même si les consultations ont réellement duré 35 minutes, une majorité ne respecteraient pas le caractère économique. Une moyenne de 30 minutes doit être admise. Au demeurant, la facturation dépasse tous les jours le temps réservé à la consultation dans l'agenda.

13.3 L'expert a enfin examiné 15 jours de consultations correspondant aux jours de consultations des 28 patients les plus lourds. Les consultations dont le temps réservé dans l'agenda est de 30 minutes ont presque toutes été facturées pour 35 minutes. La dernière consultation de la journée est presque systématiquement facturée pour 60 minutes, alors que le temps réservé dans l'agenda est de 30 minutes. Par ailleurs, dans plusieurs cas, des patients sont prévus pour la même heure dans l'agenda.

14.    SANTÉSUISSE n'accorde qu'une valeur probante limitée à cette expertise. Elle estime que les calculs et hypothèses évoqués par l'expert ne peuvent servir de base pour déterminer le montant dû et que les calculs sont trop empiriques, de sorte que les statistiques doivent trouver application.

14.1 En premier lieu, SANTÉSUISSE requiert que l'expert réponde à la question de savoir si la pratique du défendeur est réellement incomparable à celle des internistes généralistes de son groupe de comparaison et, si oui, selon quels critères.

Il ressort clairement de l'expertise que cela est le cas. L'expert répond à cette question sous le chiffre 5 en relevant que les patients très vulnérables avec des polymorbidités semblent être clairement plus importants que dans les autres cabinets médicaux. Ce genre de patients est généralement soigné dans les polycliniques universitaires, pour lesquelles il ne semble pas exister de statistiques. Le critère est la vulnérabilité particulière de cette patientèle avec des troubles tels que syndrome de dépendance à une substance, trouble anxieux, dépressif ou psychotique (expertise p. 2, 3ème al.).

14.2 Quant à la question de savoir si la patientèle du défendeur est réellement atypique, il peut être considéré que tel est le cas également sur la base de la réponse de l'expert sous chiffre 5. En effet, la patientèle particulièrement vulnérable du défendeur est généralement soignée dans les hôpitaux et non chez des internistes généralistes.

14.3 En ce que les demanderesses requièrent que l'expert précise comment la durée et la cadence des consultations sont fixées, cela paraît impossible, à moins d'analyser dans chaque cas l'histoire médicale du patient concerné, ce qui dépasse le cadre d'une expertise.

14.4 En ce que SANTÉSUISSE estime inéquitable de constater que l'expert a systématiquement considéré comme adéquate la durée des consultations par rapport à ce qui a été facturé chaque fois qu'il y avait un doute, il y a lieu de relever qu'il lui appartient de prouver ses allégations au degré de la vraisemblance prépondérante. Ainsi, lorsque l'expert a un doute, il faut admettre que le fait en cause ne peut pas être établi à ce degré, de sorte qu'il doit être écarté.

14.5 SANTÉSUISSE demande en outre que l'expert se détermine de façon approfondie pour toutes les consultations dans les dossiers examinés sur leur durée et leur fréquence admissibles, comme il l'a fait pour deux cas flagrants.

Comme relevé ci-dessus, l'expert considère qu'il est pratiquement impossible pour ces 28 patients, constituant une population particulièrement vulnérable, de décompter objectivement le nombre de consultations trop longues ou inutiles sur le plan économique.

15.    Quant au défendeur, il conclut de l'expertise que celle-ci ne met pas en évidence une polypragmasie, dans la mesure où l'expert n'a émis que l'hypothèse d'une pratique médicale non économique et ne l'a pas établie au degré de la vraisemblance prépondérante.

Il relève par ailleurs que la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) impose d'établir avec les patients un lien thérapeutique particulier, d'améliorer leur santé, notamment en réduisant les complications psychiques, physiques et sociales, la consommation de substances psychoactives, de les faire évoluer vers une consommation de substances psychoactives présentant un risque faible, de les amener à se réinsérer socialement et professionnellement et à s'abstenir de consommer sans autorisation des substances soumises au contrôle.

