Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/915/2025 du 26.08.2025 ( FORMA ) , REJETE
En droit
| RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/2461/2025-FORMA ATA/915/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 26 août 2025 2ème section |
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dans la cause
A______ et B______, agissant pour leur fils mineur C______ recourants
contre
OFFICE DE L'ENFANCE ET DE LA JEUNESSE - SERVICE DE LA PÉDAGOGIE SPÉCIALISÉE intimé
A. a. C______, né le ______ 2019, a terminé en juin 2025 la classe de 2P.
b. Après avoir bénéficié d’une mesure d’éducation précoce à domicile du 8 septembre 2020 au 31 octobre 2023, il bénéficie depuis juillet 2024 du soutien pédagogique de l’enseignement spécialisé (ci-après : SPES).
Il suit également depuis le 4 janvier 2022 un traitement de psychomotricité, d’abord à raison d’une séance hebdomadaire, depuis de deux séances hebdomadaires depuis le 8 janvier 2024.
c. En octobre 2024, la directrice de son école a initié une procédure d'évaluation standardisée (ci-après : PES).
d. Selon le rapport établi par la psychomotricienne en vue de la PES, C______ entrait dans les demandes et pouvait se concentrer si elle l’accompagnait tout au long de la tâche, le contenait verbalement, le stimulait et le valorisait. Au cabinet, il n’y avait pas de bruit. La relation était excellente et la confiance était installée. Cependant, l’enfant avait besoin pour apprendre d’être dans ce type de configuration. L’école ordinaire était un lieu contraignant et envahissant pour C______, car il y avait trop d’informations à traiter simultanément, du bruit, de l’agitation, des « flux sensoriels permanents » qui l’empêchaient d’entrer dans les apprentissages scolaires. Son attention était labile et sa compréhension limitée péjorait ses apprentissages. Son hypotonie influençait également sa capacité à développer ses compétences motrices. Elle l’imaginait dans une classe intégrée de l’enseignement spécialisé (ci-après : CLI). Il était doux, gentil et respectueux. Il aimait les activités sensorielles. Les apprentissages étaient un réel effort pour lui, requerraient un effort de concentration et de compréhension, deux éléments qui n’étaient pas suffisamment développés chez lui. Il était en souffrance dans l’école ordinaire. Elle estimait ainsi fondamental qu’il puisse intégrer une CLI avant qu’un écart trop important ne se creuse.
e. Selon la grille d’estimation du degré d’atteinte des objectifs en référence au plan d’études romand (PER), C______ n’atteignait le degré de 2P que dans les domaines espace et nombre des mathématiques, modélisation et corps humain des sciences de la nature et les arts visuels-activités créatrices manuelles. Il se situait au niveau de la 1P pour les autres objectifs et au niveau préscolaire pour la compréhension orale, le fonctionnement de la langue, la diversité du vivant et l’histoire. La prise en charge du travail personnel était jugée peu satisfaisante, alors que les relations avec les autres élèves et le respect des règles de vie commune l’étaient.
f. Selon les bulletins scolaires, C______ avait amélioré son comportement. Il présentait d’importantes difficultés pour comprendre les consignes et manquait d’autonomie dans les activités scolaires. Les conflits à la récréation restaient d’actualité.
