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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2720/2022

ATAS/217/2023 du 30.03.2023 ( AI )

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2720/2022 ATAS/217/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Ordonnance d’expertise du 30 mars 2023

6ème Chambre

 

En la cause

 

Monsieur A______, domicilié à CHÂTELAINE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Florian BAIER

 

 

recourant

contre

 

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l'assuré), né le ______ 1971, originaire du Sri Lanka, entrée en Suisse le ______ 1990, titulaire d'une autorisation de séjour, est marié et père de trois enfants nés en 2001, 2005, 2006.

b. Il a exercé une activité principalement en tant qu'aide-cuisinier et n'exerce plus d'activité professionnelle depuis le 2015.

c. Depuis 1er avril 2020, il est suivi par l'Hospice général.

B. a. Le 16 avril 2019, l'assuré a déposé une première demande de prestations auprès de l’office cantonal de l’assurance-invalidité (ci-après : OAI), en mentionnant des lombalgies chroniques et des douleurs chroniques mal contrôlées par substitution d'opiacé, depuis 1992.

b. Le 30 avril 2019, le docteur B______, FMH médecine interne générale, et la doctoresse C______, FMH médecine interne générale, ont indiqué, sur question de l'OAI, avoir diagnostiqué des douleurs chroniques ayant une incidence sur sa capacité de travail. Ils étaient intervenus auprès de l'assuré du 26 février 2019 au 9 avril 2019 au Service de médecine de premiers recours des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG). Sa maladie avait débuté en 1992. Sa capacité de travail exigible était de 50% dans une activité habituelle et de 100% dans une activité adaptée. Il pouvait être raisonnablement attendu de lui qu'il travaille 4 heures par jour.

Ils ont joint un rapport de consultation du 9 avril 2019, dans lequel il était expliqué que l'assuré avait souffert de polytoxicomanie, qu'il avait été transitoirement sous méthadone et qu'il était à présent sous SEVRE-LONG. Il souffrait d'asthénie avec des douleurs généralisées et se plaignait toujours de douleurs, depuis 1992, au dos et aux articulations du coude et du genou à droite. Ses douleurs l'obligeaient « à se lever vers 18h00 » pour les soulager grâce à des massages et une bouillote. En journée, les douleurs étaient moins fortes. La prise de 500mg de SEVRE-LONG calmait ses douleurs, un plus grand dosage augmentait en revanche ses risques de crise d'angoisse. Il avait stoppé le football ainsi que le volley depuis 3/4 ans en raison de sa fatigue. L'anamnèse de l'assuré restait très difficile en raison de ses multiples plaintes.

c. Dans un rapport du 29 juillet 2019, le docteur D______, FMH psychiatrie et psychothérapie, intervenant au Département de la santé mentale et psychiatrique aux HUG et auprès de l'assuré du 1er novembre 2018 au 31 octobre 2019, a déclaré à l’OAI avoir diagnostiqué un épisode dépressif moyen, sans syndrome somatique (F 32.10), un trouble panique (F 41.0) et un syndrome de dépendance des opiacés (F 11.3) avec une incidence sur la capacité de travail. L'assuré présentait plusieurs limitations fonctionnelles, à savoir des troubles de la concentration, un léger ralentissement psychomoteur, une aboulie et une vulnérabilité au stress importante. Il était en incapacité de travail de 100% depuis le 1er novembre 2018, et probablement même depuis 2015/ 2016. Son traitement médicamenteux comprenait du SEVRE-LONG 200mg/j et du SERTRALINE 50mg.

Il était suivi pour un syndrome de dépendance aux opiacés depuis 2009. Les consultations psychiatriques lors de ce suivi étaient très peu nombreuses. Il était souvent vu par différents médecins somatiques au sein du centre pour les plaintes somatiques non spécifiques. Il n'avait jamais été hospitalisé en milieu psychiatrique.

Il se plaignait d'une aboulie, d'une anhédonie, d'un trouble du sommeil type réveils précoces, d'une irritabilité en lien avec les douleurs, d'un manque d'énergie, de troubles de la concentration, d'une perte d'appétit et, par moment, d'idées suicidaires passives. Il décrivait la présence de ces symptômes depuis 2015/2016, ce qui correspondait au début de ses attaques de paniques. Il rapportait principalement plusieurs plaintes somatiques non spécifiques sans cause organique trouvée.

d. Le 28 juin 2020, le Dr B______, sur question de l'OAI, a indiqué que les deux dernières consultations avec l'assuré avaient eu lieu le 21 octobre 2019 et le 19 mars 2020. Depuis le début de sa prise en charge, il n'y avait eu aucune évolution de l’état de santé. L’assuré souffrait de douleurs peu claires du dos en général. Les doses de SEVRE-LONG avaient été baissées. Quant à ses limitations fonctionnelles, il présentait des douleurs lombaires chroniques. Le Dr B______ a renvoyé sur ce dernier point à l'avis du Dr D______.

Était notamment transmis avec le formulaire, un rapport de consultation du 21 octobre 2019. L'assuré se plaignait des mêmes douleurs. Le dosage de SEVRE-LONG avait été diminué. Il avait débuté l'héroïne à cause de ses douleurs de dos. Les traitements étaient tous prescrit par le Dr D______, ce dernier était en charge de son dossier sous l'angle de la dépendance. Son anamnèse était compliquée.

e. Le 28 octobre 2020, le docteur E______, psychiatre intervenant à la Consultation ambulatoire d’addictologie psychiatrique F______ des HUG (ci-après : CAAP F______), a rendu un rapport médical dans lequel il a fait état de troubles mentaux et du comportement lié à l'utilisation d'opiacés, syndrome de dépendance (F 11.22), de trouble panique (F 41.0) et de trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen (F 33.1). L'assuré présentait les limitations fonctionnelles suivantes : une absence de motivation, une anhédonie, des douleurs somatoformes, des difficultés à maintenir les rendez-vous et à tenir des horaires, une perte d'énergie. Son incapacité de travail était de 100%.

Il lui avait rapporté une augmentation de ses douleurs à la mobilisation et une diminution de celles-ci par le repos. Lors de la baisse de sa posologie de morphine, les douleurs augmentaient et lorsqu'il prenait « assez » de morphine pour reprendre une activité, il ressentait des palpitations, des céphalées, des rhinorrhées et des rectorragies, voire une sensation de confusion, de froid et des tremblements. Il décrivait la présence de ces symptômes depuis 2015/2016, ce qui correspondait au début de ses attaques de panique. Il avait à présent trouvé un dosage de SEVRE-LONG qui lui permettait d'être « stable », c'est-à-dire qu'il arrivait à maintenir une activité quotidienne adéquate sans la présence des symptômes susmentionnés. Il ne consommait pas d'autres substances en parallèle des médicaments prescrits.