S'agissant des notes médicales dans les dossiers, sur lesquelles l'expert se fonde pour estimer la durée de la consultation nécessaire, le défendeur fait observer que ces notes ne constituent pas l'intégralité du dossier médical. Elles n'ont pas vocation de contenir l'historique exhaustif du patient et ne mentionnent pas toutes les comorbidités du patient à chaque consultation. Ces informations ressortent du dossier médical, lequel comprend, conformément à la loi sur la santé du 7 avril 2006 (LS - K 1 03), l'anamnèse, les résultats des examens cliniques et analyses, l'évaluation de la situation du patient, les soins proposés et ceux prodigués. Ces notes constituent un aide-mémoire personnel avec des points de repères. Partant, la durée d'une consultation ne peut être déterminée sur la base des seules notes.

En ce que l'expert considère qu'une consultation pour une infection urinaire ne dure que dix minutes, il ne tient pas compte de ce que le patient souffre également d'une autre pathologie lourde, ce qui ressort du dossier médical, et que cette infection s'inscrit dans le cadre d'une consultation de suivi pour un trouble post-traumatique complexe.

Quant à l'analyse de l'agenda par l'expert, le défendeur allègue qu'il rédige les notes et remplit les tâches administratives relatives aux dossiers durant sa pause de midi ou le soir. Ainsi, en ajoutant ce travail à la durée de la consultation de 30 minutes, le temps total est de 35 minutes.

Concernant la fréquence des consultations, le type de clientèle du défendeur requiert un suivi très régulier, afin de maintenir le lien thérapeutique fort. A défaut, les patients se rendraient aux urgences, voire devraient être hospitalisés.

16.     

16.1 En premier lieu, il sied de constater que l'expertise n'a pas seulement montré une possible surfacturation, mais l'a clairement établie au degré de la vraisemblance prépondérante. En effet, l'expert relève que la facturation du défendeur n'est pas toujours conforme à la LAMal, celle-ci étant quasi systématiquement forfaitaire avec un chaînage de prestations identiques qui ne correspondent pas forcément aux prestations effectuées. L'analyse de l'agenda et sa comparaison avec les prestations facturées fait également apparaître une surfacturation en temps. Le temps facturé de façon forfaitaire ne peut pas être une moyenne de temps entre les différents patients, dans la mesure où les forfaits entraîneraient des retards importants dans l'agenda. Au demeurant, pour les consultations facturées 35 minutes, seules 30 minutes sont prévues dans l'agenda. La dernière consultation est prévue pour 30 minutes et systématiquement facturée 60 minutes. Cela se retrouve parfois aussi en fin de matinée.

16.2 Sur la base de l'expertise, le tribunal de céans tient pour établi que les 28 cas les plus couteux analysés par l'expert concernent effectivement une patientèle particulière avec des pathologies lourdes qui justifient des consultations plus longues et plus fréquentes que la moyenne.

En ce que l'expert n'admet pas dans certains cas la durée de la consultation sur la base de notes trop sommaires, voire absentes, le Tribunal de céans estime toutefois que ces notes ne sont pas forcément déterminantes pour estimer la durée d'une consultation dans le cadre de pathologies psychiatriques lourdes chez des personnes très vulnérables. En effet, il ne peut être attendu d'un médecin dans ces cas qu'il répète à chaque fois dans sa note les problèmes médicaux et psychosociaux qui, lors de consultations fréquentes, varient très peu, selon l'expérience générale.

Une affection somatique peut en outre s'insérer dans le suivi habituel de la personne et s'ajouter alors à ses autres problèmes. Ainsi, en ce que SANTÉSUISSE critique que la prestation psycho-sociale figure systématiquement dans tous les forfaits, même s'il s'agit d'une conjonctivite ou d'une infection urinaire, son grief ne peut être retenu. Au demeurant, pour les 28 cas les plus coûteux, l'expert n'a pas mis en doute la présence d'une pathologie lourde et récurrente.

Le Tribunal de céans ne tiendra dès lors pas compte des 12 consultations parmi les 28 cas les plus coûteux, pour lesquelles les notes médicales ne permettent pas d'établir la durée, selon l'expert.

Partant, il n'est pas établi que la durée des consultations est exagérée, sur la base de ces seules notes, voire que la prestation n'a pas été effectuée en l'absence d'une note médicale.

17.     

17.1 L'expert a procédé à plusieurs calculs du surcoût en raison d'une facturation non conforme au TARMED.

En premier lieu, pour les 28 cas les plus lourds concernant des patients particulièrement vulnérables avec des suivis surtout psychosociaux, il estime qu'il y a 228 consultations de 60 minutes pour lesquelles une durée de 45 minutes aurait été plus adéquate sur le plan économique. Le surcoût par rapport à ces consultations est de CHF 12'216.- (228 x 53.58).

