Skip to main content

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/3437/2021

ATAS/271/2023 du 25.04.2023 ( AI ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3437/2021 ATAS/271/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 25 avril 2023

2ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à CAROUGE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Manuel MOURO

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Le 18 mars 2016, Madame A______ (ci-après: l'assurée, l'intéressée ou la recourante), née en ______1977, de nationalité éthiopienne et entrée en Suisse en 1999 au titre de requérante d'asile, et titulaire d'une autorisation de séjour (permis B), mariée depuis 2004 et mère de deux filles nées en ______ 2005 et ______ 2007, a déposé une demande de moyens auxiliaires de l'assurance-invalidité (ci-après: AI), en raison d'un cancer du sein droit existant depuis janvier 2016.

La – seule – activité qu'elle indiquait était celle non lucrative de femme au foyer depuis 2005.

b. Dès avril 2016, l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après: l'OAI, l'office ou l'intimé) a pris en charge des coûts d'exoprothèses du sein ainsi que de soutien-gorge. En revanche, par projet de décision du 28 juin 2018 puis décision du 10 septembre 2018 – non contestée –, il a refusé la prise en charge d'une veste compressive pour le sein et le bras droits, demandée comme moyen de traitement le 31 mai 2018 par Madame B______, physiothérapeute de l'intéressée depuis 2016, et les 25 juin et 19 juillet 2018 par la doctoresse C______, médecin adjointe au service de chirurgie plastique, reconstructive et esthétique des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après: HUG).

B. a. Le 3 juillet 2019, l'assurée, citoyenne suisse depuis avril 2018, a déposé une demande de prestation AI pour adultes, mesures professionnelles et/ou rente, en raison d'une incapacité de travail à partir du 2 mai 2016 due à un carcinome canalaire invasif du sein droit de stade II B présent depuis janvier 2016.

Aucune réponse n'était fournie dans le formulaire de demande AI concernant la question d'une activité lucrative ou accessoire, ou non lucrative.

b. Dans le cadre de l'instruction de cette demande, l'OAI a, dans une note du 2 septembre 2019, retenu l'activité de femme au foyer, et a reçu divers renseignements médicaux.

Le 31 octobre 2019 puis, sur questions du service médical régional AI (ci-après : SMR), les 11 et 19 juin ainsi que 28 octobre 2020, des médecins du centre du sein, de l'unité d'oncogynécologie médicale des HUG (ci-après: le centre du sein), ont établi des rapports. Selon ces derniers, notamment, le carcinome était en rémission, à tout le moins à partir du bilan clinique et par imagerie de mars 2019. À teneur du rapport du 31 octobre 2019, la persistance de la mastodynie représentait la principale limitation fonctionnelle en terme de capacité de travail pour la patiente; cette dernière avait en effet été employée dans le domaine du nettoyage et de la lingerie, activité qui ne semblait "plus apte à ses capacités aujourd'hui"; concernant sa capacité de travail comme femme au foyer, pouvait être envisagé un taux de 50% au vu de la persistance de la douleur ainsi que d'une fatigue chronique avec un impact important sur les activités de la vie quotidienne. Le rapport du 11 juin 2020 indiquait, comme restrictions fonctionnelles découlant de la ou des atteintes à la santé: "asthénie majeure, douleurs épaule droite". Le 28 octobre 2020 étaient notées, comme limitations fonctionnelles: "arthralgies multiples en lien avec son lupus, asthénie intense"; il ne pouvait pas être répondu à la question de savoir quelle était la capacité de travail dans une activité adaptée, mais, en réponse à la question "En cas de capacité inférieure à 100%, merci d'argumenter", il était indiqué une "difficulté de concentration liée à la fatigue due au traitement".

À la demande du SMR, le docteur D______, spécialiste FMH en rhumatologie et médecine interne générale et médecin généraliste traitant de l'intéressée depuis le 18 juin 2020, a, le 3 mars 2021, rempli un questionnaire médical AI. Selon ce médecin, concernant la question de l'évolution de l'incapacité de travail, la "patiente [n'avait] pas d'activité depuis des années (ex-femme de ménage et lingère dans l'hôtellerie)"; ce médecin ne mentionnait nulle part un quelconque taux de capacité ou incapacité de travail, et, à la question "Pour quelle activités avez-vous attesté une incapacité de travail ?", il répondait ne pas avoir établi d'arrêt de travail; l'ensemble des pathologies influait sur la capacité de travail, le pronostic étant "stationnaire" sur ce point; une reprise d'activité paraissait difficile à envisager vu le contexte global; l'assurée était limitée dans l'accomplissement des tâches ménagères par une fatigabilité et une difficulté à solliciter son membre supérieur droit avec lequel les mouvements répétitifs et le port de charges étaient difficiles, les limitations fonctionnelles consistant en une "hypomobilité globale" et un "inconfort/gêne/douleurs à mobilisation [membre supérieur droit]".

Étaient annexés par le médecin traitant des rapports des HUG en matière d'immunologie des 18 août 2005 et 13 décembre 2018 ainsi que de la doctoresse E______, spécialiste en allergologie et immunologie clinique et médecine interne générale et précédente médecin traitante, des 13 juin 2018 et 12 février 2019, dont ressortaient les "diagnostics en immunologie clinique" de lupus érythémateux disséminé diagnostiqué en 2004 et asthme chronique à composante allergique (aux acariens et poils d'animaux) diagnostiqué en 2000 et sous traitement depuis lors.

