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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2303/2022

ATAS/283/2023 du 14.04.2023 ( AI ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2303/2022 ATAS/283/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 14 avril 2023

9ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée c/o Monsieur B______, à CAROUGE, représentée par le Service de protection de l'adulte (SPAd)

 

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l'assurée), née le ______ 1989, de nationalité portugaise, est mère de deux filles, nées respectivement les ______ 2010 et ______ 2014. La garde de ces dernières lui a été retirée en décembre 2015.

b. Par ordonnance du 29 janvier 2016, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après : TPAE) a instauré une mesure de curatelle de représentation avec gestion du patrimoine en faveur de l'assurée dès lors que personne n'était susceptible de lui apporter l'aide dont elle avait besoin et que l'assistante sociale avait atteint les limites de son intervention du fait des difficultés de l'intéressée à collaborer, à apporter les documents nécessaires et à honorer les rendez-vous fixés.

B. a. Le 1er décembre 2015, l'assurée a déposé une demande de prestations d'assurance-invalidité (ci-après : AI) auprès de l'Office de l'assurance-invalidité (ci-après : OAI).

b. Dans le cadre de l'examen de cette demande, l'OAI a requis de l'assurée un suivi médical régulier auprès d'un psychiatre afin de pouvoir se déterminer sur son état de santé.

c. Selon une note téléphonique de l'OAI du 12 juin 2017, l'assurée s'est rendue à un rendez-vous sur les trois prévus avec Madame C______, psychologue, au mois de mai 2017. Cette dernière a indiqué à l'OAI que l'assurée avait une grande difficulté à se rendre à ses rendez-vous en raison d'une agoraphobie et des attaques de panique dont elle souffrait.

d. Le 20 juin 2017, le Service de protection de l'adulte (ci-après : SPAd) a sollicité l'intervention de l'équipe mobile de psychiatrie des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) auprès de l'assurée au motif que cette dernière peinait, en raison de sa pathologie, à s'inscrire dans un suivi médical dont elle avait besoin et qui s'avérait indispensable pour l'aboutissement de sa demande de rente AI. Cette demande d'intervention n'a toutefois pas abouti.

e. Suite à une sommation de l'OAI du 10 avril 2018, le SPAd a demandé au TPAE d'ordonner le placement de l'assurée à des fins d'expertise en raison de sa difficulté à mettre en place un suivi médical et des nombreuses tentatives restées vaines pour motiver l'intéressée à entreprendre une thérapie auprès d'un psychiatre conformément à la demande de l'OAI. Le TPAE a refusé le placement sollicité considérant que le fait de ne pas réussir à se rendre chez son psychiatre ne constituait pas une raison d'ordonner un placement à des fins d'expertise.

f. Par décision du 6 décembre 2018 entrée en force, l'OAI a rejeté la demande de prestations au motif qu'aucun suivi médical n'avait été entrepris par l'assurée. Or, en l'absence de collaboration de cette dernière et sur la base des éléments du dossier, elle ne présentait pas d'atteinte à la santé invalidante au sens de la loi sur l'assurance-invalidité.

C. a. Le 8 juin 2020, l'assurée a déposé, par l'intermédiaire du SPAd, une nouvelle demande de prestations auprès de l'OAI invoquant un trouble anxieux et dépressif mixte (code F 41.2, CIM-10) attesté par rapport du 11 mai 2020 de la doctoresse D______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie. Ce trouble se manifestait par une peur de perdre le contrôle et par des difficultés de concentration en rapport avec l'inquiétude concernant les événements et les problèmes de la vie quotidienne. Le pronostic était réservé, mais il y avait un espoir si l'assurée arrivait à s'entourer de personnes aidantes. La Dresse D______ estimait que sa patiente, qu'elle suivait depuis le 7 janvier 2020, devait pouvoir bénéficier d'une rente AI à 100 % étant donné sa psychopathologie importante.

b. Dans son rapport du 2 juillet 2020, la doctoresse E______, spécialiste FMH en médecine générale, a indiqué que l'assurée, qu'elle n'avait pas vue depuis plus de six mois, était atteinte de troubles panique et d'agoraphobie depuis environ 2009. Les limitations fonctionnelles se manifestaient sous la forme d'une incapacité à respecter le cadre thérapeutique et d'importants troubles panique.