Par ailleurs, l'expert considère que les 639 autres consultations de 35 minutes concernant les 28 cas lourds ont duré en moyenne au moins 5 minutes de moins que ce qui a été facturé. Le surcoût y relatif est de CHF 11'416.- (639 x 17.86).

L'expert a ensuite sélectionné, en plus des 28 cas les plus lourds, 24 dossiers. L'analyse montre que le principe de l'économicité n'a pas été respecté lorsqu'il y a 15 consultations ou plus d'une durée de 60 minutes. Cela concerne quatre patients dont les dossiers ont été revus, plus un patient dont le dossier n'a pas été revu en l'absence de notes.

Puis, l'expert calcule le surcoût vraisemblable sur la base de l'ensemble des consultations. En admettant que, sur la totalité des 1329 consultations de 35 minutes, 5 minutes ont été facturés en trop, il établit un surcoût de CHF 23'736.-. En considérant que pour 200 consultations sur le total de 1329, 35 minutes étaient justifiées, le surcoût est de CHF 20'164.- (1'129 x 17.86). Le chiffre de 1329 consultations de 35 minutes résulte de la pièce 36 du défendeur et n'a pas été contesté par les parties.

Pour les patients qui ont au moins 15 consultations en 2018 d'une durée de 60 minutes en moyenne (297 consultations), l'expert évalue le surcoût à 15 minutes facturées en trop, soit à CHF 15'913.- (297 x 53.58). Il propose de ne pas considérer un surcoût lorsqu'il y a moins de 15 consultations par année, car il faudrait relire chaque consultation pour savoir si la durée était économiquement justifiable. Il y a aussi des situations où un temps de plus de 45 minutes est justifiable. Pour ce calcul, l'expert ne tient pas compte du nombre de consultations par patient - même s'il semble trop élevé pour au moins 20 patients, ainsi que pour le patient pour lequel n'existe aucune note médicale - ni des consultations d'une durée différente que 35 ou 60 minutes.

Selon ce calcul, le total du surcoût est en 2018 de CHF 39'649.- (23'736 + 15'913) respectivement de CHF 36'077.- (20'164 + 15'913) en enlevant les consultations en faible nombre.

Un autre mode de calcul, proposé par l'expert, pourrait être de considérer qu'un quart de la durée des consultations des patients des 28 cas les plus lourds n'est pas justifié, ce qui représente un surcoût de CHF 32'318.-. On ne tiendrait alors pas compte des petites consultations surfacturées ni des patients n'appartenant pas à ces 28 patients.

L'analyse portant sur 15 jours de consultations non consécutives montre une surfacturation en temps, reportée au nombre de jours de consultations par année, de CHF 21'938.- (CHF 166.2 x 132 jours). En ajoutant les jours de l'agenda avec un doute sur une surfacturation, le surcoût est de CHF 30'386.-.

17.2 Il résulte de ce qui précède que le surcoût pour l'ensemble des consultations est estimé par l'expert entre CHF 21'938.- et CHF 39'649.-.

Au vu de la facturation systématiquement forfaitaire, le tribunal de céans considère que le surcoût total est à calculer sur la base des consultations de 35 et 60 minutes surfacturées au degré de la vraisemblance prépondérante.

Le tribunal de céans considère toutefois que, s'agissant le dépassement de 5 minutes des consultations de 35 minutes, toutes les 1329 consultations doivent être prises en considération, dans la mesure où les 30 minutes admises constituent une moyenne. Ainsi, certaines de ces consultations ont duré vraisemblablement moins de 30 minutes, ce qui compense les consultations qui ont duré effectivement 35 minutes.

En ce que le défendeur fait valoir que les 5 minutes supplémentaires sont justifiées en raison du travail administratif effectué hors agenda lors la pause de midi ou le soir, cet argument ne peut être retenu. En effet, l'expert constate que la majorité des consultations étudiées ne comporte pas de rédaction de rapports ou de notes justifiant le temps facturé en l'absence du patient. Au demeurant, le Tribunal de céans a jugé, concernant la position 02.0010 TARMED, que la lecture du dossier médical et les annotations ne peuvent être comprises dans le prix de la consultation de base qu’à condition d’avoir été effectuées immédiatement avant et après celle-ci. Si ce travail est effectué à un autre moment, il ne peut plus être inclus dans cette position (ATAS 209/2018 consid. 13c).