c. Dans un rapport du 12 avril 2021, le SMR a retenu, au titre d'"atteintes à la santé incapacitantes", un "carcinome canalaire invasif au sein droit de stade II b avec status après mastectomie droite et reconstruction immédiate par lambeau grand dorsal, puis radiothérapie adjuvante du 12.04 au 19.05.2016, actuellement encore sous traitement anti-hormonal (Tamoxifen 20 mg par jour) (atteinte principale) ainsi qu'un lupus érythémateux disséminé (autre atteinte). Le début de l'incapacité de travail durable était le mois de janvier 2016, le début de l'aptitude à la réadaptation le mois de mars 2019. Les limitations fonctionnelles consistaient en l'épargne du membre supérieur droit (difficultés à solliciter répétitivement ce membre) et en une fatigabilité. L'activité habituelle étant celle de "ménagère pure", le SMR ne pouvait pas se prononcer sur les empêchements dans le ménage, une enquête ménagère étant en revanche nécessaire.

d. Dans une "note relative au choix de la méthode d'évaluation de l'invalidité" du 14 avril 2021 étaient indiqués quelques éléments par l'OAI, qui répondait par l'affirmative à la question de savoir si l'absence d'activité professionnelle avant l'atteinte à la santé correspondait à la volonté hypothétique de l'assurée, le "choix du statut" étant ainsi "ménager".

e. Du rapport de l'enquête économique sur le ménage (ci-après: enquête ménagère) du 10 juin 2021 ressort notamment ce qui suit. Après son arrivée en Suisse en 1999, l'assurée a travaillé dans des hôtels comme femme de chambre; en 2005, elle a abandonné son activité professionnelle, souhaitant se consacrer à ses futurs enfants; elle était actuellement femme au foyer. Son mari travaillait à 100% en qualité d'"opérateur machine". S'agissant des champs d'activités, l'intéressée avait, dans l'alimentation (notamment cuisine) pondérée à 35%, un empêchement de 20%, mais l'exigibilité – de la part des membres de sa famille, en particulier son époux – était de 20% également, d'où un empêchement in fine nul; l'empêchement final était également nul dans les autres champs d'activités, à savoir dans l'entretien du logement pondéré à 30%, avec un empêchement de 60% et une exigibilité du même taux, dans les achats pondérés à 5%, avec un empêchement de 50% et une exigibilité du même taux, dans la lessive et l'entretien des vêtements pondérés à 20%, avec un empêchement de 20% et une exigibilité du même taux, l'empêchement étant en revanche nul pour les soins et assistance aux enfants et aux proches (pondérés à 10%); en définitive, l'empêchement total pondéré avec exigibilité était nul, l'empêchement total pondéré sans exigibilité étant quant à lui de 31.5%.

f. Par projet de décision du 18 juin 2021, l'office a envisagé le refus de toutes prestations AI. En effet, selon lui, malgré une atteinte à la santé incapacitante dès janvier 2016, mais compte tenu du statut de personne non active consacrant tout son temps à ses travaux habituels ainsi que de l'absence d'empêchement pondéré avec exigibilité dans ces tâches (vu l'enquête ménagère), donc d'un taux d'invalidité inférieur à 40%, l'assurée n'avait pas droit à une rente. Par ailleurs, des mesures professionnelles n'étaient ni indiquées ni nécessaires dans sa situation.

g. Le 19 août 2021, par l'intermédiaire de son conseil nouvellement constitué, l'intéressée a formé opposition contre ce projet de décision. Le statut de personne entièrement inactive professionnellement était contesté. En outre, les déterminations des médecins interrogés par l'office sur son état de santé étaient tantôt lacunaires, tantôt incompréhensibles en raison d'une calligraphie illisible, ledit avocat indiquant qu'il allait prendre contact personnellement avec les médecins concernés afin qu'ils se déterminent de manière claire et lisible.

h. Par décision du 6 septembre 2021, l'OAI a rejeté la demande AI, pour les mêmes motifs que ceux énoncés dans le projet de décision.

C. a. Par acte du 7 octobre 2021, l'assurée a interjeté recours auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après: la chambre des assurances sociales ou la chambre de céans) contre cette décision, concluant à son annulation, à la reconnaissance du droit à une rente entière à compter du 1er janvier 2016. Elle se plaignait d'une instruction insuffisante de la question de son statut, de même que d'une instruction médicale "bâclée" au sujet de la question de sa capacité de travail, et elle contestait au surplus la capacité de travail retenue dans l'enquête ménagère.

b. Dans sa réponse du 2 novembre 2021, l'intimé a conclu au rejet du recours, produisant en outre son dossier, parmi les pièces duquel figurait notamment un extrait du compte individuel (ci-après: CI) de l'intéressée au 6 septembre 2021.

c. Par réplique du 6 décembre 2021, la recourante, au bénéfice de l'assistance juridique à partir du 6 octobre 2021, a persisté dans les conclusions et griefs de son recours, précisant en outre qu'aucune instruction n'avait été menée par l'office pour déterminer quelles étaient les parts d'invalidité en relation avec le lupus, respectivement le cancer.

d. Lors d'une audience tenue le 13 septembre 2022, le mari de l'assurée a été entendu à titre de renseignement, de même que la recourante (comparution personnelle), audience à l'issue de laquelle un délai a été octroyé à celle-ci pour produire un récapitulatif de ses emplois passés, des rapports médicaux, des preuves de recherches d'emploi et d'éventuels contrats de travail, des documents de l'assurance-chômage, tous documents pertinents de l'Hospice général et de Caritas, la fiche de salaire de son époux et le contrat de travail de celui-ci, plus toute observation utile (y compris éventuellement un éventuel caractère invalidant du lupus), pièce à l'appui.