S'agissant de son statut psychiatrique, il avait une diminution de l'appétit et un sommeil perturbé à cause de ses douleurs somatiques. Il présentait une thymie fluctuante entre triste et neutre. Il se plaignait d'une aboulie, d'une anhédonie, de troubles du sommeil de type réveils précoces, d'une irritabilité en lien avec ses douleurs, d'un manque d'énergie et de trouble de la concentration. Il n'avait en revanche pas d'idées suicidaires.

L'assuré se réveillait le matin vers 6h00, prenait son traitement de substitution, son déjeuner puis s'allongeait sur le divan ou sur le lit jusqu'au repas de midi. L'après-midi, il disait sortir pour se promener dans son quartier et faire un peu d'exercices. Il n'arrivait pas à se promener chaque jour en raison des douleurs au membre inférieur droit et de son état de somnolence. Avant le diner, il s'allongeait sur le divan et regardait la télévision jusqu'au repas. Il se couchait environ vers 21h00 et dormait 10 heures par nuit. Il n'arrivait pas à faire beaucoup de choses pendant la journée à cause de ses douleurs au dos et de sa perte d'énergie. Ses douleurs ne lui permettaient ni de bouger facilement, ni de maintenir une position droite pour plus de quelques heures. Les seules positions confortables étaient d'être allongé sur une surface douce ou d'être assis sur un siège.

L'assuré n'avait pas de grand réseau social. Il affirmait la présence de quelques amis soutenants mais n'avait pas de relations amicales en dehors des gens qui consommaient des toxiques. Il habitait avec sa femme et ses trois enfants.

f. Dans son avis médical du 30 mars 2021, la doctoresse G______ du service médical régional de l'assurance-invalidité pour la Suisse romande (ci-après: SMR), a proposé une expertise bidisciplinaire rhumatologique et psychiatrique afin d'établir les atteintes à la santé ayant un impact sur la capacité de travail, l'évolution des incapacités de travail et la capacité de travail résiduelle. Les experts devaient également se prononcer sur l'exigibilité du traitement en spécifiant les options thérapeutiques, la durée du traitement jusqu'à l'obtention d'un résultat positif et le degré de succès prévisible et dans quel délai. Il était également proposé de compléter le dossier médical en demandant au service de médecin de premier recours les copies des examens effectués ainsi que le rapport de la consultation de la douleur de septembre 2019.

g. Le 15 juillet 2021, Dr B______ a transmis à l'OAI le rapport des consultations ambulatoires de la douleur des 4 et 12 septembre 2019 aux HUG.

La doctoresse H______, FMH anesthésiologie, pharmacologie et toxicologie cliniques, et le docteur I______, FMH anesthésiologie, avaient diagnostiqué des douleurs musculosquelettiques chroniques diffuses primaires.

Il avait depuis plus de 15 ans des douleurs qui étaient de plus en plus invalidantes. Ses douleurs avaient commencé par se manifester par des dorsalgies non spécifiques traitées par physiothérapie. Par la suite, d'autres douleurs étaient apparues aux genoux, aux mains, à la région lombaire et globalement à toutes les articulations du corps. Il avait présenté une consommation d'héroïne entre 1993 et 1995 qui avait été stoppée et substituée par méthadone puis par morphine retard. Sur l'échelle visuelle analogique, l'intensité des douleurs était évaluée de 2 à 10/10, en fonction des moments.

L'assuré présentait des troubles du sommeil en lien avec ses douleurs. Il se réveillait vers 4 heures pour prendre son traitement et malgré une amélioration des douleurs, il devait se recoucher jusqu'à 10 heures. Il exprimait un dérouillage matinal de temps et de durée variables. Il s'occupait en journée de son potager, à son rythme, jusqu'à 14h00. Il dormait de nouveau dans l'après-midi. Le degré d'interférences des douleurs avec l'activité quotidienne était évalué à 9/10.

L'anamnèse, le statut et les examens radiologiques évoquaient des rachialgies communes non spécifiques possiblement secondaires à des dysfonctionnements musculaires dans un contexte d'imprégnation chronique aux opiacés. Il existait aussi une probable sensibilisation centrale qui impliquait une réorganisation anatomique et fonctionnelle au niveau de la moelle et du cerveau. Il était alors fréquent que les douleurs soient diffuses, associées à une hyperalgésie, une fatigue, une insomnie, des troubles de l'humeur, de la mémoire et de l'attention.

h. À la demande de l'OAI, les médecins de SWISS EXPERTISES MÉDICALES SÀRL (le docteur J______, FMH psychiatrie et psychothérapie, et le docteur K______, FMH rhumatologie) ont rendu un rapport d'expertise médicale bidisciplinaire le 5 mai 2022, basé sur le dossier de l’assuré, sur une heure et quinze minutes d'examen clinique psychiatrique et sur une heure et quinze minutes d'examen clinique rhumatologique.

Ils ont établi que l'assuré sortait marcher au quotidien, se nourrissait de nombreuses relations amicales, écoutait de la musique et conduisait une moto. Il n'avait aucune limitation fonctionnelle tant sur le plan rhumatologique que sur le plan psychiatrique. Sa capacité de travail était de 100% depuis toujours.

L'examen rhumatologique était normal et ne mettait en évidence aucune pathologie rachidienne active, aucune symptomatologie cervicale ou rachidienne, aucun syndrome lombo-vertébral ou « cervical douleurs », aucune radiculalgie sciatique ou crurale, aucun déficit distal ou proximal. Aucun diagnostic n'a été retenu. L'examen neurologique était également normal. Il existait manifestement une incohérence entre les plaintes que l’assuré rapportait comme étant incapacitantes et l'examen somatique ainsi que les données radiologiques.

