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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1824/2025

ATA/950/2025 du 02.09.2025 ( FORMA ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1824/2025-FORMA ATA/950/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 2 septembre 2025

 

dans la cause

 

A________, représentée par sa mère B________ recourante

contre

SERVICE DES BOURSES ET PRÊTS D'ÉTUDES intimé

 



EN FAIT

A. a. A________, née le ________, est domiciliée chez sa mère, B________, au ________. Sa sœur, C________, réside également à cette adresse. Son père, D________, est domicilié à ________.

b. A________ est scolarisée dans le canton de Genève depuis 2018. À la rentrée 2023/2024, elle était en deuxième année de maturité gymnasiale au Collège Rousseau.

B. a. Par décision du 19 juin 2023, B________ a été mise au bénéfice d’une rente d’invalidité de l’office cantonal de l’assurance-invalidité à compter du 1er octobre 2020. Des rentes pour enfants, liées à la rente de leur mère, ont été octroyées à A________ et C________.

b. Le 19 décembre 2023, B________ a déposé une demande de prestations complémentaires auprès du service des prestations complémentaires (ci-après : SPC).

c. Par décision du 26 juillet 2024, le SPC a suspendu l’examen de sa demande de prestations. À l’échéance du délai d’instruction de trois mois prévu par les directives fédérales, l’assurée n’avait pas transmis la totalité des justificatifs réclamés. Dès réception des justificatifs manquants, sa demande serait traitée avec effet au premier jour du mois de réception des documents.

d. Le 18 septembre 2024, le SPC a indiqué qu’il n’était pas en mesure de reprendre l’examen de son dossier, les documents adressés ne correspondant pas à la totalité des pièces réclamées. Il a accordé à l’assurée un délai au 18 octobre 2024 pour la remise de la décision relative à sa rente LPP.

e. Par décision du 30 janvier 2025, le SPC a accordé des prestations complémentaires fédérales et cantonales à B________ à compter du 1er octobre 2024. A________ était prise en compte dans le calcul des prestations, au même titre que sa sœur.

C. a. Le 5 décembre 2023, A________ a déposé une demande de bourse auprès du service des bourses et prêts d’études (ci-après : SBPE) pour l’année 2023/2024.

b. Par courriel du 15 octobre 2024, le SBPE l’a informée qu’il ne pouvait pas statuer sur sa demande de bourse en l’absence de décision du SPC.

c. Le 6 février 2025, l’intéressée, par l’intermédiaire de sa mère, a transmis la décision du SPC du 30 janvier 2025.

d. Par décision du 21 mars 2025, le SBPE a rejeté la demande de bourse pour l’année 2023/2024. Après analyse du dossier, il apparaissait qu’elle n’avait pas fait valoir de droit aux prestations complémentaires dans les délais impartis. Elle ne pouvait en conséquence pas bénéficier d’une bourse.

e. Le 8 avril 2025, A________, par l’intermédiaire de sa mère, a formé réclamation contre cette décision. Elle n’avait reçu aucune prestation pour l’année 2023/2024. Le retard dans le traitement des démarches auprès du SPC ne lui était pas imputable. Durant cette période, elle avait été suivie par l’Hospice général, sans véritable assistance sociale.

f. Par décision sur réclamation du 23 avril 2025, le SBPE a maintenu sa position. Le retard dans le traitement du dossier par le SPC, tout comme la défaillance dans l’accompagnement social, ne lui étaient pas imputables.

D. a. Par acte du 23 mai 2025, A________, agissant par sa mère, a recouru devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation et à l’octroi d’une bourse pour l’année scolaire 2023/2024. À titre préalable, elle a requis l’effet suspensif.

b. Par réponse du 13 juin 2025, le SBPE a conclu au rejet du recours.

c. La recourante a répliqué le 18 juillet 2025.

d. Sur quoi, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10 ; art. 28 al. 3 LBPE).

2.             Le litige porte sur le bien-fondé du refus du SBPE d’octroyer une bourse d’études à la recourante pour l'année académique 2023/2024.

2.1 La LBPE règle l'octroi d'aides financières aux personnes en formation (art. 1 al. 1 LBPE). Selon l'art. 1 al. 2, le financement de la formation incombe aux parents et aux tiers qui y sont légalement tenus (let. a) ; aux personnes en formation elles‑mêmes (let. b). Les aides financières sont accordées à titre subsidiaire (art. 1 al. 3 LBPE).