e. Les 14 novembre et 16 décembre 2022, la recourante a apporté des précisions et allégations complémentaires, concluant à la reconnaissance du statut de travailleuse et du droit à une rente entière conformément aux conclusions de son recours, et a produit de nouvelles pièces concernant ses emplois passés et les emplois de son mari, ainsi qu'un rapport du 29 novembre 2021 de sa physiothérapeute Mme B______ et un rapport du 14 janvier 2022 du docteur F______, médecin praticien FMH et nouveau médecin généraliste traitant depuis le 8 septembre 2021. Ce dernier posait plusieurs diagnostics, à savoir "lupus érythémateux systémique (2005), asthme allergique, migraine, allergies multiples, carcinome canalaire invasif du sein droit traité par mastectomie, infection au SARS-Cov-2 (COVID-19), déconditionnement post-infection SARS-Cov-2 avec exacerbation asthmatiforme, réaction à un facteur de stress important sans précision (CIM-10 F43.9), trouble de l'adaptation, réaction mixte anxieuse et dépressive (F43.22), épisode dépressif sans précision (F32.9), hallgus valgus bilatéral à prédominance droite, pied plat valgus, griffe O2 pied [droit]"; selon lui, la capacité de travail de la patiente restait nulle pour le moment et pour le futur, une réadaptation professionnelle qui correspondrait à son état de santé actuel lui paraissant en outre difficile; la patient était, concernant les limitations fonctionnelles, limitée considérablement dans ses mouvements et son quotidien par ses maladies chroniques et douloureuses (avec un trouble de mémoire, un trouble de la concentration et de l'attention, une importante asthénie, une symptomatologie douloureuse généralisée au niveau de toutes les articulations).

f. Le 17 janvier 2023, l'intimé a maintenu ses conclusions de rejet du recours et a produit un avis du 16 janvier 2023 du SMR selon lequel les nouvelles pièces médicales ne modifiaient pas son appréciation ni celle de l'enquêtrice ménagère, qui demeuraient valables.

g. Le 13 février 2023, la recourante a persisté dans ses arguments et ses conclusions au fond, y ajoutant la conclusion à titre préalable tendant à la mise sur pied d'une expertise bidisciplinaire rhumatologique et psychiatrique.

h. Par pli du 16 février 2021, la chambre de céans a informé les parties que la cause était gardée à juger sur mesures d'instruction et au fond.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI – RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'AI, à moins que la loi n'y déroge expressément.

La modification du 21 juin 2019 de la LPGA est entrée en vigueur le 1er janvier 2021. Elle est ainsi applicable, dès lors que le recours a été interjeté postérieurement à cette date (art. 82a LPGA a contrario).

3.             Interjeté dans la forme et le délai - de trente jours - prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 ss LPGA ainsi que 62 ss de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA-GE - E 5 10]).

4.             L'objet du présent litige porte sur la question du droit ou non de la recourante à une rente AI, depuis le 1er janvier 2016, selon les conclusions du recours.

De jurisprudence constante, le juge apprécie en règle générale la légalité des décisions entreprises d'après l'état de fait existant au moment où la décision litigieuse a été rendue (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; 132 V 215 consid. 3.1.1). Les faits survenus postérieurement, et qui ont modifié cette situation, doivent en principe faire l'objet d'une nouvelle décision administrative (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; 130 V 130 consid. 2.1). Même s'il a été rendu postérieurement à la date déterminante, un rapport médical doit cependant être pris en considération, dans la mesure où il a trait à la situation antérieure à cette date (cf. ATF 99 V 98 consid. 4 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_259/2018 du 25 juillet 2018 consid. 4.2).

5.             Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI – RS 831.201; RO 2021 706).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable est celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques, sous réserve de dispositions particulières de droit transitoire (ATF 136 V 24 consid. 4.3 et la référence).

En l’occurrence, la décision querellée concerne un premier octroi de rente dont le droit est né avant le 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

6.              

6.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). L'invalidité est réputée survenue dès qu'elle est, par sa nature et sa gravité, propre à ouvrir droit aux prestations entrant en considération (art. 4 al. 2 LAI). Les assurés majeurs – âgés de 20 ans ou plus – qui n’exerçaient pas d’activité lucrative avant d’être atteints dans leur santé physique, mentale ou psychique et dont il ne peut être exigé qu’ils en exercent une sont réputés invalides si l’atteinte les empêche d’accomplir leurs travaux habituels. L’art. 7 al. 2 LPGA est applicable par analogie (art. 8 al. 3 LPGA et 5 al. 1 LAI).

Selon l'art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1, tel qu'en vigueur dès le 1er janvier 2021, la version antérieure indiquant "dans son domaine d'activité" plutôt que "qui entre en considération"). Seules les conséquences de l'atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d'une incapacité de gain. De plus, il n'y a incapacité de gain que si celle-ci n'est pas objectivement surmontable (al. 2, en vigueur dès le 1er janvier 2008).

Aux termes de l'art. 6 LPGA, est réputée incapacité de travail toute perte, totale ou partielle, de l'aptitude de l'assuré à accomplir dans sa profession ou son domaine d'activité le travail qui peut raisonnablement être exigé de lui, si cette perte résulte d'une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique. En cas d'incapacité de travail de longue durée, l'activité qui peut être exigée de lui peut aussi relever d'une autre profession ou d'un autre domaine d'activité.

6.2 Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L'atteinte à la santé n'est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l'assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

6.3 En vertu de l'art. 28 al. 1 LAI, l'assuré a droit à une rente aux conditions suivantes: sa capacité de gain ou sa capacité d'accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles (let. a); il a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d'au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable (let. b); au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins (let. c).

En vertu de l'art. 28 al. 2 LAI, l'assuré a droit à une rente entière s'il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s'il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s'il est invalide à 40% au moins.

6.4 Aux termes de l'art. 29 al. 1 LAI, le droit à la rente prend naissance au plus tôt à l'échéance d'une période de six mois à compter de la date à laquelle l'assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l'art. 29 al. 1 LPGA, mais pas avant le mois qui suit le 18ème anniversaire de l'assuré.