L'examen psychiatrique se situait dans la norme, exempt de psychopathologie spécifique. Aucune psychopathologie incapacitante n'avait été trouvée. Il n'avait pas de doléances psychiatriques. Elles étaient d'un domaine somatique algique exploré ailleurs. Aucun diagnostic n'a été retenu.

i. Le 16 mai 2022, la Dresse G______ a considéré que l'expertise bidisciplinaire était convaincante, et que l'on pouvait suivre ses conclusions. L'assuré présentait des rachialgies mécaniques immunes n'entrainant pas de limitations fonctionnelles ni d'incapacité de travail, et il n'y avait pas d'atteinte psychiatrique incapacitante. Ainsi, l'activité habituelle d'aide en cuisine était entière depuis toujours.

j. Par projet de décision du 20 mai 2022, l’OAI a nié à l'assuré le droit à des prestations de l'assurance-invalidité, au motif qu'il ne pouvait être retenu une atteinte à la santé incapacitante.

k. Par écriture du 20 juin 2022, l'assuré a contesté le projet de décision.

l. Par décision du 28 juin 2022, l'OAI a rejeté la demande de prestations.

m. Le 4 juillet 2022, la doctoresse L______, FMH médecine interne générale, médecin traitante de l'assuré depuis le 22 février 2022, a rempli un rapport médical de l'assurance-invalidité attestant que l'assuré présentait une hernie discale L4 – L5 sans déficit neurologique et syndrome d'hyperalgésie secondaire. Depuis plus d'une année, la dose de SEVRE-LONG était stable. À la moindre baisse de dosage, les douleurs devenaient insupportables. La Dresse L______ suspectait que l'assuré soit un métaboliseur rapide de SEVRE-LONG. Un déficit de testostérone et un probable syndrome d'apnée du sommeil d'origine centrale étaient suspectés. Il s'agissait d'effets secondaires connus au traitement de substitution d'opiacé. En raison du syndrome douloureux et de ses troubles psychiatriques, il n'était pas capable d'exercer une activité professionnelle adaptée à son état de santé. La Dresse L______ a estimé que l'avis d'un confrère addictologue était souhaitable.

Il rapportait une fatigue diurne importante. Depuis 2006, il avait une dépression avec un isolement social. Il avait stoppé le football et la piscine. Il faisait des attaques de panique dans la rue. Il sortait souvent accompagné d'un tiers par crainte d'avoir une attaque cardiaque, des diarrhées ou une crise d'épilepsie.

C. a. Le 29 août 2022, l'assuré, représenté par un avocat, a recouru auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de Justice à l'encontre de la décision de l’OAI du 28 juin 2022, en concluant principalement à son annulation, à l'octroi d'une rente d'invalidité ordinaire et à des mesures de réadaptation.

b. Par complément de recours le 14 octobre 2022, le recourant a conclu à ce que préalablement une expertise judicaire par un médecin spécialiste en addictologie soit ordonnée, principalement à l'annulation de la décision du 28 juin 2022 et à l'octroi d'une « rente d’invalidité ordinaire » dès le 16 avril 2019.

Depuis des années, le traitement au SEVRE-LONG générait chez lui un épuisement quasi-total et le rendait inapte au placement sur le marché primaire de l'emploi, ainsi que dans l'incapacité d'accomplir des tâches ménagères. L'expertise psychiatrique ne traitait pas de son besoin de prendre des opiacés dans le contexte de son traitement antalgique. Son incapacité de travail devait être examinée par un addictologue car sa problématique ne ressortait pas du domaine de la psychiatrie. Il s'agissait de savoir dans quelle mesure un traitement pour le maintien des douleurs à un niveau acceptable entrainait une incapacité de travail.

Il a joint un courrier médical du 14 avril 2022 du docteur M______, médecin interne au CAAP F______, dans lequel il était indiqué que l'assuré était suivi au CAAP F______ pour une dépendance aux opiacés, un trouble panique et une dépression. Il était au bénéfice d'un traitement agoniste opiacé par SEVRE-LONG, à une posologie de 300mg par jour. Il présentait une forte symptomatologie anxieuse lorsqu'il augmentait le traitement agoniste opiacé qui se manifestait par une tachycardie, des tremblements, une cognition catastrophique et des stratégies d'évitement. Il bénéficiait également d'un traitement antidépresseur de DULOXETIN 60mg.

c. Le 10 novembre 2022, l'intimé a conclu au rejet du recours et à la confirmation de la décision attaquée, en soulignant que l'expertise était probante et qu'il ressortait du rapport du 5 mai 2022 que le recourant ne présentait pas d'atteinte incapacitante. Le recourant n'avait apporté aucun élément objectivement vérifiable, de nature clinique ou diagnostique, qui aurait été ignoré dans le cadre de l'instruction et de l'expertise et qui serait suffisamment pertinent pour remettre en cause le bien-fondé tant de leurs conclusions que de celles des experts.

À l'appui de son rejet, il a notamment produit un avis médical du SMR daté du 7 novembre 2022, dans lequel la Dresse G______ a indiqué que le rapport du 14 avril 2022 du Dr M______ avait déjà été pris en compte lors de l'expertise. Ainsi, le SMR ne modifiait pas son appréciation du cas.

d. Par réplique du 6 décembre 2022, le recourant a souligné que la question liée à la prise en charge de SEVRE-LONG, plus particulièrement celle de savoir s'il s'agissait en l'occurrence d'une atteinte primaire ou secondaire à sa santé, n'avait pas été traitée dans l'expertise. L'atteinte à la santé et la perte de capacité de travail causée par ce produit n'avaient nullement été diagnostiquées. Les informations contenues étaient lacunaires, imprécises et à bien des égards erronées. De plus, elle s'était fondée sur des documents médicaux partant de 2019, alors même qu'il y avait manifestement eu un évènement crucial sur le plan médical en début de l'année 2014.

Était notamment joint à la réplique, un rapport du docteur N______, FMH médecine interne et pneumologie du 19 septembre 2022, dans lequel il a indiqué avoir diagnostiqué un syndrome d'apnées-hypopnées mixte du sommeil de degré sévère, avec prédominance d'événements centraux et désaturation nocturne. Il a également précisé que les apnées centrales étaient fréquemment induites par la méthadone, qui pourrait aussi induire une composante d'hypoventilation nocturne, voire diurne.

e. Le 23 janvier 2023, la chambre de céans a entendu les parties en audience de comparution personnelle.

f. Le 2 février 2023, l’intimé a produit au dossier l’enregistrement de l’expertise des Dr K______ et J______.

g. A la demande de la chambre de céans, ceux-ci ont précisé, le 7 mars 2023, que l’échange consensuel entre eux avait eu lieu le 19 avril 2022 et que la prise de SEVRE-LONG avait été évaluée par l’expert psychiatre, qui avait estimé que le recourant ne présentait pas de syndrome de dépendance.

h. Le 14 mars 2023, la chambre de céans a informé les parties qu’elle entendait ordonner une expertise judiciaire qui serait confiée à la doctoresse O______, FMH psychiatrie et psychothérapie, et les a invitées à se déterminer sur la proposition de mission d’expertise et sur le choix de l’expert.

i. Le 17 mars 2023, le recourant a accepté la mission d’expertise.

j. Le 23 mars 2023, l’OAI s’est opposé à l’ordonnance d’une expertise judiciaire et a transmis un avis du SMR du 17 mars 2023, lequel proposait deux questions complémentaires.

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable est, en principe, celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques, sous réserve de dispositions particulières de droit transitoire (ATF 136 V 24 consid. 4.3 et la référence).