Les bourses d'études sont des prestations uniques ou périodiques non remboursables, qui permettent aux bénéficiaires d'entreprendre, de poursuivre ou de terminer une formation (art. 4 al. 1 LBPE).

Aux termes de l'art. 5 LBPE, les aides financières sont accordées sous forme de bourses, de prêts ou de remboursement de taxes (al. 1). Demeurent réservés les cas qui, au sens de l'art. 26 LBPE, peuvent donner lieu à une conversion des prêts en bourses d'études (al. 2).

2.2 Le chapitre II de la LBPE règle les conditions d'octroi.

L'art. 11 LBPE liste les formations pouvant donner lieu à une bourse (al. 1) ou à un prêt (al. 2).

Selon l’art. 11 al. 1 let. b ch. 1 LBPE, peuvent donner droit à des bourses les formations initiales (secondaire II), les formations menant à la maturité spécialisée (école de culture générale) et à la maturité gymnasiale.

L’art. 18 LBPE prévoit que si les revenus de la personne en formation, de ses parents (père et mère), de son conjoint ou partenaire enregistré et des autres personnes qui sont tenus légalement au financement de la formation, ainsi que les prestations fournies par des tiers ne suffisent pas à couvrir les frais de formation, le canton finance, sur demande, les besoins reconnus par le biais de bourses ou de prêts (al. 1). Le revenu déterminant est celui résultant de la loi sur le revenu déterminant unifié du 19 mai 2005 (LRDU - J 4 06) (al. 2).

Selon l’art. 19 LBPE, les frais reconnus engendrés par la formation et l'entretien de la personne en formation servent de base de calcul pour les aides financières. Le règlement peut prévoir des exceptions, notamment pour la formation professionnelle non universitaire (al. 1). Une aide financière est versée s'il existe un découvert entre les frais reconnus engendrés par la formation et l'entretien de la personne en formation et les revenus qui peuvent être pris en compte selon l'art. 18 al. 1 et 2. Le découvert représente la différence négative entre les revenus de la personne en formation et des personnes légalement tenues de financer les frais de formation et les coûts d'entretien et de formation de ces mêmes personnes (al. 2). Le calcul du découvert est établi à partir du budget des parents ou des personnes légalement tenues au financement de la personne en formation. Ce budget tient compte des revenus et des charges minimales pour couvrir les besoins essentiels (al. 3). Pour le calcul du budget de la personne en formation, il est pris en compte le revenu réalisé durant la formation après déduction d'une franchise dont le montant est fixé par le règlement, la pension alimentaire et les rentes versées par les assurances sociales et la fortune déclarée (al. 4).

2.3 Le RDU s’applique à toutes les prestations sociales sous condition de ressources qui font l’objet de l’art. 13 LRDU (art. 2 al. 1 LRDU), au nombre desquelles figurent les bourses d’études (art. 13 al. 1 let. b ch. 6 LRDU).

Le RDU est calculé de manière individuelle et s’applique aux personnes dès leur majorité (art. 8 al. 1 LRDU).

Selon l’art. 11 LRDU, les prestations sociales doivent être demandées, accordées ou refusées dans l’ordre prévu à l’art. 13 LRDU (al. 1). En l’absence de décision sur la prestation se situant avant dans la hiérarchie et à laquelle le demandeur peut prétendre, ce dernier n’obtient en principe pas la prestation suivante dans la hiérarchie (al. 2). Si une prestation demandée est obtenue, il en est tenu compte dans le revenu servant de base de calcul pour la prestation suivante (al. 3). L’art. 7 du règlement d’exécution de la loi sur le revenu déterminant unifié du 27 août 2014 (RRDU - J 4 06.01) prévoit des situations dans lesquelles la demande de prestations est examinée, même en l’absence d’une décision sur une ou plusieurs prestations se situant avant dans la hiérarchie.

L’art. 13 al. 1 LRDU prévoit que les prestations catégorielles et de comblement doivent être demandées dans l’ordre suivant : (a) les prestations catégorielles, dont 1° les subsides de l’assurance-maladie, puis (b) les prestations de comblement, dont 6° les bourses d’études.