Il sied par conséquent de retenir un surcoût de CHF 23'736.-pour les consultations facturées 35 minutes.

Avec le surcoût relatif aux patients qui ont au moins 15 consultations en 2018 d'une durée de 60 minutes en moyenne, le montant surfacturé à retenir est ainsi de CHF 39'649.-.

Certes, le calcul de la facturation non conforme n'est pas établi sur la base de l'analyse de chaque dossier. Toutefois, comme relevé par l'expert, le surcoût ne peut qu'être estimé, vu que le défendeur a procédé à une facturation au forfait. L'analyse fine prendrait environ 40 heures supplémentaires, ce qui ne paraît pas justifié par l'expert et garderait une forme de subjectivité. Partant, il y a lieu d'appliquer par analogie l'art. 42 al. 2 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220), selon lequel le juge détermine équitablement le dommage en considération du cours ordinaire des choses et des mesures prises par la partie lésée.

18.    Au vu de ce qui précède, la demande sera partiellement admise et le défendeur sera condamné à restituer aux demanderesses la somme de CHF 39'639.-.

19.     

19.1 La procédure devant le Tribunal arbitral n'est pas gratuite. Conformément à l'art. 46 al. 1 LaLAMAL, les frais du tribunal et de son greffe sont à la charge des parties. Ils comprennent les débours divers (notamment indemnités de témoins, port, émolument d'écriture), ainsi qu'un émolument global n'excédant pas CHF 15'000.-. Le tribunal fixe le montant des frais et décide quelle partie doit les supporter (art. 46 al. 2 LaLAMAL).

19.2 Le défendeur conteste devoir participer aux frais de l'expertise, au motif que celle-ci aurait dû être mise en œuvre par SANTÉSUISSE avant d'ouvrir une action en paiement à son encontre. Toutefois, comme relevé ci-dessus, le Tribunal fédéral admet depuis longtemps le recours à la méthode statistique comme moyen de preuve permettant d'établir le caractère économique ou non des traitements prodigués par un médecin donné. Les données statistiques établissent une présomption de polypragmasie avec la conséquence que le fardeau de la preuve est alors inversé dans le sens que le défendeur doit établir, d'une part, une particularité de sa pratique médicale faisant apparaître qu'il ne peut être comparé aux autres médecins de son groupe de comparaison, et d'autre part, que sa pratique médicale est conforme au principe de l'économicité.

Cela étant, il appartiendra au défendeur de prendre à sa charge également une partie des frais d'expertise, la demande étant partiellement admise.

19.3 En l'occurrence, SANTÉSUISSE obtient 31% de ses conclusions. Par conséquent, les frais du tribunal de CHF 4'200.- et de l'expertise de CHF 15'855.75, ainsi qu'un émolument de justice de CHF 3'000.-, soit un total de CHF 23'055.75 seront mis à raison de 69% à la charge de SANTÉSUISSE et de 31% du défendeur, soit respectivement CHF 15'908.45 et CHF 7'147.30 en chiffres ronds.

20.    SANTÉSUISSE sera en outre condamnée à verser au défendeur une indemnité de CHF 2'000.- à titre de dépens, la demande n'étant que partiellement admise.

 

 


PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL ARBITRAL DES ASSURANCES:

Statuant

À la forme :

1.        Déclare la demande recevable.

Au fond :

2.        L'admet partiellement.

3.        Condamne le défendeur à verser à SANTÉSUISSE, à charge pour elle de les répartir entre les demanderesses, le montant de CHF 39'649.-.

4.        Met l'émolument de justice de CHF 3'000.- et les frais du Tribunal arbitral de CHF 4'200.-, ainsi que les frais d'expertise de CHF 15'855.75, à la charge de SANTÉSUISSE à raison de CHF 15'908.45 et à la charge du défendeur à raison de CHF 7'147.30.

5.        Condamne SANTÉSUISSE à verser au défendeur la somme de CHF 2'000.- à titre de participation à ses frais et dépens.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

 

La greffière

 

 

 

 

Stefanie FELLER

 

La présidente suppléante

 

 

 

 

Maya CRAMER

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l'Office fédéral de la santé publique par le greffe le