Le recourant étant né en 1972 et ayant déposé sa demande de prestations le 16 avril 2019, le droit en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021 est applicable au cas d’espèce.

3.             Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 LPGA).

4.             Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28 al. 2 LAI).

5.              

5.1 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté ; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c ; ATF 102 V 165 consid. 3.1 ; VSI 2001 p. 223 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanent d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; ATF 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1 ; ATF 130 V 396 consid. 5.3 et 6).

5.2 Dans l’ATF 141 V 281, le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d'évaluation de la capacité de travail, respectivement de l'incapacité de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d'affections psychosomatiques comparables. Il a notamment abandonné la présomption selon laquelle les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 141 V 281 consid. 3.4 et 3.5) et introduit un nouveau schéma d'évaluation au moyen d'un catalogue d'indicateurs (ATF 141 V 281 consid. 4). Le Tribunal fédéral a ensuite étendu ce nouveau schéma d'évaluation aux autres affections psychiques (ATF 143 V 418 consid. 6 et 7 et les références). Aussi, le caractère invalidant d'atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 143 V 409 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2019 du 17 mars 2020 consid. 3 et les références).

Le Tribunal fédéral a en revanche maintenu, voire renforcé la portée des motifs d'exclusion définis dans l'ATF 131 V 49, aux termes desquels il y a lieu de conclure à l'absence d'une atteinte à la santé ouvrant le droit aux prestations d'assurance, si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'une exagération des symptômes ou d'une constellation semblable, et ce même si les caractéristiques d'un trouble au sens de la classification sont réalisées. Des indices d'une telle exagération apparaissent notamment en cas de discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, de grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psycho-social intact (ATF 141 V 281 consid. 2.2.1 et 2.2.2 ; ATF 132 V 65 consid. 4.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_16/2016 du 14 juin 2016 consid. 3.2).

5.3 L'organe chargé de l'application du droit doit, avant de procéder à l'examen des indicateurs, analyser si les troubles psychiques dûment diagnostiqués conduisent à la constatation d'une atteinte à la santé importante et pertinente en droit de l'assurance-invalidité, c'est-à-dire qui résiste aux motifs dits d'exclusion tels qu'une exagération ou d'autres manifestations d'un profit secondaire tiré de la maladie (cf. ATF 141 V 281 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 5.2.2 et la référence).

5.4 Pour des motifs de proportionnalité, on peut renoncer à une appréciation selon la grille d’évaluation normative et structurée si elle n’est pas nécessaire ou si elle est inappropriée. Il en va ainsi notamment lorsqu’il n’existe aucun indice en faveur d’une incapacité de travail durable ou lorsque l’incapacité de travail est niée sous l’angle psychique sur la base d’un rapport probant établi par un médecin spécialisé et que d’éventuelles appréciations contraires n’ont pas de valeur probante du fait qu’elles proviennent de médecins n’ayant pas une qualification spécialisée ou pour d’autres raisons (arrêt du Tribunal fédéral 9C_101/2019 du 12 juillet 2019 consid. 4.3 et la référence ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_724/2018 du 11 juillet 2019 consid. 7). En l’absence d’un diagnostic psychiatrique, une telle appréciation n’a pas non plus à être effectuée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_176/2018 du 16 août 2018 consid. 3.2.2).

6.             Selon la jurisprudence, en cas de troubles psychiques, la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée, en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs incapacitants et, d'autre part, des potentiels de compensation (ressources) (ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). L'accent doit ainsi être mis sur les ressources qui peuvent compenser le poids de la douleur et favoriser la capacité d'exécuter une tâche ou une action (arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2016 du 19 juillet 2016 consid. 7 et la référence). 

Il y a lieu de se fonder sur une grille d’analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4).

Ces indicateurs sont classés comme suit :

I. Catégorie « degré de gravité fonctionnelle »

Les indicateurs relevant de cette catégorie représentent l’instrument de base de l’analyse. Les déductions qui en sont tirées devront, dans un second temps, résister à un examen de la cohérence (ATF 141 V 281 consid. 4.3).

A. Axe « atteinte à la santé »

1. Caractère prononcé des éléments et des symptômes pertinents pour le diagnostic

Les constatations relatives aux manifestations concrètes de l’atteinte à la santé diagnostiquée permettent de distinguer les limitations fonctionnelles causées par cette atteinte de celles dues à des facteurs non assurés. Le point de départ est le degré de gravité minimal inhérent au diagnostic. Il doit être rendu vraisemblable compte tenu de l’étiologie et de la pathogenèse de la pathologie déterminante pour le diagnostic (ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.1).

L'influence d'une atteinte à la santé sur la capacité de travail est davantage déterminante que sa qualification en matière d'assurance-invalidité (ATF 142 V 106 consid. 4.4). Diagnostiquer une atteinte à la santé, soit identifier une maladie d'après ses symptômes, équivaut à l'appréciation d'une situation médicale déterminée qui, selon les médecins consultés, peut aboutir à des résultats différents en raison précisément de la marge d'appréciation inhérente à la science médicale (ATF 145 V 361 consid. 4.1.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_212/2020 du 4 septembre 2020 consid. 4.2 et 9C_762/2019 du 16 juin 2020 consid. 5.2).

2. Succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à ces derniers

Le déroulement et l'issue d'un traitement médical sont en règle générale aussi d'importants indicateurs concernant le degré de gravité du trouble psychique évalué. Il en va de même du déroulement et de l'issue d'une mesure de réadaptation professionnelle. Ainsi, l'échec définitif d'une thérapie médicalement indiquée et réalisée selon les règles de l'art de même que l'échec d'une mesure de réadaptation - malgré une coopération optimale de l'assuré - sont en principe considérés comme des indices sérieux d'une atteinte invalidante à la santé. A l'inverse, le défaut de coopération optimale conduit plutôt à nier le caractère invalidant du trouble en question. Le résultat de l'appréciation dépend toutefois de l'ensemble des circonstances individuelles du cas d'espèce (arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2.1.3 et la référence).