L’art. 8 al. 3 LRDU prévoit que lorsqu’une prestation catégorielle ou de comblement est octroyée en application de la hiérarchie des prestations sociales visée à l’art. 13, son montant s’ajoute au socle du revenu déterminant unifié selon l’al. 2 de l’art. 8 et le nouveau montant sert de base de calcul pour la prestation suivante. Les prestations accordées aux personnes mineures sont reportées dans le revenu déterminant unifié du ou des parents concernés.

3.             Dans la décision entreprise, l’intimé a nié le droit aux prestations de la recourante au motif que les documents requis par le SPC à sa mère n’avaient pas été remis à temps. Cette absence de collaboration avait entraîné un report de prestations complémentaires au 1er octobre 2024, alors que l’intéressée aurait pu y prétendre dès le 1er octobre 2020, date du début de son droit à la rente d’assurance-invalidité.

Il résulte, certes, de l’art. 13 al. 1 let. b LRDU que les prestations complémentaires fédérales et cantonales à l’assurance-invalidité se situent avant les bourses d’études dans la hiérarchie des prestations sociales. Ainsi, en application de l’art. 11 al. 2 LRDU cum art. 13 al. 1 let. b ch. 6 LRDU et en l’absence d’un cas particulier au sens de l’art. 7 RRDU, l’intimé ne pouvait pas statuer sur la demande de bourse d’études formée par la recourante tant que le SPC n’avait pas rendu de décision sur la demande de prestations complémentaires fédérales et cantonales formée par sa mère.

Il ressort toutefois du dossier que la mère de la recourante a dûment sollicité des prestations complémentaires fédérales et cantonales le 19 décembre 2023, soit dans les six mois à compter de la décision de rente de l’assurance-invalidité, et que celles-ci lui ont été octroyées à compter du 1er octobre 2024 par décision du 30 janvier 2025. Ainsi, à compter de cette dernière date, et dès lors qu’une décision sur la prestation se situant avant dans la hiérarchie avait été rendue, l’intimé ne pouvait plus se fonder sur l’art. 11 al. 2 LRDU pour refuser de statuer sur la demande de bourse d’études formée par la recourante. Contrairement à ce que retient implicitement l’intimé, l’art. 11 al. 2 LRDU ne subordonne pas l’obtention de la prestation suivante dans la hiérarchie de l’art. 13 LRDU à la condition que la prestation se situant avant dans la hiérarchie soit octroyée pour toute la période pour laquelle l’intéressé pouvait y prétendre. L’art. 11 al. 1 LRDU prévoit d’ailleurs expressément que les prestations sociales doivent être demandées, accordées ou refusées dans l’ordre prévu à l’art. 13 LRDU. Ainsi, à rigueur de texte, et sous réserve d’un éventuel abus de droit, les motifs à l’origine du refus, voire du report de prestations, n’ont aucune incidence sur l’obtention de la prestation suivante.

Ainsi, dans la mesure où une décision de prestations complémentaires a été rendue le 30 janvier 2025, il appartenait à l’intimé de statuer sur la demande de bourse formée par la recourante, et cela quand bien même les prestations complémentaires ont été refusées à la mère de la recourante pour la période du 1er octobre 2020 au 30 septembre 2024 en raison d’un manque de collaboration. Par ailleurs, et dans la mesure où la décision du SPC du 30 janvier 2025 n’octroie des prestations qu’à compter du 1er octobre 2024, il ne sera pas tenu compte de prestations complémentaires fédérales et cantonales dans le revenu servant de base de calcul pour la bourse d’études pour l’année 2023/2024 (art. 11 al. 3 LRDU a contrario).

Le recours sera partant admis, la décision sur opposition annulée et la cause renvoyée à l’intimé pour nouvelle décision au sens des considérants.

Le prononcé du présent arrêt rend sans objet la requête de mesures provisionnelles.

4.             Vu la nature et l'issue du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA et art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Malgré son issue, aucune indemnité de procédure ne sera allouée, la recourante, qui procède en personne, n’y ayant pas conclu et n’exposant pas avoir subi de frais pour assurer sa défense (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 23 mai 2025 par A________ , représentée par sa mère, contre la décision du service des bourses et prêts d’études du 23 avril 2025 ;

au fond :

l’admet ;

annule la décision sur opposition du service des bourses et prêts d’études du 23 avril 2025 ;

renvoie la cause audit service pour nouvelle décision dans le sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à B________, représentant la recourante, ainsi qu'au service des bourses et prêts d'études.

Siégeant : Eleanor McGREGOR, présidente, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, Patrick CHENAUX, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

E. McGREGOR

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :