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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1574/2020

ATAS/63/2022 du 01.02.2022 ( CHOMAG ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1574/2020 ATAS/63/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 1er février 2022

1ère Chambre

 

En la cause

CENTRE A______, sis à GENÈVE, représenté par FIRST BUSINESS MANAGEMENT SA

 

 

recourant

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI, Service juridique, sis rue des Gares 16, GENÈVE

 

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Le Centre A______ (ci-après : le Centre) est une association au sens des art. 60 ss CC, ayant son siège à Genève. Ses buts sont décrits à l’art. 4 de ses statuts et prévoient notamment de fonder et d’entretenir, à l’intention de la communauté musulmane résidant à Genève et des visiteurs musulmans, une mosquée, une bibliothèque islamique et une salle de conférence (let. a).

b. Les ressources du Centre sont constituées, selon l’art. 21 des statuts :

-          du droit d’entrée et cotisations de ses membres ;

-          des dons et contributions de toute nature ;

-          des revenus des biens de l’association ;

-          des revenus provenant de la vente des publications éditées ou rassemblées par le Centre ou des effets d’écolage ou éventuellement des droits d’entrée aux conférences ou expositions organisées par le Centre.

B. a. Le 7 avril 2020, le Centre a transmis à l’office cantonal de l’emploi
(ci-après : OCE) un préavis de réduction de l’horaire de travail (ci-après : RHT) dès le 16 mars 2020, pour son unique collaborateur, à raison de 90%, et pour une période indéterminée, expliquant qu’il était fermé depuis cette date en raison des directives cantonales et fédérales.

b. Par décision du 8 avril 2020, l’OCE s’est opposé au paiement de l’indemnité RHT, au motif que seule une perte de travail permettait de fonder un droit à ladite indemnité et que celle-ci n’était nullement alléguée.

c. Le Centre a contesté ce refus. Il précise comment sont réparties les heures de travail hebdomadaire de son seul collaborateur, soit 8 heures pour la réception au bureau, 3 heures pour les cours d’arabe du soir pour adultes, 9 heures pour les rencontres communautaires en soirée, 10 heures pour les prières communautaires quotidiennes et 6 heures pour le rassemblement cultuel du vendredi. Seule l’activité de réception au bureau a pu être poursuivie, mais a été réduite à 3 heures. Il considère dès lors qu’il subit bel et bien une perte de travail de 31 heures sur 36 et rappelle que toutes les mosquées sont actuellement fermées.

Il précise par ailleurs que le retard avec lequel il a adressé son préavis de RHT le 7 avril 2020 seulement, alors qu’il requiert l’indemnité dès le 16 mars 2020, est dû au fait que « nous vivons une période particulièrement troublée qui explique bien des retards ».

d. Par décision du 6 mai 2020, l’OCE a rejeté l’opposition, considérant que le Centre n’apportait aucun élément nouveau permettant de revoir sa décision du 8 avril 2020.

C. a. Le Centre, représenté par First Business Management, a interjeté recours le 3 juin 2020 contre ladite décision sur opposition. Il rappelle qu’il a été contraint de fermer ses portes suite aux mesures prises par les autorités. Il n’a été en mesure de les ouvrir à nouveau que le 28 mai 2020. Les 36 heures de travail de l’unique collaborateur, soit Monsieur B______, ont été réduites à 3 heures, étant précisé que ces 3 heures consistent à relever les messages vocaux laissés sur le répondeur automatique et à y répondre.

Il souligne que le Centre est une association reconnue d’utilité publique et qu’elle s’acquitte régulièrement des charges sociales dues.

Il ajoute que la fermeture du Centre pendant cette période s’est traduite par une perte des donations au niveau de ses entrées de l’ordre de CHF 4'000.- par mois au moins, perte due notamment à l’absence de collectes bimensuelles, ainsi qu’à l’interdiction des prières groupées (cinq fois par jour).

Considérant avoir démontré que la perte de travail était évidente en l’occurrence, il conclut à l’octroi de l’indemnité RHT du 16 mars au 27 mai 2020.

b. Dans sa réponse du 2 juillet 2020, l’OCE a proposé le rejet du recours, relevant que le Centre ne produit pas de biens et n’offre pas de services en contact avec le marché, de sorte qu’il n’encourt ni risque entrepreneurial, ni risque de faillite.

c. Dans sa réplique du 27 août 2020, le Centre s’est étonné que l’OCE ne réponde pas à ses arguments, selon lesquels l’existence d’une perte de travail évidente est démontrée. Il a relevé que l’OCE n’invoquait le fait qu’il ne produise pas de biens et n’offre pas de services en contact avec le marché que dans ses écritures du 2 juillet 2020, ce qui vient confirmer que ces critères n’avaient pas été pris en compte initialement vu le caractère exceptionnel de la pandémie.

Il a par ailleurs souligné qu’il finançait des activités sociales, dont la distribution d’aliments, et que la suspension de ces activités entraînait une baisse d’entrées, ce qui pourrait le contraindre à revoir son budget 2021 et à supprimer cette aide sociale.

Le Centre a en conséquence persisté dans sa position.

d. Dans sa duplique du 22 septembre 2020, l’OCE a maintenu ses conclusions.

e. Sur demande de la chambre de céans, le Centre a versé au dossier, le 16 août 2021, ses comptes 2019-2020, ses statuts et le contrat de travail de son seul collaborateur.

Il a précisé que ce dernier avait été engagé en 2008 en qualité de directeur général et qu’à ce titre, il :

-          reçoit à son bureau, répond aux appels et aux demandes adressés au Centre ;

-          organise des cours et des rencontres communautaires en soirée ;

-          assure le bon déroulement des cultes ;

-          célèbre les mariages religieux ;

-          gère la diffusion des publications et des programmes du Centre.

