Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/655/2023 du 30.08.2023 ( LPP ) , REJETE
En droit
rÉpublique et | 1.1 canton de genÈve![endif]>![if> | |
POUVOIR JUDICIAIRE
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A/1230/2023 ATAS/655/2023 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 30 août 2023 Chambre 4 |
En la cause
A______ B______
| demandeurs |
contre
CAISSE INTER-ENTREPRISE DE PRÉVOYANCE PROFESSIONNELLE
| défenderesse |
A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né en 1954, a épousé Madame C______, née en 1957, le 14 février 1985. ![endif]>![if>
b. Dès le 1er février 2019, l’assuré a perçu une rente de vieillesse de la prévoyance professionnelle de CHF 8'897.- versée par la Caisse inter-entreprise de prévoyance professionnelle (ci-après : la Caisse ou la défenderesse).![endif]>![if>
c. Par jugement du 25 octobre 2021 (JTPI/13796/2021), le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) a dissous le mariage de l’assuré et de son épouse. ![endif]>![if>
Il a donné acte à l’assuré de son engagement à verser à son ex-épouse à titre de pension une contribution mensuelle à son entretien de CHF 5'000.- jusqu'à la fin du mois précédant celui au cours duquel la rente de la Caisse serait servie à celle-ci. Il a également ordonné le partage de la rente de vieillesse de la prévoyance professionnelle de l’assuré en ce sens que son ex-épouse se voyait attribuer à ce titre une rente mensuelle de CHF 7'466.-. Il a ordonné en conséquence à la Caisse de prélever chaque mois ce montant sur la rente servie à l’assuré et de procéder au versement de la rente viagère équivalente à son ex-épouse.
Le Tribunal a communiqué ces points à la Caisse, précisant que le jugement était devenu exécutoire le 13 novembre 2021.
d. Lors de sa séance du 17 décembre 2021, le Conseil de fondation de la Caisse a entériné la proposition de verser une treizième rente aux bénéficiaires d’une rente de vieillesse exclusivement, et uniquement aux pensionnés ayant une rente ouverte au 31 décembre 2021, si les performances de la Caisse excédaient 8%. ![endif]>![if>
e. Le 27 janvier 2022, la Caisse a informé l’épouse de l’assuré que conformément au jugement du Tribunal, elle avait converti le montant de CHF 7'466.- en rente mensuelle viagère. Celle-ci s’élevait à CHF 7'238.- et lui serait versée au début de chaque mois. Les arriérés de CHF 18'818.80 correspondant aux rentes dues à partir du 13 novembre 2021 seraient réglés le 1er février 2022.![endif]>![if>
A la même date, la Caisse a invité l’assuré à lui rembourser les rentes versées en trop depuis le 13 novembre 2021, soit CHF 19'411.60.
f. Le 28 mars 2022, la Caisse a annoncé à l’assuré qu’une treizième rente serait versée à tous les bénéficiaires d’une rente de vieillesse au 31 décembre 2021. ![endif]>![if>
g. L’assuré s’étant étonné dans un courriel à la Caisse que la rente supplémentaire versée s’élève à CHF 1'431.-, et non à CHF 8'897.-, soit le montant de sa rente au 31 décembre 2021, celle-ci lui a répondu le 20 avril 2022 que le montant versé correspondait à la rente réduite selon les instructions reçues du Tribunal. Il s’en est suivi un nouvel échange de courriers électroniques entre l’assuré et la Caisse, le premier contestant le procédé de la seconde, dans lequel il voyait une inégalité de traitement, dès lors que son ex-épouse n’avait pas reçu la proportion restante de la treizième rente. Le 10 octobre 2022, la Caisse a maintenu sa position, qu’elle disait conforme à son règlement. La rente supplémentaire avait été versée à l’assuré en fonction de sa rente de vieillesse au 31 décembre 2021. L’assuré a répondu que le montant complet de sa rente avant réduction devait être versé à titre de treizième rente, rappelant qu’il était déjà au bénéfice d’une rente de vieillesse lors du prononcé de son divorce.![endif]>![if>
