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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1256/2004

ATAS/20/2005 du 11.01.2005 ( CHOMAG ) , REJETE

Recours TF déposé le 18.02.2005, rendu le 21.08.2006, ADMIS, C 69/05
Descripteurs : AC; directeur; pouvoir de décision; employeur
Normes : LACI 31
Résumé : Le recourant, inscrit au registre de commerce en tant que directeur, avec signature individuelle, de la société qui l'a licencié partiellement - il a continué à travailler à temps partiel dans ladite société -, n'a pas droit aux indemnités de chômage, puisqu'il dispose d'un réel pouvoir de décision dans cette société et qu'il n'est dès lors pas possible de contrôler son temps de travail.
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1256/2004 ATAS/20/2005

ARRET

DU TRIBUNAL CANTONAL DES

ASSURANCES SOCIALES

1ère chambre

du 11 janvier 2005

 

 

 

 

 

En la cause

 

 

 

Monsieur V__________, comparant par Maître Andrea GAMBA recourant

et faisant élection de domicile en l’Etude de MMes Poncet,

Turrettini, Amaudruz, Neyroud & Associés

 

 

 

contre

 

 

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE CHOMAGE, intimée

Domiciliée rue de Montbrillant 40 à Genève

 

 

 

 


EN FAIT

1.             Monsieur V__________ a déposé le 1er janvier 2002 une demande visant à l’octroi d’indemnités de l’assurance-chômage auprès de l’Office cantonal de l’emploi (ci-après OCE) pour un taux d’activité à 80%. Il a indiqué que par courrier du 14 septembre 2001, son employeur la société Transcorp Investissements SA, avait réduit à 80% son taux d’activité dès le 1er janvier 2002 pour raisons économiques. Il a par ailleurs annoncé un gain intermédiaire auprès de son employeur pour un taux d’activité à 20%. Un délai cadre d’indemnisation a été ouvert en sa faveur du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2003, et des prestations lui ont été versées.

2.             Constatant cependant que l’intéressé était inscrit depuis le 12 octobre 1988 au Registre du commerce en qualité de directeur de la société Transcorp Investissements SA avec signature individuelle, l’OCE a, par décision du 4 novembre 2003, informé l’assuré qu’il ne pouvait être donné suite à sa demande d’indemnité. Il apparaissait en effet qu’il était à la fois employé et directeur de la société, laquelle déployait encore ses activités.

3.             Représenté par Maître Andrea GAMBA, l’assuré a formé une réclamation, soulignant qu’il n’était pas actionnaire de la société et que les décisions étaient en réalité prises par Monsieur A__________, administrateur et expert-comptable.

4.             Par décision sur opposition du 18 mai 2004, l’OCE a confirmé sa décision, considérant que l’assuré avait un pouvoir réel dans la société.

5.             L’intéressé, toujours représenté par son conseil, a interjeté recours le 14 juin 2004 contre ladite décision sur opposition. Il répète qu’il ne fait pas partie du conseil d’administration de la société, qu’il n’en est pas actionnaire, que Monsieur A__________, administrateur, assume les fonctions de directeur de l’entreprise, prend toutes les décisions importantes et s’investit activement. Il invoque par ailleurs la violation du principe de la bonne foi.

6.             Invité à se déterminer, l’OCE conclut au rejet du recours.

7. Les divers allégués des parties seront repris en tant que de besoin dans la partie « en droit » qui suit.

8. Entendu le 28 septembre 2004 par le Tribunal de céans, l’assuré a expliqué qu’il avait à la fois une activité de comptable et de marketing, au sein d’une société dont il a rappelé que le but était principalement l’exécution de tous mandats fiduciaires. Il a assuré qu’il n’engageait pas le personnel et qu’il ne se préoccupait pas du paiement des charges sociales pour la société. Il a précisé avoir accepté la réduction de son activité à 20%, « parce que j’avais espoir que l’administrateur réussirait à remettre l’entreprise à flot. Je reconnais que l’entreprise rencontre de sérieuses difficultés depuis longtemps mais je dois dire que je suis optimiste. Du reste, je travaille actuellement à nouveau à 50% pour la société depuis février 2004 ». A la question de savoir pour quelle raison il n’avait pas songé à se faire radier du Registre du commerce, l’assuré souligne que sa signature était limitée par des accords et produit pour preuve copie de son contrat de travail daté du 27 février 2004, aux termes duquel, sous chiffre 1.3, « pour toutes décisions importantes de la société, notamment pour la conclusion de contrats d’un montant impliquant une dépense supérieure à 5'000 fr. ou pour la conclusion ou la résiliation d’un bail, d’un contrat de travail liant la société, etc., Monsieur V__________ n’engagera pas la société sans la signature de l’administrateur munie de la signature individuelle ».