Le 20 août 2021, il a signalé qu’une inexactitude s’était glissée dans les comptes 2019-2020 et communiqué une version corrigée.

f. Invité à se déterminer sur les pièces produites, l’OCE a conclu au rejet du recours.

g. Entendu par la chambre de céans le 14 décembre 2021, M. B______ a expliqué que

« Je précise que j'ai pu continuer mon activité à hauteur d'environ 3 heures par semaine. J'ai eu l'occasion d'avoir des entretiens par téléphone, par exemple.

S'agissant des cours d'arabe, il serait trop compliqué d'envisager une structure par internet. Les personnes intéressées n'ont pas nécessairement accès à internet. Il s'agit surtout d'initiation à la langue arabe. Je rappelle par ailleurs que quelques immigrés participent à ces cours. Le cours d'arabe est gratuit pour les chômeurs, les étudiants et les personnes en difficulté. Il est de CHF 10.- par heure, soit CHF 100.- pour un module de dix heures pour les autres personnes.

Nous avons sur internet un site "librairie", mais celui-ci ne suscite pas beaucoup d'intérêts. Souvent, les livres se vendent à la fin d'un culte inopinément.

Les cotisations / dons concernent tout le monde. Les cotisations concernent les membres actifs. Les cotisations sont fixées de CHF 25.- à CHF 50.- en fonction des possibilités de chacun et sont en principe versées via la banque. Elles ne dépendent donc pas de la pandémie. Je précise que le confinement est intervenu pendant le mois de ramadan. Or, c'est durant ce mois que les dons sont les plus importants. Nous avions indiqué CHF 51'350.- pour les "dons ramadan" en 2019, montant duquel il faut déduire CHF 35'000.- de frais de repas et de frais généraux. Pour l'année 2020, tout a été fermé.

Le Centre est propriétaire d'un appartement en France qu'il loue. Il loue par ailleurs trois chambres à Genève. Ces revenus ne sont pas influencés par la pandémie.

Je précise que lorsque j'ai indiqué que la perte des donations était de l'ordre de CHF 4'000.- par mois au moins, j'entendais une perte durant les deux mois de confinement.

J'attire votre attention sur le fait que la diminution de mon salaire se répartit sur l'année entière. J'ai ainsi passé d'un salaire net de CHF 5'738.- à CHF 4'500.- pour équilibrer le budget sur toute l'année. Au début du confinement, j'ai diminué mon salaire à CHF 3'500.-. Je ne savais pas combien de temps cela allait durer. Au bout d'environ deux-trois mois, mon salaire est remonté à CHF 4'500.-, ce qui a équilibré le montant sur toute l'année.

Tout fonctionne autour du culte. S'il n'y a pas de culte, il n'y a plus d'entrées. Je n'ai plus de travail dans la fonction que j'occupe. Mon travail relève d'une communauté avec des activités cultuelles.

Je n'ai pas déposé de demande d'indemnisation auprès de la caisse de chômage. J'ai suivi la procédure par rapport à l'indemnité RHT après m'être renseigné autour de moi (comptable, fiduciaire, etc.). ( ) »

h. Sur demande, le Centre a produit, le 16 décembre 2021, une attestation établie le même jour par la fiduciaire chargée de sa comptabilité, et ses annexes.

i. Le 11 janvier 2022, l’OCE a persisté à considérer qu’aucun élément ne lui permettait de revoir sa décision sur opposition du 6 mai 2020.

j. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Interjeté dans les forme et délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 à 60 LPGA).

3.             Le litige porte sur le droit de l’employeur à une indemnité en cas de RHT du 16 mars au 28 mai 2020.

4.             Afin de surmonter des difficultés économiques passagères, un employeur peut introduire, avec l'accord de ses employés, une RHT, voire une suspension temporaire de l'activité de son entreprise (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l'assurance-chômage, 2014, ch. 1 relatif aux remarques préliminaires concernant les art. 31ss). L'indemnité s'élève à 80% de la perte de gain prise en considération (art. 34 al. 1 LACI). Elle doit être avancée par l'employeur (art. 37 let. a LACI) et sera, par la suite, remboursée par la caisse de chômage à l'issue d'une procédure spécifique (art. 36 et 39 LACI), moyennant un délai d'attente de trois jours au maximum (art. 32 al. 2 LACI et 50 al. 2 de l'ordonnance sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 31 août 1983 [ordonnance sur l'assurance-chômage, OACI - RS 837.02]).

Cette prestation permet aux employeurs de faire des économies sur les frais salariaux (RUBIN, op cit., ibidem).

Le but de l'indemnité en cas de RHT consiste, d'une part, à garantir aux personnes assurées une compensation appropriée pour les pertes de salaire dues à des RHT et à éviter le chômage complet, à savoir des licenciements et résiliations de contrats de travail. D'autre part, l'indemnité en cas de RHT vise au maintien de places de travail dans l'intérêt tant des travailleurs que des employeurs, en offrant la possibilité de conserver un appareil de production intact au-delà de la période de réduction de l'horaire de travail (ATF 121 V 371 consid. 3a).

Selon l'art. 31 al. 1 LACI, les travailleurs dont la durée normale du travail est réduite ou l'activité suspendue ont droit à l'indemnité idoine lorsque :

- ils sont tenus de cotiser à l'assurance ou qu'ils n'ont pas encore atteint l'âge minimum de l'assujettissement aux cotisations AVS (let. a) ;

- la perte de travail doit être prise en considération (let. b) ;

- le congé n'a pas été donné (let. c) ;

- la réduction de l'horaire de travail est vraisemblablement temporaire, et si l'on peut admettre qu'elle permettra de maintenir les emplois en question (let. d).