h. Le 12 décembre 2022, l’assuré, par son conseil, a derechef requis le versement de la rente de vieillesse non réduite au titre de treizième rente. La Caisse lui a répondu par courrier du 12 janvier 2023 que son ex-épouse était au bénéfice d’une « rente de divorce », qui relevait d’une rente viagère versée à une personne qui n’avait jamais été assurée auprès d’elle. Or, la treizième rente n’avait été octroyée qu’aux bénéficiaires d’une rente de vieillesse. L’assuré ne pouvait prétendre à aucun versement supplémentaire. ![endif]>![if>
B. a. Par demande déposée le 6 avril 2023 devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans), l’assuré et son ex-épouse (ci-après : le demandeur et la demanderesse) ont conclu, sous suite de frais, au paiement au demandeur de CHF 7'466.-, avec intérêts à 5% l'an dès le dépôt de la demande, subsidiairement au paiement à la demanderesse de CHF 7'466.-, avec intérêts à 5% l'an dès le dépôt de la demande, et plus subsidiairement au paiement aux demandeurs solidairement de CHF 7'466.-, avec intérêts à 5% l'an dès le dépôt de la demande.![endif]>![if>
Les demandeurs ont relevé que la défenderesse avait en réalité continué à verser une rente non réduite au demandeur jusqu'en janvier 2022, et le montant de la treizième rente devait être établi selon le montant de la rente de vieillesse au 31 décembre 2021. A cette date, le demandeur percevait une rente de CHF 8'897.- et ce montant devait servir de référence pour le versement de la treizième rente. La manière de faire de la défenderesse était contraire au principe d'égalité de traitement. En effet, le demandeur était discriminé par rapport aux autres assurés de la défenderesse du seul fait qu'il était divorcé, et une telle discrimination ouvrait la porte à tous les abus, par exemple en cas d’indexation de la rente. Le versement de sa part de rente directement à la demanderesse visait à protéger celle-ci, en s’assurant que la rente lui parvienne. Sous l’ancien droit, le demandeur aurait dû lui verser directement sa rente. La demanderesse faisait partie des bénéficiaires de la défenderesse selon son règlement. La position de cette dernière était ainsi contraire à son propre règlement et ne s’appuyait sur aucune disposition légale ou réglementaire.
b. Dans sa réponse du 8 juin 2023, la défenderesse a conclu, principalement au rejet de la demande, sans allocation de dépens aux demandeurs, et subsidiairement en cas d’admission de la demande à ce que les intérêts moratoires soient fixés en application de ses dispositions réglementaires.
Elle a souligné que le demandeur n’avait jamais contesté la demande de restitution de prestations indûment perçues. Il avait pris acte que sa rente de vieillesse s’élevait à CHF 1'431.- dès le 13 novembre 2021, et il avait remboursé le montant réclamé à la Caisse. Selon la décision du Conseil de fondation, la treizième rente équivalait au montant de la rente de vieillesse au 31 décembre 2021. Cette décision était claire et précise, et elle n’était pas critiquable. Le montant de la rente de vieillesse du demandeur s’élevant à CHF 1'431.- au 31 décembre 2021, c’était à juste titre que ce montant lui avait été versé. La demanderesse n’avait pas droit à une treizième rente en sa qualité de conjoint divorcé.
c. Par réplique du 21 juin 2023, les demandeurs ont persisté dans leurs conclusions. Ils ont affirmé que le dispositif du Tribunal ordonnait le versement à la demanderesse d’une rente mensuelle de CHF 7'466.-, et il s’agissait ainsi du partage d’une rente de vieillesse et non d’une rente d’une autre nature. La communication du 27 janvier 2022 de la défenderesse ne parlait pas de rente de conjoint divorcé et n’indiquait pas que cette rente « n’offrirait pas tous les bénéfices » de la rente de vieillesse perçue par le demandeur. Le règlement de la défenderesse ne contenait pas non plus la notion de rente de conjoint divorcé et se référait uniquement à deux catégories de personnes, soit les assurés et les pensionnés. La demanderesse était également une rentière vieillesse.
d. La chambre de céans a transmis copie de cette écriture à la défenderesse le 23 juin 2023.
e. Sur ce, la cause a été gardée à juger.