6.5  

6.5.1 À teneur de l'art. 28a LAI – intitulé "évaluation de l'invalidité" –, l’art. 16 LPGA s’applique à l’évaluation de l’invalidité des assurés exerçant une activité lucrative. Le Conseil fédéral fixe le revenu déterminant pour l’évaluation de l’invalidité (al. 2). L’invalidité de l’assuré qui n’exerce pas d’activité lucrative et dont on ne peut raisonnablement exiger qu’il en entreprenne une est évaluée, en dérogation à l’art. 16 LPGA, en fonction de son incapacité à accomplir ses travaux habituels (al. 2). Lorsque l’assuré exerce une activité lucrative à temps partiel ou travaille sans être rémunéré dans l’entreprise de son conjoint, l’invalidité pour cette activité est évaluée selon l’art. 16 LPGA. S’il accomplit ses travaux habituels, l’invalidité est fixée selon l’al. 2 pour cette activité-là. Dans ce cas, les parts respectives de l’activité lucrative ou du travail dans l’entreprise du conjoint et de l’accomplissement des travaux habituels sont déterminées; le taux d’invalidité est calculé dans les deux domaines d’activité (al. 3).

6.5.2 Tant lors de l'examen initial du droit à la rente qu'à l'occasion d'une révision de celle-ci (art. 17 LPGA), il faut examiner sous l'angle des art. 4 et 5 LAI quelle méthode d'évaluation de l'invalidité il convient d'appliquer (art. 28a LAI, en corrélation avec les art. 27 ss RAI). Le choix de l'une des trois méthodes entrant en considération (méthode générale de comparaison des revenus, méthode mixte, méthode spécifique) dépendra du statut du bénéficiaire potentiel de la rente : assuré exerçant une activité lucrative à temps complet, assuré exerçant une activité lucrative à temps partiel, assuré non actif. On décidera que l'assuré appartient à l'une ou l'autre de ces trois catégories en fonction de ce qu'il aurait fait dans les mêmes circonstances si l'atteinte à la santé n'était pas survenue. Lorsque l'assuré accomplit ses travaux habituels, il convient d'examiner, à la lumière de sa situation personnelle, familiale, sociale et professionnelle, si, étant valide il aurait consacré l'essentiel de son activité à son ménage ou s'il aurait exercé une activité lucrative. Pour déterminer le champ d'activité probable de l'assuré, il faut notamment prendre en considération la situation financière du ménage, l'éducation des enfants, l'âge de l'assuré, ses qualifications professionnelles, sa formation ainsi que ses affinités et talents personnels (ATF 144 I 28 consid. 2.3; ATF 137 V 334 consid. 3.2; ATF 117 V 194 consid. 3b; Pratique VSI 1997 p. 301 ss consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_722/2016 du 17 février 2017 consid. 2.2). Cette évaluation tiendra également compte de la volonté hypothétique de l'assurée, qui comme fait interne ne peut être l'objet d'une administration directe de la preuve et doit être déduite d'indices extérieurs (arrêt du Tribunal fédéral 9C_55/2015 du 11 mai 2015 consid. 2.3 et l'arrêt cité) établis au degré de la vraisemblance prépondérante tel que requis en droit des assurances sociales (ATF 126 V 353 consid. 5b).

Selon la pratique, la question du statut doit être tranchée sur la base de l'évolution de la situation jusqu'au prononcé de la décision administrative litigieuse, encore que, pour admettre l'éventualité de la reprise d'une activité lucrative partielle ou complète, il faut que la force probatoire reconnue habituellement en droit des assurances sociales atteigne le degré de vraisemblance prépondérante (ATF 144 I 28 consid. 2.3 et les références; ATF 141 V 15 consid. 3.1; ATF 137 V 334 consid. 3.2; ATF 125 V 146 consid. 2c ainsi que les références).

6.6 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3; ATF 126 V 353 consid. 5b; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

7.              

7.1 En l'espèce, il sied tout d'abord de préciser que l'éventuel droit de la recourante à une rente de l'AI ne peut être ouvert qu'au plus tôt à l'échéance d'une période de six mois à compter du dépôt de sa demande AI le 3 juillet 2019, conformément à l'art. 29 al. 1 LPGA, c'est-à-dire à partir du 1er janvier 2020 – et non dès 2016 comme elle y conclut –, ce sur la base d'une incapacité de travail pour cause de maladie qui aurait le cas échéant commencé en 2016.

7.2 Pour ce qui est ensuite de la détermination du statut de l'assurée (activité lucrative à temps complet, à temps partiel ou sans aucune activité professionnelle), il ressort ce qui suit de la chronologie des déclarations, allégations et positions respectives des parties.

7.2.1 L'intéressée, dans les formulaires de ses deux demandes AI, n'a mentionné aucune activité lucrative ou professionnelle malgré les questions posées.

7.2.2 Dans l'acte de recours, l'intéressée fait valoir ce qui suit, sans pièces produites. Après plusieurs années de travail depuis 1999, elle a été atteinte d'une maladie grave, à savoir un lupus érythémateux, maladie auto-immune provoquant d'importantes douleurs et une fatigabilité accrue et imposant une prise massive de médicaments. La question de l'impact du lupus sur sa capacité de travail aurait dû être instruite, et, si elle l'avait été, se serait alors posée la question de sa capacité de travail depuis 2005. En 2005 puis 2007, l'assurée a donné naissance à deux enfants et ce malgré sa maladie. En raison de sa maladie et des soins qu'elle devait porter aux enfants, elle n'a pas été en mesure de reprendre durablement une activité lucrative avant 2016, année de la pose du diagnostic de cancer du sein. En dépit de ses difficultés de santé, elle a tenté, durant six mois en 2009, de reprendre une activité lucrative, manifestant par là sa volonté de travailler, mais cette expérience a dû être interrompue car incompatible avec son état de santé et sa vie familiale. Ses filles, âgées à fin 2021 de 14 et 16 ans, sont à ce moment-ci autonomes depuis peu, de sorte que la présence de leur mère au domicile est de moins en moins nécessaire. Il était prévu, au sein du couple, que la recourante reprendrait un emploi lorsque leurs filles seraient autonomes. La situation du couple justifie pleinement une reprise d'emploi puisque les seuls revenus de l'époux couvrent difficilement les charges familiales.