c. Par avis du 13 avril 2021, le docteur F______, médecin auprès du service médical régional de l'OAI (ci-après : SMR), s'est déterminé sur les rapports médicaux des Dresses E______ et D______ susmentionnés et a conclu qu'il ne disposait pas d'une information médicale suffisante pour se positionner sur la sévérité des atteintes psychiques, ni sur l'évolution de celles-ci depuis mai 2020.

d. Dans son rapport du 17 juin 2021, la Dresse D______ a indiqué que l'assurée présentait un état anxio-dépressif grave et avait souvent la sensation d'avoir la tête vide. Elle arrivait à faire le ménage et avait très peu d'activités sociales. Une petite mobilisation à travers un soutien psychothérapeutique était possible. Toutefois, n'ayant pas vu l'assurée depuis une année, la Dresse D______ ne pouvait « pas vraiment se prononcer sur sa capacité de travail ».

e. Par avis des 29 juillet et 30 septembre 2021, la doctoresse G______, médecin auprès du SMR, a constaté que les médecins interrogés n'étaient pas en mesure d'apporter les éléments médicaux nécessaires pour évaluer la situation psychiatrique de l'assurée, ni concernant son traitement pharmacologique, ni son suivi psychiatrique, celle-ci n'étant pas compliante. Il était donc nécessaire d'obtenir plus de renseignements pour évaluer la gravité de l'atteinte psychiatrique et d'organiser une expertise psychiatrique avec un examen neuropsychologique et validation des symptômes, si l'expert le jugeait indispensable.

f. Par courrier du 3 novembre 2021, l'OAI a informé l'assurée qu'une expertise médicale psychiatrique était nécessaire afin de clarifier son droit aux prestations.

g. Par courrier du 11 novembre 2021, l'OAI a confié le mandat d'expertise à la doctoresse H______, psychiatre et psychothérapeute FMH. Il ressort en particulier de ce mandat que l'assurée a été « mise sous curatelle depuis 2016 car elle n'arrive pas à gérer les activités quotidiennes ». Concernant la convocation de l'assurée à un rendez-vous, l'OAI précisait qu'une copie devait être remise à l'OAI « et à un éventuel représentant ».

h. Par courrier du 13 décembre 2021, le SPAd a communiqué à l'OAI la nouvelle adresse de l'assurée depuis le mois de juin 2021.

i. Le 27 décembre 2021, la Dresse H______ a adressé, à l'ancienne adresse de l'assurée, une convocation à un premier rendez-vous prévu le 11 janvier 2022. Une copie de cette convocation était uniquement adressée à l'OAI par courrier du même jour.

j. Selon une note téléphonique de l'OAI du 16 février 2022, l'assurée ne s'était pas présentée au rendez-vous prévu le 15 février 2022 avec la Dresse H______.

k. Selon une note téléphonique de l'OAI du 18 février 2022, ni le SPAd, ni l'assurée n'avaient averti l'OAI du changement d'adresse valable depuis juin 2021. L'OAI n'en avait eu connaissance que le 17 décembre 2021 et n'avait pas pu en informer à temps la Dresse H______.

l. Par sommations du 18 février 2022, dont une copie avait été adressée au SPAd, l'OAI a indiqué à l'assurée avoir été informé par l'experte qu'elle ne s'était pas présentée « le jour prévu », sans excuse valable. Une nouvelle date était convenue avec l'experte pour un second rendez-vous prévu le 5 avril 2022. L'assurée était priée de s'y présenter. À défaut, l'OAI statuerait en l'état du dossier, ce qui pouvait impliquer un refus de toutes prestations. Un délai au 7 mars 2022 était imparti à l'assurée pour indiquer la raison de son absence au premier rendez-vous.

m. Par courrier du 23 février 2022, Madame I______, intervenante en protection de l'adulte auprès du SPAd et curatrice de l'assurée, a indiqué faire suite au courrier du 18 février 2022 « afin de fournir les explications concernant l'absence de [l'assurée] au rendez-vous d'expertise fixé le 3.11.2021 ». L'assurée lui avait fait part de son regret de ne pas avoir pu être présente à cet entretien, car en fin d'année dernière, elle se trouvait dans une grande période d'instabilité et dépressive au point qu'il lui était difficile de sortir de son domicile. L'intéressée s'en était excusée auprès de sa curatrice et lui avait dit qu'elle avait essayé de joindre l'OAI pour l'avertir, toutefois sans succès. Elle avait assuré qu'elle serait présente lors du nouveau rendez-vous fixé le 5 avril 2022, auquel elle serait assistée par des proches pour l'accompagner.