g. Au terme de la PES, établie le 6 décembre 2024, C______ présentait un retard global du développement avec des difficultés attentionnelles et une grande fatigabilité. Il souffrait de la maladie de Hirschprung et du syndrome de Joubert. Son profil cognitif a été estimé dans la moyenne faible. Il était depuis son entrée en 1P accompagné d’une assistante à l’intégration scolaire (ci-après : AIS) à 100% et d’une intervenante scolaire en éducation précoce spécialisée (ci-après : ISEPS) à 25%. Il était absent deux matinées par semaine pour suivre les séances de psychomotricité. L’école avait, en sus des aides précitées, mis en place deux périodes de soutien par une enseignante spécialisée et une période avec l’enseignante chargée de soutien pédagogique (ci-après : ECSP). Il bénéficiait ainsi intégralement pendant sa présence en classe d’un adulte à ses côtés. Une place attitrée lui était réservée, un coin calme (tente) avait été aménagé, un casque anti‑bruit ainsi que des pictogrammes mis à disposition. Malgré l’ensemble de ces aides, il rencontrait de grandes difficultés dans l’acquisition des compétences scolaires et sociales. S’il n’était pas sollicité, il n’entrait pas dans les activités. Il était absorbé par les stimuli et interactions au sein de la classe. Il présentait des difficultés à différer son besoin immédiat. Cela le conduisait également à des situations de conflit avec les autres élèves. Lors de leçons collectives qui lui demandaient beaucoup de concentration, il était très agité au point de faire des vocalises et des mouvements répétitifs. Il avait également des difficultés exécutives.
L’enfant était en grande difficulté pour suivre une conversation, regarder lorsqu’on lui montrait quelque chose, encore plus en groupe. Il peinait à utiliser tous ses sens. Il ne sollicitait pas de l’aide. Son vocabulaire restait sommaire ; il s’exprimait plus par des mots que des phrases. Il était capable de compter, dénombrer et reconnaître les nombres. Il n’avait cependant « pas d’idées de son âge ». Il n’était pas capable conformément à son âge de développer des solutions et les appliquer.
C______ respectait la plupart des règles et était un enfant joyeux et sensible. Lorsqu’il ne respectait pas les consignes, c’était parce qu’il ne les avait pas comprises. Dans l’interaction avec ses camarades, il était souvent maladroit et peinait à identifier un comportement adéquat. Il faisait preuve de beaucoup d’empathie envers ses camarades.
L’avis des parents ainsi que de la directrice de l’école, des deux enseignantes titulaires, dont l’une était ECSP, de l’ISEPS, de l’enseignante spécialisée, de la psychomotricienne, la pédiatre et des AIS avaient été pris en compte.
h. La PES a été soumise au secrétariat à la pédagogie spécialisée (ci-après : SPS), qui a sollicité l’avis de la commission pluridisciplinaire de recommandation sur les mesures de pédagogie spécialisée (ci-après : CPR). Celle-ci a recommandé l’octroi d’une prestation d’enseignement spécialisé.
i. Les parents de C______ se sont opposés au projet d’octroi d’une telle prestation. Ils ont estimé que la seule mesure adéquate était celle de l’attribution à une CLI.
j. Le 25 juin 2025, à la demande du SPS, la directrice de l’école lui a fait parvenir un bilan établi par l’ISEPS sur le travail de C______ entre décembre 2024 et juin 2025. Il en ressortait que l’enfant avait progressé, gagné un peu en autonomie et développé ses compétences et connaissances scolaires, sociales et motrices. Il avait toutefois toujours besoin d’un fort soutien de l’adulte pour entrer dans les activités qui lui étaient proposées et les mener à terme. Parfois, il pouvait réagir envers ses camarades par un sentiment d’injustice et montrer un comportement agressif.
k. La pédiatre et le neuropédiatre ont marqué leur surprise au projet d’enseignement spécialisé. Le neuropédiatre notait, dans un rapport du 10 mai 2025, qu’il avait revu C______ avec plaisir. La question s’était posée dans le suivi de savoir si l’enfant souffrait, comme sa sœur, du syndrome de Joubert, récemment identifié chez celle‑ci. Les examens génétiques proposés aux parents avaient alors été refusés. Le spécialiste notait heureusement une « bonne amélioration sur le plan développemental global ». Le profil cognitif était « hétérogène, avec des scores assez contrastés, avec des scores de raisonnement logique tout à fait dans la norme, mais de faibles capacités de compréhension orale ». Les parents l’avaient informé que C______ suivait plutôt bien le programme scolaire. Il concluait, notamment, que « les apprentissages scolaires sont […] tout à fait bien en place » et qu’il n’y avait pas d’éléments à l’examen clinique suggérant un syndrome de Joubert, même s’il était parfois associé à des maladies de Hirschprung. Il ne préconisait donc pas d’IRM cérébrale, préférant attendre les résultats des examens génétiques approfondis qui avaient été conduits chez la fratrie. Il proposait de revoir C______ après ces examens « afin de discuter aussi avec les parents du tableau plus global de l’enfant ».