L’intéressé a par ailleurs reconnu qu’un jugement avait été rendu par la Commission cantonale de recours AVS-AI le 19 juin 2003, dans une cause l’opposant à une caisse de compensation. Celle-ci lui avait réclamé en sa qualité d’organe de la société le paiement d’un montant de 23'690 fr. 70, représentant des cotisations paritaires AVS-AI non payées par la société. Il allègue à cet égard :

« Je n’ai pas recouru (contre le jugement de la Commission) pour des raisons économiques. C’est la société qui se charge de payer cette somme. Elle est au bénéfice d’un arrangement de paiement. Je n’ai pas recouru parce que j’ai obtenu de la société l’assurance qu’elle paierait. Je ne voulais ni perdre du temps ni en faire perdre. Il m’est rappelé que la Commission cantonale de recours m’a considéré dans son jugement du 19 juin 2003 comme un organe de fait influençant de façon déterminante la volonté de la société. Je répète que je n’ai pas recouru pour les raisons sus évoquées. Mon attention est attirée sur le fait que la société était considérée comme insolvable à ce moment là. Je réponds qu’elle peut actuellement payer par échelonnements. Je reconnais n’avoir pas apprécié à sa juste mesure la conséquence d’un non-recours. J’affirme catégoriquement aujourd’hui que je n’ai aucun pouvoir de décision dans cette société » (cf. procès-verbal de comparution personnelle des parties du 28 septembre 2004).

Un délai au 15 novembre a été accordé au recourant pour produire un décompte des périodes d’incapacité de travail et des salaires de 1999 à 2001.

Il a ainsi versé au dossier copie des attestations de salaire pour les années 1993 à 1997 et 2000 à 2003, adressées par la société à la Caisse cantonale genevoise de compensation et à la Caisse interprofessionnelle d’assurance vieillesse et survivants de la fédération romande des syndicats patronaux, ainsi que la page 2 d’un rapport établi par le Docteur L__________ à l’attention de l’Office cantonal de l’assurance-invalidité (cf. courrier du 15 novembre 2004).

Le 30 novembre 2004, il a notamment confirmé que durant toute l’année 1999, il n’avait travaillé qu’à mi-temps.

Les documents ont été soumis à l’OCE qui a considéré qu’ils n’apportaient aucun élément nouveau, puis la cause a été gardée à juger.

 

 

EN DROIT

1.             La loi genevoise sur l’organisation judiciaire (LOJ) a été modifiée et a institué, dès le 1er août 2003, un Tribunal cantonal des assurances sociales, composé de 5 juges, dont un président et un vice-président, 5 suppléants et 16 juges assesseurs (art. 1 let. r et 56 T LOJ).

Suite à l’annulation de l’élection des 16 juges assesseurs, par le Tribunal fédéral le 27 janvier 2004 (ATF 130 I 106), le Grand Conseil genevois a adopté, le 13 février, une disposition transitoire urgente permettant au Tribunal cantonal des assurances sociales de siéger sans assesseurs à trois juges titulaires, ce, dans l’attente de l’élection de nouveaux juges assesseurs.

Conformément à l'art. 56 V al. 1 let. a ch. 8 LOJ, le Tribunal cantonal des assurances sociales connaît en instance unique des contestations prévues à l’article 56 LPGA qui sont relatives à la loi fédérale sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité du 25 juin 1982. Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2. Interjeté dans les délai et forme légaux, le recours est recevable (art. 56 et 60 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA – RS 830.1) et 49 al. 2 de la loi genevoise en matière de chômage (RSG J 2 20).

3. Aux termes de l’art. 31 al. 3 let. c LACI, n’ont pas droit à l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail, les personnes qui fixent les décisions que prend l’employeur – ou peuvent les influencer considérablement – en qualité d’associé, de membre d’organe dirigeant de l’entreprise ou encore de détenteur d’une participation financière à l’entreprise.

Selon la jurisprudence, un travailleur qui jouit d’une situation professionnelle comparable à celle d’un employeur n’a pas droit à l’indemnité lorsque, bien que licencié formellement par une entreprise, il continue à prendre les décisions de l’employeur ou influencer celles-ci de manière déterminante. Dans le cas contraire, en effet, on détournerait par le biais d’une disposition sur l’indemnité de chômage la réglementation en matière d’indemnités en cas de réduction de l’horaire de travail (ATF 123 V 234). A cet égard, il existe un étroit parallélisme entre le droit à l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail et le droit à l’indemnité de chômage. Il est admis en règle générale que les personnes qui ont un droit de signature individuelle ou dont la participation dans l’entreprise s’élève à 20% ou plus, sont réputées personnes exerçant une influence sur les décisions de l’employeur (Circulaire SECO RHT 01/92, p. 4 N° 16).

Le comportement de l’assuré qui résilie lui-même les rapports de travail en tant que salarié – tout en conservant sa position d’employeur – et qui prétend ensuite à des indemnités de chômage afin de surmonter des périodes de difficultés de l’entreprise et de pouvoir reprendre ultérieurement une activité salariée dans son entreprise qui continue d’exister, commet un abus de droit en ce sens qu’il contourne la réglementation sur l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail, laquelle exclut certaines catégories de personnes du cercle des ayants droit (DTA 1998, N° 3, p. 8).