3. Comorbidités

La présence de comorbidités ou troubles concomitants est un indicateur à prendre en considération en relation avec le degré de gravité fonctionnel (arrêt du Tribunal fédéral 9C_650/2019 du 11 mai 2020 consid. 3.3 et la référence). On ne saurait toutefois inférer la réalisation concrète de l'indicateur "comorbidité" et, partant, un indice suggérant la gravité et le caractère invalidant de l'atteinte à la santé, de la seule existence de maladies psychiatriques et somatiques concomitantes. Encore faut-il examiner si l'interaction de ces troubles ayant valeur de maladie prive l'assuré de certaines ressources (arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 consid. 5.2.3 et le référence). Il est nécessaire de procéder à une approche globale de l’influence du trouble avec l’ensemble des pathologies concomitantes. Une atteinte qui, selon la jurisprudence, ne peut pas être invalidante en tant que telle (cf. ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.2; arrêt du Tribunal fédéral 9C_98/2010 du 28 avril 2010 consid. 2.2.2, in : RSAS 2011 IV n° 17, p. 44) n’est pas une comorbidité (arrêt du Tribunal fédéral 9C_1040/2010 du 6 juin 2011 consid. 3.4.2.1, in : RSAS 2012 IV n° 1, p. 1) mais doit à la rigueur être prise en considération dans le cadre du diagnostic de la personnalité (ATF 141 V 281 consid. 4.3.2). Ainsi, un trouble dépressif réactionnel au trouble somatoforme ne perd pas toute signification en tant que facteur d’affaiblissement potentiel des ressources, mais doit être pris en considération dans l’approche globale (ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.3).

Même si un trouble psychique, pris séparément, n'est pas invalidant en application de la nouvelle jurisprudence, il doit être pris en considération dans l'appréciation globale de la capacité de travail, qui tient compte des effets réciproques des différentes atteintes. Ainsi, une dysthymie, prise séparément, n'est pas invalidante, mais peut l'être lorsqu'elle est accompagnée d’un trouble de la personnalité notable. Par conséquent, indépendamment de leurs diagnostics, les troubles psychiques entrent déjà en considération en tant que comorbidité importante du point de vue juridique si, dans le cas concret, on doit leur attribuer un effet limitatif sur les ressources (ATF 143 V 418 consid. 8.1).

B. Axe « personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles)

Le « complexe personnalité » englobe, à côté des formes classiques du diagnostic de la personnalité qui vise à saisir la structure et les troubles de la personnalité, le concept de ce qu’on appelle les « fonctions complexes du moi » qui désignent des capacités inhérentes à la personnalité, permettant des déductions sur la gravité de l’atteinte à la santé et de la capacité de travail (par exemple : auto-perception et perception d’autrui, contrôle de la réalité et formation du jugement, contrôle des affects et des impulsions, intentionnalité et motivation; cf. ATF 141 V 281 consid. 4.3.2). Etant donné que l’évaluation de la personnalité est davantage dépendante de la perception du médecin examinateur que l’analyse d’autres indicateurs, les exigences de motivation sont plus élevées (ATF 141 V 281 consid. 4.3.2).

Le Tribunal fédéral a estimé qu’un assuré présentait des ressources personnelles et adaptatives suffisantes, au vu notamment de la description positive qu’il avait donnée de sa personnalité, sans diminution de l'estime ou de la confiance en soi et sans peur de l'avenir (arrêt du Tribunal fédéral 8C_584/2016 du 30 juin 2017 consid. 5.2).

C. Axe « contexte social »

Si des difficultés sociales ont directement des conséquences fonctionnelles négatives, elles continuent à ne pas être prises en considération. En revanche, le contexte de vie de l’assuré peut lui procurer des ressources mobilisables, par exemple par le biais de son réseau social. Il faut toujours s’assurer qu’une incapacité de travail pour des raisons de santé ne se confond pas avec le chômage non assuré ou avec d’autres difficultés de vie (ATF 141 V 281 consid. 4.3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 consid. 5.2.3).

Lors de l'examen des ressources que peut procurer le contexte social et familial pour surmonter l'atteinte à la santé ou ses effets, il y a lieu de tenir compte notamment de l'existence d'une structure quotidienne et d'un cercle de proches [ ]. Le contexte familial est susceptible de fournir des ressources à la personne assurée pour surmonter son atteinte à la santé ou les effets de cette dernière sur sa capacité de travail, nonobstant le fait que son attitude peut rendre plus difficile les relations interfamiliales (arrêt du Tribunal fédéral 9C_717/2019 du 30 septembre 2020 consid. 6.2.5.3). Toutefois, des ressources préservées ne sauraient être inférées de relations maintenues avec certains membres de la famille dont la personne assurée est dépendante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_55/2020 du 22 octobre 2020 consid. 5.2).

II. Catégorie « cohérence »

Il convient ensuite d’examiner si les conséquences qui sont tirées de l’analyse des indicateurs de la catégorie « degré de gravité fonctionnel » résistent à l’examen sous l’angle de la catégorie « cohérence ». Cette seconde catégorie comprend les indicateurs liés au comportement de l’assuré (ATF 141 V 281 consid. 4.4). A ce titre, il convient notamment d’examiner si les limitations fonctionnelles se manifestent de la même manière dans la vie professionnelle et dans la vie privée, de comparer les niveaux d’activité sociale avant et après l’atteinte à la santé ou d’analyser la mesure dans laquelle les traitements et les mesures de réadaptation sont mis à profit ou négligés. Dans ce contexte, un comportement incohérent est un indice que les limitations évoquées seraient dues à d’autres raisons qu’une atteinte à la santé (arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.3).

A. Limitation uniforme du niveau des activités dans tous les domaines comparables de la vie

Il s’agit ici de se demander si l’atteinte à la santé limite l’assuré de manière semblable dans son activité professionnelle ou dans l’exécution de ses travaux habituels et dans les autres activités (par exemple, les loisirs). Le critère du retrait social utilisé jusqu’ici doit désormais être interprété de telle sorte qu’il se réfère non seulement aux limitations mais également aux ressources de l’assuré et à sa capacité à les mobiliser. Dans la mesure du possible, il convient de comparer le niveau d’activité sociale de l’assuré avant et après la survenance de l’atteinte à la santé (ATF 141 V 281 consid. 4.4.1).

B. Poids de la souffrance révélé par l’anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation

L'interruption de toute thérapie médicalement indiquée sur le plan psychique et le refus de participer à des mesures de réadaptation d'ordre professionnel sont des indices importants que l’assuré ne présente pas une évolution consolidée de la douleur et que les limitations invoquées sont dues à d'autres motifs qu'à son atteinte à la santé (arrêt du Tribunal fédéral 9C_569/2017 du 18 juillet 2018 consid. 5.5.2).

La prise en compte d’options thérapeutiques, autrement dit la mesure dans laquelle les traitements sont mis à profit ou alors négligés, permet d’évaluer le poids effectif des souffrances. Tel n’est toutefois pas le cas lorsque le comportement est influencé par la procédure assécurologique en cours. Il ne faut pas conclure à l’absence de lourdes souffrances lorsque le refus ou la mauvaise acceptation du traitement recommandé est la conséquence d’une incapacité (inévitable) de l’assuré à reconnaître sa maladie (anosognosie). Les mêmes principes s’appliquent pour les mesures de réadaptation. Un comportement incohérent de l'assuré est là aussi un indice que la limitation fonctionnelle est due à d’autres raisons qu’à l'atteinte à la santé assurée (ATF 141 V 281 consid. 4.4.2).

7.             Selon la jurisprudence applicable jusqu’ici, un syndrome de dépendance primaire à des substances psychotropes (dont l’alcool) ne pouvait conduire à une invalidité au sens de la loi que s’il engendrait une maladie ou occasionnait un accident ou s’il résultait lui-même d’une atteinte à la santé physique ou psychique ayant valeur de maladie. Cette jurisprudence reposait sur la prémisse que la personne souffrant de dépendance avait provoqué elle-même fautivement cet état et qu'elle aurait pu, en faisant preuve de diligence, se rendre compte suffisamment tôt des conséquences néfastes de son addiction et effectuer un sevrage ou à tout le moins entreprendre une thérapie par (cf. notamment ATF 124 V 265 consid. 3c).

Dans un arrêt du 11 juillet 2019 (ATF 145 V 215), le Tribunal fédéral est parvenu à la conclusion que sa pratique en matière de syndrome de dépendance ne peut plus être maintenue. D’un point de vue médical, les syndromes de dépendance et les troubles liés à la consommation de substances diagnostiqués lege artis par un spécialiste doivent également être considérés comme des atteintes (psychiques) à la santé significatives au sens du droit de l’assurance invalidité (consid. 5.3.3 et 6).

Le caractère primaire ou secondaire d’un trouble de la dépendance n’est plus décisif pour en nier d’emblée toute pertinence sous l’angle du droit de l’assurance-invalidité (arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.1.1). Par conséquent, il s’agit, comme pour toutes les autres troubles psychiques, de déterminer selon une grille d’évaluation normative et structurée (à cet égard, ATF 141 V 281) si, et le cas échéant, dans quelle mesure un syndrome de dépendance diagnostiqué par un spécialiste influence dans le cas concret la capacité de travail de l’assuré. La gravité de la dépendance dans un cas particulier peut et doit être prise en compte dans la procédure de preuve structurée (ATF 145 V 215 consid. 6.3). Ceci est d'autant plus important que dans le cas des troubles de la dépendance – comme dans celui d'autres troubles psychiques – il y a souvent un mélange de troubles ayant valeur de maladie ainsi que de facteurs psychosociaux et socio-culturels. L’obligation de diminuer le dommage (art. 7 LAI) s'applique également en cas de syndrome de dépendance, de sorte que l’assuré peut être tenu de participer activement à un traitement médical raisonnablement exigible (art. 7 al. 2 let. d LAI). S’il ne respecte pas son obligation de diminuer le dommage, mais qu’il maintient délibérément son état pathologique, l’art. 7b al. 1 LAI en liaison avec l'art. 21 al. 4 LPGA permet le refus ou la réduction des prestations (consid 5.3.1).

8.              

8.1 Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1). La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. Dans le cas des maladies psychiques, les indicateurs sont importants pour évaluer la capacité de travail, qui - en tenant compte des facteurs incapacitants externes d’une part et du potentiel de compensation (ressources) d’autre part -, permettent d’estimer la capacité de travail réellement réalisable (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_286/2020 du 6 août 2020 consid. 4 et la référence).

8.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. A cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3). Il faut en outre que le médecin dispose de la formation spécialisée nécessaire et de compétences professionnelles dans le domaine d’investigation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_555/2017 du 22 novembre 2017 consid. 3.1 et les références).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

8.3 Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

8.4 Le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 143 V 269 consid. 6.2.3.2 et les références ; ATF 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/aa et les références).

8.5 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

8.6 On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. A cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2008 du 5 mars 2009 consid. 2.2).

9.              

9.1 Le point de départ de l'évaluation prévue pour les troubles somatoformes douloureux (ATF 141 V 281), les troubles dépressifs (ATF 143 V 409), les autres troubles psychiques (ATF 143 V 418) et les troubles mentaux du comportement liés à l’utilisation de substances psychoactives (ATF 145 V 215) est l'ensemble des éléments médicaux et constatations y relatives. Les experts doivent motiver le diagnostic psychique de telle manière que l'organe d'application du droit puisse comprendre non seulement si les critères de classification sont remplis (ATF 141 V 281 consid. 2.1.1), mais également si la pathologie diagnostiquée présente un degré de gravité susceptible d'occasionner des limitations dans les fonctions de la vie courante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_551/2019 du 24 avril 2020 consid. 4.1 et la référence).

9.2 Dans un arrêt de principe du 2 décembre 2019 (ATF 145 V 361), le Tribunal fédéral, à la lumière de l'ATF 141 V 281, a notamment posé une délimitation, entre l'examen (libre), par les autorités chargées de l'application du droit, de l'admission d'une incapacité de travail par l'expert psychiatre, d'une part, et une appréciation juridique parallèle inadmissible, d'autre part.

Selon le Tribunal fédéral, dans tous les cas, l’administration et, en cas de recours, le juge, doivent examiner si et dans quelle mesure les experts ont suffisamment et de manière compréhensible étayé leur évaluation de l'incapacité de travail, en tenant compte des indicateurs pertinents (questions de preuve). À cette fin, les experts doivent établir un lien avec la partie précédente de l'expertise médico-psychiatrique (avec extraits du dossier, anamnèse, constatations, diagnostics, etc.), c'est-à-dire qu'ils doivent se référer en détails aux résultats médico-psychiatriques des examens et explorations cliniques menés dans les règles de l’art qui relèvent de leur compétence. Le médecin doit donc exposer de manière détaillée les raisons médico-psychiatriques pour lesquelles les éléments constatés sont susceptibles de restreindre la capacité fonctionnelle et les ressources psychiques en termes qualitatifs, quantitatifs et temporels (ATF 143 V 418 consid. 6). A titre d’exemple, dans le cadre de troubles dépressifs récurrents de degrés légers à modérés qui sont souvent au premier plan dans l’examen de l’invalidité au sens de l’AI, cela signifie qu’il ne suffit pas que l'expert psychiatre déduise directement de l'épisode dépressif diagnostiqué une incapacité de travail, quel qu'en soit le degré ; il doit bien plutôt démontrer si et dans quelle mesure les constatations qu'il a faites (tristesse, désespoir, manque de dynamisme, fatigue, troubles de la concentration et de l'attention, diminution de la capacité d'adaptation, etc.), limitent la capacité de travail, en tenant compte - à des fins de comparaison, de contrôle et de plausibilité - des autres activités personnelles, familiales et sociales de la personne requérant une rente. Si les experts s'acquittent de cette tâche de manière convaincante, en tenant compte des éléments de preuve établis par l'ATF 141 V 281, l'évaluation des répercussions de l’atteinte psychique sera également valable du point de vue des organes chargés de l’application du droit, que ce soit l’administration ou le juge. A défaut, il se justifie, juridiquement, de s'en écarter (ATF 145 V 361 consid. 4.3 et la référence).