l. Au vu de l’opposition à la mesure envisagée par les parents, pédiatre et neuropédiatre, l’adjointe scientifique du SPS a sollicité l’avis de l’OMP et demandé à la directrice de l’école si elle préconisait un redoublement de la 1P. Dans un courriel du 4 juillet 2025, celle-ci a confirmé qu’elle maintenait le besoin d’un enseignement spécialisé et ne prononçait pas un redoublement. Elle ajoutait que de l’avis de tous les professionnels de l’école, de l’équipe éducative et de l’enseignante spécialisée, l’enfant « serait mieux pour toutes les raisons mentionnées dans la PES » dans une CLI.
Il ressort du courriel de la directrice de l’ECPS, école que les parents avaient visitée, que l’adjointe scientifique du SPS avait soumis la PES pour une nouvelle relecture à l’OMP qui avait maintenu son avis.
m. Par décision du 4 juillet 2025, reprenant les conclusions de la PES ainsi que l’évolution de C______, le SPS a octroyé la prestation d’enseignement spécialisé, décision déclarée immédiatement exécutoire nonobstant recours.
B. a. Par acte expédié le 11 juillet 2025 à la chambre administrative de la Cour de justice, les parents de C______ ont recouru contre cette décision. Ils estimaient que l’intégration dans une classe à visée intégrative permettrait mieux à leur fils de développer ses compétences, ce qui correspondait mieux à ses besoins éducatifs, sociaux et affectifs.
Ils ont produit un courriel adressé le 18 juin 2025 au neuropédiatre de leur fils. Ils y exposaient que ses enseignants, la logopédiste, la psychomotricienne et la pédiatre souhaitaient que Muhammmed intègre une CLI. La directrice ne le voulait pas. Ils n’avaient vraiment pas apprécié la visite de l’école spécialisée. Le niveau des élèves était très bas et ne correspondait pas à celui de C______, dont les besoins étaient spécifiques. Ils craignaient que cette école ne soit pas adaptée à ses besoins. Ils seraient ainsi reconnaissants au neuropédiatre de leur fournir une attestation indiquant que C______ n’avait pas besoin d’une telle école, mais d’une CLI.
Ils ont également produit le courriel adressé par le neuropédiatre au directeur du SPS par lequel il marquait sa surprise de l’orientation de C______ vers l’enseignement spécialisé. Son niveau d’apprentissage était « plutôt correct ». Il montrait une « bonne appétence » et de bonnes capacités de raisonnement. Il n’avait pas sa place dans l’enseignement spécialisé. Le choix d’une CLI, proposition acceptée par les parents, paraissait plus pertinent.
b. Le SPS a conclu au rejet du recours.
c. Dans leur réplique, les recourants ont fait valoir que depuis quelques mois, leur enfant avait réalisé des progrès majeurs. Ainsi, il était quasiment propre et exprimait ses besoins physiologiques. Le neurologue avait confirmé les progrès et noté une évolution positive. Contrairement à ce que retenait la PES, C______ ne souffrait pas du syndrome de Joubert. Les avis du neurologue et de la psychomotricienne avaient été ignorés. La PES mentionnait en page 14 que l’orientation en CLI était « suggérable ». Depuis lors, C______ avait fait de grands progrès. La directrice responsable de l’école spécialisée dans laquelle il devait aller ne l’avait observé qu’une demi-journée. La directrice de l’école qu’il fréquentait avait elle-même également suggéré à plusieurs reprises une CLI. Il semblait que ce soit le manque de place dans une CLI qui avait dicté la décision plutôt que les besoins de l’enfant. Lors de la journée d’intégration en ECPS que C______ y avait passé, il s’était senti mal à l’aise. À son retour, il leur avait dit qu’il ne souhaitait plus y retourner.