5.              

5.1 Aux termes de l'art. 32 al. 1 LACI, la perte de travail est prise en considération lorsqu'elle est due à des facteurs d'ordre économique et est inévitable (let. a) et qu'elle est d'au moins 10% de l'ensemble des heures normalement effectuées par les travailleurs de l'entreprise (let. b). En revanche, la perte de travail n'est pas prise en considération lorsqu'elle est due à des mesures touchant l’organisation de l’entreprise, ou encore à des circonstances inhérentes aux risques normaux d’exploitation que l’employeur doit assumer (art. 33 al. 1 let. a LACI).

Les deux conditions de l’art. 32 al. 1 let. a LACI (perte de travail due à des facteurs économiques et inévitable) sont cumulatives (ATF 121 V 371 consid. 2a).

La LACI ne définit pas ce que recouvre la notion fondamentale de « facteurs d'ordre économique ». Ces facteurs d'ordre économique comprennent en réalité essentiellement ceux liés à la conjoncture. Ils peuvent toutefois également englober des facteurs structurels (DTA 2004 p. 127 consid. 1.3 p. 128; 2000 p. 53 consid. 4a p. 56 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_291/2010 du 19 juillet 2010 consid. 4.1 ; arrêts du Tribunal fédéral des assurances C 279/05 du 2 novembre 2006 consid. 2.2 ; C 24/99 du 11 juin 2001 consid. 4a ; C 203/95 du 8 janvier 1997 (RUBIN, op. cit. n. 6 ad art. 31 et les références citées). Le recul de la demande des biens ou des services normalement proposés par l'entreprise concernée est caractéristique pour apprécier l'existence d'un facteur économique (DTA 1985 p. 109 c. 3a).

5.2 L'art. 32 al. 3 phr. 1 prévoit en outre que pour les cas de rigueur, le Conseil fédéral règle la prise en considération de pertes de travail consécutives à des mesures prises par les autorités, à des pertes de clientèle dues aux conditions météorologiques où à d'autres circonstances non imputables à l'employeur.

L’al. 3 de l'art. 32 LACI permet ainsi d'accorder l'indemnité en cas de RHT pour des motifs autres qu'économiques, dans certaines situations appelées : « cas de rigueur ». Cet alinéa s'écarte en conséquence de la logique du système d'indemnisation en cas de RHT, qui veut que seules les pertes de travail causées par des motifs économiques puissent être prises en considération (art. 32 al. 1 let. a LACI). Ces « cas de rigueur » consistent en des risques d'exploitation suffisamment inhabituels pour qu'ils ne puissent être assumés par les seuls employeurs (RUBIN, op. cit., n. 15 ad art. 31).

L'art. 51 OACI concrétise l'art. 32 al. 3 LACI en énumérant, à son al. 2, de façon non exhaustive (cf. ATF 128 V 305 consid. 4), différentes situations (notamment des mesures d'autorités) permettant de prendre en considération une perte de travail (interdiction d'importer ou d'exporter des matières premières ou des marchandises (let. a) ; contingentement des matières premières ou des produits d'exploitation, y compris les combustibles (let. b) ; restrictions de transport ou fermeture des voies d'accès (let. c) ; interruptions de longue durée ou restrictions notables de l'approvisionnement en énergie (let. d) ; dégâts causés par les forces de la nature (let. e). L'art. 51 al. 4 OACI précise encore que la perte de travail causée par un dommage n'est pas prise en considération tant qu'elle est couverte par une assurance privée.

Les pertes de travail au sens de l'art. 51 OACI ne peuvent toutefois être prises en considération que si l'employeur ne peut les éviter par des mesures appropriées et économiquement supportables ou s'il ne peut faire répondre un tiers du dommage (cf. art. 51 al. 1 OACI ; RUBIN, op. cit, n. 15 et 18 ad art. 32 LACI et les références citées). Cette condition est l'expression de l'obligation de diminuer le dommage voulant que l'employeur prenne toutes les mesures raisonnables pour éviter la perte de travail. La caisse niera le droit à l'indemnité uniquement si des raisons concrètes et suffisantes démontrent que la perte de travail aurait pu être évitée et s'il existe des mesures que l'employeur a omis de prendre (ATF 111 V 379 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 218/02 du 22 novembre 2002 consid. 2 ; Bulletin LACI RHT du SECO, état au 1er janvier 2021, C3 et C4).

La seule présence d'un motif de prise en considération de la perte de travail au sens des art. 31 et 32 LACI n'est pas suffisante pour conduire à une indemnisation. Lorsque la perte de travail est due à l'un des motifs de l'art. 33 LACI, l'indemnisation est exclue, même quand il existe un cas de rigueur. Ainsi, lorsqu'en plus des mesures prises par les autorités ou des circonstances indépendantes de la volonté de l'employeur au sens de l'art. 51 al. 1 OACI, l'une des conditions de l'art. 33 LACI est réalisée, par exemple en présence d'un risque normal d'exploitation, l'indemnisation est exclue (RUBIN, op. cit., n. 18 ad art. 32 LACI et n. 4 ad art. 33 LACI et les références citées, notamment ATF 138 V 333 consid. 3.2 et ATF 128 V 305 consid. 4a).

6.              

6.1 La qualité de travailleur selon l'art. 31 LACI dépend uniquement du statut juridique de cotisant à l'AVS, et non pas du statut de l'employeur (communauté et établissement public d'une part, personne physique ou morale au sens du droit civil d'autre part ; ATF 121 V 362 consid. 2).

6.2 L'indemnité en cas de RHT est une mesure préventive au sens large : son allocation a pour but d'éviter le chômage complet des travailleurs - soit leur congé ou leur licenciement -, d'une part, de maintenir simultanément les emplois dans l'intérêt des employeurs aussi bien que des travailleurs, d'autre part. Or, en règle générale, les conditions du droit à l'indemnité en cas de RHT ne sauraient être remplies si l'employeur est une entreprise de droit public, faute pour celui-ci d'assumer un risque propre d'exploitation. Au contraire, les tâches qui lui incombent de par la loi doivent être exécutées indépendamment de la situation économique, et les impasses financières, les excédents de dépenses ou les déficits peuvent être couverts au moyen des deniers publics (recettes des impôts). Bien plus, il n'existe en général aucune menace de perdre son emploi là où les travailleurs ont la possibilité d'être déplacés dans d'autres secteurs.

En revanche, compte tenu des formes multiples de l'action étatique, on ne saurait de prime abord exclure, dans un cas concret, que le personnel des services publics remplisse les conditions du droit à l'indemnité en cas de RHT. Ce qui est déterminant en fin de compte, conformément à la finalité du régime de la prestation, c'est de savoir si, par l'allocation de l'indemnité, un licenciement - respectivement une non-réélection - peut être évité (ATF 121 V 362 consid. 3a et les références).

6.3 C'est à brève échéance que le versement de l'indemnité en cas de RHT doit pouvoir éviter un licenciement. En effet, ces indemnités ont un caractère préventif. Il s'agit de mesures temporaires (art. 31 al. 1 let. d LACI).

Le statut du personnel touché par la RHT est dès lors décisif pour l'allocation de l'indemnité. Ainsi, là où ce personnel est au bénéfice d'un statut de fonctionnaire ou d'un statut analogue limitant les possibilités de licenciement que connaît le contrat de travail, ce statut fait échec à court terme - éventuellement à moyen terme - à la suppression d'emploi. Dans ce cas, les conditions du droit à l'indemnité en cas de RHT ne sont pas remplies (ATF 121 V 362 consid. 3b et les références).

6.4 L'exigence d'un risque économique à court ou moyen terme concerne aussi l'entreprise. En effet, à la différence de l'ancien régime, où les travailleurs touchés par une RHT percevaient des indemnités parce qu'étant au chômage partiel, l'entreprise, depuis l'entrée en vigueur de la LACI, est au centre des conditions à remplir pour que la perte de travail résultant de la RHT soit prise en considération. Cela ressort notamment de l'art. 32 al. 1 let. a LACI, selon lequel la perte de travail n'est prise en considération que si elle est due à des facteurs d'ordre économique et qu'elle est inévitable. À l'évidence, cette condition ne saurait être remplie si l'entreprise ne court aucun risque propre d'exploitation, à savoir un risque économique où l'existence même de l'entreprise est en jeu, p.ex. le risque de faillite ou le risque de fermeture de l'exploitation. Or, si l'entreprise privée risque l'exécution forcée, il n'en va pas de même du service public, dont l'existence n'est pas menacée par un exercice déficitaire (ATF 121 V 362 consid. 3b et les références).

7.             S’agissant plus spécifiquement de la procédure, l’art. 36 al. 1 LACI prévoit que lorsqu’un employeur a l’intention de requérir une indemnité en faveur de ses travailleurs, il est tenu d’en aviser l’autorité cantonale par écrit dix jours au moins avant le début de la réduction de l’horaire de travail. Le Conseil fédéral peut prévoir des délais plus courts dans des cas exceptionnels. Le préavis est renouvelé lorsque la réduction de l’horaire de travail dure plus de trois mois. Selon l’al. 2 de cette disposition, l’employeur doit indiquer dans le préavis : le nombre des travailleurs occupés dans l’entreprise et celui des travailleurs touchés par la réduction de l’horaire de travail (let. a) ; l’ampleur de la réduction de l’horaire de travail ainsi que sa durée probable (let. b) ; la caisse auprès de laquelle il entend faire valoir le droit à l’indemnité (let. c). Dans le préavis, l’employeur doit justifier la réduction de l’horaire de travail envisagée et rendre plausible, à l’aide des documents prescrits par le Conseil fédéral, que les conditions dont dépend le droit à l’indemnité, en vertu des art. 31 al. 1 et 32 al. 1 let. a, sont réunies. L’autorité cantonale peut exiger d’autres documents nécessaires à l’examen du cas (al. 3). Lorsque l’autorité cantonale estime qu’une ou plusieurs conditions dont dépend le droit à l’indemnité ne sont pas remplies, elle s’oppose par décision au versement de l’indemnité. Dans chaque cas, elle en informe l’employeur et la caisse qu’il a désignée (al. 4). Selon l’art. 58 al. 2 de l’ordonnance sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 31 août 1983 (ordonnance sur l’assurance-chômage, OACI - RS 837.02), l’employeur doit annoncer la RHT au moyen de la formule du Secrétariat d’État à l’économie (ci-après SECO). L’art. 58 al. 4 OACI précise que lorsque l’employeur n’a pas remis le préavis de RHT dans le délai imparti sans excuse valable, la perte de travail n’est prise en considération qu’à partir du moment où le délai imparti pour le préavis s’est écoulé. Les délais prévus aux art. 36 LACI et 58 OACI sont des délais de déchéance, mais peuvent être restitués aux conditions de l'art. 41 LPGA (Boris RUBIN, Assurance-chômage et service public de l'emploi, 2019, n. 661). Les annonces de RHT rétroactives sont exclues (ATF 110 V 334 consid. 3c). La chambre de céans a jugé dans un arrêt de principe du 25 juin 2020 (ATAS/510/2020) qu’un préavis ne peut avoir d’effet rétroactif. Pour les entreprises qui envoient un décompte à leur caisse sans disposer d’une autorisation valable, la date du dépôt du décompte fait office de date de dépôt du préavis (ch. 2.3 b de la directive n° 16 du SECO).