1. Conformément à l'art. 134 al. 1 let. b de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations relatives à la prévoyance professionnelle opposant institutions de prévoyance, employeurs et ayants droit, y compris en cas de divorce ou de dissolution du partenariat enregistré, ainsi qu’aux prétentions en responsabilité (art. 331 à 331e du Code des obligations [CO - RS 220] ; art. 52, 56a, al. 1, et art. 73 de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle, vieillesse, survivants et invalidité du 25 juin 1982 [LPP - RS 831.40] ; ancien art. 142 du Code civil [CC - RS 210]).![endif]>![if>
1.1 En cas de distribution des fonds libres en dehors de toute procédure de liquidation, il convient de procéder à une séparation entre conception et exécution, laquelle sert de critère de distinction pour définir la voie de droit à suivre. Si le litige a pour objet les prescriptions générales relatives à la manière dont certains fonds libres doivent être répartis, cette question ne relève pas de la compétence du tribunal cantonal compétent en matière de prévoyance professionnelle, mais de celle de l'autorité de surveillance. Le tribunal cantonal connaît en revanche des litiges relatifs à l’application de décisions d’attribution des fonds libres (ATF 141 V 605 consid. 3.2 et 3.4). ![endif]>![if>
1.2 Le litige portant sur le droit des demandeurs au versement de CHF 7'466.- à titre de treizième rente de vieillesse, il relève des modalités d’exécution d’une décision d’attribution de fonds libres dans un cas concret, de sorte que la chambre de céans est compétente en la matière.![endif]>![if>
2. L’ouverture de l’action prévue à l’art. 73 al. 1 LPP n’est soumise, comme telle, à l’observation d’aucun délai (Raymond SPIRA, Le contentieux des assurances sociales fédérales et la procédure cantonale, Recueil de jurisprudence neuchâteloise, 1984).![endif]>![if>
La demande respecte la forme prévue à l'art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).
Partant, elle est recevable.
3. En ce qui concerne la décision de la défenderesse de verser une treizième rente aux bénéficiaires d’une rente de vieillesse au 31 décembre 2021, la chambre de céans relève ce qui suit.![endif]>![if>
3.1 Une institution de prévoyance enveloppante est libre de définir, dans les limites des dispositions expressément réservées à l'art. 49 al. 2 LPP en matière d'organisation, de sécurité financière, de surveillance et de transparence, le régime de prestations, le mode de financement et l'organisation qui lui convient, pour autant qu'elle respecte les principes d'égalité de traitement et de proportionnalité ainsi que l'interdiction de l'arbitraire (arrêt du Tribunal fédéral 9C_346/2017 du 14 novembre 2017 consid. 3.1). ![endif]>![if>
3.2 Selon l’art. 51a al 2 let. b LPP, l’organe suprême de l’institution de prévoyance a notamment la tâche intransmissible et inaliénable de définir les objectifs en matière de prestations, les plans de prévoyance et les principes relatifs à l’affectation des fonds libres.![endif]>![if>
Aux termes de l’art. 96 ch. 2 let. b du règlement de la défenderesse dans son édition dès le 1er janvier 2021, le Conseil de fondation est compétent pour définir les principes relatifs à l’affectation des fonds libres.
3.3 On parle de fonds libres lorsqu'une institution de prévoyance dispose d'un excédent d'actifs, à savoir que sa fortune figurant à l'actif du bilan (ou son capital disponible) est supérieure à ses engagements. La constitution de fonds libres peut résulter de différentes sources, notamment d'un rendement de la fortune plus élevé que le taux technique. En dehors du cas où une institution de prévoyance est totalement ou partiellement liquidée, les institutions de prévoyance disposent d'un large pouvoir d'appréciation dans l'usage de leurs fonds libres, les seules limites étant le respect des dispositions légales et réglementaires applicables (en particulier les buts fixés dans l'acte de fondation) et des principes constitutionnels qui régissent l'activité administrative (interdiction de l'arbitraire, proportionnalité, égalité de traitement, bonne foi). Les assurés n'ont pas un droit subjectif à une part des fonds libres tant que l'institution de prévoyance n'est pas liquidée (arrêt du Tribunal fédéral 2A.30/2002 du 26 août 2002 consid. 5.1 ; cf. également arrêt du Tribunal fédéral des assurances B 133/06 du 16 mai 2007 consid. 2). L’Office fédéral des assurances sociales préconise la répartition périodique des fonds libres hors du cas d’une liquidation de l’institution de prévoyance (Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 51 du 22 juin 2000 ch. 303).![endif]>![if>
3.4 Le principe de l’égalité de traitement des destinataires, applicable également dans le cadre de la prévoyance professionnelle étendue, n’exclut pas que plusieurs catégories de destinataires soient définies en fonction de critères objectifs. Dans le cadre de ces catégories, les destinataires doivent être traités de la même manière. Cela découle également du principe de la collectivité (ATF 132 V 149 consid. 5.2.5). ![endif]>![if>
Dans le cadre de la répartition de fonds libres, l’égalité de traitement s’applique de manière relative et non absolue aux différentes catégories de destinataires. Partant, un traitement différencié entre les actifs et les rentiers est admissible (arrêt du Tribunal fédéral 9C_421/2009 du 29 septembre 2009 consid. 6.4).