La décision allait à l’encontre des intérêts de l’enfant, était contredite par les avis médicaux et des thérapeutes spécialisés, reposait sur des arguments administratifs plutôt que pédagogiques et faisait fi des progrès réalisés par C______.
Les parents ont produit un rapport de la pédiatre du 14 juillet 2025. Celle-ci relevait que C______ gardait des difficultés dans le domaine du langage oral et présentait une pathologie fonctionnelle de l’intestin, qui expliquait qu’il n’avait pas encore acquis la propreté. Elle s’était entretenue avec la psychomotricienne et le neuropédiatre. Ils avaient conclu que les progrès réalisés avaient été importants et témoignaient d’une belle évolution. Entre le début de la PES et la date de son rapport, il avait réalisé « un bond significatif » dans son expression orale et sa compréhension des consignes, les repères spatio-temporels et dans sa motricité globale et fine. Ils ne contestaient pas les difficultés de C______, mais le choix d’un enseignement spécialisé les surprenait. Il semblait peu approprié à son profil et son niveau d’apprentissage « plutôt correct pour son âge ». Il était vrai qu’il avait un besoin constant de stimulation et qu’il répondait par imitation aux sollicitations avant d’intégrer de nouvelles acquisitions. Il évoluait très favorablement au contact de ses pairs en classe ordinaire. Il était doux et ne présentait pas d’agressivité, même s’il pouvait parfois avoir des gestes maladroits ou impulsif envers ses pairs. Ces gestes étaient parfois en lien avec une difficulté de compréhension des codes sociaux, des interactions sociales et une difficulté à canaliser son excitation dans le jeu. Il leur paraissait ainsi primordial qu’il puisse intégrer une CLI afin que la stimulation apportée par ses camarades et les enseignants lui permette de renforcer, consolider ses compétences et les nouvelles acquisitions en cours. Sans cela, ils craignaient une réelle régression du travail effectué depuis plusieurs années.
d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).
2. Est litigieuse la décision d'octroi d'une prestation sous forme d'un enseignement spécialisé en faveur du fils des recourants.
2.1 Aux termes de l'art. 62 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), les cantons pourvoient à une formation spéciale suffisante pour les enfants et adolescents handicapés, terme qui inclut les enfants à besoins éducatifs particuliers, au plus tard jusqu'à leur vingtième anniversaire.
2.2 Pour mettre en œuvre l'art. 62 al. 3 Cst., la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l'instruction publique a, le 25 octobre 2007, adopté l'Accord intercantonal sur la collaboration dans le domaine de la pédagogie spécialisée (AICPS - C 1 08), auquel la République et canton de Genève est partie (C 1 08.0). Cet accord a pour finalité la collaboration entre cantons signataires dans le domaine de la pédagogie spécialisée (art. 1 et. 2 let. a AICPS). Lorsque les mesures octroyées dans le cadre de l'école ordinaire s'avèrent insuffisantes, une décision quant à l'attribution de mesures renforcées doit être prise sur la base de la détermination des besoins individuels (art. 5 al. 1 AICPS).
2.3 En référence aux principes de l'école inclusive mentionnés à l'art. 10 al. 2 LIP et dans l'AICPS, le département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après : DIP) met en place les mesures de pédagogie spécialisée destinées aux enfants et aux jeunes à besoins éducatifs particuliers ou handicapés.
De la naissance à l'âge de 20 ans révolus, les enfants et les jeunes qui ont leur domicile dans le canton ont droit à des prestations de pédagogie spécialisée s'il est établi qu'ils sont entravés dans leurs possibilités de développement et de formation au point qu'ils ne pourront pas ou ne peuvent plus suivre l'enseignement régulier sans soutien spécifique, ou lorsqu'un autre besoin éducatif particulier a été constaté (art. 30 LIP).