9.3 En ce qui concerne l'évaluation du caractère invalidant des affections psychosomatiques et psychiques, l'appréciation de la capacité de travail par un médecin psychiatre est soumise à un contrôle (libre) des organes chargés de l'application du droit à la lumière de l'ATF 141 V 281 (ATF 145 V 361 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_585/2019 du 3 juin 2020 consid. 2 et les références). Il peut ainsi arriver que les organes d'application du droit se distancient de l'évaluation médicale de la capacité de travail établie par l’expertise sans que celle-ci ne perde sa valeur probante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_128/2018 du 17 juillet 2018 consid. 2.2 et les références). Du point de vue juridique, il est même nécessaire de s’écarter de l’appréciation médicale de la capacité de travail si l’évaluation n’est pas suffisamment motivée et compréhensible au vu des indicateurs pertinents, ou n’est pas convaincante du point de vue des éléments de preuve instaurés par l’ATF 141 V 281. S’écarter de l’évaluation médicale est alors admissible, du point de vue juridique, sans que d’autres investigations médicales ne soient nécessaires (arrêt du Tribunal fédéral 9C_832/2019 du 6 mai 2020 consid. 2.2). Toutefois, lorsque l’administration ou le juge, au terme de son appréciation des preuves, parvient à la conclusion que le rapport d'expertise évalue la capacité de travail en fonction des critères de médecine des assurances établis dans l'ATF 141 V 281 et qu’il satisfait en outre aux exigences générales en matière de preuves (ATF 134 V 231 consid. 5.1), il a force probante et ses conclusions sur la capacité de travail doivent être suivies par les organes d'application de la loi. Une appréciation juridique parallèle libre en fonction de la grille d'évaluation normative et structurée ne doit pas être entreprise (cf. ATF 145 V 361 consid. 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_213/2020 du 19 mai 2020 consid. 4.3 et les références).

En fin de compte, la question décisive est toujours celle des répercussions fonctionnelles d'un trouble. La preuve d'une incapacité de travail de longue durée et significative liée à l’état de santé ne peut être considérée comme rapportée que si, dans le cadre d’un examen global, les éléments de preuve pertinents donnent une image cohérente de l’existence de limitations dans tous les domaines de la vie. Si ce n'est pas le cas, la preuve d'une limitation invalidante de la capacité de travail n'est pas rapportée et l'absence de preuve doit être supportée par la personne concernée (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_423/2019 du 7 février 2020 consid. 3.2.2 et les références).

10.         Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

11.         Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4 ; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

12.         En l’occurrence, l’intimé s’est fondé, pour rendre la décision litigieuse, sur le rapport d’expertise bidisciplinaire des Dr K______ et J______.

L’aspect psychiatrique est contesté par le recourant.

A cet égard, l’expertise psychiatrique du Dr J______ ne saurait se voir reconnaître une pleine valeur probante, dès lors que, comme l’a souligné le recourant, elle ne traite pas de façon sérieuse la question de la prise de SEVRE-LONG par celui-ci. En effet, les psychiatres traitants du recourant ont relevé notamment un syndrome de dépendance aux opiacés et des limitations fonctionnelles totalement incapacitantes, soit un trouble de la concentration, un ralentissement psychomoteur, une aboulie, une vulnérabilité importante au stress, une absence de motivation, une anhédonie et une perte d’énergie (avis des Drs D______ du 29 juillet 2019 et E______ du 28 octobre 2010). Par ailleurs, la Dresse L______ a estimé que l’incapacité de travail était totale et que l’avis d’un addictologue était souhaitable et le Dr M______ que le recourant présentait une dépendance aux opiacés, un trouble panique et une dépression.

Ces avis sont fortement divergents de celui du Dr J______, étant encore souligné que la description des ressources du recourant par celui-ci est très éloignée de celle relatée par le médecin traitant. Le Dr J______ souligne en effet un réseau du recourant constitué de 400 amis, des relations proches, une capacité à donner et recevoir un soutien affectif significatif, à évoluer au sein d’un groupe et un réseau relationnel amical, fonctionnel et soutenant (rapport d’expertise du Dr J______ pp. 42-43). Or, les médecins traitants du recourant ont au contraire relevé que celui-ci n’a pas de grand réseau social, quelques amis soutenants mais pas de relations amicales en dehors des gens qui consomment des toxiques (avis du Dr E______ du 28 octobre 2020) et qu’il présente une dépression, avec un isolement social (avis de la Dresse L______ du 4 juillet 2022). S’agissant en particulier des 400 amis relevé par le Dr J______, le recourant a précisé en audience de comparution personnelle qu’il avait évoqué les 400 personnes issues de la communauté sri-lankaise qu’il ne voyait plus car il ne sortait presque plus (PV d’audition du 23 janvier 2023). Enfin, l’enregistrement de l’entretien d’expertise du Dr J______ permet de confirmer que celui-ci n’as pas pris la peine de questionner le recourant sur ce réseau de 400 amis, afin de comprendre si celui-ci était un vrai réseau social soutenant ou une simple référence à la communauté sri-lankaise que le recourant, selon les précisions qu’il a données, ne fréquente plus en raison de son état de santé.

Au vu de ce qui précède, une évaluation médicale psychiatrique est nécessaire pour être à même de déterminer la capacité de travail du recourant, de sorte qu’une expertise judiciaire psychiatrique sera confiée à la doctoresse O______, FMH psychiatrie et psychothérapie.

Les questions proposées par l’intimé seront ajoutées à la mission d’expertise (points 10.5 et 10.6).

 

 

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant préparatoirement

I. Ordonne une expertise psychiatrique de Monsieur A______.

Commet à ces fins la doctoresse O______, FMH psychiatrie et psychothérapie, à Genève. Dit que la mission d’expertise sera la suivante :

A.       Prendre connaissance du dossier de la cause.

B.       Si nécessaire, prendre tous renseignements auprès des médecins ayant traité la personne expertisée, en particulier les docteurs L______, E______ et M______.

C.       Examiner et entendre la personne expertisée et si nécessaire, ordonner d’autres examens.

D.       Charge l’expert d’établir un rapport détaillé comprenant les éléments suivants :

1.             Anamnèse détaillée (avec la description d’une journée-type)

2.             Plaintes de la personne expertisée

3.             Status clinique et constatations objectives

4.             Diagnostics (selon un système de classification reconnu)

Précisez quels critères de classification sont remplis et de quelle manière (notamment l’étiologie et la pathogénèse).