Il n’est pas contraire à l’égalité de traitement de prévoir des intérêts différents pour la rémunération de la prestation de sortie pour des assurés ayant quitté l’institution de prévoyance en cours d’année et ceux qui y sont encore affiliés au 31 décembre de l’année (ATF 140 V 169 consid. 5.1)
3.5 Au vu de ces principes, la décision du Conseil de fondation de la défenderesse – qui relève d’un domaine de sa compétence – ne prête pas le flanc à la critique dans son principe. L’allocation d’une treizième rente aux seuls titulaires d’une rente de vieillesse ne viole pas le principe d’égalité de traitement. A ce sujet, on rappellera en particulier que la situation d’un rentier retraité diffère de celle d’un rentier invalide, notamment au motif qu’il n’est pas exclu que le titulaire d’une rente d’invalidité exerce encore une activité lucrative dans le cadre de sa capacité résiduelle de gain et dispose ainsi d’autres ressources. ![endif]>![if>
Il n’est par ailleurs guère discutable que le versement d’une treizième rente permettant de compléter les ressources de pensionnés à la retraite relève d’un but de prévoyance. Enfin, la prise en compte des seules rentes versées au 31 décembre 2021 n’est pas non plus critiquable, dès lors qu’un traitement différencié des assurés en fonction de leur affiliation ou de leur sortie de l’institution de prévoyance à une certaine date n’a pas été remise en cause par la jurisprudence. De plus, hormis la situation particulière d’une conversion de rente de vieillesse en cas de divorce, la fin du droit à une rente de vieillesse de la prévoyance professionnelle résulte en principe du décès de son bénéficiaire. Il n’est ainsi pas arbitraire de ne pas prévoir une proratisation des rentes versées seulement une partie de l’année 2021, laquelle conduirait en définitive à favoriser les héritiers des pensionnés décédés – ce qui ne relève pas directement d’un but de prévoyance.
Ainsi, en décidant le versement d’une rente supplémentaire aux seuls bénéficiaires d’une rente de vieillesse au 31 décembre 2021, le Conseil de fondation de la défenderesse n’a pas excédé son pouvoir d’appréciation.