Selon l'art. 29 al. 1 LIP, est considéré comme enfant et jeune à besoins éducatifs particuliers celui qui présente une altération des fonctions mentales, sensorielles, langagières ou physiques entravant ses capacités d’autonomie et d’adaptation dans un environnement ordinaire. Le contexte est pris en compte lors de l’évaluation visant à déterminer des besoins éducatifs particuliers.
Les critères cliniques des besoins éducatifs particuliers ainsi que la liste des infirmités congénitales reconnues sont détaillés par règlement (art. 29 al. 3 LIP), à savoir le règlement sur la pédagogie spécialisée du 23 juin 2021 (RPSpéc - C 1 12.05).
2.4 Les parents sont associés à la procédure de décision relative à l’attribution des mesures de pédagogie spécialisée (art. 32 al. 2 LIP). Chaque bénéficiaire des mesures de pédagogie spécialisée est intégré dans la structure d’enseignement ou de formation la plus adaptée à ses besoins et visant à la plus grande autonomie à sa majorité, tout en répondant aux besoins de tous les élèves ou apprentis de la classe (art. 32 al. 3 LIP).
2.5 Selon l'art. 33 al. 1 LIP, les prestations de pédagogie spécialisée comprennent : le conseil, le soutien, l’éducation précoce spécialisée, la logopédie et la psychomotricité (let. a) ; des mesures de pédagogie spécialisée dans un établissement d’enseignement régulier ou spécialisé (let. b) ; la prise en charge en structure de jour ou à caractère résidentiel dans une institution de pédagogie spécialisée (let. c).
Aux termes de l’art. 11 RPSpéc, l'offre en matière de pédagogie spécialisée couvre les prestations énoncées ci-après, soit conseil et soutien (al. 2), éducation précoce spécialisée (al. 3), mesures de pédagogie spécialisée en classe ordinaire (al. 4), l’enseignement spécialisé (al. 5), la logopédie (al. 6), la psychomotricité (al. 7), les repas et/ou le logement (al. 8), l’enseignement spécialisé (al. 9), la prise en charge à caractère résidentiel et les transports des enfants et des jeunes (al. 10 et 11).
L’enseignement spécialisé tel que prévu à l'art. 10 al. 9 RPSPéc comprend l’enseignement et l'éducation adaptés aux besoins de l'enfant ou du jeune concerné. À cette fin, si nécessaire, elle comprend également la prestation de conseil et de soutien dans les domaines de la logopédie, de la psychomotricité et de la psychologie. Elle est dispensée en structure d'enseignement spécialisé, soit en classe intégrée au sein d'un établissement régulier ou en école de pédagogie spécialisée.
Une mesure individuelle de pédagogie spécialisée est soit ordinaire soit renforcée (art. 12 al. 1 RPSpéc).
Une mesure individuelle est envisagée lorsque les mesures dispensées dans le lieu principal de prise en charge ou dans le cadre scolaire sont insuffisantes et/ou inappropriées. Il peut s'agir de l'éducation précoce spécialisée dans le domaine préscolaire, de la logopédie et de la psychomotricité pour une durée n'excédant pas quatre ans ou 220 séances de traitement, et du soutien par des interprètes en langue des signes ou des spécialistes de soutien en basse vision (art. 12 al. 2 RPSpéc).
Une mesure individuelle renforcée est envisagée lorsque les mesures dispensées dans le cadre de l'enseignement régulier et/ou les mesures ordinaires de pédagogie spécialisée sont insuffisantes et/ou inappropriées. Elles comprennent l'éducation précoce spécialisée en milieu institutionnel, la logopédie ou la psychomotricité pour des durées excédant quatre ans ou 22 séances, le soutien pédagogique de l'enseignement spécialisé, l'enseignement spécialisé et la prise en charge à caractère résidentiel (art. 12 al. 3 RPSpéc).