n. Le 2 mars 2022, la Dresse H______ a convoqué l'assurée pour un rendez-vous prévu le 5 avril 2022. Une copie de la convocation était uniquement adressée à l'OAI par courrier du même jour.

o. Par courrier du 6 avril 2022, la Dresse H______ a informé l'OAI que l'assurée ne s'était toujours pas présentée en ses locaux malgré les deux convocations qu'elle lui avait adressées pour un premier rendez-vous (les 15 février et 5 avril 2022) et une sommation de l'OAI. Pour ce motif, elle mettait un terme au mandat d'expertise.

p. Dans un second courrier daté du 12 avril 2022, la Dresse H______ a informé l'OAI que l'assurée ne s'était toujours pas présentée en ses locaux malgré trois convocations qu'elle lui avait adressées pour un premier rendez-vous et une sommation de l'OAI. Ainsi, le 11 janvier 2022, l'assurée lui avait téléphoné le jour même en disant qu'elle ne viendrait pas. Cette dernière ne s'était pas non plus présentée au rendez-vous prévu les 15 février et 5 avril 2022. Par conséquent, la Dresse H______ mettait un terme au mandat d'expertise.

q. Par décision du 8 juin 2022, confirmant son projet du 13 avril 2022, l'OAI a statué en l'état du dossier et a refusé toutes prestations pour défaut de collaboration.

L'OAI a précisé qu'en date du 3 novembre 2021, il lui avait adressé un courrier l'informant qu'une expertise médicale était nécessaire pour statuer sur sa demande. Cette expertise avait été organisée chez la Dresse H______, qui l'avait convoquée le 11 janvier 2022. Ce rendez-vous avait été déplacé à sa demande au
15 février 2022, mais l'assurée ne s'y était pas présentée. Le 18 février 2022, il lui avait envoyé une sommation par courrier recommandé et pli simple, avec une nouvelle date d'expertise fixée au 5 avril à 9h00, précisant les conséquences d'une non présentation de sa part. Or, elle ne s'y était à nouveau pas présentée.

D. a. Par acte du 8 juillet 2022, l'assurée, représentée par ses deux co-curatrices intervenantes auprès du SPAd, a interjeté recours contre cette décision par-devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) concluant, sous suite de frais, principalement à son annulation et au renvoi de la cause à l'intimé pour reprise de l'instruction.

En substance, la recourante a fait valoir que le certificat médical à produire établirait que ce n'était pas par manque de volonté qu'elle ne collaborait pas à l'instruction de son dossier, mais en raison de son incapacité à voir les conséquences de ses actes et à agir dans son propre intérêt. En outre, dans sa déclaration du 24 juin 2022 produite à l'appui du recours, la recourante admettait ne pas s'être rendue aux rendez-vous, non pas en raison d'une volonté de ne pas collaborer à l'instruction de sa demande, mais parce qu'elle s'était trouvée confrontée à la difficulté d'accomplir les démarches requises en raison d'épisodes dépressifs. Elle souhaitait toutefois se donner les possibilités de mener à terme sa demande de prestations AI. Dans ces conditions, il ne pouvait lui être reproché d'avoir, de manière inexcusable, refusé de collaborer et d'avoir montré une opposition à l'instruction de son dossier. Ses absences répétées aux rendez-vous médicaux étaient à l'évidence la conséquence de ses troubles.

b. Le 16 août 2022, la recourante a adressé à la chambre de céans un certificat médical établi par la Dresse D______ en date du 28 juillet 2022. Cette dernière avait vu la recourante le jour même. Son traitement s'était déroulé en
« dents-de-scie » dès lors qu'elle n'avait été que peu assidue à ses rendez-vous thérapeutiques, qu'elle ne répondait pas aux messages et qu'elle n'était pas joignable aux numéros indiqués. Durant plus d'une année, la recourante avait, de sa propre initiative, interrompu abruptement son traitement en cessant de se présenter. La Dresse D______ relevait toutefois, à la décharge de cette dernière, que ce comportement émargeait à sa pathologie.