4. Reste à déterminer le montant de la rente qui doit être alloué aux demandeurs à ce titre. ![endif]>![if>
4.1 Aux termes de l’art. 124a CC, si, au moment de l’introduction de la procédure de divorce, l’un des époux perçoit une rente d’invalidité alors qu’il a déjà atteint l’âge réglementaire de la retraite ou perçoit une rente de vieillesse, le juge apprécie les modalités du partage. Il tient compte en particulier de la durée du mariage et des besoins de prévoyance de chacun des époux (al. 1). La part de rente attribuée au conjoint créancier est convertie en rente viagère. L’institution de prévoyance du conjoint débiteur lui verse cette dernière ou la transfère dans sa prévoyance professionnelle (al. 2). Le Conseil fédéral règle la conversion technique de la part de rente attribuée au conjoint créancier en une rente viagère (ch. 1) ; la manière de procéder lorsque les prestations de vieillesse sont différées ou que la rente d’invalidité est réduite pour cause de surindemnisation (ch. 2) (al. 2). ![endif]>![if>
4.2 Selon l’art. 22c de la loi fédérale sur le libre passage dans la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (LFLP – RS 831.42), la prestation de sortie à transférer est prélevée auprès de l’institution de prévoyance ou de libre passage du conjoint débiteur dans la même proportion que celle qui existe entre l’avoir de vieillesse au sens de l’art. 15 LPP et le reste de l’avoir de prévoyance professionnelle. On procède par analogie pour le transfert d’une rente viagère au sens de l’art. 124a CC (al. 1). La prestation de sortie ou la rente transférée est créditée à l’avoir obligatoire et au reste de l’avoir de prévoyance du conjoint créancier auprès de son institution de prévoyance ou de libre passage, dans la même proportion que celle qui existe entre le prélèvement sur l’avoir obligatoire et le prélèvement sur le reste de l’avoir de prévoyance du conjoint débiteur (al. 2). Le Conseil fédéral règle les modalités du transfert de rente à l’institution de prévoyance ou de libre passage du conjoint créancier. En lieu et place du transfert de rente, l’institution de prévoyance du conjoint débiteur et le conjoint créancier peuvent s’accorder sur le transfert sous forme de capital (al. 3). Les institutions de prévoyance et de libre passage consignent la manière dont la prestation de sortie ou la rente est répartie entre l’avoir de vieillesse et le reste de l’avoir de prévoyance professionnelle. Elles transmettent cette information à l’institution de prévoyance ou de libre passage à laquelle elles transfèrent les avoirs (al. 4). L’art. 19h de l’ordonnance sur le libre passage dans la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (OLP – RS 831.425) régissant la conversion de la part de rente attribuée au conjoint créancier en rente viagère dispose que l’institution de prévoyance du conjoint débiteur convertit la part de rente attribuée au conjoint créancier en rente viagère selon la formule indiquée dans l’annexe. L’Office fédéral des assurances sociales met gratuitement à disposition un outil électronique de conversion (al. 1). La date déterminante pour la conversion est celle de l’entrée en force du jugement de divorce (al. 2). En vertu de l’art. 19j al. 1 OLP, l’institution du conjoint débiteur transfère la rente viagère au sens de l’art. 124a al. 2 CC à l’institution de prévoyance ou de libre passage du conjoint créancier. Le transfert correspond à la rente due pour une année civile et est effectué annuellement au plus tard le 15 décembre de l’année considérée.![endif]>![if>
4.3 Le règlement de prévoyance de la Caisse dans son édition dès le 1er janvier 2021 prévoit à son art. 34 qu’en cas de divorce ou de dissolution judiciaire du partenariat enregistré, la prestation de sortie et la part de rente sont partagées conformément aux dispositions du CC (ch. 1). En cas de transfert d’une partie de la prestation de sortie au sens des art. 123 et 124 CC, le compte de vieillesse individuel de l’assuré est diminué du montant retiré et les prestations sont réduites en conséquence (ch. 2). En cas d’attribution par le juge d’une part de rente au sens de l’article 124a CC, la rente de vieillesse est réduite en conséquence (ch. 3). Le droit à la rente pour enfants de retraité ou d’invalide existant au moment de l’introduction d’une procédure de divorce n’est pas touché par le partage de la prévoyance professionnelle au sens des art. 124 et 124a CC (ch. 4). Selon l’art. 36 al. 7 du règlement, le transfert à l’institution de prévoyance ou de libre passage désignée par le conjoint créancier d’une rente viagère due en cas de partage d’une rente d’invalidité ou de vieillesse après divorce s’effectue selon l’art. 22c LFLP. ![endif]>![if>