2.6 Le SPS est l'autorité compétente pour l'octroi des mesures individuelles renforcées en pédagogie spécialisée et la désignation des prestataires. Il veille à l'application de la procédure d’évaluation des besoins et met en œuvre la procédure d'octroi telles que prévues dans le présent règlement. Le SPS est rattaché à l'office de l’enfance et de la jeunesse (art. 7 al. 2 à 4 RPSPéc).
2.7 La PES est élaborée sur la base du formulaire mis à disposition par le SPS et évalue le fonctionnement, les besoins et les objectifs de l'enfant ou du jeune. Elle détermine également les objectifs de la mesure envisagée (art. 16 al. 1 et 17 al. 1 et 2 RPSpéc).
La PES est un instrument du concordat sur la pédagogie spécialisée. Les cantons recourent à cet instrument lorsqu'il s'agit d'attribuer des mesures renforcées de pédagogie spécialisée (ATA/944/2021 du 14 septembre 2021 consid. 5f). La PES prend en considération les compétences et difficultés de l'enfant mais aussi les caractéristiques environnementales (familiales et scolaires) dans lesquelles il vit. Elle permet ainsi de se prononcer sur les possibilités d'adaptation de l'environnement aux difficultés de l'enfant. L'application de cette procédure doit garantir une égalité de traitement de toutes les demandes (ibidem).
2.8 Selon l’art. 18 RPSpéc, dans le cadre de la PES, le responsable d'évaluation veille à impliquer systématiquement l'enfant ou le jeune ainsi que ses parents. Il inclut également les professionnels impliqués dans la prise en charge et le suivi, notamment thérapeutique, de l'enfant ou du jeune. Il s’adjoint si nécessaire la collaboration d'autres professionnels (al. 1). La participation de l’enfant ou du jeune concerné est garantie de manière adaptée à ses capacités, ses difficultés et son âge. Ses opinions ou souhaits sont pris en compte dans l’évaluation des objectifs et des besoins (al. 2). Le responsable d'évaluation recherche un consensus entre les parties prenantes sur l'évaluation des objectifs et des besoins. Il veille à ce que les positions des parties prenantes figurent dans le dossier d'évaluation. Le refus de l’enfant ou du jeune ou des parents de participer à la procédure doit également figurer dans le dossier d’évaluation (al. 3).
Le responsable chargé de la conduite de la PES est le professionnel responsable du lieu principal de prise en charge de l’enfant ou du jeune (art. 15 al. 1 RPSpéc).
2.9 À l'issue de la PES, le responsable d'évaluation transmet le dossier d'évaluation au SPS, en vue de la procédure d'octroi, qui est fixée par voie de directive (art. 16 al. 2 RPSpéc).
À réception du dossier d'évaluation, le SPS l'examine et, en fonction du type de prestation envisagée, sollicite le préavis de spécialistes du domaine de la pédagogie spécialisée, qui sont rattachés à (a) l'unité pluridisciplinaire du service de la pédagogie spécialisée et/ou (b) la direction générale de l'OMP (art. 21 al. 1 RPSpéc). En cas de besoin, le SPS peut faire procéder à une expertise médicale ou technique à laquelle l'enfant ou le jeune concerné est tenu de se soumettre (art. 21 al. 2 RPSpéc).
2.10 En l'absence d'accord des parties prenantes sur l'évaluation des besoins ou les mesures envisagées, ou lorsqu'il le juge nécessaire pour sa prise de décision, le SPS sollicite le préavis de la CPR en lui transmettant le dossier d'évaluation, le cas échéant accompagné des renseignements et pièces issus de l'instruction complémentaire (art. 21 al. 4 RPSpéc).
La commission de recommandation a pour mission de formuler des recommandations sur les mesures individuelles renforcées de pédagogie spécialisée à mettre en œuvre, à l'attention du SPS (art. 22 al. 2 RPSpéc). Elle est composée de six membres, comprenant un représentant de la direction de la coordination des prestations déléguées et de la surveillance de l’office de l'enfance et de la jeunesse, qui la préside, un pédagogue de la direction générale de l'enseignement obligatoire, un pédagogue de la direction générale de l'enseignement secondaire II, un pédagogue et un thérapeute de l’OMP et un représentant d'une organisation se vouant statutairement à la défense des droits des personnes à besoin éducatif particulier ou handicapées (art. 22 al. 4 RPSpéc).