7.2.3 Dans sa réponse au recours, l'intimé rétorque ce qui suit. Il ressort du parcours de la recourante qu'elle a abandonné son activité professionnelle de femme de chambre dans des hôtels pour se consacrer à sa vie familiale avec ses enfants nés en 2005 et 2007. Son mari exerce une activité lucrative à 100% pour un revenu mensuel net de CHF 4'700.- selon l'enquête ménagère (ch. 2.3), qui mentionne en outre CHF 600.- d'allocations familiales, CHF 1'211.- de loyer et CHF 550.- pour les assurances-maladie des membres de la famille, subsides déduits. Selon l'OAI, l'assurée a fait le choix d'être femme au foyer, donc de ne pas exercer d'activité professionnelle. En effet, dans sa – première – demande AI, elle s'est présentée comme femme au foyer depuis 2005, sans faire mention d'une quelconque volonté de reprendre une activité lucrative; selon l'enquête ménagère, elle a répondu négativement à la question de savoir si, sans handicap, une activité lucrative serait exercée à ce jour (ch. 2.2), et, sous "nature et importance de l'activité lucrative", elle a répondu "femme au foyer" (ch. 2.4). Il convient d'accorder la préférence aux premières déclarations (ci-dessus) par rapport aux déclarations ultérieures faites après avoir été conseillée.

7.2.4 Dans sa réplique, la recourante ajoute que la situation financière des époux est si difficile qu'elle a été mise au bénéfice de l'assistance juridique pour la présente procédure. En outre, elle s'est vue diagnostiquer, en 2003, une tuberculose, puis, en 2004, un lupus invalidant qui a mis définitivement un terme à sa carrière professionnelle. Il est ainsi établi que ce n'est pas pour s'occuper de ses enfants qu'elle a interrompu son activité professionnelle mais en raison de sa maladie. Du reste, en dépit d'une tuberculose et d'un lupus découvert tardivement, elle a travaillé aussi longtemps qu'elle l'a pu, cessant toutefois son activité avant la naissance de ses enfants en raison du lupus diagnostiqué en 2004 "alors que [l'aînée] est née en novembre 2005 et qu'elle a retravaillé en 2009".

Il sied de préciser que la décision de l'assistance juridique du 19 octobre 2021 – produite – considère qu'en l'espèce, le versement d'une participation mensuelle, fixée à CHF 50.-, ne porte pas atteinte aux besoins fondamentaux (minimum vital) de la recourante et de sa famille.

7.3 S'agissant toujours de la question de la détermination du statut, il ressort ce qui suit de l'audience du 13 septembre 2022 – lors de laquelle les déclarations de l'intéressée concernant ses emplois successifs avant 2010 ont été sur certains points imprécises, voire légèrement erronées, sans que sa bonne foi doive être remise en cause –, ainsi que des échanges d'écritures ultérieures avec production de nouvelles pièces par la recourante le 14 novembre 2022, en rapport aussi avec le CI.

7.3.1 Comme cela ressort des pièces, l'assurée a travaillé comme aide de cuisine dans un restaurant du 1er juillet au 31 août 1999 et – comme femme de chambre – dans une résidence jusqu'au 30 novembre 1999 – seulement en novembre 1999 pour un revenu brut de CHF 5'118.- selon le CI –, ainsi qu'en parallèle pour une entreprise de nettoyage "en qualité d'employée d'entretien à temps partiel" du 16 août au 3 septembre 1999, du 1er au 13 octobre 1999 et du 1er novembre 1999 au 5 juin 2000 pour un salaire brut selon le CI de CHF 4'017.- en 1999 et de CHF 3'566.- en 2000. En outre, elle a travaillé comme femme de chambre au service de l'hôtel Président Wilson, à l'entière satisfaction de cet employeur, du 1er mars 2000 au 31 octobre 2001 (d'abord sur appel puis en poste fixe à compter du 1er août 2000), pour un salaire brut de CHF 27'152.- d'avril à décembre 2000 et de CHF 26'069.- de janvier à octobre 2001, soit un salaire net mensuel de CHF 2'556.20 à teneur du contrat de travail du 2 août 2000. Elle a par ailleurs travaillé à 100% en tant que femme de chambre pour l'Armée du Salut d'octobre ou novembre 2001 au 15 mars 2002 pour un salaire brut de CHF 8'264.- en 2001 et CHF 8'830.- en 2002 d'après le CI. Elle a été mise au bénéfice de l'assurance-chômage à l'intérieur d'un délai-cadre allant du 26 mars 2002 au 25 mars 2004, et, dans le cadre d'un contrat d'emploi temporaire mis en place par l'office cantonal de l'emploi (ci-après: OCE), elle a œuvré comme employée de maison dans un établissement médico-social (ci-après: l'EMS) du 10 mai 2004 au 11 mai 2005 à raison de 40 heures par semaine, plus précisément 32 heures de travail effectif (pendant cinq jours) et 8 heures de recherches d'emploi (durant un jour), pour, à teneur du CI, des revenus de CHF 25'094.- de mai à décembre 2004 et de CHF 14'227.- de janvier à mai 2005. C'était dans le cadre des art. 39 ss de la loi en matière de chômage du 11 novembre 1983 dans sa version en vigueur à cette époque (aLMC - J 2 20) et 42 ss du règlement d'exécution de la loi en matière de chômage du 23 janvier 2008 dans sa teneur à cette période (aRMC - J 2 20.01), dont l'art. 49 dispose que, durant la période d'emploi temporaire, le chômeur doit poursuivre ses recherches personnelles d'emploi conformément aux directives données par le service d'insertion professionnelle.