La situation est en revanche différente lorsque le salarié se trouvant dans une position assimilable à celle d’un employeur quitte définitivement l’entreprise en raison de la fermeture de celle-ci ; en pareil cas on ne saurait parler d’un comportement visant à éluder la bonne foi. Il en va de même quand l’entreprise continue d’exister, mais qu’un tel salarié, par suite de résiliation de son contrat, rompt définitivement tout lien avec la société (ATF 123 V 234).

4. En l’espèce, le recourant s’est efforcé de démontrer que, malgré un droit de signature individuelle inscrit au Registre du commerce, il n’exerçait en réalité aucune influence sur les décisions de la société. Il déclare même qu’il ne connaît pas les actionnaires de la société (cf. procès-verbal de comparution personnelle du 28 septembre 2004).

5. Il est vrai que la lettre de licenciement du 14 septembre 2001 a été signée par Monsieur R__________, administrateur avec signature individuelle du 3 juillet 1998 au 10 décembre 2001 ; que Monsieur A__________, administrateur avec signature individuelle depuis le 10 décembre 2001 a établi une attestation le 2 décembre 2003, aux termes de laquelle l’intéressé n’était pas actionnaire de la société. Le recourant a produit par ailleurs copie d’un contrat de travail selon lequel il continue d’être engagé comme employé au sein de la société en gardant la fonction de directeur pour une activité de 50% à compter du 1er mars 2004. Il y est précisé qu’il assume la gestion des affaires courantes de la société comprenant en particulier la direction et la surveillance de celle-ci en donnant aux employés les instructions nécessaires, raison pour laquelle il demeure inscrit au Registre du commerce. Il est en revanche stipulé que pour toute décision importante, il n’engage pas seul la société.

6. Force est cependant de constater que ce contrat de travail n’a été établi qu’en date du 27 février 2004 et prend effet au 1er mars 2004 (cf. chiffre 1.1.), alors que la démarche auprès de l’OCE a déjà été effectuée ; qu’il a gardé au sein de la société un taux d’activité de 20% puis de 50% ; que la société elle-même a continué ses activités (ATF 123 V 234), que dans le cadre d’une autre procédure, il a été jugé qu’il exerçait indubitablement la fonction d’organe en prenant des décisions relevant des organes, en assumant la gestion proprement-dite et en influençant ainsi de façon déterminante la volonté de la société (RCC 1989, p. 180, consid. 4; RCC 1988, p. 631), qu’il a ainsi été condamné par la Commission cantonale de recours AVS-AI au paiement de la somme de 23'690 fr. 70, à titre de réparation du dommage causé par le non-paiement des cotisations paritaires AVS-AI dues par la société ; qu’il a déclaré au Tribunal de céans avoir accepté la réduction de son taux d’activité à 20% « parce que j’avais l’espoir que l’administrateur réussirait à remettre l’entreprise à flot ; qu’il a précisé n’avoir pas recouru contre le jugement de la Commission cantonale de recours AVS-AI, parce que la société avait pris en charge le paiement ».

7. Force est de constater, au vu de ce qui précède, que le recourant dispose d’un pouvoir réel dans la société et qu’il a cherché à maintenir en vie la société pendant une période économiquement difficile. Les liens qu’il entretient avec la société sont du reste si étroits que celle-ci a accepté de s’acquitter elle-même du montant au paiement duquel la Commission cantonale de recours AVS-AI l’avait condamné.

Le comportement adopté par l’assuré n’est à l’évidence pas celui d’un simple salarié, mais au contraire celui d’une personne véritablement intéressée par le sort de l’entreprise et soucieuse de ses intérêts, tel que le serait un employeur. C’est dès lors à juste titre que l’OCE, en application de la jurisprudence sus évoquée, a considéré qu’il n’avait pas droit aux indemnités de chômage.

Le recours, mal fondé, ne peut qu’être rejeté.

 


 

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES

Statuant conformément à la disposition transitoire de l’art. 162 LOJ

A la forme :

1.      Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par pli recommandé adressé au Tribunal fédéral des assurances, Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE, en trois exemplaires. Le délai ne peut être prolongé. Le mémoire doit : a) indiquer exactement quelle décision le recourant désire obtenir en lieu et place de la décision attaquée; b) exposer pour quels motifs il estime pouvoir demander cette autre décision; c) porter sa signature ou celle de son représentant. Si le mémoire ne contient pas les trois éléments énumérés sous lettres a) b) et c) ci-dessus, le Tribunal fédéral des assurances ne pourra pas entrer en matière sur le recours qu’il devra déclarer irrecevable. Le mémoire de recours mentionnera encore les moyens de preuve, qui seront joints, ainsi que la décision attaquée et l’enveloppe dans laquelle elle a été expédiée au recourant (art. 132, 106 et 108 OJ).

 

La greffière:

 

 

Marie-Louise QUELOZ

 

 

 

 

 

La Présidente :

 

 

Doris WANGELER

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties et au Secrétariat d’Etat à l’économie par le greffe