8.              

8.1 Pour lutter contre l'épidémie de coronavirus (ci-après : COVID-19) qui a atteint la Suisse début 2020, le Conseil fédéral a pris une série de mesures urgentes.

Ainsi, le 28 février 2020, le gouvernement suisse a adopté, en se fondant sur la loi fédérale sur la lutte contre les maladies transmissibles de l'homme du 28 septembre 2012 (Loi sur les épidémies, LEp - RS 818.101), l'ordonnance sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus (Ordonnance COVID-19 - RS 818.101.24), dont le but est de prévoir des mesures devant permettre de diminuer le risque de transmission du COVID-19 (art. 1), laquelle a été abrogée et remplacée par l'ordonnance 2 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus du 13 mars 2020 (ordonnance 2 COVID-19).

Par cette nouvelle ordonnance, - modifiée à plusieurs reprises depuis son adoption - le Conseil fédéral a notamment, en date du 17 mars 2020, interdit les manifestations publiques ou privées, y compris les manifestations sportives et les activités associatives (art. 6 al. 1), fermé les établissements publics, tels que les magasins et les restaurants (art. 6 al. 2), les inhumations dans le cercle familial restreint étant autorisées (art. 6 al. 3 let. l).

Dès le 21 mars 2020, les rassemblements de plus de 5 personnes ont été interdits dans les lieux publics (art. 7c al. 1). Dans le cas d'un rassemblement de 5 personnes au plus, celles-ci devaient désormais se tenir à au moins deux mètres les unes des autres (art. 7c al. 2).

Cette situation a duré plusieurs semaines.

À compter du 27 avril 2020, le Conseil fédéral a progressivement assoupli les mesures restrictives qu'il avait imposées en mars. À compter de cette date, certains établissements, tels que par exemple les salons de coiffure, les magasins de bricolage ou encore les jardineries, ont pu rouvrir leurs portes (art. 6).

Dès le 28 mai 2020, les offices religieux, les autres manifestations religieuses et les inhumations ont pu reprendre (art. 6 al. 3 let. k), pour autant qu’il existe un plan de protection au sens de l’art. 6a de l’ordonnance 2 COVID-19.

Les rassemblements de moins de 30 personnes ont été autorisés dans l'espace public dès le 30 mai 2020 (art. 7c al. 1) puis, dès le 6 juin 2020, les manifestations de moins de 300 personnes ont été autorisées, pour autant qu'il y existe un plan de protection (art. 6).

8.2 Parallèlement aux restrictions imposées par l'ordonnance 2 COVID-19, le Conseil fédéral a, en matière d’assurance-chômage, mis en place un certain nombre de dispositions visant à faciliter l’indemnisation en cas de RHT pendant la situation de crise sanitaire (voir l’ordonnance sur les mesures dans le domaine de l’assurance-chômage en lien avec le coronavirus du 20 mars 2020, ordonnance COVID-19 assurance-chômage, RO 2020 877). Cette ordonnance a été modifiée à plusieurs reprise (modifications du 25 mars 2020, RO 2020 1075 ; modifications du 8 avril 2020, RO 2020 1201 ; modifications du 20 mai 2020, RO 2020 1777 ; modifications du 12 août, RO 2020 3569 et modifications du 7 octobre 2020, RO 2020 3971). Elle prévoit notamment qu’en dérogation aux art. 32 al. 2 et 37 let. b LACI, aucun délai d’attente n’est déduit de la perte de travail à prendre en considération (art. 3). Les modifications sont entrées en vigueur de manière rétroactive au 1er mars 2020 (voir art. 9 ordonnance COVID-19 assurance-chômage). Cette disposition a effet jusqu’au 31 mars 2021 (art. 9 al. 6).

Aucune modification n’a toutefois été apportée aux critères relatifs à la perte de travail à prendre en considération (voir art. 31 al. 1 let. b et 32 al. 1 et 3 LACI).

9.             Le SECO a également adopté plusieurs directives concernant les règles spéciales s’appliquant à la pandémie.

9.1 Le 10 mars 2020, il a adopté la directive 2020/01. Il y a précisé que, du fait de sa soudaineté, de son ampleur et de sa gravité, une pandémie n'est pas un risque normal d'exploitation à la charge de l'employeur, au sens de l'art. 33 al. 1 let. a LACI même si dans certaines circonstances elle est susceptible de toucher tout employeur (Jean-Philippe DUNAND / Rémy WYLER, Quelques implications du coronavirus en droit suisse du travail, in Newsletter DroitduTravail.ch du 9 avril 2020 de l'Université de Neuchâtel, p. 14 ; Directive 2020/01 du SECO du 10 mars 2020 sur les règles spéciales en cas de limitation de l’activité des organes d’exécution pour cause de pandémie, p. 3).