Concernant les années commençant en 2008, sont produites le 14 novembre 2022 quatre lettres de candidature spontanée du 10 novembre 2008 – dont une seule avec signature – pour des poste d'agente d'entretien, apparemment sans réponse favorable, un seul des employeurs potentiels ayant répondu, le 3 décembre 2008, ne pas avoir de poste vacant. Selon les déclarations de la recourante en audience, elle a, dès 2008 (sans qu'elle en soit sûre), bénéficié de prestations de l'Hospice général, mais pas d'aide financière. Dans le cadre du programme cantonal d'emploi et de formation exécuté par l'OCE – et réglé par les art. 39 ss aLMC et 32 ss aRMC dans leurs versions en vigueur à cette époque –, l'assurée a travaillé à raison de 40 heures par semaine dans des tâches de nettoyage de textile et le traitement de commandes pour différents points de vente dans une buanderie d'une association caritative genevoise, secteur insertion-réinsertion, à la satisfaction de ce dernier, du 1er septembre 2009 au 2 mars 2010; à cet égard, ressortent du CI un revenu de CHF 10'573.- versé par le service des prestations complémentaires (SPC) pour la période de septembre à décembre 2009 et un revenu de CHF 4'798.- versé par le "service mesures cantonales" pour la période de janvier à mars 2010.

7.3.2 Concernant précisément la question de savoir si elle aurait exercé une activité lucrative et, si oui, à quel taux si elle avait été valide, la recourante a déclaré en audience qu'elle a rencontré son mari en 2000 et s'est mariée entre 2000 et 2001, à une époque où elle travaillait à 100%, et que les époux n'ont rien convenu ensemble concernant le taux de travail. Selon elle, en 2021, au moment du rapport d'enquête ménagère, si elle était en bonne santé, elle travaillerait à 100%, même s'il y a ses deux enfants, ce que son mari, entendu à titre de renseignement, confirme en audience. De l'avis de celui-ci, le souhait de son épouse à l'époque de leur mariage (au début des années 2000) était de continuer de travailler à 100%, taux en vue duquel elle recherchait alors un emploi, ce qui était difficile à cause de son lupus; pour deux parents travaillant à 100%, il y a la crèche qui peut garder les enfants; lorsque son épouse a exercé une activité en 2009, leurs enfants ont été en crèche. Le mari dit être favorable à ce que son épouse travaille; en effet, actuellement, à la fin de chaque mois, le solde de leur compte est négatif; leurs enfants sont autonomes maintenant, ayant 16,5 et 15 ans; si l'assurée avait la santé, elle pourrait donc tout à fait travailler; ce qui précède vaut, d'après l'époux, aussi pour l'année 2021 durant laquelle les enfants étaient également autonomes.

Par ailleurs, à teneur des déclarations de l'assurée en audience, celle-ci, après les quatre mois qui ont suivi la naissance de son enfant en 2005, a cherché du travail dans le domaine du nettoyage et du repassage dans les entreprises de nettoyage pour un emploi à un taux plein, ce jusqu'en 2006, en se présentant directement auprès d'employeurs potentiels et grâce à des lettres qu'une voisine lui préparait; toujours selon elle, elle cherchait un emploi à plein temps parce qu'elle aime travailler, qu'elle a deux enfants et que le salaire de son mari, qui travaille près de Lausanne, n'est pas suffisant; elle a arrêté ses recherches d'emploi (jusqu'alors en vue d'un plein temps) en 2006 car elle avait réalisé qu'elle était enceinte et à cause des piqûres sur le ventre contre le lupus; avec son deuxième enfant, elle était trop fatiguée pour un emploi à 100% et elle cherchait donc un emploi à 50%; elle a fait des recherches par elle-même (pas par l'assurance-chômage car elle n'y avait plus droit); elle se présentait personnellement auprès d'entreprises de nettoyage, environ cinq fois par mois (sans écrire de lettres pendant cette période pour des emplois). L'intéressée déclare ensuite qu'après 2009, elle aurait souhaité travailler à temps partiel (50%), pas à temps plein car elle avait mal et que le lupus érythémateux était de plus en plus grave; elle a fait des recherches à cette fin, mais très peu de temps car son médecin lui a dit d'arrêter à cause de sa maladie; elle avait des douleurs, de la fatigue, et elle prenait des médicaments assez forts qui la fatiguent de plus en plus, ce à quoi s'est ajouté en 2016 le cancer.

7.3.3 Concernant l'emploi de l'époux de la recourante, celui-ci travaille au taux de 100% depuis 2000, actuellement en tout état de cause dans le canton de Vaud (un peu avant Lausanne). À teneur du bulletin de salaire de son employeur pour septembre 2022, son salaire net s'élève à CHF 5'108.90, et selon son certificat de salaire de 2021, son salaire net s'est élevé durant cette année-là à CHF 75'270.40, sur la base d'un salaire brut de CHF 80'472.25 et d'une prime jubilaire d'ancienneté (prestation non périodique) de CHF 5'000.-.

7.4 Sur la base des faits (y compris les déclarations et allégations des parties) qui précèdent, il convient de considérer ce qui suit.

7.4.1 Certes, comme le rappelle l'office, en principe, en présence de deux versions différentes et contradictoires d'un fait - en l'occurrence hypothétique -, la préférence doit être accordée à celle que la personne assurée a donnée alors qu'elle en ignorait peut-être les conséquences juridiques, les explications nouvelles pouvant être, consciemment ou non, le fruit de réflexions ultérieures (ATF 142 V 590 consid. 5.2; ATF 121 V 45 consid. 2a). Toutefois, cette jurisprudence concernant les premières déclarations ou les déclarations de la première heure ne constitue pas une règle de droit absolue, faute de quoi elle entrerait en conflit avec le principe de la libre appréciation des preuves (art. 61 let. c LPGA). De telles déclarations sont des hypothèses abstraites dont la teneur dépend notamment du taux de compréhension que peut en avoir l'assuré concerné et de la situation personnelle ou financière de celui-ci qui ne peut être considérée comme figée à l'époque de leur première émission (arrêts du Tribunal fédéral 9C_204/2021 du 11 août 2021 consid. 3.4 et 9C_139/2010 du 29 octobre 2010 consid. 3.2).