4.4 ![endif]>![if>
4.4.1 La révision du code civil ayant conduit à l’adoption de l’art. 124a CC, entré en vigueur le 1er janvier 2017, avait pour but de garantir que les avoirs de prévoyance transférés dans le cadre d’un divorce conservent leurs propriétés, c’est-à-dire que les avoirs qui relèvent de la partie obligatoire de la prévoyance professionnelle continuent d’y être affectés (Message concernant la révision du code civil suisse [Partage de la prévoyance professionnelle en cas de divorce], FF 2013 4342).![endif]>![if>
4.4.2 L’art. 124a CC présente le grand avantage de procurer au conjoint créancier une prétention viagère sur une part de la rente de prévoyance professionnelle de son ex-conjoint. Cette prétention à vie existe indépendamment du décès ultérieur du conjoint débiteur ou d’un remariage du conjoint créancier. Cette forme de partage porte sur la part obligatoire de la rente et une éventuelle part surobligatoire de celle-ci, comme dans le cas du partage des prestations de sortie (Message, FF 2013 4363). Le véritable intérêt de la solution imaginée par le législateur de 2017 est le fait que cette rente viagère doit être versée au conjoint créancier par l'institution de prévoyance du conjoint débiteur, de sorte que le premier n'est plus exposé à l'insolvabilité du second, comme c'était le cas sous l'ancien droit. Par ailleurs, le législateur a prévu que cette rente viagère ne soit en principe versée au conjoint créancier directement que si celui-ci a atteint l'âge de la retraite. Dans le cas contraire, la rente doit être versée à son institution de prévoyance, éventuellement à une autre institution désignée pour le maintien de la prévoyance, en dernière analyse à l'institution supplétive (Anne-Sylvie DUPONT, Nouveau droit du partage de la prévoyance professionnelle après divorce : les premières précisions jurisprudentielles in Gleichstellungsrechtliche Fragen im Sozialversicherungsrecht, Luzerner Beiträge zur Rechtswissenschaft [LBR] 2018, vol. 128, p. 61). En conséquence du partage, la rente du conjoint débiteur est diminuée du montant de la part de rente versée au conjoint créancier. Cette modification est définitive, même dans l'hypothèse où le conjoint créancier viendrait à décéder avant le conjoint débiteur. Si le conjoint créancier est également déjà rentier, il ne verra pas sa propre rente augmenter : il percevra deux rentes, l’une de sa propre institution de prévoyance et la seconde versée par l’institution de prévoyance de son ex-conjoint. En revanche, s'il ne l'est pas encore, la rente viagère qui lui est due est transférée dans sa prévoyance (DUPONT, Les nouvelles règles sur le partage de la prévoyance en cas de divorce in BOHNET / DUPONT [éd.], Le nouveau droit de l'entretien de l'enfant et du partage de la prévoyance, 2016, pp. 76-77). Le partage de la rente a ainsi pour première conséquence, pour le débiteur, que sa rente de vieillesse est réduite d'un montant égal, et ce à vie. En cas de décès de cet assuré, les prestations de survivants sont en outre calculées sur la base de la rente de vieillesse réduite – hormis les rentes pour enfants déjà ouvertes lors de l’introduction de la procédure de divorce. Il en va de même pour la rente de survivant pour le conjoint divorcé (Thomas GEISER in Basler Kommentar, Zivilgesetzbuch, 6ème éd. 2019, nn. 24-25 ad art. 124a CC). Contrairement à ce qui vaut pour une contribution d'entretien, la prétention à une part de la rente de prévoyance professionnelle n'est pas modifiable. Un changement de situation intervenant après l'entrée en force du jugement de divorce pourra ainsi être ignoré (arrêt du Tribunal fédéral 5A_211/2020 du 3 novembre 2020 consid. 4.1.2). La part de rente selon l’art. 124a CC ne correspond pas à une rente usuelle de la prévoyance professionnelle. Elle ne donne pas droit à des rentes pour enfant ni à une rente pour survivant en cas de décès du bénéficiaire de la rente viagère (Alexandra JUNGO / Myriam GRÜTTER in FamKomm, Scheidung Band I : ZGB, 4ème éd. 2022, n. 66 ad art. 124a CC ; Franziska GROB in Basler Kommentar, Berufliche Vorsorge, 2021, n. 21 ad art. 22c LFLP). ![endif]>![if>