9.2 Le 9 avril 2020, le SECO a adopté la directive 2020/06, applicable avec effet rétroactif au 1er mars 2020. Il y a précisé que pour les demandes déposées en retard, le 17 mars 2020 est considéré comme la date de réception, si l'entreprise avait dû fermer en raison des mesures prises par les autorités et qu'elle avait déposé sa demande avant le 31 mars 2020 (directive 2020/06, p. 8). Il y a également apporté des précisions au sujet des demandes émanant d’entreprises de droit public (directive 2020/06, pp. 5-6).

9.3 Par la suite, le SECO a adopté la directive 2020/08 en date du 1er juin 2020, remplaçant la directive 2020/06 du 9 avril 2020, et applicable avec effet rétroactif au 1er mars 2020 et jusqu’au 31 août 2020. Il y a précisé, s’agissant des demandes émanant des fournisseurs de prestations publiques (employeurs publics, administrations, etc.), que le but de l’indemnité en cas de RHT est de préserver les emplois. L’objectif est d’éviter des licenciements à court terme, consécutifs à un recul temporaire de la demande de biens et de services, et la perte de travail qui en résulte (ATF 121 V 362 consid. 3a). De manière générale, ce risque (immédiat) de disparition d’emplois concerne uniquement les entreprises qui financent la fourniture de prestations exclusivement avec les revenus ainsi perçus ou avec des fonds privés (directive 2020/08 du 1er juin 2020, p. 6).

Le SECO a rappelé que contrairement aux entreprises privées, les fournisseurs de prestations publiques ne supportent pas de risque entrepreneurial ou de risque de faillite parce qu'ils doivent mener à bien les tâches qui leur ont été confiées par la loi indépendamment de la situation économique. Les éventuels problèmes de liquidités, les dépenses supplémentaires ou même les pertes résultant de l'activité de l'entreprise sont couverts par des moyens publics, qu'il s'agisse de subventions ou d'autres moyens financiers. Il n'existe pas dans ces cas de risque de disparition d'emplois.

En vertu du mandat des fournisseurs de prestations publiques, considérant l'objectif visé par l'indemnité en cas de RHT, les prestataires n'ont globalement aucun droit à la RHT pour leurs travailleurs. Le versement de la RHT en cas de suspension temporaire de cette fourniture de prestations revient à répercuter les coûts du salaire sur le fonds de l'assurance-chômage sans que le risque de licenciements à court terme pour ces entreprises, contre lequel se bat le législateur, ne soit avéré. Ces réflexions s’appliquent aussi bien aux entreprises de droit public elles-mêmes (en ce qui concerne les employés de la Confédération, des cantons et des communes) qu’aux secteurs privatisés qui fournissent des prestations sur mandat d’une institution publique sur la base d’un accord.

La RHT ne peut être accordée aux travailleurs employés par des fournisseurs de prestations publiques que si les travailleurs concernés sont exposés à un risque concret et immédiat de licenciement. Cela peut également concerner un secteur d'un prestataire seulement. Par exemple, une entreprise de transports peut comprendre à la fois un secteur d'exploitation pour lequel elle a droit à la RHT en cas de chute du chiffre d'affaires (p. ex. bus touristiques), et un secteur d'exploitation pour lequel aucun droit à la RHT n'existe (exploitation subventionnée d'un bus local).

On considère qu'un risque immédiat et concret de disparition d'emplois est présent si, en cas de recul de la demande ou de réduction ordonnée de l'offre chez le mandataire, il n'existe pas de garantie que les coûts d'exploitation seront entièrement couverts, et si les entreprises concernées ont la possibilité de procéder à des licenciements immédiats dans l'objectif de faire baisser les coûts d'exploitation. Ces deux conditions doivent être cumulées.

L’autorité cantonale est tenue de vérifier uniquement si un risque immédiat et concret de disparition d’emplois existe et si l’employeur est en mesure de justifier ce risque en présentant des documents appropriés. Il incombe donc aux entreprises qui fournissent des prestations publiques (service public) de justifier de manière plausible à l’autorité cantonale qu’en cas de perte de travail, un risque immédiat et concret de disparition d’emplois existe, à l’aide de documents adaptés (règlements du personnel, contrats de travail, mandats de prestations, concessions, CCT, etc.). Il n’est pas nécessaire de procéder à d’autres examens. L’introduction de la RHT doit être refusée uniquement si les documents remis par l’employeur ne justifient pas un risque de disparition d’emplois à satisfaction de droit (directive 2020/08 précitée, p. 7).

9.4 Dans la directive 2020/15 du 30 octobre 2020, également applicable avec effet rétroactif au 1er mars 2020 et jusqu’au 31 décembre 2020, le SECO a apporté des précisions relatives au préavis des organisations n’exerçant pas d’activité économique : en règle générale, les personnes et donc les organisations (quelle que soit leur forme juridique) auprès desquelles elles sont employées n'ont pas droit à l'indemnité en cas de RHT s'il n'y a pas des pertes d’heures dues à des raisons économiques et si l'indemnité en cas de RHT ne sert pas à maintenir les places du travail (chiffre 2.6 a, p. 14).

Une organisation, par exemple une association ou une coopérative dont le but est le bien-être de ses membres et qui est financée par les cotisations des membres, ne subit aucune perte économique et les emplois ne sont pas menacés. Il n'y a donc pas de droit à l'indemnité en cas de RHT, même si le travail des employés doit être temporairement suspendu en raison de mesures officielles (p. 14).

Toutefois, une association qui fournit des services et se finance grâce aux droits qu'elle reçoit en retour (par exemple, le produit des ventes, les droits d'entrée) peut subir des pertes économiques en raison de mesures officielles et des emplois peuvent être menacés. Par conséquent, le droit à l'indemnité en cas de RHT peut être rempli si les autres conditions sont remplies (perte de travail inévitable, qui ne peut être évitée par des mesures économiquement raisonnables, au moins 10%, temporaire, type de contrat de travail).