2.11 Les représentants légaux, l'enfant capable de discernement ou le jeune majeur sont associés aux étapes de la procédure d'octroi. Ils ont accès au dossier et peuvent obtenir copie des pièces (art. 23 al. 1 RPSpéc). Leur droit d'être entendu est respecté avant la prise d'une décision (art. 23 al. 2 RPSpéc).
2.12 Le SPS rend une décision après examen du dossier d'évaluation et des éventuels préavis obtenus (art. 24 al. 1 RPSpéc). La décision d'octroi désigne le type de prestation octroyée, sa durée, le prestataire retenu et la prise en charge financière y relative. La décision d'octroi précède la mise en œuvre de la prestation (art. 24 al. 2 RPSpéc).
2.13 En l'espèce, les difficultés rencontrées par C______ au cours de la 1P ont conduit la directrice de l’établissement scolaire qu’il fréquentait à solliciter une PES. L’avis des parents ainsi que de l’ensemble des professionnels intervenant auprès de l’enfant a été recueilli. Il en est ressorti que celui-ci présentait un retard global du développement avec des difficultés attentionnelles et une grande fatigabilité. Il souffrait de la maladie de Hirschprung. Son profil cognitif était évalué dans la moyenne faible. Il était depuis son entrée en 1P accompagné d’une AIS à 100%, d’une ISEPS à 25%, de deux périodes de soutien par une enseignante spécialisée et une période avec l’ECSP. Il était ainsi intégralement accompagné d’un adulte pendant sa présence en classe. Une place attitrée lui était réservée, un coin calme (tente) avait été aménagé, un casque anti-bruit mis à disposition ainsi que des pictogrammes. Malgré ces aides, il rencontrait de grandes difficultés dans l’acquisition des compétences scolaires et sociales. S’il n’était pas sollicité, il n’entrait pas dans les activités. Il était absorbé par les stimuli et interactions au sein de la classe. Il présentait des difficultés à différer son besoin immédiat et pouvait, de ce fait, entrer en conflit avec les autres élèves. Lors de leçons collectives qui lui demandaient beaucoup de concentration, il était très agité au point de faire des vocalises et des mouvements répétitifs. Il avait également des difficultés exécutives.
L’enfant était en grande difficulté pour suivre une conversation, regarder lorsqu’on lui montrait quelque chose, encore plus en groupe. Il peinait à utiliser tous ses sens. Il ne sollicitait pas de l’aide. Son vocabulaire restait sommaire ; il s’exprimait plus par des mots que des phrases. Il était capable de compter, dénombrer et reconnaître les nombres. Il n’avait cependant pas d’idées de son âge. Il n’était pas capable conformément à son âge de développer des solutions et les appliquer. C______ respectait la plupart des règles et était un enfant joyeux et sensible. Lorsqu’il ne respectait pas les consignes, c’était parce qu’il ne les avait pas comprises. Dans l’interaction avec ses camarades, il était souvent maladroit et peinait à identifier un comportement adéquat. Il faisait preuve de beaucoup d’empathie envers ses camarades.
Il est exact, comme le relèvent les recourants, que la PES retient que l’enfant souffre, entre autres, du syndrome de Joubert. Il ressort du rapport du neuropédiatre du 10 mai 2025 que l’existence d’un tel syndrome avait été suspectée, ce d’autant plus qu’il avait été diagnostiqué chez la sœur de C______. Selon le spécialiste, l’examen clinique pratiqué en mai 2025 ne plaidait plus en faveur de l’existence d’un tel syndrome, de sorte que les examens génétiques qui devaient être entrepris pour la fratrie pouvaient être attendus avant qu’un tableau plus global de l’enfant soit discuté avec les parents. Il convient ainsi de retenir que l’existence de ce syndrome n’est pas établie. Cela étant, il ressort de la PES qu’elle a surtout examiné les capacités concrètes d’apprentissage de C______ dans sa classe, avec les aides qui lui ont été apportées. L’existence du syndrome – retenue à tort – n’a pas été déterminante dans cet examen. Cette erreur factuelle est ainsi demeurée sans conséquence sur l’analyse opérée dans la PES.