c. Par réponse du 16 septembre 2022, l'intimé a conclu au rejet du recours. Reprenant l'argumentation déjà développée dans la décision querellé, il a relevé que ni la recourante, ni le SPAd ne s'étaient opposés au projet de décision du
13 avril 2022.

d. Par réplique du 18 octobre 2022, la recourante a relevé que le certificat médical de la Dresse D______ du 28 juillet 2022 confirmait que ses absences répétées aux rendez-vous médicaux étaient à l'évidence la conséquence de ses troubles. Il était donc indéniable que ce n'était pas par manque de volonté qu'elle ne collaborait pas à l'instruction de son dossier, mais parce qu'elle était incapable de voir les conséquences de ses actes et d'agir dans son propre intérêt.

e. Le 20 octobre 2022, la chambre de céans a transmis cette écriture à l'intimé.

 

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

La compétence de la chambre de céans pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté dans les formes prévues par la loi (art. 61 let. b LPGA et art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA-GE - E 5 10]) et dans le délai de recours de trente jours (art. 60 LPGA), le recours est recevable.

2.             Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du
3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (règlement du 17 janvier 1961 sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961
(RAI - RS 831.201 ; RO 2021 706). Dans le sillage de cette modification, la LPGA a aussi connu plusieurs modifications qui sont entrées en vigueur le
1er janvier 2022.

Sur le plan de la procédure, les nouvelles dispositions sont applicables, sauf dispositions transitoires contraires, à tous les cas en cours, dès l’entrée en vigueur du nouveau droit (ATF 129 V 113 consid. 2.2). Ceci concerne en particulier les dispositions du chapitre 4 de la LPGA (« Dispositions générales de procédure »), soit les art. 27-62 LPGA (cf. ATF 130 V 1 consid. 3.2).

La décision litigieuse ayant été rendue le 8 juin 2022, les dispositions de procédure en vigueur depuis le 1er janvier 2022 sont applicables.

3.             L'objet du litige porte sur le refus de prestations de l'intimé pour défaut de collaboration de la recourante dans le cadre d'une nouvelle demande faisant suite à une décision de refus du 6 décembre 2018, entrée en force.

3.1 Selon l'art. 28 al. 2 LPGA, applicable par le renvoi de l'art. 1 al. 1 LAI, quiconque fait valoir son droit à des prestations doit fournir gratuitement tous les renseignements nécessaires pour établir ce droit, fixer les prestations dues et faire valoir les prétentions récursoires.

3.2 À teneur de l'art. 43 LPGA, l’assureur examine les demandes, prend d’office les mesures d’instruction nécessaires et recueille les renseignements dont il a besoin. Les renseignements donnés oralement doivent être consignés par écrit
(al. 1). L’assureur détermine la nature et l’étendue de l’instruction nécessaire
(al. 1bis). L’assuré doit se soumettre à des examens médicaux ou techniques si ceux-ci sont nécessaires à l’appréciation du cas et qu’ils peuvent être raisonnablement exigés (al. 2). Si l’assuré ou d’autres requérants refusent de manière inexcusable de se conformer à leur obligation de renseigner ou de collaborer à l’instruction, l’assureur peut se prononcer en l’état du dossier ou clore l’instruction et décider de ne pas entrer en matière. Il doit leur avoir adressé une mise en demeure écrite les avertissant des conséquences juridiques et leur impartissant un délai de réflexion convenable (al. 3).

Les conséquences procédurales prévues en cas de violation de l'obligation de renseigner ou de collaborer n'entrent en considération que si le comportement de la personne assurée peut être qualifié d'inexcusable. Tel est le cas lorsqu'aucun motif légitime n'est perceptible ou lorsque le comportement de la personne assurée apparaît comme totalement incompréhensible (arrêt du Tribunal fédéral 9C_259/2022 du 20 septembre 2022 consid. 5.1.1; I 166/06 du 30 janvier 2007 consid. 5.1 et les références). Il en va différemment lorsque la personne assurée n'est pas en mesure, en raison d'une maladie ou d'autres motifs, de donner suite aux mesures ordonnées au refus de se soumettre à une nouvelle expertise, ou parce que le dossier contient déjà une expertise conforme aux exigences de la jurisprudence (Jacques Olivier PIGUET, in Commentaire romand de la loi sur la partie générale des assurances sociales, 2018, n. 51 ad art. 43 LPGA ; sur les motifs rendant le défaut de collaboration excusable, cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_733/2010 du 10 décembre 2010 consid. 5.3 et les références).