Dans le cas des organisations qui représentent un mélange de ces deux cas extrêmes, par exemple celles qui cofinancent la dotation en personnel par le biais de contrats ou de mandats de moindre importance, une pondération des intérêts doit être effectuée au cas par cas (pp. 14-15).

Deux exemples sont cités par le SECO :

1) une association musicale locale qui se produit occasionnellement lors de fêtes de village, mais dont les revenus sont toutefois constitués pour l’essentiel de cotisations des membres, de dons, etc., ne subit aucune perte de travail due à l'annulation d'une fête de village et le poste de directeur général employé à un faible taux d’occupation n'est pas menacé. Dans ce cas, la demande de l'indemnité en cas de RHT doit être rejetée.

2) un orchestre de musique, également organisé sous forme d'association, qui paie les salaires des musiciens et autres employés à partir des revenus de ses représentations, subit une perte d'heures de travail en raison de l'annulation de représentations et de l'interdiction des répétitions. Les emplois sont donc menacés. Dans ce cas, la demande de l'indemnité en cas de RHT doit être acceptée si les autres conditions sont remplies.

10.         Dans un arrêt de principe du 27 mai 2021 portant sur la question de l’octroi d’indemnités en cas de RHT à une église, la chambre de céans a retenu que même si la recourante fournissait des services d’ordre spirituel et social et non économique, elle encourait un risque immédiat et concret de disparition d’emplois. Il ressortait en effet de ses comptes qu’elle ne recevait aucune subvention et les contrats de travail de ses employés étaient soumis au droit privé. L’église était, en outre, en contact avec le marché, offrant des services (location de bureaux, ventes paroissiales, ventes d’habits de seconde main, services religieux) grâce auxquels elle se finançait et couvrait ses charges d’exploitation. Les dons, par essence volontaires et non effectués en contrepartie d’une prestation de la paroisse, ne représentaient qu’une petite partie de ses recettes. Quant aux offrandes, versées à l’occasion des cultes, la question pouvait demeurer ouverte de savoir si elles devaient être qualifiées de rémunération effectuée en contrepartie d’une prestation de la paroisse, car la recourante tirait la majeure partie de ses revenus des services qu’elle fournissait aux paroissiens ou à des tiers, à savoir la location de locaux, les services religieux, les ventes paroissiales et les ventes d’habits de seconde main. Elle pouvait ainsi subir des pertes économiques et était dès lors éligible à percevoir les indemnités en cas de RHT (ATAS/531/2021 du 27 mai 2021 consid. 16).

11.         En l’espèce, le litige porte sur la question de savoir si le Centre était éligible à recevoir l’indemnité RHT pour la période du 16 mars au 28 mai 2020.

12.         Le Centre est une association de droit privé. Il n’emploie qu’une seule personne, dans le cadre d’un contrat de travail soumis au droit privé. Ses coûts d’exploitation ne sont pas subventionnés par l’État, de sorte que leur couverture n’est pas garantie. Il est fermé depuis le 16 mars 2020. Il n’est pas contesté que le Centre a été contraint de réduire ses activités à compter du 17 mars 2020, au vu de l’interdiction de manifestations publiques ou privées, puis du 21 mars 2020, au vu de l’interdiction de rassemblement de plus de cinq personnes dans les lieux publics. Il n’a en conséquence pas pu exercer ses activités habituelles pendant toute cette période, étant rappelé que ce n’est que dès le 28 mai 2020 que les offices religieux, les autres manifestations religieuses et les inhumations ont pu reprendre.

Le Centre a expliqué que les cours d’arabe (3 heures), les rencontres et prières communautaires (9 et 10 heures) et le rassemblement cultuel du vendredi (6 heures) avaient été interrompus. Seule l’activité de réception au bureau - passant toutefois de 8 heures à 3 heures - avait pu être maintenue.

Il convient d’admettre dans ces conditions que l’unique collaborateur du Centre a subi une perte de travail de 31 heures sur 36 consécutive aux mesures prises par les autorités. La perte de travail est établie.

13.          

13.1 Il y a à ce stade lieu de déterminer si cette perte de travail peut être prise en considération au sens de l'art. 32 al. 1 et 3 LACI. L'OCE le conteste, au motif que le Centre ne produit pas de biens et n’offre pas de services en contact avec le marché, de sorte qu’il n’encourt ni risque entrepreneurial, ni risque de faillite.

13.2 Il n’est en l’occurrence pas possible de déterminer la perte due au fait que les cours d’arabe ne peuvent plus être dispensés. Le fait que l’écolage soit faible (CHF 10.- / heure), d’une part, et nul pour les chômeurs, les étudiants et les personnes en difficulté, d’autre part, permet quoi qu’il en soit de conclure que les revenus liés à ces cours ne sont pas élevés.

13.3 Les revenus de location de biens immobiliers (un appartement en France et trois chambres à Genève), de même que les cotisations, ne sont pas influencés par la pandémie.

13.4 Selon les bilans et comptes de pertes et profits au 31 décembre 2019 et au 31 décembre 2020 produits par le Centre et des explications de la fiduciaire, la vente de « livres - épicerie » représente un gain de CHF 1'294.40 en 2019 et de CHF 610.- en 2020 et celle de « produits divers » de CHF 2'350.- en 2019 et de CHF 300.- en 2020, soit une différence au total de CHF 684.40 pour la première activité et de CHF 2'050.- pour la seconde. Il résulte de ces chiffres que la vente de livres et de produits divers ne permet pas de réaliser des revenus importants. La différence de ces revenus entre 2019 et 2020, certes significative, reste modeste. Elle ne représente qu’une petite partie des recettes du Centre.