En l'occurrence, la mention, dans la première demande AI de l'assurée, de l'activité non lucrative de femme au foyer depuis 2005 ne portait pas sur sa volonté hypothétique relative à une éventuelle activité professionnelle (ou lucrative), ladite demande ne concernant au demeurant pas la question d'une rente ou de mesures professionnelles et étant bien antérieure au dies a quo – en 2020 – d'un éventuel droit à une rente d'invalidité. La seconde demande AI ne contenait aucune réponse sur son activité. Ce n'est que dans le cadre de l'enquête ménagère qu'est indiquée une réponse négative de la recourante à la question de savoir si, sans handicap, une activité lucrative serait exercée à ce jour (ch. 2.2). Selon l'époux entendu en audience, contrairement à ce qui est indiqué aux ch. 2.2 et 2.4 de l'enquête ménagère, l'intéressée n'a pas dit qu'elle aurait abandonné son activité professionnelle en 2005 pour s'occuper de ses futurs enfants ni que, sans handicap, elle n'exercerait pas d'activité lucrative à ce jour, mais elle a dit à l'enquêtrice que c'est sa maladie qui l'avait conduite à arrêter son travail; contrairement à ce qui est indiqué au ch. 2.5 – avec, à la question "date et motif de l'abandon ou de la réduction de l'activité lucrative" la réponse "atteinte à la santé dès janvier 2016" –, le motif de l'abandon ou de la réduction de l'activité lucrative était, toujours d'après le mari, antérieur à janvier 2016.

Cela étant, la réponse au ch. 2.2 de l'enquête ménagère n'a pas été confirmée par la suite, et les autres circonstances du cas d'espèce ne permettent pas d'octroyer une importance trop élevée à ce que l'assurée aurait dit dans le cadre de l'enquête ménagère, ce d'autant moins que l'intéressée, qui a eu besoin d'une interprète dans sa langue maternelle lors de l'audience, a des difficultés de compréhension et d'expression orales en français et que le rapport d'enquête ménagère ne mentionne pas la présence d'un ou une interprète lors de la visite de l'enquêtrice ménagère.

Point n'est cependant nécessaire de déterminer exactement ce que l'intéressée a compris en écoutant la question du ch. 2.2 ni ce qu'elle a réellement dit sur ce point, pour les motifs qui suivent.

7.4.2 Les nouvelles pièces produites le 14 novembre 2022 par la recourante montrent que, même après l'apparition du lupus en 2004 ou 2005 et la naissance de ses filles en 2005 et 2007, elle a cherché à nouveau à exercer une activité professionnelle ou à se réinsérer dans le marché du travail, à tout le moins de fin 2008 à début 2010, soit pendant une année et demie. Rien ne permet de penser que cet intérêt à retravailler aurait été limité à cette seule période, ce d'autant moins que l'intéressée est encore relativement jeune (43 ans en 2020).

Par ailleurs, s'il est douteux que l'intéressée et son mari n'aient rien convenu ensemble au sujet du taux d'activité professionnelle de celle-là avant de se marier ou au début du mariage (contrairement aux déclarations formulées en audience), la recourante a néanmoins déclaré en audience qu'avec son deuxième enfant, elle était trop fatiguée pour un emploi à 100% et cherchait donc un emploi à 50%, étant précisé que cette fatigue pouvait être causée, à tout le moins partiellement, par le lupus. Quoi qu'il en soit, à la date de l'ouverture du droit éventuel de l'assurée à une rente AI et à des mesures professionnelles, au 1er janvier 2020, ses enfants étaient âgées respectivement d'un peu plus de 14 ans et un peu moins de 13 ans et n'étaient plus scolarisées à l'école primaire mais au cycle d'orientation et présentaient une certaine autonomie. Sur ce point, selon l'enquête ménagère, réalisée en juin 2021, pour le poste des soins et assistance aux enfants et aux proches, pondéré à seulement 10%, "avant l'atteinte", "Madame s'occupait des tâches éducatives, elle accompagnait les enfants aux activités extra-scolaires et entretenait les contacts avec l'école"; "après l'atteinte", "Madame est capable d'assumer les tâches éducatives. Les enfants sont au cycle d'orientation et sont autonomes pour se rendre aux activités extra-scolaires et effectuer des déplacements. Selon ses dires, elle n'a plus besoin de se soucier de la prise en charge lors d'activités à l'extérieur".

Enfin, il apparaît très vraisemblable que, compte tenu du salaire net du mari CHF 75'270.40 en 2021, soit en moyenne CHF 6'273.- par mois (sur 12 mois), ainsi que de l'avancement en âge des enfants qui est accompagné de besoins supplémentaires, les époux aient souhaité, à tout le moins à fin 2019, l'exercice d'une activité lucrative par la recourante, au moins à un temps partiel. Dans ce même sens, notamment, le Tribunal fédéral a récemment considéré, sur la base d'un rapport d'enquête – ménagère –, que le fait que le mari touche un revenu brut de CHF 5'600.- par mois (13 fois l'an) rendait crédible l'intérêt à obtenir un revenu supplémentaire résultant d'une activité à temps complet de l'épouse (arrêt du Tribunal fédéral 9C_250/2021 du 24 mars 2022 consid. 5.1). Le fait également que le couple, même dans sa situation actuelle, ait engagé une femme de ménage à raison d'une heure et demie par semaine, montre qu'il n'aurait pas eu de réticences particulières, liées au souci de l'entretien du ménage, à ce que les tâches ménagères soient en grande partie déléguées à une tierce personne.