Pour qu'un manquement à l'obligation de collaborer ou de renseigner entraîne les conséquences juridiques prévues à l'art. 43 al. 3 LPGA, il faut que l'assureur ait préalablement adressé à la personne assurée une mise en demeure écrite l'avertissant des conséquences juridiques d'un tel défaut et lui impartissant un délai de réflexion convenable. Cette règle de procédure ne souffre aucune exception. Un assureur ne saurait en particulier s'y soustraire au motif que la personne assurée a catégoriquement refusé de se soumettre à une mesure d'instruction raisonnablement exigible (ATF 122 V 218).

3.3 Selon les circonstances, l'assureur social qui se heurte à un refus de collaborer d'une partie peut, après lui avoir imparti un délai pour respecter ses obligations et l'avoir avertie des conséquences de son attitude, se prononcer en l'état du dossier. Mais l'assureur ne peut se prononcer en l'état du dossier ou refuser d'entrer en matière que s'il ne lui est pas possible d'élucider les faits sans difficultés ni complications spéciales, malgré l'absence de collaboration de l'assuré (ATF 108 V 229 consid. 2 ; ATF 97 V 176 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral I_906/05 du
23 janvier 2007 consid. 5.4).

3.4 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 135 V 39 consid. 6.1; ATF 126 V 353 consid. 5b et les références; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

4.              

4.1 En l'espèce, le SMR a constaté, à la lecture des rapports médicaux versés au dossier, que les médecins interrogés n'étaient pas en mesure d'apporter les éléments médicaux nécessaires pour évaluer la situation psychiatrique de la recourante car celle-ci n'était pas compliante. Il était donc nécessaire d'obtenir plus de renseignements, par la mise en œuvre d'une expertise, pour évaluer la gravité des atteintes de la recourante (cf. avis médical de la Dresse G______ du 30 septembre 2021).

Par conséquent, s'agissant de l'obligation de collaborer, il convient de constater que la participation de la recourante à une expertise médicale était nécessaire et exigible conformément à l'art. 43 al. 2 LPGA, ce que la recourante ne conteste d'ailleurs pas.

4.2 Est litigieux le point de savoir si la recourante a violé son devoir de collaboration en ne se présentant pas aux rendez-vous prévus par la Dresse H______ en date des 11 janvier, 15 février et 5 avril 2022, malgré les sommations du
18 février 2022 l'avisant qu'à défaut, l'intimé statuerait en l'état du dossier et mettrait les frais d'expertise à sa charge.

Il s'agit d'examiner si son comportement peut être qualifié d'inexcusable.

À l'appui de son recours, la recourante a produit un certificat médical établi par la Dresse D______ le 28 juillet 2022 indiquant que le traitement de la recourante s'est déroulé « en dents-de-scie, celle-ci s'étant trouvée que très peu assidue à ses rendez-vous thérapeutiques » et qu'elle ne répondait pas aux messages ou n'était pas atteignable aux numéros qu'elle avait indiqués. Ainsi, durant près d'une année, la recourante avait « de sa propre initiative, interrompu abruptement son traitement en cessant tout simplement de se présenter ». La doctoresse précisait toutefois qu'« à sa décharge, ce comportement émarge[ait] [ ] à sa pathologie ».

À l'instar de la Dresse D______, Madame C______, psychologue, avait déjà indiqué à l'intimé, dans le cadre de l'instruction de la précédente demande de prestations du 1er décembre 2015, que les difficultés rencontrées par la recourante pour se rendre à ses rendez-vous médicaux étaient dues à l'agoraphobie et aux attaques de panique dont celle-ci souffrait. Ces mêmes difficultés avaient en outre poussé le SPAd à solliciter l'intervention de l'équipe mobile de psychiatrie des HUG au mois de juin 2017 pour une intervention au domicile de la recourante et à demander au TPAE le placement de cette dernière à des fins d'expertise au mois d'avril 2018, toutefois sans succès. Plus récemment, dans son rapport du 2 juillet 2020, la Dresse E______ a également relevé les limitations fonctionnelles de la recourante qui « se manifestaient sous la forme d'une incapacité à respecter le cadre thérapeutique et d'importants troubles panique ».