13.5 Le Centre a en revanche reçu des dons à hauteur de CHF 121'222.88 en 2020, alors qu’en 2019, ils étaient de CHF 184'785.14, dont CHF 51'350.- liés au ramadan, ce qui représente une différence de CHF 63'562.26.

Il est vrai que les dons dépendent de la générosité des donateurs, il n'en demeure pas moins qu’ils sont versés en contrepartie des prestations du Centre (mariages religieux, rencontres communautaires et individuelles, etc.), lesquelles n'ont pas pu être effectuées durant la période litigieuse en raison des mesures étatiques. Ils comprennent également ceux recueillis lors des rassemblements cultuels du vendredi, plus particulièrement en période de ramadan, - du 24 avril au 24 mai 2020 -, qui ont subi, en raison de la fermeture du Centre, une nette diminution par rapport à l'exercice 2019, soit plus de CHF 63'000.-. Aucun don n’a ainsi été enregistré à l’occasion du ramadan en 2020.

13.6 Il y a lieu de retenir, au vu de ce qui précède, qu'en raison des mesures prises par les autorités, le Centre a été empêché d'exercer une activité économique. Les conditions pour la reconnaissance d'un cas de rigueur au sens des art. 32 al. 3 LACI et 51 OACI doivent dès lors être considérées comme réalisées. S'agissant de l'art. 33 al. 1 let. a LACI, il n'est pas contesté que la pandémie du coronavirus constitue une circonstance exceptionnelle qui dépasse le cadre du risque normal d'exploitation à la charge de l'employeur.

14.          

14.1 Il s’agit enfin de déterminer si le Centre pouvait éviter la perte de travail par des mesures appropriées et économiquement supportables.

L’OCE considère à cet égard que pendant une pandémie, les représentants de centres religieux doivent prendre contact avec les membres en situation de fragilité par téléphone, doivent inventer de nouvelles manières de communiquer à distance même si les réunions n’ont plus lieu en présentiel.

14.2 M. B______ a expliqué lors de l’audience du 14 décembre 2021, qu’il avait précisément pu avoir des entretiens téléphoniques avec les fidèles du Centre pour les cours d’arabe. Il était trop compliqué d'envisager une structure par internet, les personnes intéressées n'y ayant pas nécessairement accès.

Il importe quoi qu’il en soit de rappeler que c’est essentiellement l’interdiction des rassemblements, des services religieux, des mariages et des enterrements en grand nombre qui a impliqué une nette diminution des dons, de sorte qu’on ne saurait lui reprocher de n’avoir pas pris de mesures appropriées et économiquement supportables pour éviter cette perte.

15.         Il suit des considérations qui précèdent que les conditions posées par la loi pour accorder l’indemnité en cas de RHT sont réunies.

Reste à préciser à partir de quand le Centre a droit à cette indemnité.

Dans un arrêt de principe (ATAS/510/2020) du 25 juin 2020, répondant à la question de savoir si l’art. 8b de l’ordonnance COVID-19 assurance-chômage avait suspendu, tant que durait la pandémie, le principe de la non-rétroactivité des indemnités RHT tel que prévu par l’art. 36 LACI, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : CJCAS) a interprété ledit art. 8b conformément aux diverses méthodes d’interprétation applicables en la matière. Selon elle, force est de constater, en premier lieu, que l’al. 1 de cette disposition prévoit que l’employeur n’est pas tenu de respecter un délai de préavis. Ceci signifie qu’un préavis est toujours requis, ce qui est au demeurant confirmé par l’al. 2 qui porte sur la possibilité de communiquer son préavis par téléphone, de sorte que seul le délai - au sens de l’art. 36 al. 1 en lien avec l’art. 58 al. 1 à 4 OACI - a été supprimé, entre le 17 mars et le 31 mai 2020 et non l'exigence d’un préavis (consid. 5 et 6 a et b). Dans le cadre de l’examen de la question de savoir si, compte tenu de la référence à l’art. 58 al. 4 OACI et vu la suppression du délai, le préavis doit en réalité être considéré comme un avis, la CJCAS a conclu qu’une RHT, pour laquelle une indemnisation est demandée, doit toujours être annoncée à l’avance, même en application de l’art. 8b de l’ordonnance COVID-19 assurance-chômage (consid. 6c à e). En définitive, jusqu’au 31 mai 2020, seul le délai de préavis de dix jours a été supprimé (cf. art. 8b de l’ordonnance COVID-19 assurance-chômage). Ainsi, pendant cette période, un employeur pouvait appliquer une RHT dès réception, par l’intimé, du préavis, et être indemnisé dès cette date, mais non avant (consid. 8).

Le droit à l’indemnité en cas de RHT doit partant être reconnu au Centre dès le 7 avril 2020, date à laquelle il a déposé son préavis RHT auprès de l’OCE, sous réserve de l'examen par la caisse de chômage des conditions conformément à l'art. 39 LACI.

Aussi le recours est-il partiellement admis.

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule la décision sur opposition du 6 mai 2020.

4.        Dit que le Centre a droit à une indemnité en cas de RHT du 7 avril au 28 mai 2020, sous réserve de l’examen par la caisse de chômage des conditions de l’art. 39 LACI.

5.        Alloue au Centre, à charge de l’OCE, une indemnité de CHF 900.- à titre de participation à ses frais et dépens.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente

 

 

 

 

Doris GALEAZZI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le