Il n’est pas contesté que C______ ne peut poursuivre sa scolarité en classe ordinaire, même avec les appuis dont il a bénéficié ces deux dernières années. La question de savoir si une intégration en CLI serait plus adéquate que celle de l’enseignement spécialisée relève de l’appréciation de l’autorité spécialisée dans ce domaine.
Celle-ci a estimé, au terme d’une évaluation circonstanciée intégrant l’avis de l’ensemble des professionnels entourant l’enfant, qu’une prestation d’enseignement spécialisée paraissait appropriée à sa situation. Contrairement à ce que font valoir les recourants, la PES ne fait état d’aucune considération administrative, notamment de disponibilité de places en CLI, qui aurait conduit à l’octroi de la prestation querellée. Une telle conclusion ne peut pas non plus être déduite de l’échange de courriels entre la responsable de l’école spécialisée et l’adjointe scientifique du SPS.
Par ailleurs, si la pédiatre et le neurologue ont fait état d’une évolution très positive de C______ en mai et juin 2025, voire d’« un bond significatif », il n’en demeure pas moins que la pédiatre a noté que l’enfant avait un besoin constant de stimulation et qu’il répondait par imitation aux sollicitations avant d’intégrer de nouvelles acquisitions. S’il était doux et ne présentait pas d’agressivité, il pouvait parfois avoir des gestes maladroits ou impulsifs envers ses pairs, parfois en lien avec une difficulté de compréhension des codes sociaux, des interactions sociales et une difficulté à canaliser son excitation dans le jeu. L’affirmation du neurologue selon laquelle l’enfant suivait « plutôt bien le programme scolaire » reposait sur les seuls dires des parents.
La psychomotricienne, qui a préconisé une classe spécialisée du type CLI, a retenu que l’enfant entrait dans les demandes et pouvait se concentrer si elle l’accompagnait tout au long de la tâche, le contenait verbalement, le stimulait et le valorisait et si l’environnement était calme comme au cabinet. Elle a relevé que les apprentissages étaient un réel effort pour lui et requerraient un effort de concentration et de compréhension, deux éléments qui n’étaient pas suffisamment développés chez lui et l’empêchaient d’entrer dans les apprentissages scolaires. Les recourants ne remettent pas en cause ces difficultés. Elles ont d’ailleurs été prises en compte dans l’appréciation globale effectuée par la CPR, commission composée de membres spécialisés dans l’évaluation des besoins de pédagogie spécialisée. En l’absence d’éléments justifiant de s’écarter de la recommandation des spécialistes, la chambre de céans suivra celle-ci.
Au vu de ce qui précède, la décision querellée ne viole pas la loi ni ne procède d’un abus du pouvoir d’appréciation de l’autorité intimée.
Le recours sera ainsi rejeté.
3. Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera prélevé (art. 87 al. 1 LPA ; art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu son issue, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 11 juillet 2025 par A______ et B______, agissant pour leur fils mineur C______ , contre la décision de l’office de l’enfance et de la jeunesse – secrétariat de la pédagogie spécialisée du 4 juillet 2025 ;
au fond :
le rejette ;
dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;
dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession des recourants, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;
communique le présent arrêt à A______ et B______ ainsi qu'à l'office de l'enfance et de la jeunesse - service de la pédagogie spécialisée.
Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Florence KRAUSKOPF, Patrick CHENAUX, juges.
Au nom de la chambre administrative :
| la greffière-juriste :
S. HÜSLER ENZ
|
| le président siégeant :
J.-M. VERNIORY |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
| Genève, le
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| la greffière :
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