4.4.3 La rente viagère allouée à un époux créancier en vertu de l’art. 124a CC ne relève pas d’une contribution d’entretien après divorce. En effet, pour décider si une contribution d'entretien est allouée et pour en fixer, le cas échéant, le montant et la durée, le juge doit notamment prendre en considération les revenus et la fortune des époux (art. 125 al. 2 ch. 5 CC), dont fait partie le résultat de la liquidation du régime matrimonial, ainsi que les expectatives de l'assurance-vieillesse et survivants et de la prévoyance professionnelle ou d'autres formes de prévoyance privée ou publique, y compris le résultat prévisible du partage des prestations de sortie (art. 125 al. 2. ch. 8 CC). Selon la systématique de la loi, le juge doit d'abord liquider le régime matrimonial (art. 120 al. 1 CC), puis régler les prétentions relatives à la prévoyance professionnelle (art. 122-124 CC) et après cela seulement décider de l'entretien après divorce (arrêt du Tribunal fédéral 5A_479/2015 du 6 janvier 2016 consid. 4.4.3). En pratique, si l'obligation d'entretien entre ex-époux après divorce est souvent fixée jusqu'au jour où le débiteur de l'entretien atteint l'âge de la retraite, il n'est pas exclu d'allouer une rente sans limitation de durée, en particulier lorsque l'amélioration de la situation financière du créancier n'est pas envisageable et que les moyens du débiteur le permettent. Le seul fait d'atteindre l'âge de la retraite ne dispense donc pas le débirentier de continuer à verser une pension à l'époux crédirentier (arrêt du Tribunal fédéral 5A_826/2020 du 30 mars 2022 consid. 11.3 et les références). ![endif]>![if>
4.5 Il ressort de ce qui précède que bien que la rente dévolue à l’ex-époux créancier dans le cadre du partage de la prévoyance sur la base de l’art. 124a CC soit déterminée en fonction de la rente de vieillesse de l’époux débiteur, cela ne suffit pas à la considérer comme une partie de cette rente de vieillesse, dont l’allocation à l’époux créancier tiendrait lieu de contribution d’entretien, de sorte que l’ordre de la verser donné par le juge civil à l’institution de prévoyance serait assimilable à un avis au débiteur au sens de l’art. 177 CC (sur cette notion, cf. arrêt du Tribunal fédéral 5A_958/2012 du 27 juillet 2013 consid. 2.3.2.1). Cette prestation diffère d’une rente de vieillesse de la prévoyance professionnelle sur plusieurs points. En premier lieu, la part de rente attribuée à l’époux créancier est convertie en rente viagère, au contraire d’une rente de vieillesse qui s’éteint au décès de son bénéficiaire et qui est alors éventuellement remplacée par une rente de survivant, sensiblement plus basse (Message, FF 2013 4365). Son montant ne correspond de plus pas nécessairement à la part dans laquelle la rente de l’époux débiteur a été réduite. Elle ne donne de plus pas droit à des prestations pour survivants en cas de décès de l’époux créancier. Si celui-ci n’est pas lui-même à l’âge de la retraite, il ne peut d’ailleurs pas prétendre à son versement direct et elle sera alors affectée à un but de prévoyance. Tous ces éléments démontrent que la rente versée au conjoint créancier n’a pas le caractère d’une rente de vieillesse, comme le souligne d’ailleurs la doctrine citée. ![endif]>![if>
Partant, on ne saurait reprocher à la défenderesse de ne pas avoir versé de treizième rente sur l’intégralité de la rente perçue par le demandeur avant son divorce, dans la mesure où la portion de cette rente convertie en rente viagère en faveur de la demanderesse n’est pas une rente de vieillesse. On ne saurait y voir une inégalité de traitement entre les pensionnés de la défenderesse divorcés et les autres, dès lors qu’il n’est pas contraire à l’égalité de traitement de tenir compte des différences dans leurs situations respectives et d’adapter les prestations de la prévoyance professionnelle lorsque les paramètres servant à leur calcul (par exemple l’avoir de sortie en matière de rente de vieillesse, cf. art. 14 LPP) sont modifiés dans le cadre du partage de la prévoyance qui intervient lors du divorce.
Partant, la position de la défenderesse est fondée.
5. La demande est rejetée.![endif]>![if>
La procédure est gratuite (art. 73 al. 2 LPP).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare la demande recevable.![endif]>![if>
Au fond :
2. La rejette. ![endif]>![if>
3. Dit que la procédure est gratuite.![endif]>![if>
4. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi. ![endif]>![if>
La greffière
Isabelle CASTILLO |
| La présidente
Catherine TAPPONNIER |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le