7.4.3 Au regard de l'ensemble de ces circonstances, on doit retenir, au degré de la vraisemblance prépondérante, que, sans atteinte à la santé, la volonté hypothétique de la recourante est, à tout le moins à partir du 1er janvier 2020, d'exercer une activité professionnelle, dont le taux sera déterminé ci-après.

Va dans le sens d'un temps partiel l'allégation dans l'acte de recours selon laquelle, en raison de sa maladie et des soins qu'elle devait porter aux enfants, l'assurée n'a pas été en mesure de reprendre durablement une activité lucrative avant 2016, année de la pose du diagnostic de cancer du sein. Ceci montre en effet que l'éducation était un motif de réduction du temps de travail par rapport à un 100%. Constituent des indices allant également dans ce sens le fait qu'en juin 2021, selon l'enquête ménagère, l'intéressée prenait soin de ses enfants, activité pondérée à 10% par rapport à l'ensemble des tâches quotidiennes, et ce sans empêchement, de même que l'absence de perspective particulière prévisible d'avancement dans sa profession – habituelle – de femme de chambre, voire d'employée de buanderie ou blanchisserie, ce d'autant au vu de ses difficultés en compréhension et expression orales en français. Le fait que ses activités professionnelles en EMS de mai 2004 à mai 2005 et dans une buanderie d'une association caritative de septembre 2009 à début mars 2010 étaient à temps complet, ou 80% dans la première activité en raison de l'art. 49 aRMC, ne signifie pas que ce taux d'activité correspondait nécessairement aux souhaits à long terme de l'assurée, dans la mesure où lesdites activités entraient dans le cadre de mesures d'aide étatique en particulier aux personnes au chômage en fin de droit et que l'intéressée n'avait aucun intérêt à les refuser même si le taux d'activité avait éventuellement été supérieur à ses souhaits. Il sied de préciser qu'à ces périodes, en principe, selon l'art. 41A aRMC en 2004 et l'art. 36 al. 2 aRMC en 2009, le chômeur qui, sans motifs sérieux et justifiés, refusait une telle mesure n'avait droit à aucune autre proposition, ni à aucune autre mesure cantonale prévue par la aLMC. Ne ressort pas non plus des explications de la recourante un besoin financier nécessitant absolument un taux d'activité plein plutôt que, notamment, légèrement inférieur.

Cela étant, pour la période présentement litigieuse allant du 1er janvier 2020 au 6 septembre 2021 (date du prononcé de la décision querellée), et compte tenu de la motivation de l'assurée qui ressort de l'exercice de ses activités professionnelles après la survenance du lupus en 2004 ou 2005, ainsi que de l'absence de nécessité ou d'intérêt particulier à être à la maison pour les tâches éducatives et ménagères au-delà d'un 20% (qui inclut le 10% pour les soins aux enfants), le taux d'activité selon la volonté hypothétique de l'assurée doit être fixé à 80%.

Il en découle le statut de personne assurée exerçant une activité lucrative à temps partiel, à savoir 80% pour une activité professionnelle et 20% de personne assurée non active (exécutant des tâches ménagères).

7.5 Le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a; RAMA 1985 p. 240 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l'administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

Dans le cas présent, l'intimé s'étant contenté jusqu'à présent de recevoir des rapports des médecins traitants vu son choix de statut uniquement ménager pour l'intéressée, la cause lui sera renvoyée pour instruction complémentaire approfondie, en particulier de la situation médicale de la recourante ainsi que de son évolution et de ses effets en matière de capacité de travail, puis nouvelle décision, ce sur la base du statut mixte (80% / 20%) retenu ci-dessus. Dans ce cadre, l'office devra mettre en œuvre une expertise médicale couvrant non seulement les aspects somatiques mais aussi psychiatriques, au vu du rapport du 14 janvier 2022 du Dr F______.

Cette instruction complémentaire prendra en compte, par économie de procédure, l'évolution de l'état de fait jusqu'au prononcé de la nouvelle décision qui sera rendue, ce qui permettra entre autres de clarifier si les troubles psychiques que diagnostique le Dr F______ porteraient ou non aussi sur la période précédant le prononcé de la décision attaquée, en plus de la question de la force probante du rapport de ce médecin.

Il n'est dès lors pas nécessaire d'examiner plus avant, à tout le moins à ce stade, les autres griefs formulés par la recourante, notamment contre le contenu de l'enquête ménagère.

8.             En définitive, le recours sera partiellement admis, la décision querellée sera annulée, le statut de personne assurée exerçant une activité professionnelle à 80% et inactive professionnellement pour le 20% restant sera retenu, et la cause sera renvoyée à l'intimé pour instruction complémentaire et nouvelle décision, dans le sens des considérants.

9.             La recourante obtenant en grande partie gain de cause, une indemnité de CHF 2'500.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

La procédure de recours en matière de contestation portant sur l’octroi ou le refus de prestations de l’assurance-invalidité étant soumise à des frais de justice, un émolument de CHF 200.- sera mis à la charge de l’intimé (cf. art. 69 al. 1 bis LAI).

 

***


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet partiellement.

3.        Annule la décision de l'intimé du 6 septembre 2021.

4.        Retient le statut pour la recourante de personne assurée exerçant une activité professionnelle à 80% et inactive professionnellement pour le 20% restant.

5.        Renvoie la cause à l'intimé pour instruction complémentaire et nouvelle décision, dans le sens des considérants.

6.        Alloue à la recourante une indemnité de dépens de CHF 2'500.-, à la charge de l'intimé.

7.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l'intimé.

8.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Diana ZIERI

 

Le président

 

 

 

 

Blaise PAGAN

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le