Les différents spécialistes ayant examiné la recourante ont ainsi attesté des difficultés rencontrées par cette dernière depuis plusieurs années pour mettre en place un suivi médical, indiquant que celles-ci sont dues à sa pathologie, étant relevé qu'une curatelle de représentation et de gestion du patrimoine a été instaurée en faveur de la recourante en 2016. Dans son ordonnance du 29 janvier 2016, le TPAE avait d'ailleurs indiqué qu'une mesure de protection semblait nécessaire « au vu de la collaboration difficile due notamment au fait que l'intéressée n'honor[ait] pas les rendez-vous mensuels ».

Ainsi, il y a lieu de retenir que la recourante était dans l'impossibilité de se conformer à son obligation de collaborer à l'instruction en raison de ses troubles psychiques, de sorte qu'on ne saurait admettre, comme l'a fait l'intimé, qu'elle a refusé de manière inexcusable de se soumettre à l'expertise. Pour ce motif déjà, la décision querellée est infondée.

En outre, la chambre de céans relèvera qu'il ressortait expressément du mandat d'expertise adressé à la Dresse H______ le 11 novembre 2021 que la recourante faisait l'objet d'une curatelle depuis 2016 « car elle n'arriv[ait] pas à gérer les activités quotidiennes [ ] » et qu'une convocation à un rendez-vous devait également être adressée à un éventuel représentant. On peut ainsi s'étonner du fait que le SPAd n'ait pas reçu copie des convocations adressées à la recourante pour les entretiens des 11 janvier et 15 février 2022 et cela malgré le mandat de curatelle de gestion instauré en raison des difficultés rencontrées par cette dernière pour se rendre à ses rendez-vous médicaux. Il ne saurait donc lui être reproché de ne pas avoir donné suite à ces convocations, le SPAd n'ayant pas été en mesure de lui apporter le soutien nécessaire pour se conformer au suivi médical requis par l'intimé.

À cela s'ajoute que la convocation pour le rendez-vous du 11 janvier 2022 a été transmise à l'ancienne adresse de la recourante et cela alors que le SPAd avait dûment informé l'intimé de la nouvelle adresse de cette dernière par courrier du
13 décembre 2021.

Par ailleurs, il ne ressort pas du dossier qu'une convocation écrite pour le
rendez-vous du 15 février 2022 ait été adressée à la recourante. Or, au vu de la curatelle de représentation et de gestion instaurée depuis 2016 en raison notamment des difficultés de la recourante à honorer les rendez-vous fixés, la fixation d'un rendez-vous par téléphone directement avec cette dernière semblait peu indiquée. Par conséquent, les manquements de la recourante ne peuvent sans autre lui être reprochés sans tenir compte, à la fois, de sa pathologie et de la manière dont les convocations ont été portées à sa connaissance.

Au surplus, contrairement à ce que soutient l'intimé, le fait que la recourante n'ait pas contesté le projet de décision du 13 avril 2022 n'est pas pertinent dès lors que, selon la jurisprudence applicable, une absence de réaction de l'assuré ne saurait valoir acquiescement de sa part au mode de règlement proposé par l'administration (arrêt du Tribunal fédéral du 23 novembre 2016 9C_377/2016 consid. 4.1 et la référence). Cet argument tombe ainsi à faux.

Enfin, et compte tenu de la pathologie de la recourante, on peut se demander s’il ne serait pas envisageable de prévoir un accompagnement personnel de l'intéressée aux rendez-vous médicaux, cas échéant par un curateur.

Au vu de ce qui précède, la chambre de céans considère les manquements de la recourante comme excusables. Dès lors, la décision de rejeter sa demande de prestations, en raison d'une violation de l'obligation de collaborer, n'était pas justifiée.

5.             Le recours doit en conséquence être admis, la décision querellée annulée et la cause renvoyée à l'intimé pour mise en œuvre d'une expertise médicale.

La recourante étant représentée par ses co-curatrices, salariées d'une administration publique, il ne lui sera pas alloué de dépens.

Au vu du sort du recours, l'intimé sera condamné au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet.

3.        Annule la décision de l'intimé du 8 juin 2022.

4.        Renvoie la cause à l'intimé dans le sens des considérants.

5.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l'intimé.

6.        Dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Sylvie CARDINAUX

 

La présidente

 

 

 

 

Eleanor McGREGOR

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le