4.1 Avec répercussion sur la capacité de travail

4.1.1 Dates d'apparition

4.2 Sans répercussion sur la capacité de travail

4.2.1 Dates d'apparition

4.3 Quel est le degré de gravité de chacun des troubles diagnostiqués (faible, moyen, grave) ?

4.4 Dans quelle mesure les atteintes diagnostiquées limitent-elles les fonctions nécessaires à la gestion du quotidien ? (N’inclure que les déficits fonctionnels émanant des observations qui ont été déterminantes pour le diagnostic de l’atteinte à la santé, en confirmant ou en rejetant des limitations fonctionnelles alléguées par la personne expertisée).

4.5 Y a-t-il exagération des symptômes ou constellation semblable (discordance substantielle entre les douleurs décrites et le comportement observé ou l’anamnèse, allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, absence de demande de soins médicaux, plaintes très démonstratives laissant insensible l'expert, allégation de lourds handicaps malgré un environnement psychosocial intact) ?

4.6 Dans l’affirmative, considérez-vous que cela suffise à exclure une atteinte à la santé significative ?

5.             Limitations fonctionnelles

5.1. Indiquer les limitations fonctionnelles en relation avec chaque diagnostic

5.1.1 Dates d'apparition

5.2 Les plaintes sont-elles objectivées ?

6.             Cohérence

6.1 Est-ce que le tableau clinique est cohérent, compte tenu du ou des diagnostic(s) retenu(s) ou y a-t-il des atypies ?

6.2 Est-ce que ce qui est connu de l'évolution correspond à ce qui est attendu pour le ou les diagnostic(s) retenu(s) ?

6.3 Est-ce qu'il y a des discordances entre les plaintes et le comportement de la personne expertisée, entre les limitations alléguées et ce qui est connu des activités et de la vie quotidienne de la personne expertisée ? En d’autre termes, les limitations du niveau d’activité sont-elles uniformes dans tous les domaines (professionnel, personnel) ?

6.4 Quels sont les niveaux d’activité sociale et d’activités de la vie quotidienne (dont les tâches ménagères) et comment ont-ils évolué depuis la survenance de l’atteinte à la santé ?

6.5 Dans l’ensemble, le comportement de la personne expertisée vous semble-t-il cohérent et pourquoi ?

7.             Personnalité

7.1 Est-ce que la personne expertisée présente un trouble de la personnalité selon les critères diagnostiques des ouvrages de référence et si oui, lequel ? Quel code ?

7.2 Est-ce que la personne expertisée présente des traits de la personnalité pathologiques et, si oui, lesquels ?

 

7.3 Le cas échéant, quelle est l'influence de ce trouble de personnalité ou de ces traits de personnalité pathologiques sur les limitations éventuelles et sur l'évolution des troubles de la personne expertisée ?

7.4 La personne expertisée se montre-t-elle authentique ou y a-t-il des signes d'exagération des symptômes ou de simulation ?

8.             Ressources

8.1 Quelles sont les ressources résiduelles de la personne expertisée sur le plan somatique ?

8.2 Quelles sont les ressources résiduelles de la personne expertisée sur les plans :

a) psychique

b) mental

c) social et familial. En particulier, la personne expertisée peut-elle compter sur le soutien de ses proches ?

9.             Capacité de travail

9.1 Dater la survenance de l’incapacité de travail durable dans l’activité habituelle pour chaque diagnostic, indiquer son taux pour chaque diagnostic et détailler l’évolution de ce taux pour chaque diagnostic.

9.2 La personne expertisée est-elle capable d’exercer son activité lucrative habituelle ?

9.2.1 Si non, ou seulement partiellement, pourquoi ? Quelles sont les limitations fonctionnelles qui entrent en ligne de compte ?

9.2.2 Depuis quelle date sa capacité de travail est-elle réduite / nulle ?

9.3 La personne expertisée est-elle capable d’exercer une activité lucrative adaptée à ses limitations fonctionnelles ? 

9.3.1 Si non, ou dans une mesure restreinte, pour quels motifs ? Quelles sont les limitations fonctionnelles qui entrent en ligne de compte ?

9.3.2 Si oui, quel est le domaine d’activité lucrative adaptée ? A quel taux ? Depuis quelle date ?

9.3.3 Dire s’il y a une diminution de rendement et la chiffrer.

9.4 Comment la capacité de travail de la personne expertisée a-t-elle évolué depuis 2015 ?

9.5 Des mesures médicales sont-elles nécessaires préalablement à la reprise d’une activité lucrative ? Si oui, lesquelles ?

9.6 Quel est votre pronostic quant à l’exigibilité de la reprise d’une activité lucrative ?

10.         Traitement

10.1 Examen du traitement suivi par la personne expertisée et analyse de son adéquation.

10.2 Est-ce que la personne expertisée s'est engagée ou s'engage dans les traitements qui sont raisonnablement exigibles et possiblement efficaces dans son cas ou n'a-t-elle que peu ou pas de demande de soins ?

10.3 En cas de refus ou mauvaise acceptation d’une thérapie, cette attitude doit-elle être attribuée à une incapacité de la personne expertisée à reconnaître sa maladie ?

10.4 Propositions thérapeutiques et analyse de leurs effets sur la capacité de travail de la personne expertisée.

10.5 En cas de traitement de psychotropes, effectuer un dosage sanguin afin d’évaluer la compliance.

10.6 Effectuer des dosages sanguins/urinaires des substances psychoactives afin d’évaluer leur consommation.

11.         Appréciation d'avis médicaux du dossier

11.1 Êtes-vous d'accord avec l'expertise du Dr J______ du 5 mai 2022 ? En particulier avec l’absence de diagnostic psychiatrique et l'estimation d'une capacité de travail totale de la personne expertisée ? Si non, pourquoi ?

11.2 Êtes-vous d’accord avec l’avis du Dr E______ du 22 octobre 2022 et du Dr L______ du 4 juillet 2022 ? En particulier avec les diagnostics posés, les limitations fonctionnelles constatées et l’estimation d’une capacité de travail nulle de la personne expertisée ? Si non, pourquoi ?

12. Quel est le pronostic ?

13. Des mesures de réadaptation professionnelle sont-elles envisageables ?

14. Faire toutes autres observations ou suggestions utiles.

II. Invite l’expert à déposer, dans les meilleurs délais, son rapport en trois exemplaires auprès de la chambre de céans.

 

III. Réserve le fond ainsi que le sort des frais jusqu’à droit jugé au fond.

 

 

La greffière

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

Valérie MONTANI

 

 

 

 

 

 

 

Une copie conforme de la présente ordonnance est notifiée aux parties par le greffe le